Gabriella SERBAN

Gabriella Serban est agrégée d’espagnol et doctorante au laboratoire LLA/CREATIS de l’Université Toulouse – Jean Jaurès. Elle rédige une thèse intitulée « Penser les masculinités au théâtre : approche sociocritique sur la génération théâtrale du tournant du siècle en Colombie », thématique qu’elle explore aussi dans sa pratique de metteuse en scène.

gabriella.serban@hotmail.fr

Pour citer cet article : Serban, Gabriella, « Marie désirante : une réappropriation blasphématoire du corps ou la mutation d’un fantasme masculin ? », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°10 « Représenter le désir féminin. Entre texte et image », été 2019, mis en ligne le 1er juillet, disponible sur <permalien>.

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Résumé

L’article présente la pièce de théâtre María es-tres de Fabio Rubiano qui affiche une dénonciation du potentiel excisant (néologisme proposé ici comme équivalent féminin de castrateur) de l’éternel féminin. La pièce est néanmoins paradigmatique d’une tendance à maintenir l’ambigüité entre un traitement du désir féminin de manière subversive et émancipatrice, et sa récupération par le plaisir érotique du regard masculin. Cette instabilité du sens, à la faveur de l’esthétique postdramatique, repose sur un rapport conflictuel entre le texte et l’image suggérée par les didascalies, qui peut grandement être infléchie selon les choix de mise en scène.

Mots-clés : Colombie – théâtre – littérature – genre – désir.

Abstract

This paper presents Fabio Rubiano’s play María es-tres, which denounces the excising potential (neologism proposed here as the female equivalent of “emasculating”) of the eternal feminine. Nevertheless, the piece is paradigmatic of a tendency to maintain the ambiguity between a subversive and empowering representation of female desire and its distortion for the erotic pleasure of the male gaze. This instability of meaning, owing to post-dramatic aesthetics, is based on a conflictual relation between text and image, suggested by the stage directions, and can be greatly influenced by the director’s choice.

Keywords: Colombia – theatre – literature – gender – desire.


Sommaire

Introduction
1. Trois Maries en insurrection contre leur histoire
2. De « non-sujet » à corps désirant
3. Une contradiction dans l’imagerie ? Le rôle de la mise en scène.
Notes
Bibliographie

Introduction

Le traitement esthétique de questions féministes donne facilement lieu à leur récupération en fantasmes masculins, tant l’imagerie androcentrée est persistante dans les représentations mentales. L’enjeu de cet article est de montrer la fragilité de ce point d’équilibre (entre subversion et renormalisation) et le potentiel décalage entre le texte et l’image à travers une étude de cas : la pièce de théâtre María es-tres de Fabio Rubiano écrite en 1991 et portée à la scène en 1992, inspirée et détournée d’un classique de la littérature hispanoaméricaine.

L’héritage biblique, notamment catholique, a fait du prénom « Marie » une antonomase de la femme angélique, au point qu’il constitue la base sur laquelle Eveylin P. Stevens développe le concept du « marianisme » en 1973[1]. Ce dernier repose sur la glorification d’un modèle féminin comme avatar de la Vierge : le modèle de la femme passive et pure qui se réalise en devenant mère. Cette idéalisation est nécessaire au machisme : modeste, pieuse, dévouée corps et âme à sa famille, abstinente, la « Marie » a le sens du sacrifice et c’est en cela que réside sa « supériorité ». Selon la chercheuse, machisme et marianisme sont ainsi les deux faces d’une même pièce, chacun ayant besoin de l’autre pour se légitimer.

L’un des avatars de la glorification de ce modèle est María, de l’auteur colombien Jorge Isaacs, paru en 1867, qui est aujourd’hui un classique de la littérature hispano-américaine. Ce roman raconte l’idylle des jeunes Efraín et María, dans un paysage pastoral de la région du Cauca. Le récit s’ouvre avec le retour d’Efraín après des années d’études au collège au sein de sa famille où il retrouve María qui est la fille adoptive de son père. Une idylle naît, mais leur bonheur est d’emblée assombri par l’annonce d’une fin tragique : la maladie mystérieuse de María, qui se manifeste sous forme de crises, la destine en effet à mourir prématurément. Le père d’Efraín enjoint donc son fils à tempérer son amour pour elle et à partir aussi vite que possible pour Londres, comme prévu initialement, afin de se consacrer à ses études. Néanmoins, le départ d’Efraín a au contraire pour conséquence d’aggraver la santé de María, au point de convaincre le jeune homme de revenir précipitamment, mais en vain : à son arrivée, María a déjà trépassé.

