Home » Habilitation » Disputatio

Disputatio

Résumé des arguments et réponses aux appréciations de Monsieur Bruno DURIEZ, rapporteur du premier dossier HDR.

1. Monsieur Dominique Triaire, directeur de publication aux presses de la Méditerranée,

certifie (vendredi 26/09/09) que je dispose d’un projet concret de publication, ce qui est davantage qu’un manuscrit, et le projet est évoqué dans le mémoire : titre : L’Allemagne de l’Est (1949-1989). Religion et politique en mutation, Presses Universitaires de la Méditerranée, Montpellier, Résumé : «Umwandlung in Deutschland : Atheismus, Säkularisierung und neue religiöse Bewegungen» «Die Kirchen : weder Geisel noch Hemmschuh des Regimes».

2. Ce livre dépasse la monographie de la RDA, de la situation culturelle et cultuelle des nouveaux Länder allemands ; il pose les questions des rapports entre les Etats et les Eglises et il aborde la dimension sociologique des rites et des mythes, permettant aux religions traditionnelles mais aussi aux religions séculières et aux religions civiles d’inculquer et de transmettre des valeurs et des comportements. Il refuse tout nominalisme et tout essentialisme en leur préférant la méthode de la typologie des parcours identitaires des adhérents, leur capacité d’adhésion d’indifférence ou de défection. Il permet ainsi de construire l’approche sociologique du fait religieux dans l’université.

3. La mise en forme du livre s’est faite conjointement au travail de recherche comparative récent mené en complément des articles et recherches menées auparavant et exposées dans les deux tomes de publications jointe au dossier de HDR en 2008.

31. en complément du premier tome : la sociologie et à la géographie rurales, spécialement à travers la solidarité par le travail dans les coopératives de production, sur la démocratie en RDA et sur la protection de l’environnement, je travaille sur les risques actuels de la société post-industrielle et l’application des règles de prévention en écologie. Je participe en novembre au colloque de Tour : « sociologie et justice en rural : la protection de l’eau et du patrimoine : intervention de l’Etat régionalisé». (novembre 2009) Travail d’enquête avec l’agence Adour Garonne (en cours) et la région Midi-Pyrénées ».

32. Ce champ de la sociologie comparative comprend plusieurs études publiées dans Allemagne d’aujourd’hui, et dans la Revue d’études comparatives. J’ouvre la réflexion sur la protection de l’environnement et sur les représentations des divers acteurs en présence. Une conférence à Berlin, dans le cadre d’Erasmus m’a fait abordé l’impact de la rumeur dans le cas du procès d’AZF, exposé également fait l’an dernier à Darmstadt.

33. En complément du second tome du dossier d’habilitation je présente d’un article à comité de lecture, Archives de sciences sociales des religions: proposé le 28 sept), « Czestochowa, évolution du catholicisme polonais entre communisme et mondialisation », proposition adressée en septembre et jointe au dossier en octobre (16 p.)

Ma participation au XXXème Congrès international SISR, St Jacques de Compostelle : STS11 : Revendications identitaires de nature religieuse, obstacle ou chance pour l’intégration civique : Article en cours de modification pour proposer à une revue « Pour une typologie de parcours « religieux » identitaires », 15p.

34. J’ai participé au séminaire Mobilité et Réseaux (travail collectif CIRAD-IRD-FRE 3027 – MTE en 2009), en lien avec l’axe 4 : pouvoirs publics et associations culturelles, 15 pages. A Montpellier : Séminaire, ART Dev 21 avril : communication pour l’Axe 3 de l’UMR, « Mobilités, réseaux, interfaces » « Réseaux religieux et laïcité : quelles définitions des territoires ».

35. Ma participation au séminaire de l’IRPALL (UTM) 2009, suite à la réflexion menée dans le cadre de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (Comité de recherche 2): «Les objecteurs de conscience en RDA, mouvement pour la paix et patriotisme » et « Les cercles de silence », Colloque d’Istanbul (AISLF, 2008).

