La science des rêves et ses échos dans la peinture symboliste à la fin du XIXe en France

En France, au dernier tiers du XIXe siècle, la psychologie nouvellement extraite des études de philosophie commence à s’institutionnaliser. Dès ses origines, elle scinde son discours entre différentes écoles méthodologiques.

Pierre Puvis de Chavannes, Le rêve, 1883,  huile sur toile, 82 x 102 cm, Paris, musée d’Orsay

Parmi les objets d’étude objectifs de ces nouveaux scientifiques aux domaines d’origine variés (philosophie, médecine, psychiatrie, littérature…), on trouve le rêve. Toutefois, il reste encore un langage subjectif à interpréter pour bon nombre de personnes : les « clefs des songes » superstitieuses, qui abondent toujours au rayon des livres populaires, en témoignent. La psychanalyse, une nouvelle discipline thérapeutique et théorique venue de Vienne, qui s’apprête à importer la démarche empirique dans la subjectivité du rêve, et donc à se réclamer de la démarche scientifique, est quant à elle une illustration d’une volonté directe d’étudier objectivement la subjectivité. D’autres approches plus originales font du domaine onirique un territoire d’expérimentation concrète, comme en témoigne en 1867 la publication du livre du marquis Léon d’Hervey de Saint-Denys : Le rêve et les moyens de les diriger.

Henri-Alfred Darjou, illustration de couverture pour Le rêve et les moyens de les diriger, 1867, lithographie, Paris

À cette époque, le traitement de l’onirique dans la production picturale symboliste possède plus d’un point d’ancrage commun avec la science. Le symbolisme, courant aux limites brumeuses par excellence, manifeste pourtant une certaine unité dans son opposition à cette nouvelle civilisation industrielle dont la science triomphante est l’un des porte-étendards. On ne peut pourtant que constater la multiplicité des parallèles : le psychologue scientifique et le peintre symboliste cherchent tous deux des « correspondances » entre le palpable et l’impalpable (entre les lésions physiques et les troubles psychiques d’un côté et entre l’idée et la réalité de l’autre) ; l’anecdotique est repoussé au profit des problèmes fondamentaux de la vie (mort, nature, temps…) tant par le scientifique que le peintre symboliste ; enfin, il y a autant de démarches plastiques différentes chez les symbolistes que de méthodologies et de théories chez les scientifiques pour aborder un même objet d’étude.

C’est plutôt de sciences des rêves et de productions picturales symbolistes dont il faudrait parler ; les deux vont, chacun avec avec les moyens de leur art ou avec les outils de leur science, découvrir l’inconscient et le rendre manifeste à travers le sommeil et le rêve.

Sous la direction de Jean Nayrolles.

Odilon Redon, La vision (in Dans le rêve), 1879, lithographie, 27.3 x 19.7
cm, New York, MoMA