Home » Sociologie du fait religieux » Recherches en cours » Les réseaux dans la (dé)construction des territoires

Les réseaux dans la (dé)construction des territoires

Benoît PETIT
Maître de conférences
Département de sociologie
Université Toulouse 2-Le Mirail
F – 31058 – TOULOUSE CEDEX 1
bpetit@univ-tlse2.fr

Les réseaux dans la (dé)construction des territoires

Séminaire de travail collectif CIRAD-IRD-FRE 3027 MTE,

Jeudi 11 décembre 2008, Montpellier

« Réseaux religieux et laïcité : quelles définitions des territoires »

Axe 3 de l’UMR, « Mobilités, réseaux, interfaces ».

Lien  avec les thèmes « Conflictualités, affiliations identitaires, laïcité / citoyenneté ».

Les modalités de gestion du pluralisme religieux dans la sphère publique française concernent de multiples réseaux et des associations à caractère religieux ou ayant des affinités confessionnelles. L’observation des relations interreligieuses et la mise en scène d’une pluralité religieuse coopérative révèlent les transformations actuelles ; le cadre de cette étude est le territoire de Toulouse depuis quelques années, mais l’approche thématique permet d’élargir la monographie tant elle inclut l’approche de situations très diverses. La manifestation d’échanges et de réflexions, sous le couvert ou en présence d’autorités publiques, locales ou régionales, dans l’espace laïque de la cité, présente un environnement juridique et politique qui reste spécifique à la France(1), du fait de son histoire, mais la mondialisation apporte de nouvelles données. Le déplacement des populations déstructure en effet les habitudes anciennes, ouvre à la concurrence entre les divers acteurs en présence (2), en déplaçant les frontières du pays et même de l’Europe.

Ainsi la croisade des pasteurs prophètes, les relais de prêtres noirs dans les Eglises européennes, les Eglises musulmanes indépendantes sont autant de signes de la recomposition des échanges, que ce soit à l’intérieur de chaque confession ou entre elles, avec l’apparition de réseaux transnationaux ou d’internet(3). Ces phénomènes témoignent de l’hétérogénéité, de la scissiparité et parfois du syncrétisme des groupes religieux, qui manifestent le bricolage théorique et pratique, signe de la post-modernité.

1. Le cadre national français définit un espace symbolique doublement distinct : le domaine privé n’est pas l’espace public, les responsabilités des acteurs politiques et religieux sont spécifiques. – La laïcité fait des convictions religieuses un domaine privé. La Constitution ne connait aucun culte, mais reconnaît que chaque citoyen est libre de choisir la confession de son choix, libre de changer de religion ou de n’en point avoir, enfin de s’exprimer sans provocation sur la scène publique, dans un paysage culturel ouvert à de multiples confessions, églises ou associations.

Les autorités locales entretiennent avec les autorités religieuses des relations diverses pour gérer, encadrer les multiples manifestations à caractère religieux qui rendent visibles les convictions et les actions des communautés particulières. La déconnexion de plus en plus avérée entre confessions et territoires signifie le découplage entre l’appartenance nationale, régionale et l’appartenance religieuse ; entre l’origine familiale, culturelle ou sociale et l’adhésion à une Eglise. La recomposition du paysage religieux français voit, sinon la fin du monopole des diverses obédiences chrétiennes, du moins leur mise en concurrence avec des partenaires comme l’islam ou les Nouveaux mouvements religieux. Des manifestations à caractère religieux, non financées par les pouvoirs publics, mais parfois dans les bâtiments des communautés urbaines, à Toulouse et à sa périphérie, et parfois organisées par ceux-ci, en présence des responsables politiques qui soutiennent ou initient ces manifestations pluri-religieuses. Ces débats interreligieux ou ces projets sont censés favoriser la connaissance des divers partenaires de confessions diverses par la mise en relation, ponctuelles ou régulières, de réseaux multiples.

L’existence de tels débats publics suppose des modes de régulation et des procédures réunissant divers « porte-paroles » reconnus et légitimes ; du même coup il y a une théâtralisation et une légitimation de ces instances. L’hypothèse est que les divers acteurs gagnent à faire reconnaître leur identité culturelle pour entrer en dialogue afin de permettre une meilleure connaissance et une plus grande visibilité dans la sphère publique ; même si cela peut entraîner des réactions de rejet au sein de chaque communauté ou entre elles. La diversité des rites et des représentations cultuelles n’incite pas toujours au dialogue, du fait des limites que posent les susceptibilités culturelles, au sein même de chaque Eglise, et les affrontements doctrinaux qui ne sont pas du ressort des autorités administratives. Les réseaux véhiculent implicitement ou explicitement, soutiennent, défendent des particularismes ou diffusent parfois des imprécisions dans des termes appartenant à des champs disciplinaires multiples. Divers champs professionnels sont concernés (santé, éducation, social), il s’agit d’analyser les conditions stratégies des acteurs, lorsqu’ils mettent en avant leur particularisme religieux, car le dialogue suppose une connaissance des autres confessions et la reconnaissance de l’autre1. Ainsi le sociologue doit savoir discerner comment les responsables religieux et politiques abordent la concurrence et la complémentarité de ces associations, de leurs réseaux, dans l’espace public et semi-public2.

