Revue des doctorants du laboratoire LLA-Créatis (UT2J)

Étiquette : installation

Duplicité du corps représenté en art vidéo : entre effet de surface et effet de présence

Beyrouthy Damien
Doctorant en Arts Plastiques, Université Toulouse – Jean Jaurès
damien.beyrouthy@univ-tlse2.fr

Pour citer cet article : Beyrouthy, Damien, « Duplicité du corps représenté en art vidéo : entre effet de surface et effet de présence. », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°6 « Jeux et enjeux du corps : entre poïétique et perception », été 2016, mis en ligne en 2016, disponible sur <https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2018/01/09/la-ville-contemp…ite-au-generique/>.

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Résumé

Cet article aborde l’effet produit par le médium vidéo et sa mise en espace sur le statut des corps perçus par le spectateur. Il s’intéresse plus précisément au balancement entre effet de présence et effet de surface des corps vidéos. Dans cette perspective, trois installations vidéographiques seront étudiées : Ocean without a shore (Bill Viola), Glissement rugueux en surface (Damien Beyrouthy) et La Table de sable (Magali Desbazeille).

Mots-clés : art contemporain – corps – installation – présence – surface – vidéographie

 

Abstract

This article approaches the effect produced by the video medium, and its spatial throw-in, upon the status of bodies as perceived by the spectator. We will focus attention more particulary on the balance between the presence effect and the surface effect on video objects. In this perspective, three videographic installations will be studied: Ocean without a shore (Bill Viola), Glissement rugueux en surface (Damien Beyrouthy) and La Table de sable (Magali Desbazeille).

Key-words: contemporary art – bodies – installation – presence – surface – videography

 


Sommaire

1. Ocean without a shore, traversée et émotion
2. Glissement rugueux en surface, tension et plan
3. Table de sable, surface épaisse et interactivité fictive
Notes
Bibliographie

Nous nous intéresserons au statut des corps représentés dans trois installations vidéographiques du XXIème siècle, et plus particulièrement aux effets de surface et de présence produits par ce type de dispositif de représentation. Nous verrons que ces effets sont antagonistes et co-présents. Ce balancement est intéressant car il est propre aux installations vidéos et permet d’interroger, d’une manière inédite, le rapport que nous entretenons, spectateurs, avec nos représentations contemporaines. Nous nous efforcerons de mettre en lumière cette dualité par trois chemins : les contenus des vidéos, les caractéristiques du médium et la mise en espace de celui-ci.

Précisons tout d’abord quelques notions. En premier lieu, comment définir le syntagme effet de présence ? Ici, nous nous entendrons sur une impression de présence du référent. Pour ce qui nous intéresse, l’effet de présence consisterait à donner l’impression de présence d’un corps humain. En quelque sorte, le médium se ferait transparent afin de donner l’illusion de présence de la personne. Cependant, comme l’affirment bien des auteurs, dont Françoise Parfait1 et Christine Ross2, la vidéo est une image de surface. Elle possède donc les caractéristiques d’une surface : étendue plate constituant l’« extérieur, [le]dehors d’un corps3 ». Mais il faut lutter pour percevoir son effet de surface4 car elle tend à se faire passer pour présence. Présence que l’on ressent d’autant plus au sein des installations vidéo en raison de leur tridimensionnalité et malgré l’irréductible planéité des vidéos qui les constituent. C’est ce qui fait, à mon sens, leur intérêt, de rester entre-deux, dans cet indécidable.

Au fil de ce balancement, nous suivrons trois pistes ouvertes et induites par les réalisations choisies (nous aimerions par ailleurs préciser que nous sommes en doctorat d’arts plastiques, doctorat qui comporte la particularité d’associer recherche théorique et pratique artistique. C’est pourquoi une des réalisations qui va être étudiée est issue de notre propre pratique). Ces réalisations offrent chacune une manière différente d’aborder la question : avec Ocean without a shore de Bill Viola nous explorerons le couple traversée de surface/jeu émotionnel, avec Glissement rugueux en surface de moi-même, le couple réétagement des plans dans l’espace d’exposition/tension physique et enfin avec La Table de sable de Magali Desbazeille le couple surface épaisse du sable/interactivité fictive entre chorégraphe et image vidéo.