La haute qualité littéraire de l’œuvre fait consensus, au point de l’instituer en classique et donc d’en faire une étape traditionnelle du programme de littérature dans les écoles colombiennes. Pourtant, cet archétype du romantisme est généralement assez mal accueilli à l’époque contemporaine, notamment par les jeunes générations, que l’exaltation larmoyante et platonique des sentiments rend volontiers sceptique[2]. Ce relatif désaveu tient aussi aux récentes études qui mettent en avant l’idéologie sous-jacente de l’œuvre à tendance esclavagiste, machiste et antisémite, y compris dans son contexte historique, invitant à redoubler de vigilance pour son usage pédagogique[3].

En parallèle, la Colombie connait un tournant théâtral certain lors des années 1990 dont Fabio Rubiano est pionnier. Outre son ambition d’expérimentation formelle, perméable à la mixis de l’esthétique postdramatique, lui et son groupe, le Teatro Petra, s’intéressent aux thématiques de genre et de sexualité. Celles-ci avaient été relativement délaissées par les dramaturges de la génération précédente, notamment Santiago García ou Enrique Buenaventura qui, privilégiant une grille de lecture marxiste et brechtienne, n’envisageaient le genre qu’au sein du prisme englobant de la classe sociale. L’une des premières pièces du collectif qui attire l’attention est María es-tres qui consiste en une reprise et un détournement du roman de Jorge Isaac. María est désormais dotée non pas d’une mais de trois voix, ce qui permet le jeu de mot suggéré par le titre : le « es-tres » signifiant à la fois « est au nombre de trois » et, selon la lecture phonétique suggérée par le tiret : « stress ». Contrairement à l’original où Efraín racontait l’histoire, le projet est ici de révéler le point de vue de María et d’en présenter une version nouvelle, à rebours du modèle de l’éternel féminin et de l’esthétique romantique. L’enjeu de cet article est de mettre en avant l’une des quelques ambiguïtés esthétiques et politiques de cette réécriture dramatique, en soulignant notamment une contradiction entre le projet initial – qui affiche une revendication du droit au protagonisme et au désir féminins – et les images scéniques suggérées par les didascalies.

1. Trois Maries en insurrection contre leur histoire

Dans la version de Rubiano, María et Efraín sont ainsi respectivement divisés en trois personnages numérotés et le dialogue amoureux devient un texte polyphonique orchestré et chorégraphié avec précision. Les trois lits blancs qui font office de décors suggèrent que l’action se déroule à l’hôpital où María est sujette au délire de la fièvre ; on reconnaît en outre certaines des étapes clefs du roman. Pourtant, l’écriture dynamite la linéarité et la progression de l’action pour donner lieu à un jeu de thème et variation autour des événements les plus emblématiques du roman, contre lesquels les trois María tentent de se rebeller. Il est vrai que la structure de la pièce répond à première vue à la chronologie de l’original, commençant avec l’arrivée d’Efraín et s’achevant par la mort des trois María l’une après l’autre. Néanmoins, cette macrostructure fonctionne comme un trompe-l’œil tant les temporalités semblent en réalité se superposer. La dimension tragique, déjà présente dans l’original grâce à la tonalité élégiaque, est amplifiée par le fait que si María 1 semble être une nouvelle héroïne (et/ou nouvelle victime), María 2 et 3 connaissent déjà la fin de l’histoire et vont essayer d’en changer le cours. Elles la préviennent dès la première scène :

MARÍA 2 : […] Il arrive. […] Un homme.

MARÍA 3 : De la capitale. Il s’appelle Efraín.

MARÍA 2 : Tu as vécu avec lui étant petite…

MARÍA 3 : Le vrai fils de ceux qui sont à présent tes parents.

MARÍA 2 : Il t’aimera.

MARÍA 1 : Et moi ?

MARÍA 2 : Tu l’aimeras. […] Lui s’en ira […]

MARÍA 1 : Et si je veux qu’il reste ?

MARÍA 2 : Peut-être. Mais à part l’aimer, tu ne pourras rien faire.

MARÍA 1 : (Elle se crispe) Quelque chose me fait mal.

MARÍA 2 : Tu as déjà commencé. Tu es malade.

MARÍA 3 : Toutes les morts sont douloureuses.

MARÍA 2 : Même les morts d’amour[4].