4. Ces publications ou contributions à des colloques montrent la possibilité pour un sociologue, lui-même impliqué dans la réalité étudiée, de mener à bien une démarche sociologique au niveau international pour approfondir le sujet de la laïcité. Je donne la parole à certains acteurs politiques sans les commenter, sans reprendre leurs propos à mon compte. Si le pluralisme religieux représente alors aujourd’hui une série de défis complexes pour les communautés, les autorités publiques, les chercheurs et groupes religieux1 il est possible (et nécessaire) de formuler les formes diverses de compromis, de ne pas voir la seule minorité d’adeptes appartenant aux religions traditionnelles qui basculent dans des formes de contestation radicales de la société moderne, dans des formes de croyances archaïques, dans des croisades et des guerres  » saintes « , mais ceux qui cherchent des postures d’adaptation et des compromis. La posture du chercheur est de donne la parole à certains acteurs sans les commenter, dans un premier temps. Il n’est pas question de poser une seule alternative pour les sciences sociales entre d’un côté, les gardiens de la neutralité axiologique retranchés dans la tour d’ivoire de la Science et de l’autre, la sociologie initiée par Pierre Bourdieu s’avançant, à la fin de sa carrière, sur les terres du militantisme. La neutralité axiologique de Max WEBER fait sans cesse référence à plusieurs niveaux d’analyse: le travail d’objectivation est de poser des hypothèses et de parler d’un lieu précis, sans forcément avoir à s’expliquer sur sa position personnelle : il suffit de donner les arguments permettant de valider telle hypothèse, même si ce n’est pas la sienne. Cette la neutralité est aussi obligatoire dans les cours à l’université ; elle est liée à la déontologie de l’enseignant. Elle n’empêche pas d’orienter les étudiants de licence ou de Master vers des sujets que Michel Wieviorka appelle de zone sale2. L’engagement peut aller de pair avec l’honnêteté de faire parler les positionnements différents.

Le sujet de la laïcité est un bon exemple et il suppose que l’on donne la parole à plusieurs positions tenant à des définitions du terme parfois imprécis : il impose d’analyser les acceptions des autorités et de ceux qui les contestent, sans imposer de hiérarchie dans la juxtaposition de propos qui sont parfois contradictoires, devant les étudiants, ou pour un article. C’est au lecteur (à l’étudiant) de se positionner ou de se situer dans une lecture qui est toujours interprétative et qui peut changer en fonction des événements. C’est cela qui peut orienter les étudiants en recherche : la mise à distance par rapport aux sentiments et à son objet d’étude : je l’ai encore dernièrement expérimenté avec un travail de Master1 : Master Genre & Frontières, Migrations Ville Education (Les mineurs non accompagnés – MINAs) dans les centres d’accueil en Espagne). Je l’ai appliqué dans le cadre d’un autre travail de M1 sur la construction des mosquées à Toulouse.

Les individus sont soumis à des déterminations sociales, socio-historiques : le pourcentage de chances d’être catholique n’était sans doute pas le même à Dresde ou à Cracovie il y a 50 ans. Mais beaucoup d’entre eux ont transgressé ces déterminations, se sont convertis d’une religion à une autre, ou sont devenus « mécréants »,… grâce à l’obtention de la liberté de conscience et à l’émergence de la laïcité. Cela vaut aussi pour les marxistes en RDA qui n’ont pu, longtemps, ni imposer, ni adhérer à une religion séculière rigide.

Les notions de pureté rituelle de péché ou de faute, d’interdit et de licite intéressent moins le sociologue que les effets que ces notions impliquent sur les individus : le port du voile, le type d’alimentation ou d’hygiène recommandé ou prohibé, la construction des mosquées ou l’aménagement des Eglises sont des sujet qui m’intéressent car ils sont les reflets de l’évolution des comportements des groupes sociaux, car ils sont des lieux où observer les prises de parole des responsables, des « porte paroles », de personnes légitimement ou non habilitées à orienter l’évolution des comportements. La démarche vise à prendre en compte

les motivations de l’action et les possibilités d’émancipation ou le refus des discriminations, le changement d’assignation identitaire. La fréquentation (comme observateur participant du Service incroyance et foi (SIF) de certains groupes Ichtus ou de paroisses catholique, de congrégations religieuses ou de mouvements chrétiens est un terrain très large qui permet d’éviter tout essentialisme et de comprendre les enjeux de certaines luttes cultuelles, idéologiques, doctrinales et sociales dans le champ politique, comme les Cercles de silence ou les Fêtes de la foi, le mouvement Pro-choix. La position de classe n’est plus tenue pour une variable suffisante pour expliquer les conduites et la subjectivité des acteurs ; les parcours individuels, les appartenances culturelles, le sexe, l’âge forment un ensemble de « variables », de facteurs entre lesquels l’individu compose et, d’une certaine manière, où il acquiert son identité.