1 « ..les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » (Constitution de l’UNESCO)

2 Liliane Voye, « Sociologie et religions », Kadoc-Studies 23, Louvain 1999,  Jaak Billiet, Sociologie et religions figures de rencontre, p 23

Ce qui se joue, c’est entre autres, la formation du vivre ensemble dans une société laïque, les limites implicite de la liberté d’expression, la socialisation (ou la transmission d’une mémoire, propre à ces communautés de croyances, qui véhiculent souvent des affirmations ou des préjugés, à l’intérieur des confessions comme à propos des autres confessions) et la cohabitation de groupes ayant des identités

multiples3. La difficulté de gérer certaines manifestations ou l’inquiétude devant des débordements d’activistes peut amener une partie de la population à un refus de dialogue ou à l’erreur de procéder par nominalisme ou culturalisme dans l’approche de ces phénomènes. En effet, il est tentant, mais faux et dangereux, de généraliser le comportement de tels groupes en fonction des expériences du passé ou de la pratique de groupes appartenant à des courants confessionnels proches.

3 Pour le catholicisme voir par exp. Danièle Hervieu-Leger, « la fin d’un monde », Bayard, 2008

4 Nathalie LUCA (CNRS, CEIFR EHESS) « Nouveaux mouvements religieux et courants transnationaux », « Entre l’ethnie et la secte : les dérives de l’essentialisme », Archives des Sc. Sociales des Religions, N° 143, sept. 2008, pp 235 – 251

5 http://www.directivedelahonte.org/

6 Pierre Henry, « Immigration: sagesse républicaine et ambition européenne », France Terre d’Asile, 09/07/2008,  http://www.rue89.com/2008/09/09/asile-en-europe-cest-deux-poids-deux-mesures

La prise en compte des minorités et l’apparition de groupes mal connus, de nouveaux venus, de groupes intégristes ou de minorités actives posent question autant aux responsables des Eglises qu’aux responsables politiques. L’approche de l’Etat (à travers ses autorités locales) ne peut entrer dans les considérations théologiques, mais ne peut ignorer les tensions ou différences dans le comportement des groupes. Des rapports gouvernementaux comme ceux de la MIDILUVES ont montré la difficulté qu’ont les gouvernements à intervenir en Europe pour prévenir les dérives de certains réseaux qui outrepassent les législations en vigueur4.

La volonté des gouvernements au niveau national comme au niveau européen, de contrôler ceux qui sont désirables et ceux qui sont indésirables, le désir de filtrer, trier, recenser et garder en mémoire ces mouvements, interrogent la conception que l’on se fait de la mobilité et de la démocratie. La question des flux migratoires révèle toutes les ambiguïtés de l’intégration européenne. La suppression des contrôles aux frontières et la reconnaissance de la citoyenneté européenne traduisent d’un côté l’esprit libéral de l’UE, où la libre circulation des personnes est bien réelle. Mais cette politique d’ouverture est toute relative ; l’assouplissement des frontières intérieures s’est accompagné d’une plus grande rigidité des frontières extérieures, comme en témoignent les mesures de la directive retour, appelée par ses opposants « directive de la honte » 5 votée par le parlement européen le 18 juin 2008, puis soumise à l’adoption formelle du Conseil des ministres de l’Union le 8 décembre 2008, à la veille de la célébration du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme. Pour certains, l’accord politique européen, intervenu à Cannes en 2008, est jugé « déséquilibré, sans souffle et sans véritable ambition nouvelle » et « s’inscrit dans une logique européenne du repli identitaire et du cumul des égoïsmes »6. De nombreux réseaux, ONG, syndicats ou Eglises, se sont mobilisés pour demander aux responsables européens de rejeter un texte qui banalise et généralise une politique d’internement et d’expulsion des migrants en Europe. D’autres font pression pour rendre ces mesures encore plus effectives.