L’omniprésence thématique de la mort tout au long de la pièce, plus qu’un simple augure tragique, fait partie des nombreux éléments qui parasitent la linéarité de l’action.  L’ordre chronologique des éléments est en effet régulièrement perturbé : le début de la fable réapparaît parfois de manière inopinée (à titre d’exemple, l’emblématique première phrase du roman « J’étais encore enfant lorsqu’on m’éloigna de la maison paternelle[5] » apparaît à la scène 10 de la pièce). Par ailleurs, et surtout, l’insertion d’épisodes étrangers au roman, mettant notamment en scène différentes rencontres et dialogues amoureux respectivement entre les membres du couple numéro 1 (María 1 et Efraín 1), ceux du numéro 2, puis du numéro 3, invitent à considérer les trois occurrences d’Efraín et de María dans leur épaisseur mythique et leur atemporalité. Si le premier couple pourrait initialement être considéré comme l’avatar le plus récent de l’original (aucun signe n’indique une usure ou une antériorité), les autres semblent en être les récurrences atemporelles. Des indices semblent en effet indiquer que les couples 2 et 3 se sont déjà rencontrés dans le passé, bien qu’Efraín ne reconnaisse pas María au premier abord. Les deuxièmes se rencontrent ainsi dans un parc et lorsque María aborde Efraín, ce dernier la prend pour une mendiante ; les troisièmes se croisent dans un couloir d’hôpital où Efraín est infirmier et María, une malade qui traverse le couloir pour aller aux toilettes. À chaque fois, María échoue à convaincre Efraín de rester, dans un contexte qui s’éloigne toujours davantage de l’imaginaire romantique de l’œuvre originale et qui prend une tonalité de plus en plus lugubre, assortie d’une dimension farcesque : dans le dernier cas, María échoue même à convaincre Efraín de l’accompagner aux toilettes. En cela, l’écriture rubianienne esthétise la dimension mythique des deux amants mais en la présentant sur le mode de la dégénérescence, voire du pourrissement, faisant en cela écho à la maladie de María. Cette dernière, cherchant à lutter contre ce processus, est de plus en plus exaspérée d’être prisonnière de ce prénom-destin, et du lourd héritage d’« iconisation » excisant qu’il suppose.

Ce néologisme mérite d’être expliqué. Nous proposons ici le terme d’excisant pour désigner les divers processus visant à restreindre les manifestations de « féminité », permettant ainsi une limitation de la puissance des femmes, notamment en pathologisant l’émotion et le plaisir. Il nous est en effet apparu qu’il manquait un équivalent féminin au terme « castrateur » pour désigner les processus corrigeant les « excès de féminité » alors que les traitements en ce sens ont historiquement été (et sont toujours pour certains) bien plus systémiques, incluant non seulement l’excision mais également la lobotomie, les électrochocs ou les médicamentations lénifiante pour traiter « l’hystérie ». La création de l’imaginaire de « l’hystérique » pourrait en cela être le contre-modèle interdépendant de l’apaisante figure marianiste, contribuant ainsi à la domestication des femmes. Le terme excisant présente l’avantage de rendre manifeste la préservation de la fonction reproductrice, et donc la réduction de la femme à la maternité. Le terme d’excisant présente des imperfections – il faudra notamment envisager les implications éthiques de l’employer métaphoriquement alors que sa mise en œuvre littérale est encore monnaie courante. Pourtant, la diffusion de l’idée qu’il désigne contribuerait non seulement à visibiliser le processus mais également à réhabiliter une certaine sémiotique associée au féminin.

María es-tres dénonce ainsi l’idéal marianiste, en revendiquant plus précisément le plaisir et le protagonisme pour l’héroïne :

MARÍA 1 : À quoi me sert-il d’être belle, à quoi me sert-il d’aimer, de me repentir, de prier. Pourquoi suis-je sainte, pure, malade, obéissante ?

MARÍA 3 : Parce que tu es María.

MARÍA 1 : María où ça, en quoi ? Selon quel maudit ordre ? Je veux rêver que je me mets nue et que je cours ainsi à travers le Paradis proclamant tout mon amour.

MARÍA 2 : Avec un tel prénom, tu ne peux pas parler de nudité.

MARÍA 3 : Nue, tu t’appellerais autrement.