La fréquentation du séminaire du CADIS et les échanges avec le groupe de Montpellier m’a mieux fait comprendre la fin de la modernité, la fin de l’Etat-nation-R.D.A. et la globalisation ; mais aussi l’émergence du sujet, la citoyenneté, le rapport à l’autorité pour la constitution des identités et la structuration des groupes sociaux. D’où l’intérêt aux biographies, aux typologies, reflets des conversions ou des fidélités.

5. Il faut préciser si, et en quoi, la sociologie a pour vocation de contribuer à plus de justice sociale et de démocratie. Mes observations en RDA dans le contexte du Marxisme, abordé comme religion séculière a montré que la discipline était instrumentalisée pour cautionner, légitimer un régime. Les débats sur l’autonomie des universités en France, tenus avec des collègues communistes ou d’extrême gauche et plus particulièrement dans le contexte du campus du Mirail ont montré également que certaines utilisations de la sociologie ont servi de paravent à des prises de positions qui peuvent être jugée extra-démocratique dans leur modalité (mes réflexions sur la démocratie d’opinion, sur la discussion s’oriente selon la méthode de la sociologie de la connaissance ou des travaux de J. Habermas « la théorie de l’agir communicationnel » mais montre la difficulté de débattre de ces problèmes. De même les prises de positions dans les débats sur les sectes ou les différentes positions des catholiques polonais à propos de choix éthiques ou dans certains sujets de morale sont toujours délicates : c’est le travail du sociologue de préciser du cadre législatif, des règlements en vigueur et des écarts par rapport à la règle. Cela me fait privilégier l’approche qualitative, l’analyse de contenu et l’observation participante, afin de diversifier les sources et les contacts (voir plus loin). Le sociologue, est toujours impliqué dans la réalité étudiée, il est observateur et acteur mais se doit de respecter la distance à l’objet d’étude. Sa démarche sociologique sedoit d’être consciente de sa méthode : le champ de la sociologie du fait religieux n’est pas beaucoup plus complexe que celui du travail, de la famille ou de l’identité professionnelle.

5. animé des équipes d’étudiants pour des travaux de recherche. Mes directions de recherche pour coordonner des travaux d’équipes de collègues.

5.2 – les textes de la thèse standardisation – mécanisation division du travail (la méthode comparative impose de comparer terme à terme les institutions, le système social et les représentations des divers acteurs du champ social.

Une autre question est de savoir si les pressions des acteurs influents et si les nouveaux outils de la communication modifient les règles démocratiques et sapent l’autorité3. Le sociologue chercheur est aussi un citoyen qui a ses propres positions et préférences, mais il n’a pas à les communiquer explicitement. Il peut, par l’observation participante descendre de sa position de surplomb pour côtoyer les divers acteurs ; pour cela il lui faut clarifier les conditions que doit remplir les entretiens aborder les diverses critiques en les évaluant positivement par rapport à leur impact dans l’espace public afin de voir quels effets politiques ils produisent.

6. L’approche des textes de la littérature est-allemande. Trois approches quantitatives ont été menées en parallèle avec des cours de méthodes quantitative. L’expérience de l’enquête avec les étudiants de Varsovie et les religieuses ou clercs des paroisses polonaises dans les années 1982 à 1983. L’étude de l’appartenance confessionnelle dans une dizaine de lycées toulousains (classes de terminales et de premières) et une approche de la lecture de la loi sur la pêche en eau douce et la coopération de la collecte et du dépouillement des questionnaires lors de l’Enquête sur le Collège unique réalisé par François Dubet pour la Ministre de l’éducation nationale en 1999. L’étude du contenu de la loi pêche et de certaines revues halieutiques en 1990 – 1991 la justice et les sanctions des infractions par rapport à la législation sur la pollution des eaux. Sinon la majorité de mes recherches portaient sur l’analyse de contenu d’ouvrages ou d’entretien avec les méthodes qualitatives : Prof Heine Institut d’Asie et d’Afrique m’a invité à deux occasions à Berlin dans le cadre d’échanges Erasmus, pour exposer de la visibilité de l’islam de et en France dans un contexte où les Musulmans allemands (et Turcs) se revendiquent aussi de la Oumma, mais ont d’autres particularités sociologiques qu’en France, d’autres institutions proches des Conseils régionaux