1. Ocean without a shore, traversée et émotion

Pour cette installation vidéo, nous nous appuierons sur la description de Sophie-Isabelle Dufour développée dans son ouvrage L’image vidéo d’Ovide à Bill Viola5. Bill Viola (artiste vidéaste américain né en 1951) a pour la première fois présenté cette installation en 2007 dans l’église San Gallo à l’occasion de la LIIème Biennale de Venise. Dans une interview donnée à la Tate Modern Galery6, l’artiste raconte qu’il a vu ces trois autels massifs, intermédiaires entre les mondes des morts et des vivants, et qu’il a pensé à un retour des morts dans le monde des vivants l’espace d’un instant. Il a voulu matérialiser le lieu de passage par trois écrans plasma (un de 228 cm de haut et deux de 143 cm) fixés verticalement sur les trois autels. Ces derniers sont éclairés afin d’être plus en continuité avec les écrans plasma. De ce fait, ils ne sont pas uniquement les socles des écrans, ils sont aussi l’architecture permettant la jonction, la matérialisation des présences vidéos humanoïdes. Ces dernières apparaissent tout d’abord au centre de l’écran, en plan d’ensemble ; elles sont, à ce moment-là, peu discernables car lointaines et en basse définition. Puis elles s’avancent au ralenti vers le spectateur. Dans leur avancée, elles traversent un mur d’eau auparavant invisible qui paraît leur donner couleur et définition. Face au spectateur, les personnages semblent se réveiller, émerger. Après un moment, ils font demi-tour et traversent à nouveau cette barrière d’eau délimitant à la fois le périmètre du monde des morts et celui de la basse définition.

Voir le site de la Tate Modern pour accéder à quelques extraits.

Devant le mur d’eau, c’est le règne de l’image haute définition, actuelle, donnant une impression de chair et de présence au personnage. Derrière le mur, l’impression est de facticité – le personnage n’a plus beaucoup de présence, il devient une silhouette vidéo très basse définition (comme celle des caméras de surveillance des années 70). Cependant, nous aimerions introduire une nuance : certes, la haute définition sur écran plasma donne une impression de chair, mais celle-ci semble également factice par son aspect « crémeux7», maquillé, scintillant et très contrasté. Les écrans concourent également à l’obtention d’une image très définie (par opposition à une vidéoprojection) mais ils ne font que six centimètres d’épaisseur. La qualité de l’image et de son support ne cessent alors de provoquer un balancement entre impression de présence (qualité de représentation) et rappel du médium (surface plate et lisse).

Revenons au mur d’eau. Celui-ci est produit par un écoulement assez particulier créant une fine surface verticale. Cette dernière est invisible sans contact – on peut donc voir la représentation basse définition s’approcher ; c’est seulement quand le corps filmé touche la surface qu’apparaît la frontière d’eau. Pour les acteurs, ce contact leur permet de savoir qu’ils sont rentrés dans l’autre monde (celui de la haute définition et des vivants). Soulignons que la délimitation est visible pour les regardeurs et physiquement appréhendable pour les acteurs. C’est d’ailleurs ce qui déclenche leur jeu, leur traversée émotionnelle. Le mur d’eau est alors l’espace de délimitation du jeu d’acteur, l’espace de la traversée des sensations (l’attention portée aux émotions est essentielle dans ce travail, comme dans beaucoup d’autres de Bill Viola).