MARÍA 1 : Oui. María est un nom de femme vêtue (elles s’appellent) María…

MARÍA 2 : María…

MARÍA 3 : María…[6]

2. De « non-sujet » à corps désirant

Dans la citation précédente, le désir de liberté de María pourrait encore correspondre à un idéal classique – la femme nue au Paradis est toujours compatible avec l’image angélique ; mais cela est de moins en moins le cas au fur et à mesure qu’avance la pièce. Ce transfert était à l’origine du projet selon l’auteur : « Le point de départ a été clair : dans notre œuvre, la femme virginale ne serait plus objet de vénération mais sujet d’action[7] ». Cette réhabilitation est similaire à celle que Marie Carani appelait de ses vœux, après avoir rappelé que, dans l’histoire de l’art, la femme avait essentiellement été :

« […] un non-sujet, c’est-à-dire un simple objet de désir paré des attributs physiques (corporels) et des attitudes (psychologiques) qui l’ont rendue toujours attrayante et désirable pour le regard voyeuriste de l’homme-spectateur[8] ».

María va en effet peu à peu s’extraire du modèle figé et lyrique du roman pour devenir non seulement le sujet de l’action, mais surtout pour advenir comme corps tangible, corps acteur, et notamment corps désirant. La revendication de corporéité est déjà manifeste dans l’écriture de la pièce, notamment à travers une insistance sur les manifestations physiologiques de la maladie, de la mort et du désir qui étaient constamment euphémisées par le discours romantique dans l’œuvre originale. En effet, dans cette dernière, la poésie de la description de María consistait largement en une retenue maximale de toutes les manifestations de la maladie, notamment de ses sécrétions, notamment à l’article de la mort : « […] Le front contracté révélait une souffrance insupportable, et une légère sueur humidifiait ses tempes : de ses yeux fermés avaient tenté de jaillir des larmes qui brillaient figées sur les cils[9] ». Ces quelques gouttes semblables à la rosée qui se cristallisent au coin de cils de María contrastent singulièrement avec les symptômes de maladie que décrivent les María de Rubiano dès les premières scènes de la pièce :

MARÍA 1 : Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

MARÍA 2 : Ce qui t’arrive toujours.

MARÍA 3 : Tu commences à pâlir au point que ton visage devient mort comme la cire.

MARÍA 2 : Puis tes yeux se révulsent, tu bats de la langue et laisses la salive couler le long de ton cou.

MARÍA 3 : Tu dis quatre ou cinq phrases décousues.

MARÍA 2 : Tu vomis, tout ton corps devient rigide. Tu respires étouffée par la bave et à la fin tu t’évanouis[10].

La mention tout au long de la pièce des différentes émanations liées à la maladie bouscule l’imagerie romantique. Or, ils sont de plus en plus explicites, allant de pair avec la rébellion toujours plus franche du personnage.

MARÍA 2 : […] Je blasphème quand il faut prier.

MARÍA 3 : Je crache quand il faut pardonner.

MARÍA 2 : Je jure s’il faut coudre.

MARÍA 3 : J’urine si je dois délirer.

MARÍA 2 : Je ris si je dois servir d’exemple[11].

Cette rébellion atteint son point culminant à la scène 14 où, après avoir peu à peu abandonné toutes les caractéristiques de la figure marianiste, de la douce et chaste jeune fille de province, María se révèle comme corps désirant, criant sa frustration sexuelle à un Efraín effaré.

MARÍA 3 : (Se jetant sur lui. Le poussant à la poitrine.)

[…] Tu veux savoir ce que tu as fait ? Tu veux savoir ce qu’a fait Efraín ?

Il m’a prise dans ses bras.

Il m’a emmenée aux appartements de la somptueuse propriété El Paraíso

– Propriété de son père –

Il m’a déposée au bord du lit.

Avec un baiser d’adolescent, il a levé ma jupe.

Il a pris mes fesses entre ses mains.

Il a tiré vers le bas, me retirant mes derniers vêtements.

Il les a mis dans sa veste. (Criant)

Et il est parti en Europe, traversant la mer

Alors que le long de mes jambes le miel courrait déjà

Et moi qui voulais devenir pour toi

La meilleure et plus sainte amante du monde

EFRAÍN 3 : María délira.

MARÍA 3 : Je suis me suis retrouvée inachevée. (le poussant) Qu’est-ce que je suis sensée faire ? Dis-moi quoi faiiiiiiiiiiire[12] !

La démystification de l’attitude passive et chaste de María va encore une fois de pair avec la manifestation physique de son désir, bien que la cyprine soit ici euphémisée et poétisée par l’image du miel.