Cette diversité de lecture fait l’objet de débats et contestations, et constitue un défi pour les sociétés contemporaines. De nombreux chercheurs se disent préoccupés à propos des implications de certaines pratiques sur les libertés contemporaines, que ce soit en ce qui concerne la circulation des personnes, leur droit, leur liberté et leur désir de mouvement à l’échelle internationale, ou la possibilité de pouvoir rester sur place7. La possibilité de décliner des quotas selon les grandes régions de provenance des flux migratoires serait inconciliable avec la conception française des droits de l’homme qui doivent s’appliquer de manière universelle, sans distinction de nationalité, de religion ou d’appartenance à un groupe minoritaire. « Dans le domaine des migrations, plaider pour une Europe protectrice, cela devrait dire instaurer un régime d’asile européen fondé sur une application intégrale et globale de la Convention de Genève, harmoniser les conditions d’exercice du droit d’asile sur la base de standards de protection élevés et favoriser l’intégration des réfugiés. L’appesantissement de la surveillance, au nom de la prévention, s’opérationnalise dans des contrôles a priori s’appuyant sur des logiques de suspicion et vise des groupes particuliers. La sénatrice Marie-Christine Blandin, ancienne présidente de la région Nord Pas de Calais, signale en revanche l’importance, pour le développement d’une région précise, de l’apport des migrants sur l’économie8 ; cet apport est également patent en Midi-Pyrénées.

7 Cultures & Conflits, 68. Circulation et archipels de l’exception, hiver 2007, Ss la direction de Didier Bigo

8 « Migration et solidarités internationales », avec Michelle Guillon, FIG, Saint-Dié des Vosges, Octobre 2008

9 Dieu a fait son retour dans les sociétés européennes grâce aux musulmans Robert Albarèdes, Riposte Laique, n° 69, 8 décembre 2008, ironise et critique la posture du cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le 27 / 11 à la faculté de théologie de Naples, qui se demande : « comment a fait Dieu pour revenir dans nos sociétés ? »

10 Ces défis et les réponses qu’ils suscitent sont les thèmes de la 30ème Conférence de la SISR (Société Internationale de Sociologie des Religions)- Saint Jacques de Compostelle : 27-31 juillet 2009 : Promouvoir la sociologie des religions sur Les défis du pluralisme religieux N° 33 de Network/Réseau.  http://soc.kuleuven.be/ceso/sisr/fr/reseau/index.htm

Plutôt que d’étudier la manière dont les religions s’adaptent au pluralisme religieux ou de refuser toute présence de « pensée magique supposée superstitieuse » dans l’espace laïque9, il s’agit d’aborder la manière dont les sociétés contemporaines y répondent, précisément grâce à l’existence des réseaux et des associations qui forment l’interstice entre l’individu et la société globale. Qu’ils s’agissent du défi des mariages interreligieux pour les individus et les familles ou des menaces prétendues ou réelles que cette diversité religieuse représente pour l’identité nationale, ou pour la considération le pluralisme religieux appelle de manière croissante des réponses diverses, par le fait que les gouvernements et les autorités locales doivent de plus en plus gérer des demandes conflictuelles venant des groupes religieux et non-religieux, par le traitement juridique des organisations religieuses, par l’importance croissante d’une demande de formation professionnelle en matière religieuse, enfin par les mutations du rôle des groupes religieux et de leur présence dans la sphère politique10.

2. La mobilité sociale et géographique entraîne le dépassement des territoires traditionnels.

La multiplication des profils des personnes en déplacement et la diversité des phénomènes migratoires transforment les réseaux d’appartenance, les types de circulation et les processus d’inter-connaissance ou d’intégration des individus. Les réseaux traditionnels sont nombreux et spécifiques à chaque confession, que ce soit dans le christianisme comme dans l’islam11 ; d’autres s’autonomisent, s’affranchissent par rapport à leur groupe d’appartenance12. Les questions méthodologiques ne manquent pas ; la première d’entre elles concerne l’appellation que ces groupes se donnent ou qui leur est donnée, car la figure du migrant ne peut être figée, ni définie statistiquement. En effet les ressortissants étrangers sont difficilement comptabilisés, du fait des définitions juridiques des résidents qui ont des visas de durée et de statuts différents ; ils sont touristes, étudiants, commerçants,… mais la loi (surtout lorsqu’elle change rapidement) produit des sans papiers, clandestins ou des personnes qui jouent sur divers statuts. Distinguer entre les diverses formes de mobilité par la place des individus au sein des sociétés, des communautés, associations ou organisations permet d’observer plusieurs postures qui sont à la base de comportements et d’ajustements, soit dans la tension, soit dans l’ignorance, soit dans une action concertée pour le dialogue des civilisations, ou pour la préparation à la paix et à convivialité13. Pour analyser comment les réseaux permettent l’interconnaissance et la coexistence par la synergie entre eux, plutôt que le conflit ou l’ignorance entre des acteurs caractérisés par leur composition pluraliste, il faut considérer les divers profils des personnes en déplacement. Ainsi la typologie qui permet de distinguer quatre figures très différentes ( le transit, le nomadisme, les diasporas ou le métissage ) montre que les réseaux spécifiques ne favorisent pas toujours les interconnections.

11 Mais aussi bien sûr dans des réseaux non confessionnels comme le Réseau Education Sans frontière, la Ligue des Droits de l’Homme etc.

