Michael Denning (né en 1954) est historien de la culture américaine, Professeur à l’université de Yale, aux Etats-Unis. Il a largement contribué à l’évolution des études américaines aux Etats-Unis en important les théories des Cultural Studies britanniques. Bien qu’ayant étudié en doctorat à Yale avec Fredric Jameson, son travail est sans doute davantage influencé par sa collaboration avec Stuart Hall au Centre for Contemporary Cultural Studies. En 2014, l’American Studies Association lui a décerné pour sa carrière le prix Bode-Pearson Prize for Outstanding Contributions to American Studies.

Nous l’avons sollicité en particulier pour son ouvrage phare, The Cultural Front, qui traite de « the laboring of American culture » (années 1930-40) et du Front Populaire d’un point de vue culturel. Ce livre comporte aussi bien un travail d’histoire sociale, syndicale, politique, et culturelle, que des analyses d’œuvres – littéraires (Dos Passos, roman prolétarien, théâtre…), musicales, cinématographiques. Pour aborder ensemble œuvres et histoire, Denning renoue avec le geste fondateur des cultural studies, depuis leurs origines au CCCS de Birmingham, jusqu’à Stuart Hall et Fredric Jameson avec qui Denning a travaillé. Certains chapitres abordent aussi de front la question de la théorie littéraire, artistique, et sociale. Autrement dit, cet ouvrage majeur présente des liens avec pratiquement tous les domaines des études américaines en France.

Dans son intervention lors de notre congrès, il évoquera ses plus récents travaux, notamment autour de son dernier ouvrage, Noise Uprising. Dans la même perspective interdisciplinaire que pour The Cultural Front, il s’agit d’un retour sur les origines de l’enregistrement commercial des musiques vernaculaires, voilà bientôt un siècle. L’événement, dans lequel des entreprises et des artistes implantés aux États-Unis jouent un rôle important, est néanmoins abordé comme un phénomène global, se déployant de façon transnationale entre un Atlantique noir, une Méditerranée gitane, et un Pacifique polynésien. L’auteur montre qu’il marque la véritable entrée de cultures musicales populaires en mutation, dans l’ère de la reproductibilité technique et de la commercialisation de masse, plusieurs décennies avant la pop « classique » d’après-guerre. Cette opération de décentrement vis-à-vis de la musique pop anglo-américaine nous met également sur la piste de la dimension politique de l’événement, préfigurant également l’après-guerre : dans ces œuvres, qui sont loin de constituer de pures marchandises coloniales, résonne un « bruit », en écho du mouvement anticolonial naissant.

Bibliographie :

– Noise Uprising: The Audiopolitics of a World Musical Revolution, Verso, 2015
– Culture in the Age of Three Worlds, Verso, 2004
– The Cultural Front: The Laboring of American Culture in the Twentieth Century, Verso, 1997
– Mechanic Accents: Dime Novels and Working Class Culture in America Mechanic Accents: Dime Novels and Working Class Culture in America, Haymarket, 1987
– Cover Stories: Narrative and Ideology in the British Spy Thriller, Routledge & Kegan Paul, 1987