La lutte du personnage pour un corps actif et matériel se manifeste également sur le plan esthétique par la concurrence entre le lyrique et le dramatique. Les recours traditionnels du roman sont ainsi portés à saturation au sein de la pièce : le registre des émotions et les métaphores poétiques sont répétés inlassablement, d’autant plus avec les effets d’échos qu’implique le triplement des personnages, jusqu’à en effacer le sens et les réduire à leur musicalité. Cette exacerbation du lyrisme qui éreinte le roman est associée au personnage d’Efraín qui, contrairement à María, reste prisonnier du modèle classique. Alors que le texte de María est en vers libre, le sien reste en prose et consiste très largement en des emprunts à l’original. L’incapacité d’Efraín à s’extraire du roman(tisme) est en étroite relation avec l’idéalisation de María puisqu’il méprise la matérialité de son corps désirant pour en préférer la représentation iconisée. Pour la María des années 1980, cette situation de passivité et d’attente de l’amant et de la mort sont insupportables, de même que la saturation lyrique. Non content de briser l’harmonie poétique des extraits du roman (« Dis-moi quoi faiiiiiiiiiiire ! »), elle en brise la dominante contemplative, descriptive et émotionnelle par sa revendication d’action, au sens à la fois dramatique et sexuel. Elle tranche avec le monde du romanesque en lui opposant son corps, comme à la scène 1 : « Elles courent, s’accrochent à eux. Elles se laissent glisser jusqu’à tomber par terre[13] » ou encore scène 2, à deux reprises : « s’accrochant à ses cuisses[14] ».

En cela, la María désirante n’est pas seulement une figure féministe – elle devient la matérialisation d’un théâtre en quête de renouveau. Cela est d’ailleurs confirmé par le théâtre rubianien qui se débarrasse progressivement et de plus en plus de sa dimension littéraire pour aller vers une dramaturgie centrée sur l’action et le mouvement. Certes, cet usage métaphorique de la thématique féministe contribue à en neutraliser la portée – et la pièce n’a ainsi pas été accueillie comme une rupture, mais plutôt comme un « beau poème d’amour[15] ». Cela peut expliquer le relatif désaveu, aujourd’hui, de l’auteur vis-à-vis de cette pièce. Il n’en demeure pas moins que celle-ci, la première à avoir attiré l’attention sur la compagnie Petra, est emblématique de l’une des ambitions fondatrices du collectif : celle d’opérer un décentrement dans le traitement du genre et de bousculer la tradition de représentation de l’éternel féminin, ici en revendiquant un droit au désir et au plaisir.

3. Une contradiction dans l’imagerie ? Le rôle de la mise en scène.

Le passage de la femme du statut d’objet de désir à celui de sujet désirant est une piste dramatique qui, si elle a nourri le projet depuis son origine, court néanmoins le risque permanent d’être contredit par l’image du spectacle.

L’étude des didascalies permet tout d’abord de constater une très nette tendance à jouer sur l’esthétique du corps regardé, souvent nu, des femmes alors que le corps masculin est le plus souvent annulé ou ignoré. Dès la scène d’introduction, la didascalie décrit les vêtements de María mais pas ceux d’Efraín. De manière récurrente, l’attention portée au costume des trois personnages féminins est explicite dans le texte[16], alors que celui-ci n’est mentionné qu’à une seule occasion dans le cas des Efraín[17]. Les changements de costumes de María ont souvent une propension à la reconvertir en objet de regard, et ce de manière de plus en plus évidente tout au long de la pièce. Cela peut simplement être le regard du spectateur, comme au début de la scène 2 :

(Toutes les trois dorment.  María 2 se lève lentement et s’assoir au bord du lit, elle fait attention à ne pas réveiller les deux autres. De sa tête de lit, sous l’oreiller, elle sort une robe rouge-pâle, presque rose, des chaussures à talon de la même couleur et des gants noirs. Sans sortir du lit elle retire sa blouse et se met l’autre costume[18] […].)