Dans l’interview susmentionnée, Bill Viola souligne que nombre de séquences ont été faites en une seule fois (one-shot). Pour atteindre le résultat voulu dès la première prise, il a passé un temps assez long avec chaque acteur. Il voulait éveiller, faire surgir les souvenirs singuliers qui auraient pu nourrir son idée, le trajet du monde des morts au monde des vivants, ce qui lui a permis de ne pas interférer par la suite avec les propositions d’interprétation des acteurs. Les émotions éprouvées sont alors plus variées car proches du vécu de chacun et plus naturelles car non répétées. L’artiste dit aussi qu’il souhaitait que chaque personne puisse s’approprier ce moment de jeu pour exprimer ce dont il avait besoin à cet instant. Le passage du mur d’eau devient dès lors un exutoire, un moment de catharsis. Le regardeur ressent bien sûr ces émotions singulières avec force, ce qui participe à donner un effet de présence à ces personnages vidéo-plasma, d’autant plus qu’ils sont dans une frontalité avec le spectateur et, à certains moments, le regardent directement.

Le balancement s’opère ici entre les représentations de corps devant et derrière le mur d’eau. Les éléments plastiques y contribuant passent par le jeu singulier des acteurs et leur qualité d’image opposés à leurs représentations inexpressives, communes, lointaines et en basse résolution. Cet aller-retour permet de renouveler la question du commun et du singulier des images de corps : les acteurs, devant le mur d’eau, traversent des émotions extrêmement singulières, comme s’ils se subjectivaient, avant de retourner dans la masse de personnes indifférenciées derrière le mur d’eau. En outre, la pénétration de la surface liquide par les corps de chair est-elle une interrogation de la rupture de la planéité du médium vidéo, et même, de la frontière entre espace vidéo et espace d’exposition, comme si les corps représentés s’hybridaient – dans le passage basse définition/haute définition – aux corps de chair ? Cette hybridation n’est-elle pas propre à l’imaginaire de notre époque, celle de la promiscuité et de la prolifération des écrans en tout genre ? De plus, la haute définition confère une qualité bien particulière à la chair représentée – elle paraît quasi préhensible. Elle semble plus chair que la chair réelle car elle révèle des aspects de la peau non discernables à l’œil nu. Au-delà de cette question, le lien très fort que cette installation entretient avec le religieux est assez intrigant ; en effet, l’installation semble tenter un renouvellement des formes de représentation des morts à travers la technologie contemporaine. On pourrait alors se demander si la présence particulière produite par cette installation traduit un nouveau type de rapport au corps absent dans le religieux contemporain – ceci en considérant que l’absent est visible, plus visible, plus atteignable aujourd’hui et que l’image appareillée contemporaine en est le véhicule.

2. Glissement rugueux en surface, tension et plan

Cette réalisation personnelle datant de 2009 est constituée d’une projection vidéo matérialisée par plusieurs plans distincts : le plan du mur et un plan à 1m 50 de ce dernier fait de six panonceaux d’approximativement 60 cm de haut. Sur la surface du mur est projetée l’image d’un personnage, quasi immobile, en appui sur un muret sous un pont. Il reste tout le long de la vidéo dans cette position. Il tente de maintenir sa position allongée au prix d’un effort assez conséquent. Le plan des panonceaux laisse apparaître des jambes de personnages en marche, le reste de leur corps est hors-cadre. Un son naturel est présent en continu, il oscille entre chants d’oiseaux, bruits de pas et passages de voitures sur le pont. La vidéo est en boucle et dure approximativement 50 secondes.

Pour des images, suivre ce lien.