12 Abdennour Bidar, « L’islam sans soumission: pour un existentialisme musulman », Albin Michel, 2008 après  « Self islam », A. Michel

13 Balas Marie, « San ‘Edigio, diplomatie et religion, un pluralisme sans conflit », in terrains.revue.org, n° 51, septembre 2008, « la gestion des conflits religieux ».

14 Michel WIEVIORKA, « L’intégration, un concept en difficulté » Cahiers internationaux de Sociologie, Vol. CXXV [221-240], 2008, ici p 235.

La posture la plus fugace est la personne en transit. Ainsi, « la France a découvert avec étonnement que de nombreux migrants en provenance du Moyen-Orient ne voulaient que transiter sur son territoire pour se rendre en Scandinavie ou au Royaume-Uni – c’est ainsi que la Croix-Rouge a ouvert en 1999, puis a dû fermer en 2002 à la demande du ministre de l’Intérieur son centre de Sangatte, à proximité de l’entrée du tunnel sous la Manche – centre qui a accueilli des milliers de candidats au transit. Pour ce type de migration, l’idée d’une politique d’intégration, quelle qu’elle soit, est absurde. Le problème des migrants est de pouvoir traverser le pays concerné dans les moins mauvaises conditions ».14

Le nomadisme décrit d’autres cas, lorsque les migrants circulent : ils se définissent « par leur mobilité qui les fait aller et venir dans un espace plurinational…/… Avec l’“offensive migratoire” du IIIe millénaire, la question de l’urbanisation du monde contemporain se trouve posée en des termes qui remettent en cause la distinction classique entre sédentarité et nomadisme. La superfluidité, c’est du mouvement endigué et canalisé à la fois, l’excès étant laissé en suspens et rendu captif à des fins de tri. »15  Certains réseaux profitent du trafic des êtres humains, avec tous les drames que cela engendre, d’autres produisent de l’entraide et de la solidarité. Les réseaux qui profitent des espoirs souvent irréalistes d’un meilleur niveau de vie, ceux qui organisent les déplacements, ou ceux qui viennent en aide aux migrants se distinguent autant par les motifs d’intervention, les moyens plus ou moins légaux mis en œuvre que par les ramifications sociales concernées. Les technologies et les architectures de frontière prolifèrent autour et au-delà des murs du contrôle migratoire. Ces technologies ont pour but de trier, effacer, enfermer, ralentir ; de séparer ce qui a potentiellement de la valeur de ce qui n’en a pas ; d’ériger des frontières à l’intérieur et autour des Etats et des individus. »16

15 Courrier international, n° 941, 19 novembre 2008, p 43

16 Angela Mitropoulos et Bryan Finoki, Mute, Londres, Courrier international, n° 941, 19 nov. 2008, p 42

17 A. Tarrius, La mondialisation par le bas, Paris, Balland, 2002

18 Michel WIEVIORKA, OP. CIT. P. 236

Dans les diasporas , les demandes se font dans un espace à la fois politique et géopolitique qui ne correspond qu’en partie à l‘espace national du pays considéré ; certaines populations se déplacent constamment entre d’innombrables lieux, ou dans des circuits plus ou moins stables, telles ces « fourmis » décrites par Alain Tarrius17, qui se livrent aux échanges de la « mondialisation  par le  bas » D’autres effectuent des allers-retours entre deux points,  d’autres sont des travailleurs saisonniers etc. « Les logiques diasporiques n’excluent pas la circulation, voire le nomadisme, mais elles ne l’impliquent pas nécessairement. Par contre, elles accordent une grande place à tout ce qui est fonctionnement en réseau, à une échelle inter- ou supranationale. Comment tenir compte, dans des politiques qui se veulent d’intégration et de socialisation, de ces phénomènes diasporiques, qui peuvent véhiculer des demandes culturelles, ou mémorielles particulières ? »18 Les acteurs attendent plutôt des politiques de tolérance, ils ne demandent pas leur inscription dans des dispositifs institutionnels, et ne se sentent guère concernés les débats sur le multiculturalisme, mais les questions nombreuses se posent à ceux qui se demandent comment éduquer des enfants dont les familles sont nomades. Les acteurs en  diaspora s’organisent dans des réseaux qui tendent plutôt à privilégier les demandes se font « dans un espace à la fois politique et géopolitique qui ne correspond qu’en partie à l‘espace national du pays considéré ».