Puis, le regard du spectateur se combine à celui des trois Efraín, comme dans la scène 3 :

([…] María 1, 2 et 3 vont vers le couloir, derrière les arcs d’où maintenant ruisselle un rideau d’eau, elles s’y baignent. Les hommes adoptent des poses contemplatives classiques. Il y a des reflets d’eau sur toute la scène. Elles terminent de se baigner, les blouses trempées leur colle au corps. Elles marchent lentement en se laissant voir par Efraín 1, 2 et 3 qui les laissent traverser avant de courir immédiatement chercher les draps de lits et les en couvrir[19]. […])

Cette exhibition atteint son comble, lorsque les trois femmes se déshabillent intégralement et commencent à trembler, scène 5 :

« Dans un lit placé latéralement derrière les tombes apparaissent, agenouillées, María 1, 2 et 3, de dos au public. Elles retirent leurs blouses mouillées, les jettent. Elles se retrouvent nues. […] Elles commencent à trembler[20]. »

Dans chaque cas, c’est le désir de María qui est mis en avant, face à un Efraín indifférent ou effaré, incapable de se distancier de l’original. Mais ce parti-pris est par l’économie des regards. Laura Mulvey rappelle en effet dans « Visual pleasure and narrative cinema » le rôle que joue la société patriarcale dans la structuration formelle du cinéma. L’un des plaisirs essentiels du cinéma, et c’est également le cas pour le théâtre, réside dans la scopophilie, le plaisir de regarder et de transformer autrui en objet de désir[21]. Les trois sources de regard au cinéma[22], qui permettent à la chercheuse d’en visibiliser la masculinité sont celui de la caméra, celui du personnage et celui du spectateur. Or, ils trouvent ici leur pendant : la mise en avant des actions d’exhibition des personnages féminins dans l’écriture, par leurs longues descriptions et leur caractère dynamique, font plus qu’inviter dramatiquement à y porter le regard, a fortiori à côté d’un Efraín immobile ou absent et pourraient ainsi être une sorte d’équivalent théâtral de la caméra. Le dispositif scénique implique ainsi que le regard du spectateur rejoigne celui d’Efraín et se pose sur María. La volonté de se centrer sur María comme sujet désirant ne semble ainsi pas aller de pair avec un recalibrage de l’imagerie, son corps demeureant un objet de désir. Les images suggérées par ces didascalies, en créant le spectacle de la femme lascive et répondant ainsi à un fantasme androcentré, tendent à contredire le projet autorial de subjectivation, d’émancipation du personnage.

Pourtant, d’autres éléments dans le texte invitent à un renouvellement des images et à une possible subversion de l’androcentrisme du regard, notamment l’esthétique déjà évoquée du pourrissement et de l’abjection. La mention récurrente des manifestations physiques de sa maladie (vomissements, sécrétions diverses) ainsi que de sa mort créent la répulsion du personnage d’Efraín, comme il le mentionne dans le soliloque de la scène 7 :

EFRAÍN 1 : […] Pourquoi es-tu tombée malade ? On ne peut pas aimer ainsi. Tu ne ressembles pas à María. […] Pourquoi est-ce que je reste ? Tes lèvres ont pleines de fissures et de restes de nourriture mastiquée. Dans tes pires moments, quand la moitié de tes aliments t’inonde la bouche et coule sur ton menton, tu étires les mains et, avec une voix étrange, tu me demande que je t’embrasse. T’embrasse oui. Entre les gémissements, l’haleine infectée et la viscosité qui te parcourait depuis le début de ta maladie. Il l’embrasse. Je t’ai embrassée ainsi. Maintenant je m’en vais. Je ne peux pas rester[23] […].

Ce dégoût intervient également à la dernière scène :

MARÍA 2 : […] Tu frapperas seulement ma tombe et je sortirai, les yeux pleins de terre. Tu m’enlèveras la terre des yeux et tu verras deux énormes trous remplis de larves grouillant (Efraín très écœuré. Il a envie de vomir), luttant pour le dernier petit bout de tissu[24].

On pourrait questionner la portée politique de cette esthétique du trash, comme envers de l’idéalisation, qui court en outre le risque de reconduire l’idée d’hystérisation sexuelle de la femme désirante. Elle permet néanmoins d’offrir une réponse radicale à l’imaginaire marianiste et de lutter contre la récupération du désir féminin par le regard masculin. En cela, le choix de mise en scène est fondamental puisqu’il peut contribuer à déjouer l’image de la femme lascive ou, au contraire, le reconduire.

Outre l’esthétique de l’abjection, de nombreuses pistes sont par exemple données par le texte pour inciter à une gestuelle farcesque, contribuant à perturber la scopophilie traditionnelle. Les nombreuses scènes où María s’accroche au corps d’Efraín pour l’empêcher de partir peuvent érotiser la posture de soumission féminine ou au contraire être rendues de telles manières qu’elles la mettent à distance, par exemple, en allant vers une esthétique clownesque.