Le personnage en appui renvoie à un ensemble de références propres aux débuts de l’art vidéo, époque où il était étroitement associé à la performance. On peut par exemple penser à Bruce Nauman, Pulling Mouth (1969), Poke in the Eye/Nose/Ear, 3-8-94 (1994) ou au couple Abramovic et Ulay, Relation Works (1976-1980) dont notamment Rest Energy. Nombre de lectures ont été faites de ces œuvres, nous signalons simplement ici l’aspect de mise en tension des corps filmés. Dans ces réalisations, entre la documentation de performance et l’art vidéo, les artistes ne deviennent des personnages ni de cinéma ni de théâtre, ils restent à l’état de corps qui ressentent. Ces corps, qui résistent, qui luttent, seul ou en couple, acquièrent alors une présence bien particulière. C’est ce qui se passe en partie pour le personnage en appui sur le muret. Cependant, la scène est construite, le personnage évolue dans un décor particulier et d’autres personnages sont incrustés. Le personnage en appui n’est donc plus un performer, et la vidéo n’est plus la « documentation » de l’action. Malgré tout, son action, très simple, de tension, conserve un effet de présence propre à l’univers des performances filmées.

Arrêtons-nous maintenant sur les images des jambes ; la démarche semble assez légère, sans tension, plutôt dans une sensation de glissement. Cette impression est soulignée par le mouvement de translation latérale : les personnages marchent, passent, glissent. La traversée se fait en une fois, en passant par les six panonceaux. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que c’est une personne différente pour chaque couple de panonceaux. Trois personnes s’entremêlent donc dans cette traversée d’espaces créant une impression d’espace impossible : comme si chaque hors-champ contenait bien plus d’espace que ce qui est visible. Chaque bord de cadre ne délimite pas uniquement un espace mais aussi une portion temporelle – le passage d’un cadre à l’autre est alors le passage d’un moment vidéographique à un autre. Le jeu de synchronisation de ces différents moments provoque un trouble logique mettant en doute la véracité des images. Cette séquence n’est plus vraisemblable. Elle renvoie alors à la facticité du médium vidéo : à son caractère iconique, brisant par là même l’effet de présence de l’ensemble des personnages. Cependant, la mise en espace de ces six plans pose la question de la surface d’une autre manière : projetés sur les six panonceaux, ces plans occupent l’espace devant le mur, espace qu’auraient dû habiter physiquement les jambes des trois personnages. Ces panonceaux forment alors une sorte de couloir de passage : à la fois espace qui fut nécessaire aux jambes traversant l’image et passage que peuvent emprunter les spectateurs lors de leur exploration de l’installation. Ce passage permet donc au spectateur d’éprouver conjointement l’épaisseur du corps absent et la planéité du corps représenté. De ce fait, la distribution entre effet de surface et de présence n’est plus si nette puisque la facticité de l’accumulation des plans de jambes est contrebalancée par la spatialisation de leur projection.

Pour ce travail, le balancement se joue entre la mise en scène et la tension, le flottement et la spatialisation. L’une des premières questions qui vient à l’esprit est : dans quels espaces se situent nos représentations ? Dans cette installation, on a vu que l’espace de l’image empiétait physiquement sur l’espace d’exposition. Mais cela uniquement par des surfaces planes – comme si nos corps n’étaient plus que des surfaces, des tranches permutables. De plus, il est intéressant de remarquer que la pseudo-tridimensionnalité est au cœur de nos représentations contemporaines. Il semble que la simulation tridimensionnelle des ordinateurs ait contaminé les images bidimensionnelles classiques pour les réduire au statut de textures de placage rendues disponibles pour de futures modélisations 3D. L’image du corps devient alors une membrane n’enveloppant plus aucun corps – aucune masse constituée d’organes. De même pour le milieu où évolue le corps : il n’est plus qu’une façade d’un monde sans intériorité. L’ensemble n’est dès lors plus qu’une forme de présence membranaire. Quant au temps, les boucles imbriquées renvoient à un temps discontinu, synthèse de plusieurs moments, contraction d’un déroulement pour lui donner une plus forte densité – le temps dense serait aussi un horizon contemporain…

3. Table de sable, surface épaisse et interactivité fictive

Quelle est l’épaisseur des corps projetés dans l’installation vidéo-performance8 de Magali Desbazeille (artiste française née en 1971), La table de sable ? Cette réalisation est le fruit d’une collaboration avec la chorégraphe Meg Stuart. Françoise Parfait la décrit de la sorte : « il s’agit de projeter des images de corps de danseurs à l’échelle I, sur une étendue de sable manipulée par des danseurs réels »9.  Plus précisément, l’image projetée représente les danseurs allongés sur le parquet de la salle de spectacle.