Enfin, ceux qui parlent de métissage culturel ont tendance à valoriser les phénomènes de créolisation, d’hybridation « c’est aller à l’encontre de tout ce qui fige les cultures, voire qui les stabilise, c’est créer les conditions de la rencontre, c’est par conséquent s’écarter du multiculturalisme, qui a besoin, comme dispositif institutionnel de reconnaissance juridique et politique des identités, de traiter des minorités

clairement délimitées. »19 Beaucoup privilégient la mobilité à la sédentarité, ce qui complique les divers objectifs des pouvoirs publics, partagés, souvent, entre le souci de légitimer une action visant la sécurité, de promouvoir les contrôles, parfois de jouer sur la peur des différences plutôt que de faciliter la cohésion des groupes qui tentent de vivre dans le même espace, avec des statuts très différents, avec des projets inégaux. Divers sociologues signalent ce paradoxe : l’acceptation d’une humanité dispersée, fragmentée, multiplie les politiques d’enfermement. La fragmentation, le morcèlement et la segmentation de l’espace interrogent les définitions que les autorités civiles comme religieuses se font devant l’éclatement des équilibres traditionnels qu’avait déjà théorisé Emile Durkheim entre la société et la communauté (Gesellschaft, Gemeinschaft), que se soit pour définir l’identité des personnes ou pour réfléchir sur  les processus d’intégrations des minorités. Nous assistons, au début de ce IIIe millénaire, « à l’émergence d’une forme absolument inconnue d’exterritorialisation du potentiel humain susceptible d’interdire bientôt toute possibilité d’un quelconque potentiel urbain… Faisant ainsi l’impasse sur le droit du sol de la géopolitique comme sur la persistance historique des sites, la révolution de l’emport viendrait parachever celle des transports, la révolution des transmissions aboutissant à (un nouveau) PLANISPHÈRE interactif »20. Les réseaux sont alors, selon les cas, perçus différemment comme facteur d’unité, d’accompagnement ou d’aide à la mobilité et à l’insertion. Les manières de vivre spécifiques dans l’espace public oscillent entre assimilation et perte d’identité ou repli sur une forme traditionnelle rêvée d’un particularisme culturel chaque fois reconstruit.

19 Michel WIEVIORKA OP. CIT. P. 237

20  Paul Virilio « Bientôt 1 milliard de migrants » Exodes, Courrier international, n° 941, 19 nov. 2008

21 Henry Bakis, « L’observatoire des territoires numériques », Netcom, vol. 22, N° 3 – 4, 2008 TIC et développement durable

22 Bakis, http://alors .univ-montp3.fr tttp///hbgeo.over-blog.com/rubrique / references.

3. Quels exemples d’interconnexions entre particularismes et mondialisation ?

Trois types de connexions entre associations, organisations et réseaux peuvent être distingués qui révèlent comment internet permet des changements, comment des manifestations interreligieuses mobilisent divers réseaux et comment les communautés se transforment.

L’appropriation des technologies de l’information et de la communication (TIC) induit de nouvelles accessibilités aux entreprises et aux institutions qui font l’objet de nombreux travaux21, mais il faut approfondir l’appropriation des TIC par les minorités régionales, religieuses ou ethniques, ou par les minorités culturelles (entre autres linguistique)22. La banalisation des usages d’Internet suscite des usages professionnels nouveaux mais aussi des appropriations par les individus, les communautés religieuses. Cela les renforcent et parfois les déstructurent.

La mondialisation fait sauter les frontières nationales et les limites de l’espace. Ils auraient 10.000 ramifications et « avec ‘internet’ il faudrait encore plus prêter attention ». Mais comment faut-il comprendre l’émotion des Église instituées23, qui voient d’un œil critique les concurrents potentiels, de courants plus ou moins proches24. Les postures de l’observateur imprégné de « neutralité axiologique », montrent les difficultés qu’il y a de définir une religion aujourd’hui : (comme une association exemptée d’impôt, comme un réseau d’influences disposant d’un moyen de pression sur les autorités ?), par rapport à  une secte ; la définition pratique, mettant en jeu diverses législations, se complique dans les conséquences entre le relativisme culturel et le refus du nominalisme ou du culturalisme. L’« évidement progressif du rôle de l’Église »25  et les débats concernant les mineurs victimes de groupes qualifiés par les autres de sectes interpellent les États européens, dans leur politique de prévention ou de contrôle : ils ont les moyens de vérifier les comptes des associations et d’effectuer un contrôle fiscal, en cas d’irrégularités26. Dès le début des années quatre vingt une succession de rapports nationaux ou du Parlement ou du Conseil de l’Europe s’inquiètent de certaines dérives de mouvements religieux récemment arrivés sur le Continent (comme la Société pour la Méditation Transcendantale ou la Soka Gakkai). « Ils se voient reprocher leur omniprésence contraire à la compartimentation sectorielle des sociétés européennes modernes ou, au contraire, leur capacité à isoler leurs adhérents et à les encadrer au sein d’une structure rigide, autorégulée et autosuffisante ». Face aux associations « de victimes » qui s’organisent en groupe de pression, d’autres associations défendent le principe de liberté de conscience et se disent attaquées dans la liberté d’expression, de penser ou de croyance, dès que l’on en appelle à une instance de contrôle. Ce phénomène, en forte expansion, émerge dans une société en pleine mutation, qui voit tous ses repères vaciller et qui est en recherche de sens ; la demande est particulièrement forte et se manifeste dans ce que l’on appelle les nouveaux mouvements religieux27. D’autres encore signa lent les réseaux mafieux pour la contrebande ou le blanchiment d’argent.