L’érotisation de la femme soumise est ainsi toujours sous-jacente dans ce texte et contribue à rendre contradictoire son projet tant celui-ci cherche à concilier libération sexuelle des femmes et fantasme androcentré de la femme offerte et donc un retour à l’objectification. L’œuvre maintient une ambiguïté entre traitement critique du désir féminin et flatterie du désir masculin par la spectacularisation de la femme lascive, à la faveur du refus de réification du sens renforcé par le contexte postmoderne. Pourtant, cette posture est susceptible de subir une grande inflexion en fonction de la mise en scène. Les quelques suggestions, inspirées de l’univers rubianien, invitant à des recours au grotesque, à l’abject ou au farcesque ne sont qu’une timide ébauche face aux différentes possibilités artistiques pour que l’imagerie du spectacle concorde davantage avec son projet initial.


Notes

[1] E. P. , Stevens. « El marianismo : la otra cara del machismo en América Latina », Diálogos: Artes, Letras, Ciencias humanas, vol. 10, no 1, février 1974, p. 17-24.

[2] B. I. Gómez de González, « María o la idealización de la realidad », Cuadernos de Literatura, vol. 2, no 3, juin 1996, p. 17-22.

[3] J. C. Galeano Sánchez, « Repensando a María : Esclavismo, antisemitismo y machismo en la obra de Jorge Isaacs », Ratio Juris, vol. 6, no 13, décembre 2011, p. 17-36.

[4] F. Rubiano Orjuela, « María es-tres », Revista Tramoya, no 38, mars 1994, p. 6-7. Le choix a été fait de corriger les nombreuses coquilles de cette édition dans les citations sans les signaler afin de ne pas entraver la lecture. Nous traduisons toutes les citations. « MARÍA 2 : […] Ya llega. […] Un hombre. / MARÍA 3 : De la capital. Efraín se llama. / MARÍA 2 : Viviste con el cuando niña. / MARÍA 3 : El verdadero hijo de los que ahora son tus padres. / MARÍA 2 : Te amará. / MARÍA 1 : ¿Y yo? / MARÍA 2 : Lo amarás. […] Él se marchará. […] / MARÍA 1 : Y si quiero que se quede. / MARÍA 2 : Tal vez. Pero aparte de amarlo nada podrás hacer. / MARÍA 1 : (Se contrae) Algo me duele. / MARÍA 2 : Ya empezaste. Estás enferma. / MARÍA 3 : Todas las muertes son dolorosas. / MARÍA 2 : Aunque sean de amor ».

[5] « Era yo niño aún cuando me alearon de la casa paterna […] » J. Isaacs, María, s. l., Editorial del Cardo, 2003.

[6] F. Rubiano Orjuela, « María es-tres », op. cit., p. 20. « MARÍA 1 : De qué me sirve ser bella, de qué me sirve querer, arrepentirme, rezar. Por qué soy santa pura, enferma, obediente. / MARÍA 3 : Porque eres María. / MARÍA 1 : María en qué parte, por qué lado. Por qué maldito mandato. Quiero soñar que me desnudo y corro así por el Paraíso pregonando todo mi amor./ MARÍA 2 : Llamándote como te llamas no puedes hablar de desnudeces. / MARÍA 3 : Desnuda llevarías otro nombre. / MARÍA 1 : Sí. María es nombre de mujer vestida (se llaman) María… / MARÍA 2 : María… / MARÍA 3 : María… »

[7] « La premisa de partida fue clara: en nuestra obra, la mujer virginal no será objeto de veneración, sino sujeto de acción. » F. Orjuela, Rubiano, Teatro Petra 30 años, Bogotá, Ministerio de Cultura, 2014, p. 185.

[8] M. Carani, « Le désir au féminin », Recherches féministes, vol. 18, no 2, 2005, p. 9-37.

[9] J. Isaacs, María, op. cit., chap. XIV. (non paginé); « […] la frente contraída revelaba un padecimiento insoportable, y un ligero sudor humedecía las sienes: de los ojos cerrados habían tratado de brotar lágrimas que brillaban detenidas en las pestañas ».

[10] F. Rubiano Orjuela, « María es-tres », op. cit., p. 6. « MARÍA 1 : Qué me pasó. / MARÍA 2 : Lo de siempre. / MARÍA 3 : Empiezas a palidecer hasta quedar con la cara muerta como la cera. / MARÍA 2 : Luego volteas los ojos, bates la lengua y dejas que la saliva corra por tu cuello. / MARÍA 3 : Dices cuatro o cinco frases inconexas. / MARÍA 2 : Vomitas, pones todo el cuerpo rígido. Respiras ahogada por la baba y al final te desmayas ».