Un extrait du spectacle est visible ici.

La couleur du parquet se mêle à celle du sable créant un doute sur la nature de la surface de projection. Est-ce du sable ? Est-ce du bois ? La couleur rappelle aussi celle de la chair – première interrelation entre le support et ce qu’il représente. Ce médium est également assez particulier puisque, fait de grains microscopiques, il possède forcément une épaisseur quand il sert de surface de projection (car la lumière est renvoyée par plusieurs strates de grains de sable). Cette surface possède alors un caractère granuleux se répercutant à l’image portée (puisque, comme le dit si bien Françoise Parfait « l’image fait corps avec son support »10). Dans ce dispositif, les corps vidéos acquièrent alors les caractéristiques du sable : même à plat, ils semblent déjà avoir une certaine épaisseur, voire une densité. Une autre propriété du sable est utilisée : sa malléabilité. Durant la projection, les interprètes en font de petits amas pour suivre les mouvements des corps, ce qui donne du volume et une certaine masse à ces corps vidéo (l’idée de volume pourrait rappeler les poupées de Tony Oursler). Couleur, épaisseur, malléabilité, à cela s’ajoutent les propriétés de la mise en espace produisant une forte impression de similarité avec le référent, un effet de présence. L’ensemble de ces aspects plastiques provoque alors un trouble certain pour nous, spectateurs. En effet, plusieurs impressions se recouvrent : non seulement ces corps vidéos apparaissent comme de simples vidéos mais ils semblent aussi être devenus des marionnettes que les interprètes déplacent, des blocs d’argile modelables et des êtres doués de conscience (car une interaction semble avoir lieu). Pas moins de quatre natures peuvent être attribuées à ces corps vidéos-sable : icônes fugaces, mais aussi solides, ou encore matériaux déformables (liquides, pulvérulents), tout autant qu’humanoïdes. Dans cette installation vidéo, il est donc très difficile de discerner ce qui fait surface de ce qui fait présence puisque chaque élément porte conjointement ces deux effets.

Voyons comment le balancement entre surface et présence se joue dans l’interaction manipulateurs/corps vidéosables. L’artiste nous raconte : « Pendant le spectacle, les danseurs manipulent leurs images, leurs corps. Une interaction se crée entre le danseur réel et le danseur filmé, ce dernier réagit aux manipulations »11. Peut-on pour autant appeler cela une interaction ? Ces manipulations ne sont-elles pas plutôt des gestes chorégraphiés ? Les auteurs (Meg Stuart et Magali Desbazeille) jouent effectivement avec cette ambiguïté : la chorégraphie est pensée pour donner l’impression d’une performance, ou du moins d’une danse entre deux interprètes identiques comme s’il était possible qu’il n’y ait plus de distinction entre les corps de chair et les corps vidéosables. Ces derniers, faits de sable et de lumière, semblent alors quasi vivants. L’impression d’interrelation est encore amplifiée par l’enfouissement des mains des manipulateurs dans les corps vidéosables, ne permettant pas toujours de distinguer le bras de chair de celui d’image. Cependant, simultanément, le spectateur a bien conscience de la fausse interaction, que ce ne sont que des images.

