Massimo Leone

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Sémiotique de la vacuité

Les sémioticiens des cultures marchent sur des oeufs. Ils doivent établir le profil, et donc les limites, d’une civilisation ; déterminer et sélectionner des artefacts culturels en tant que textes d’une telle civilisation ; analyser ces textes afin de comprendre s’ils partagent un dénominateur commun en ce qui concerne un objet culturel particulier ; comprendre et décrire les traits structurels d’un tel dénominateur commun afin d’élaborer un schéma typologique qui pourrait ensuite être comparé avec ceux qui se référent à d’autres civilisations, leurs textes, et leurs conceptions et représentations du même objet culturel.

En d’autres termes, ils doivent construire une comparaison typologique de déterminations culturelles. Par conséquent, ils courent constamment le risque de déterminer les limites des civilisations de façon arbitraire, d’en extraire des textes de façon idiosyncratique afin de confirmer les hypothèses initiales et les préjugés du sémioticien dans un cercle vicieux herméneutique et de développer des typologies et des comparaisons qui forcent brutalement la complexité de l’histoire dans des schémas structuraux réductifs.

La sémiotique des cultures ne dispose pas encore d’une méthode souhaitable pour comparer des civilisations ; cette méthode doit être fabriquée par bricolage de trois traditions sémiotiques différentes : celle de Lotman (école de Moscou-Tartu) ; celle de
Greimas (sémiotique structurale), et celle de Peirce (sémiotique interprétative).

Cette option théorique sera présentée en relation à un cas d’étude et de comparaison spécifique : la sémiotique de la vacuité dans les cultures spirituelles chrétienne, islamique, et tantrique. En comparant des textes visuels (des diagrammes) issus de l’iconographie de l’hésychasme byzantin, de la calligraphie shiite, et des yantras du tantrisme indien, l’intervention essayera de répondre à la question suivante : comment les différentes cultures spirituelles évoquent par l’image l’idée de vacuité ? Est-il possible de dresser, par le biais de la sémiotique, une paradoxale typologie du vide ? Par quelle méthode de comparaison ?

Massimo Leone (massimo.leone@unito.it)
Università di Torino


Références bibliographiques
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