23 catholiques mais aussi évangéliques ou protestantes cf le N° spécial de Réforme sur les sectes, n° commun avec Témoignage Chrétien sur “les nouvelles règles et l’autorité ou la tradition, 6 – 01 – 03

24 J-P BARQUON, « La liberté religieuse en débat, Secte ou Église: le poids des maux ! », Signes des temps, 1 – 2000, pp 8-11

25 Françoise CHAMPION, « Sectes et démocratie », Paris, Seuil, 1999; « La laïcité face aux affirmations identitaires ». in Sciences humaines hors-série n° 39, Déc. 2002/janv.-fév. 2003, p.12.

26 En France l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu contre les sectes (Unadfi) et la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)

27 Nathalie LUCA, « Un regard sur les études portant sur les nouveaux mouvements religieux », Arch. des sc. Soc. Des relig. (vol. 46, n°2 de juin 1999),

« Internet et les télévisions satellitaires ont peu à peu distendu les liens traditionnels entre les religions et leurs territoires d’origine… Pour qu’un produit soit accessible partout et au plus grand nombre, il faut qu’il soit standardisé. S’il est trop identifié à une culture donnée, il ne se vendra pas en dehors de cette culture. D’où le phénomène de déculturation. La connexion entre marqueur culturel et marqueur

religieux devient flottante, instable. Le lien traditionnel entre une religion et une culture s’efface : un Algérien n’est plus forcément musulman, un Russe orthodoxe, un Polonais catholique… Cette mobilité des marqueurs religieux n’est donc pas une conséquence de l’immigration. Elle se produit aussi sur place, grâce à des contacts directs par Internet »28.

28 Olivier Roy, « Les religions à l’épreuve de la mondialisation », le Monde, 21.12.08, et La Sainte Ignorance, Seuil, 276 p., Aujourd’hui, les produits religieux circulent et les religions ne s’arrêtent plus aux frontières.

29 Benoît PETIT, « Trois mosquées à Toulouse : entre relégation ou visibilité d’un islam français » Bordeaux, 11-13 Juin 2008

30 Les cahiers de sécurité intérieure. 2006. n°62. «  La gestion locale de l’islam ».

31 Lamine Sophie, « Constructions identitaires et altérité, publicisation des appartenances, reconnaissance et conflictualités », Social compas, et .

32 « Les grandes célébrations œcuméniques, pendant la Semaine de Prière pour l’Unité, sont très importantes parce qu’elles offrent l’opportunité de rencontrer des fidèles d’une tradition différente../… Au niveau de notre église, nous sommes une créature hybride. Nos racines sont dans le sol de l’Eglise Catholique de Rome, mais notre église est aussi enfant de la Réforme. Donc nous faisons un pont entre les catholiques et les protestants. » Charles WW Howard, RN, aumônier de l’Eglise Anglicane de Midi-Pyrénées et de l’Aude  Foi et Vie, déc. 2008, p 20.

33 (anciennement appelé le simulteneum), Pour Philippe Molac, délégué diocésain à l’œcuménisme, « le Vendredi Saint … les chrétiens sont aussi invités à une prière commune à la cathédrale », Foi et vie, déc. 2008 p. 21 des échanges de prêches sont habituellement prévus entre communautés lors de la semaine pour l’unité des chrétiens

Les divers lieux de culte sont de bons observatoires de ces marqueurs d’identité que peuvent encore représenter l’appartenance religieuse et permettent de construire une typologie des procédures avec les autorités publiques et les comportements des autres confessions à chaque implantation nouvelle.29 Pour Claire Golembert « le local constitue non seulement le niveau privilégié de la rencontre et de la négociation entre la puissance publique et l’islam, mais encore l’espace par excellence dans lequel s’invente au jour le jour les normes et principes d’action publique ».30 Celle-ci permet aux groupes de se rendre visibles dans l’espace public, d’affirmer une identité multiple, sans forcément entrer en conflit avec d’autres groupes.31 Ainsi le dialogue œcuménique se manifeste parfois par des échanges ou hospitalité32 des lieux de culte ; « avec l’internationalisation des grandes entreprises, la communion anglicane s’accroît rapidement. Une église plus grande, Notre-Dame de l’Assomption, lui a été prêtée pour accueillir l’Eucharistie du dimanche, la Sunday School et la chorale »33; ainsi, les projets proposés par leurs responsables ou par les porte-paroles mandatés par le groupe sont contrôlés et encadrés. Il convient alors de s’interroger sur le processus de construction des normes sur la responsabilité des différents acteurs susceptibles de produire ces nouvelles normes et sur les leaders qui émergent à ces occasions. La responsabilité respective des acteurs politiques, des médias, des architectes-urbanistes, des promoteurs suppose que l’on précise les critères de la performativité des discours des experts scientifiques ou politiques – géographes et aménageurs – qui participent à la « normalisation des périphéries ». L’historien Jean Baubérot, entre autres, ne pense pas qu’il faille changer la loi sur le financement des lieux de culte ; « les demandes faites par ceux qui souhaitent des