[11] Ibid., p. 26-27. « MARÍA 2 : […] Blasfemo cuando hay que rezar. / MARÍA 3 : Escupo cuando hay que perdonar. / MARÍA 2 : Maldigo si hay que coser. / MARÍA 3 : Me orino si tengo que delirar. / MARÍA 2 : Me río si tengo que escarmentar »

[12] Ibid., p. 29. « MARÍA 3 : (Abalanzándose sobre él. Empujándolo por el pecho) […] ¿Quieres que te diga qué hiciste?, ¿Sabes qué hizo Efraín? / Me levantó en sus brazos. / Me llevó a los aposentos de la suntuosa Hacienda El Paraiso. /  -Propiedad de su padre-  / Me depositó al borde de su cama. / Con un beso de adolescente me levantó la falda. / Tomó mis nalgas entre sus manos. / Tiró hacia abajo sacando mis últimas prendas. / Guardóselas entre su chaqueta. (Gritando) / Y huyó para Europa cruzando el mar / Cuando por mis piernas ya corría miel / Y quería volverme para ti / La mejor y más santa amante del mundo. / EFRAÍN 3: María delirió. / MARÍA 3: Quedé inconclusa. (empujándolo) ¿Qué haré? ¡Dime que hareeeeé! »

[13] « Ellas coren, se aferran a ellos. Se dejan resbalar hasta caer al piso. »Ibid., p. 5.

[14] « aferrándose a los muslos de él  » Ibid., p. 10 et 11.

[15] « La obra fue vista más como un bello poema de amor no expresado, que como esa ruptura que pensábamos iba a darse con nuestros textos acalorados, lúbricos y sangrientos. Había que trabajar más. », Rubiano Orjuela, Fabio. Teatro Petra 30 años. Bogotá : Ministerio de Cultura, 2014, p.186.

[16] Ibid., p. 4, 8, 12, 13, 16, 32.

[17] Ibid., p. 12, il est mentionné qu’ils portent tous les trois des pantalons et des vestes blanches.

[18] « Las tres duermen. María 2 se levanta lentamente y se sienta al borde de la cama, tiene cuidado de no despertar a las otras dos. De la cabecera de su cama, bajo la almohada saca un vestido rojo-pálido, casi rosa, unos zapatos de tacón del mismo color y unos guantes negros. Sin bajar de la cama se quita su bata y se coloca el otro vestuario. »Ibid., p. 8.

[19] « María 1, 2 y 3 van hacia el pasillo, detrás de los arcos donde ahora escurre una cortina de agua, se bañan. Los hombres adoptan poses contemplativas muy clásicas. Por todo el escenario hay reflejos de agua. Ellas terminan de bañarse las batas empapadas van pegadas a sus cuerpos. Caminan lentamente dejándose ver por Efraín 1, 2 y 3 que las dejan cruzar para de inmediato correr por los tendidos de las camas y cubrirlas. » Ibid., p. 15. Nous soulignons.

[20] « En una cama colocada lateralmente detrás de las tumbas aparecen arrodilladas María 1, 2 y 3, de espaldas al público. Se quitan sus batas mojadas, las tiran. Quedan desnudas. […] Comienzan a temblar cada vez más fuerte. » Ibid., p. 16.

[21] L. Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », dans L. Braudy et M. Cohen (éd.), Film Theory and Criticism : Introductory Readings., Oxford UP, New York, 1999, p. 833-844.

[22] Le « male gaze », Id.

[23] « EFRAÍN 1 : […]Por qué te enfermaste. Así no se puede amar. No pareces María. […] ¿A qué me quedo? Tus labios están poblados de grietas y restos de comida masticada. En el peor de tus momentos, cuando la mitad de tus alimentos te inundan la boca y escurren por tu barbilla, estiras las manos y con una voz extraña me pides que te bese. Besarte sí. Entre gemidos, el aliento infectado y la viscosidad que te recorría desde que comenzó tu enfermedad. La besa. Así te besé. Ahora me voy. No me puedo quedar […] » F. Rubiano Orjuela, « María es-tres », op. cit., p. 19.

[24] « MARÍA 2 : […] Solo golpearás en mi tumba y yo saldré, con los ojos llenos de tierra. Me quitarás la tierra de los ojos con ternura y verás dos enormes agujeros con montones de larvas hirviendo (Efraín muy asqueado. Con deseos de vomitar), peleándose por el último pedacito de tejido. » Ibid., p. 31.


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