du culte musulmans français et un autre contexte de laïcité4. Les échanges aves des collègues du Maghreb ou d’Europe centrale aux colloques de la SISR (Zagreb, Leipzig et St Jacques de Compostelle) où j’ai animé l’atelier sur les religions interrogées par la violence, sur la laïcité, (postures d’athée, d’inculture ou d’ignorance) et la transmission de la religion entre les générations).

Un conseil m’a été donné, à la lecture de mon dossier d’HDR, de ne pas intégrer d’élément des cours sur les méthodes qualitatives : SO 008 et SO 012. La méthode « l’analyse de contenu » de documents peut être développée par une présentation succincte des méthodes utilisées. L’observation participante semble être utilisée de façon très variable, selon les sujets. L’herméneutique, l’analyse des entretiens, les méthodes utilisées par DUBARD, RICOEUR, GREIMAS ou Rolland BARTHES : un poème et un discours politique n’ont pas la même logique qu’un discours amoureux, la recherche l’être aimé, la quête du Graal: cela permet de confronter le sermon d’un curé ou d’un pasteur et le discours politique de candidats à la présidence de la République (cf.: la fréquence des mots, les items dans leur valence positive ou négatives les silences ou priorités).

6. Mon approche et mes analyses du protestantisme, du catholicisme et de l’islam, dans le cadre de la laïcité française et de la sécularisation allemande montre une évolution des thèmes de recherche, du fait que les techniques de procréation, les rapports à la mort (l’acharnement thérapeutique : les rites de passage que sont les enterrements et l’incinération évoluent avec les croyances dans l’au-delà quels que soient les dogmes en présence, dans le culte chrétien ou musulman). Les derniers travaux sur les pèlerinages ou la construction des lieux de culte sont également dans le sens d’un approfondissement.

Jean Baubérot précise cette posture quand il écrit une histoire du christianisme5 : il aborde le fait que le texte, abordant à la fois culte et culture, foi et civilisation, sans réductionnisme, dans ses dimensions religieuse, politique et culturelle. Le défi peut être surmonté grâce à la pratique d’un « agnosticisme méthodologique ». Il ne s’agit pas de se demander si le discours des interviewés est « vrai » ou faux », « de la même manière qu’un médecin qui examine un accidenté de la route ne cherche pas à savoir s’il s’agit de l’auteur de l’accident ou de la victime d’un chauffard. Le raisonnement sur la prédestination ou le purgatoire, les indulgences ont pu avoir un sens. Le lecteur chrétien de cet ouvrage comprenne mieux les anticléricaux; que le lecteur athée, musulman, taoïste comprenne ses contemporains

chrétiens ». Ainsi s’agit-il d’être lu et compris d’un maximum de personnes. Je souhaite être maître d’oeuvre de la réponse à un appel d’offre mettant en relation des partenaires du Ministère de la Justice, le Conseil régional Midi-Pyrénées, l’Académie de la Haute-Garonne et diverses associations régionales sur l’enseignement à distance de personnes en situation de handicap et la prévention à la récidive de détenus

Passer du coq gaulois comme symbole de la religion séculière à l’âne de Buridan (symbole de la toute puissance de Ywh pour un sépharade « orthodoxe » est un moyen d’intéresser des étudiants de premier cycle à des cultures que beaucoup ignorent : les interdit alimentaires concernant les poissons au Vietnam ou en Pologne sont parfois culturels et parfois religieux. La thèse consacrée à l’élevage industriel et l’enquête menée sur les revues halieutiques en France (PIREN) puis dans les rivières polluées de RDA m’a obligé à étudier diverses sortes de poisson, mais aussi le regard des AAPP (associations de pêche et de pisciculture) et la possibilité pour les pêcheurs amateurs ou organisés de porter plainte pour infraction à la loi sur l’eau ou l’action des chaires de théologie (à Wittenberg ou Leipzig) pour contester la pollution en RDA.