L’impression de facticité est accentuée quand les interprètes détruisent la surface de projection – par déplacement du sable hors du faisceau lumineux ou par sa pulvérisation. Avec cette destruction, ne révèlent-ils pas la surface, comme l’ont fait les peintres avec la toile12 ? Mais le jeu ne s’arrête pas là : poussé, pulvérisé, le sable retombe, laissant des espaces vides où la lumière n’accroche plus. Des parties des corps vidéosables se trouvent amputées, invisibles ou projetées sur le plan du sol. Le jeu des acteurs filmés laisse croire que leurs personnages ressentent ces dislocations, ce qui renforce l’impression de présence. Aussi, les jeux de surélèvement et de prélèvement permettent aux corps vidéosables d’évoluer en partie dans la troisième dimension (ici dans une verticalité) – reposant, comme dans l’installation précédente, la question d’une présence membranaire. On remarquera enfin que les mouvements des acteurs s’effectuent uniquement à plat, dans une horizontalité, dans un rapport avec le sol. Ces déplacements permettent d’aller dans le sens d’un effet de présence puisqu’ils épousent le plan de la surface de projection. Conférant à cette table de sable un aspect de lucarne, de fenêtre : comme si les acteurs, en entrant dans le cadre, entraient dans l’espace visible pour le spectateur ; comme si, en hors-champ, un monde d’Hommes Vidéosables existait.

Cette installation performance, plus que les précédentes, fluctue dans un monde du quasi : quasi-surface, quasi-présence. Quasi-surface parce que la surface de projection, couche de sable, possède une épaisseur et une granulosité empêchant sa réduction à une surface.

Quasi-présence parce qu’elle possède une faible épaisseur, semble douée de raison mais peut se dissoudre instantanément. Le balancement se joue donc ici autant du point de vue du support que de l’interaction. Cette dernière est assez inédite puisqu’il est en quelque sorte possible de prendre à bras-le-corps sa représentation vidéo – de saisir son partenaire vidéo – même s’il nous glisse entre les doigts. Les corps vidéosables sont-ils alors la matérialisation de la fantasmagorie de notre époque ? À la suite des corps morcelés, schizophréniques, dialogiques, entre-t-on maintenant dans l’ère des corps liquides, instables et protéiformes ?

Ces trois installations vidéographiques, bien que ne nous permettant pas d’inférer sur l’ensemble des productions contemporaines, nous permettent d’ouvrir un certain nombre de pistes sur notre appréhension actuelle de nos corps. Chacune négocie de manière singulière avec le balancement surface/présence. Cependant, ne pouvons-nous dire, d’une manière générale, que ce souci de présence place les images du corps dans une autre relation avec le corps de chair ? Rivalisent-elles avec lui ? Sont-elles plus détachées ? Sont-elles en voie d’autonomisation ?

Par ailleurs, il semble que, pour chaque mode d’existence de ces représentations, nous puissions faire des liens avec des tendances de notre époque, avec certaines de ses fantasmagories. Si nous reprenons les notions d’hybridation, de métamorphose et de souci de singularité, nous pouvons les rapprocher de celles de « déterritorialisation » (dans le sens de ne plus appartenir à un territoire précis) et de perpétuel changement, développées dans l’ouvrage La Vie liquide de Zigmunt Bauman13. La notion de « créolisation »14 des cultures – définie par Édouard Glissant comme l’apparition d’une nouvelle culture issue d’un croisement de plusieurs autres –, paraît être aussi un bon vecteur d’analyse des trois notions en ce qu’elle peut être aujourd’hui étendue à l’ensemble des cultures existantes. Enfin, la question du singulier et du commun est aussi bien abordée dans La Vie liquide que dans l’ouvrage L’Image peut-elle tuer ?15de Marie-José Mondzain qui pose à ce propos une distinction intéressante entre le « commun » et le « comme un ». Distinction entre ce qui fonde une société de sujets et une société de sosies, d’identiques. À ce propos, elle s’interroge : « Peut-on produire de la communauté sans fusionner ? Vivre en commun n’est pas vivre comme un »16. Plus loin, elle ajoute : « Ce qui est violent, c’est la manipulation des corps réduits au silence de la pensée hors de toute altérité. Jamais les hommes ne sont aussi seuls que lorsqu’ils fonctionnent comme Un »17. Par ailleurs, nous avons parlé d’un corps considéré comme une membrane souple et sans épaisseur et ailleurs d’un corps liquide. Ce corps membrane, liquide, est plus pratique car il se glisse facilement dans n’importe quels conduits (qui sont aujourd’hui essentiellement faits de fibres optiques). N’est-ce pas là une représentation parfaite pour une structure fantasmatique perverse ? Avoir un corps, oui, mais sans limites. De plus, l’avantage à l’heure actuelle, comme le dit Slavoj Zizek18 dans nombre de ses ouvrages, c’est que nous n’avons plus besoin d’avoir une structure psychique perverse pour l’expérimenter – la technologie s’en charge à notre place. L’imaginaire postmoderne serait-il alors de forme perverse ? Corolairement, rêve-t-on d’une sorte de vie membranaire ? Et même si, comme le dit Françoise Parfait, le corps résiste « à se laisser réduire à une surface »19, n’espérons-nous pas qu’il en acquière au moins les propriétés ? Enfin, cette appréhension de notre corps, ici suggérée par les œuvres considérées, participe-t-elle à notre adaptation à l’époque ?