remaniements peuvent trouver leur solution dans la loi et l’interprétation souple qui en a été faite pendant tout ce siècle. Les débats peuvent partir des travaux de la commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, qui  préconise un « toilettage » de la loi de 1905 portant sur la séparation des Eglises et de l’Etat34 ; elle précise qu’il est possible de trouver des améliorations consensuelles sans tomber dans des particularismes qui nuiraient à la cohérence de la société, par des exceptions enfermant les minorités dans un communautarisme nuisant au modèle républicain.35 Mais par ailleurs, dans les sociétés modernes, certaines règles sociales – considérées comme neutres – induisent des discriminations indirectes. Ainsi, des commerçants, qui fermeront leurs boutiques le vendredi soir et le samedi, seront désavantagés par une fermeture obligatoire le dimanche. Les migrants récents ne sont pas les seuls concernés car les progrès techniques et technologiques dans le domaine médical, scientifique, agroalimentaire, environnemental, etc. soulèvent des questions éthiques importantes. Les autorités religieuses apportent leurs propres réponses, les soumettent à d’autres à l’intérieur de la communauté, puis les confrontent à l’analyse d’autres responsables  spécialistes de ces questions. D’autres sujets touchent aux familles monoparentales, recomposées ou de couples mixtes ; ils rencontrent également le chômage, la précarité, la dépendance des personnes âgées ou déplacés.

34 « Le rapport Machelon préconise le financement public des lieux de culte », Le Monde, 21.09.06 la commission mise en place en novembre 2005 par le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, et présidée par Jean-Pierre Machelon, a rendu son rapport, le 20 septembre 2008, voir aussi Jean Baubérot: « La prise en compte de caractéristiques culturelles favoriserait la participation à la sphère publique.» et Réforme3257 du 2008-01-31

35 « Laïcité 1905-2005, entre passion et raison« , Le Seuil, 2004

36 Ainsi à Jasna Gora, ville mariale en Pologne, les pèlerins étaient au nombre de 4 à 5 millions, dont environ 100.000 venus de l’étranger. La ville de Lourdes serait une des premières destinations touristiques de France (après Paris –avec 9 millions de visiteurs pas an) colloque de Lourdes septembre 2008.

37 Cf. le site des frères franciscains ou de la pastorale des Migrants (plus de 80 « cercles de silence » sont organisés en France, chaque jeudi ou mardi du mois selon les villes)  http://www.franciscainstoulouse.fr/frame.htm ou Témoignage chrétien, Mars 2008.

La figure des mouvements spirituels s’exprime et se comprend souvent dans un cadre historique, car, à coté de l’aspect religieux, il convient de mentionner le caractère éminemment politique, parfois nationale, parfois supranationale que la mémoire populaire mêle à ces lieux (espace symbolique profondément ancré dans la mémoire collective d’une partie de la population). Ainsi l’organisation des pèlerinages constitue un phénomène religieux et social d’ampleur mondiale, comme  quelque soient les différents systèmes politiques qui régissent les pays.36

D’autres actions plus militantes visent à organiser des mouvements de défense des migrants, dans une conjoncture politique difficile. La coordination de multiples réseaux de la société civile œuvrant auprès des migrants37, alors que montent les tensions sociales, veut montrer qu’il est possible de dégager des solutions moins rigoureuses que celles qui prévalent actuellement. Dans un pays qui se dit soucieux de promouvoir les droits de l’homme certains espèrent « dans le contexte de la crise

économique qui grossit, un signe d’apaisement »38. Ainsi les « cercles de silence » protestent contre l’enfermement des étrangers dans les centres de rétention administrative, marquent la solidarité avec les « sans papiers » internés avant leur expulsion et désapprouvent l’internement de personnes, parfois en situation régulière ou le coût des procédures. Les procédures distinctes et complexes (le placement en rétention est contestable devant le Juge des Libertés qui a 48 heures pour se prononcer ; l’arrêté de reconduite à la frontière -ou l’obligation de quitter le territoire- se conteste devant le Tribunal Administratif) sont de faibles moyens pour freiner une politique volontariste de quota.