La suprématie de la discipline sociologique n’a pas réponse à tout et elle se refuse d’aborder certains thème sous l’angle d’une révélation : il faut voir comment elle aborde d’un autre point de vue les sujets dont parlent (qu’étudient) la théologie comme les sciences politiques. Le scientisme ou le rationalisme n’ont pas davantage réponse à tout6. René Rémond a ainsi étudié le lien entre la droite, l’extrême droite et le catholicisme, mais aussi les liens entre le PCF, la JOCF ou l’approche diverse que font des mêmes textes doctrinaux les revues comme Ichtus et celle du CCFD : l’analyse de contenu de Témoignage chrétien ou La Croix, du pèlerin ou de la Vie permettent de montrer la hiérarchie des valeurs à partir d’un même sujet de société ; ouvrir le panel à des revues allemandes et polonaises est le moyen de relativiser plus encore l’essentialisme ou le discours doctrinal et de mettre en lumière ce qui fait sens pour les acteurs sociaux, désormais confrontés à de nouveaux acteurs musulmans.

7. L’herméneutique suppose qu’une interprétation des textes est possible si l’on précise leur production : la lecture marxiste de la Bible, l’approche qu’en fait Eugen Drewermann en leur comparant les contes de Perrault, ou l’étude du Coran que font Mohamed Arkoun et A. Meddeb peuvent compléter un commentaire dominicain de l’école biblique de Jérusalem ou les critiques marxistes de textes du Capital (Cf. l’abandon des croyances au Père Noël comme exemple d’étude sociologique qui initie aux « dissonances cognitives » sans imposition doctrinale dans un contexte de laïcité. Jean BAUBEROT du GSRL présente une autre position que celle des marxistes de diverses tendances. Mon expérience personnelle est l’adaptation de ces méthodes en fonction des étudiants présents dans les Travaux dirigés de Licence ou de Master. La présentation des divers points de vue en présence afin de traiter symétriquement les acteurs qu’ils étudient, sans imputer a priori plus de poids à tel argument ou à telle ressource dans le débat, suppose un principe de neutralité religieuse et politique. Le sociologue est amené, en vertu du principe de symétrie, à prêter une égale attention aux voix de personnes marginalisées ou minoritaires, et aux raisons des responsables des institutions, afin d’analyser les controverses en cours, avec le recul de l’histoire, souvent en faisant connaître d’autres auteurs et les fondateurs de la sociologie et en évitant les arguments d’autorité.

7. Le sociologue peut-il mettre alors mettre sur le même plan diverses disciplines, la géographie, l’économie (et à fortiori la théologie, non reconnue en France comme une discipline rigoureuse) ? Confronter diverses disciplines les mettre en dialogue n’est pas supposer une supériorité (un impérialisme de l’une sur l’autre) ; pas davantage céder au relativisme. Est-ce davantage qu’un joueur de foot est musulman ou israélite. Le joueur de foot musulman ou évangélique, le boulanger catholique ou polonais, le sociologue français et allemand ont parfois des attitudes semblables, parfois spécifiques :la variable religieuse n’est qu’une dimension qui n’assigne jamais à un type de comportement (que ce soit pour le vote ou la pratique matrimoniale, mais Weber a bien cherché la congruence entre éthique protestante et esprit du capitalisme : j’ai voulu dans mon livre dépasser un essentialisme confessionnel a-historique même si depuis plus de vingt ans je réfléchis sur le fait d’être protestant en RDA en RFA ou en France, comme d’être catholique dans ces 3 pays et en Pologne. Ma posture est chaque fois de construire des typologies, ce que j’écris dans mon rapport page La dimension religieuse, une variable : elle peut changer, elle peut faire évoluer elle peut influencer la pratique professionnelle ou conjugale.