 


Notes

1 – Parfait Françoise. Vidéo : un art contemporain. Paris : Regard, 2001. p. 210.

2 – Ross Christine. Images de surface, L’Art vidéo reconsidéré. Montréal : Artextes, 1996.

3Dictionnaire Le nouveau Littré, édition 2006. Paris : Garnier, 2005. p. 1671.

4 – Pour de plus amples développements sur la question voir GARCIA, Tristan, « Quelle est l’épaisseur d’une image ? L’ontologie de la photographie et la question de la platitude », communication présentée lors de la journée d’étude « Photolittérature – Nouveaux développements » les 22 et 23 mars 2012, Université Rennes 2, labo Cellam, publié sur Phlit le 10/03/2013. URL.

5 – Dufour Sophie-Isabelle. L’Image vidéo, d’Ovide à Bill Viola. Paris : Archibooks, 2008. p.77.

6 – Tate channel, Venice Biennale, A new work by Bill Viola, 6’03’’, 29 juin 2007 (visible sur ce lien, consulté le 29/02/2013). Transcription également disponible à cette adresse.

7 – DufourSophie-Isabelle. L’Image vidéo. op.cit., p.77.

8 – Parfait Françoise. Vidéo : un art contemporain. Paris : Regard, 2001. p. 160-161.

9Ibid.

10Ibid.

11 – Desbazeille Magali, La Table de sable (visible sur ce lien, consulté le 28/05/2013).

12 – On peut penser à Lucio Fontana perçant les toiles dans les années 50 ou à Murakami Saburô traversant des cadres de papier tendus durant la 2e exposition Gutaï en 1956.

13 – Auman Zygmunt. La Vie liquide. Rodez : Le Rouergue/Chambon, 2006. Essai.

14 – Glissant Edouard. Introduction à une poétique du Divers. Paris : Gallimard, 1996.

15 – Mondzain Marie-Josée. L’Image peut-elle tuer ?. Paris : Bayard, 2002.

16Id., p. 36.

17Id., p. 56.

18 – Voir entre autres : Zizek Slavoj. Bienvenue dans le désert du réel. Paris : Flammarion, 2005 ; Zizek Slavoj. La Marionnette et le Nain, Le Christianisme entre perversion et subversion. Paris : Seuil, 2006. La couleur des idées ; Zizek Slavoj. La Subjectivité à venir : essais critiques sur la voix obscène, Castelnau-le-Lez : Climats, 2004.

19 – Parfait Françoise. Vidéo : un art contemporain. op. cit. p. 212.

 


Bibliographie

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BAUMAN Zygmunt. La Vie liquide. Rodez : Le Rouergue/Chambon, 2006, 202p.

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BOURRIAUD Nicolas. Radicant. Paris : Denoël, 2010, 217p.

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Dictionnaire Le nouveau Littré, édition 2006. Paris : Garnier, 2005.