38 comme le demande Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade, au nouveau ministre de l’Immigration, Réforme, N°3300 18 December 2008

39 M. Wieviorka et Gérard Noiriel, « Immigration antisémitisme et racisme en France », Fayard, Paris, 2006, et Wieviorka, « La violence », Hachette, Pluriel, Paris, 2005, pp 291 – 301, la culture et la personnalité spec. p. 100 la crise des institutions républicaines

40  Mary André, « Africanité et christianité, une interaction première », Archives des Sciences Sociales des Religions, N° 143, sept. 2008, p 11

Pour Michel Wieviorka, « le cosmopolitisme peut entraîner un repli, une fermeture des groupes humains sur eux-mêmes. La globalisation n’implique pas forcément un déclin de la place des Etats nations mais une redéfinition de leur rôle qui peut être analysé du point de vue de la société ou de l’acteur. Le paradigme de l’intégration est moins adapté pour faire face aux grands problèmes que constituent les phénomènes migratoires ou les différences culturelles et le modèle interprétatif qui valorise la subjectivité individuelle et collective. Ces questions sont surtout importantes lorsque les populations viennent d’horizons culturels différents. »39 La question consiste alors à relativiser toute approche encourageant les actions qui sous prétexte de discrimination positive développent un repli identitaire ou tentent de renforcer les particularismes visant à créer des groupes de pression politique. Les différences culturelles peuvent néanmoins mettre en lumière les particularités des communautés et les droits spécifiques, au nom du principe de l’équité et de la justice.

Les mouvements religieux sont alors à aborder avec de multiples outils, comme les biographies ou les trajectoires révélant les processus de sédentarisation ou les changements de mentalités entre les générations. Ainsi l’expérience que représente les « fêtes de la foi » de l’Eglise catholique romaine (qui chaque année en janvier quelques 130 personnes de 50 nationalités autour de l’archevêque) montre que le catholicisme n’est plus européen : il est passé de dix millions en 1900 à trois cent soixante millions en 2000 en Afrique et que l’Afrique et l’Amérique latine se disputent la tête de liste dans les prévisions des années à venir40. Le catholicisme n’est plus majoritaire dans le christianisme, mais le puzzle des 126 Eglises évangéliques et pentecôtistes présentent des statistiques très approximatives. Les réseaux se diversifient, les concurrences s’exacerbent, et il s’agit de comprendre et encadrer les échanges.

Les manifestations musulmanes autour des scouts musulmans , avec « la tente d’Abraham », les Relais Monde Musulman de la pastorale des migrants, les liens avec l’église catholique de France dans le

GAIC (Groupe d’amitié islamo-chrétien) ou le Centre Zaynab à Toulouse sont d’autres exemples qui tissent des liens d’échanges et qui sont attentifs aux manifestations internationales entre cultures ou religions, comme le festival de Fès qui est plus ou moins repris par les groupes locaux pour inspirer des moments constructeurs41.

41 cf. le dialogue entre  Abdelwahab Meddeb et Nadia Benjelloun, directrice du festival de musique sacrée de Fès ou, Premier forum de la paix en Méditerranée, à l’initiative des palestiniens, Forum de Lecce, 2008, émission Islam, FR2, 23 décembre 2008

42 « Gilles Bernheim veut être « la voix » du judaïsme de France », Anne-Bénédicte Hoffner, La Croix, Mardi 30 déc. 2008,

43 Wieviorka Michel et de Gérard NOIRIEL, « Immigration antisémitisme et racisme en France », Fayard, Paris, 2006

Les semaines de la culture juive dans l’espace communautaire Grinfogel est aussi devenu une institution fédérant lors des débats plusieurs réseaux religieux ou non. Autant la relation à l’autre exige de se connaître soi-même, autant le renforcement les liens des communautés est nécessaire, comme l’expose le nouveau Grand rabbin de France, qui a annoncé comme « innovation d’importance, un «conseil rabbinique français» composé de quinze rabbins représentant toutes les composantes du judaïsme « consistorial et orthodoxe ». Celui-ci sera chargé d’examiner les problèmes pratiques posés par la halakha, la loi juive. Beaucoup (de communautés juives) disparaissent dans des villes petites ou moyenne : les rabbins et enseignants parisiens seraient invités à passer « un, deux dimanches par an » dans une petite communauté, de sorte que celles-ci aussi aient des offices et accès à l’étude… et l’organisation de congrès rabbiniques devrait réunir les rabbins de France deux fois par an»42.

Les défis qui se posent au modèle républicain méritent d’être relevés pour permettre aux minorités de vivre sans perdre leur identité et sans se replier sur les particularismes exclusifs. Des réseaux permettent aux migrants de garder leur identité, tout en étant intégrés dans la communauté nationale. La conservation d’une identité spécifique, reposant sur une pratique religieuse, une fidélité à la mémoire menacée ou confrontée à diverses hostilités peut se faire en échappant à la pression communautariste. Souvent le dialogue et la compréhension entre les différentes composantes de la société française ne sont pas évidents, face à la perception négative du phénomène religieux, à la concurrence mémorielle, à l’antisémitisme ou à l’antisionisme43. Le partage des valeurs et de l’urgence face à la souffrance sociale impose de repenser la solidarité.