La théologie est l’échange d’arguments sur le dogme : or les encycliques des papes changent de contenus comme les programmes des partis communiste ou socialiste et l’analyse de contenu rend compte d’une évolution de la société comme d’un changement des institutions en présence. Dans un échange d’arguments, il est nécessaire de se mettre sur le même plan, mais ensuite il est nécessaire de situer son approche et de montrer les diversités de contenu des concepts (ou définitions employées) et les méthodes. Ni supériorité, ni infériorité, l’échange se fait sur deux plans différents. L’expert n’a en théorie pas à être au service d’un pouvoir, inféodé à la politique : cela veut dire n’en pas parler. Le concept de religion doit se construire, comme celui de la mobilité sociale, souvent en lien avec celle-ci. Ainsi certains thèmes sont porteurs: les rites de passage, les représentations ou appartenances religieuses. Ils rencontrent les institutions comme la Halde ou les associations dont le but est de « Porter une attention particulière aux victimes » comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), et débouche sur la politique de l’égalité des chances, sur les effets supposés ou pervers de la discrimination positive ou « tout simplement sur l’égalité des droits ». L’expert n’a pas forcément à dire quelle est sa préférence, mais à argumenter sur les raisons de formuler le problème et les enjeux.

Le débat entre Jürgen Habermas et le Cardinal Ratzinger à Ratisbonne a suscité des réactions de collègues qui ironisaient : comment peut-on parler de quelque chose qui n’existe pas. Cela renvoie à la querelle sur le sexe des anges alors que les barbares sont aux portes ! Le sociologue peut aussi aborder l’intérêt de débattre sur la virginité de Marie, que l’on considère qu’elle est un personnage historique ou mythique ! Cependant lors de rencontre de groupe d’amitié islamo-chrétien (GAIC) ou des amis de l’amitié judéo-chrétienne, le seul point de vue (neutre et agnostique du sociologue – qui ne connaît pas Dieu sous son stylo, mais essaie de comprendre les effets de ces croyances sur les acteurs sociaux – que cela soit perçu comme des fausses croyances ou des arguments situés sur un autre terrain) un minimum de culture coranique, juive et protestante s’impose afin de connaître les positions, pour éviter des provocations ou des maladresses. Mais je me rends compte que certaines expositions présentent des œuvres d’art et débattent sur le diable ou sur les sorciers ; écouter ce que les interviewés pensent des anges, djins ou autre forces surnaturelles permet (parfois) de comprendre ce qui mobilise les énergies, stimule la volonté de sortir d’une situation inextricable, incite à la mobilité sociale, géographique ou professionnelle, avec l’empathie indispensable à la compréhension, première étape pour l’explication (Verstehen et non erklären). Ainsi le diable qui relativise la responsabilité d’un détenu de longue peine et lui permet de penser qu’il n’est pas entièrement « mauvais ou coupable », mais peut entamer une procédure de « conversion » ou d’insertion sociale. Le sociologue, avec le psychologue et l’ethnologue peut aborder ces thèmes pour en voir des fantasmes et des peurs, ou aborder les croyances des individus dans les conséquences que celles-ci engendrent sur les comportements humains. Ainsi également le refus de la transfusion du sang chez les témoins de Jéhowa : je peux comprendre sans excuser la responsabilité des individus ou des parents, ensuite, le procès pour « non assistance en personne en danger » est un fait de société. Ainsi j’ai étudié en R.D.A. les rites de passage de l’adolescence ou la participation à des manifestations écologiques à Leipzig avant la chute du Mur de Berlin ou la marche contestation des chiffres des élections communales comme autant de faits significatifs d’un changement de société. Le enquête réalisée entre 2003 et 2005 dans une dizaine de lycées de l’académie de Toulouse, sur le thème de la laïcité et de la citoyenneté visait à préciser comment les jeunes lycéens perçoivent aujourd’hui la laïcité dans l’école (ou dans la société), leur croyances et opinions avant le Bac. Comment aussi l’institution scolaire peut- faciliter une parole diversifiée, qui permette de préciser les clivages qui différencient les divers acteurs concernés à propos de la signification de la laïcité dans l’école publique et dans des établissements privés confessionnels sous contrat. Les démarches effectuées auprès d’écoles qui enseignent l’islam n’ont pas abouti à donner un nombre significatif et ne constituent pas un échantillon représentatif ; elles devaient être traitées à part, dans une thèse de Javad JAVID7.

Il s’agit donc de comprendre les arguments des divers interlocuteurs, ce qui suppose une connaissance de la culture, des présupposés dogmatiques, la croyance, pour certains en une tradition, un destin ou une révélation. La sociologie de la connaissance suppose toujours une écoute et une interprétation des mentalités de ses interlocuteurs et l’attention à ce qui peut être un changement de regard. Un des exemple préféré abordé en cours est le travail sur « l’abandon de la croyance au père Noël » : «La représentation est un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation8». Le processus d’abandon des croyances et de désillusion, comme le retour à une conviction abandonnée (les « recommençant catholiques ») est un processus cognitif que le sociologue peut aborder en lien avec le psychologue dans des enquêtes précises ; je l’ai abordé à travers des entretiens avec des responsable de l’armée populaire de RDA, un membre de la Stasi et des communistes convaincus, inscrits au PDS. Le port du voile chez certaines jeunes filles musulmanes qui n’y sont pas contraintes mais qui « instrumentalisent le fichu ou le foulard » comme signe identitaire et affirmation politique peut être analysé avec des collègues de sciences politiques et toujours dans une perspective historique : une critique sociologique « interne à l’islam », constructive et néanmoins neutre fait entrer l’ijtihad dans le raisonnement: ainsi j’ai refusé de valider un devoir de Master sur la construction d’une mosquée à Toulouse tant qu’il mettait en exergue une seule phrase du coran sans ajouter aussi une citation du Ministre des cultes français sur la laïcité. La réflexivité sociologique, est comme toute action intellectuelle difficile à théoriser. Ainsi il est nécessaire de définir le processus pédagogique qui est tantôt d’émanciper, de dénoncer sans faire pression sur l’auditoire ou le lecteur, d’informer mais aussi de communiquer. En raison de leurs trajectoires sociales et de leur position, les étudiants apportent des hypothèses qu’ils doivent vérifier, ce qui suppose une compréhension partielle des mécanismes sociaux qu’ils entendent étudier. S’il y a souvent une part d’aveuglement, d’intuition et de préjugé il débouche sur l’articulation bourdieusienne entre sociologie et action politique: cette articulation n’est finalement rendue viable qu’à condition d’aborder la question avec le projet d’objectiver l’ensemble des rapports sociaux, y compris sa propre place dans ces rapports. Souhaitant que la sociologie du fait religieux soit davantage reconnue et enseignée au Mirail, je donne un enseignement sur l’approche sociologique de la religion pour les étudiants de sociologie de premier cycle. Ce cours aborde les auteurs classiques et fondateurs de la sociologie (Marx, Weber et Durkheim) ; pose la question de la définition en France et en Europe des mouvements sectaires et des nouveaux mouvements religieux et la spécificité de laïcité française9. Le Plan de ce cours de 4 heures (50 pages pour le SED) peut être élargi pour un cours de 12 et 24 heures en intégrant les recherches faites depuis à l’AISLF, SISR et AFSR. Cet enseignement, prolongé pour des étudiants de Master, puisqu’il y a une demande, dans le cadre de l’anthropologie urbaine ou de la mobilité sociale, peut être davantage étayé et donner lieu à des échanges avec l’université Humboldt de Berlin et bientôt de Munich. Il ouvre de larges champs théoriques et empiriques.

1 Colloque de la Société internationale des sociologues des religions (SISR), Saint Jacques de Compostelle, Juillet 2009, « Le défi du pluralisme religieux ».

2 « Un sociologue sous tension« , Paris, Aux lieux d’être, p 70

3 Alain BESANÇON, Trois tentations dans l’Église, Paris, Perrin (tempus) 1999, Chap. 1.

4 Jean BAUBEROT: Laïcité 1905-2005, Entre Passion et raison, Médecine, école : Laïcisation et sécularisation Seuil 2004, p. 54.

5 Christianisme, E.J.L., 2008, p.8.

6 Rémy BRAGUE, « Le Dieu des chrétiens », Flammarion, 2008, ou Paul VEYNE, « Quand notre monde est devenu chrétien », (312 – 394) Albin Michel, 2007 interpelle l’idéologie en présence.

7 « Etre croyant dans une société laïque », Septembre 2005, Paris 5, 561 p

8Gérald BRONNER, «Contribution à une théorie de l’abandon des croyances : la fin du père Noël », Cahiers internationaux de sociologie, Vol. CXVI 2004, p 125, (à la suite des travaux de Raymond BOUDON, « L’art de se persuader »Paris, Fayard 1990

9 Jean BAUBEROT, Petite histoire du christianisme, Librio, EPHE, 2008, 92 p.