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DUFOUR Sophie-Isabelle. L’Image vidéo, d’Ovide à Bill Viola. Paris : Archibooks, 2008, 222p.

GLISSANT Édouard, Introduction à une poétique du Divers. Paris : Gallimard, 1996, 144p.

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ZIZEK Slavoj. Bienvenue dans le désert du réel. Paris : Flammarion, 2005, 222p.

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ZIZEK Slavoj. La Subjectivité à venir : essais critiques sur la voix obscène. Castelnau-le-Lez : Climats, coll. Sisyphe, 2004, 212p.

L’hybridité des genres artistiques : une Gesamtkunstwerk à l’aube du XXIe siècle dans l’œuvre de Matthew Barney

Marie-Laure Delaporte
Doctorante en histoire de l’art contemporain, Université Paris – Nanterre, Centre Histoire des Arts et des Représentations
marie-laure.delaporte@hotmail.fr

Pour citer cet article : Delaporte, Marie-Laure, « L’hybridité des genres artistiques : une Gesamtkunstwerk à l’aube du XXIe siècle dans l’œuvre de Matthew Barney. », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°4 « L’hybride à l’épreuve des regards croisés », 2012, mis en ligne en 2012, disponible sur <https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2018/01/09/la-ville-contemp…ite-au-generique/>.

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Résumé :

La notion d’hybridité rencontre le travail de l’artiste américain Matthew Barney à de nombreux niveaux : dans sa pratique multimédia qui s’apparente au concept de Gesamtkunstwerk, dans sa conception du corps comme totalité et producteur de forme, dans la multiplication des identités réinventées à travers les personnages peuplant ses films ainsi que dans l’aboutissement de ses travaux sous la forme de l’installation et de l’exposition.

Mots-clés : art contemporain – installation multimédia – vidéo – performance

Abstract :

The notion of hybridity meets the American artist Matthew Barney’s work at several different levels : in his multimedia practice related to the Gesamtkunstwerk concept, in his thinking of the body as a totality and shape producer, in the multiplication of identities recreated through the characters inhabiting his films and in the achievement of his works under the artistic forms of installation and exhibit.

Key-words: contemporary art  -multimedia installation – video – performance

 


Dans le cas de l’artiste américain Matthew Barney (1967-), la notion d’hybridité peut s’appliquer à différents niveaux de lecture : sa pratique de plusieurs mediums et l’application de différents états à une même œuvre en créant des cycles ou séries mêlant vidéo, sculpture, dessin, photographie, performance, sa relation à l’opéra, tout en faisant intervenir une forme d’art à l’intérieur d’une autre, ainsi que la réinvention du soi artistique à travers la démultiplication des personnages interprétés par l’artiste.

Cette hybridité des genres entre étrangement en résonance avec la notion d’œuvre d’art totale dès l’achèvement du cycle Cremaster en 2002 et notamment dans le dossier de l’exposition au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris :

Ce système de références internes nous amène enfin au concept de Gesamtkunstwerk, issu du romantisme allemand. Il s’agit d’appréhender une totalité dans chaque expression particulière, de s’incarner dans le tout et d’y ramener chaque élément. Il faut pour cela constituer un monde en soi, recourir à la mythologie ou à des mythologies réinventées1.

Si l’œuvre de Matthew Barney parvient à s’inscrire dans une hybridation artistique, c’est avant tout par sa faculté à dispenser un discours illustré par une imagerie atypique permettant d’exercer une fascination certaine sur le spectateur. De plus, cette forme d’art total prend toute son ampleur une fois exposée : l’œuvre et l’espace muséal fusionnent pour créer un lieu hybride entre installation, sculpture et projection cinématographique.

Cette hybridité oscille entre une totalité de sa forme utopique et le danger de perversion qu’implique ce principe2. À cette notion incombe également la volonté de surmonter le temps, ce qui expliquerait une pratique artistique empruntant la cyclicité comme moyen d’expression. Une œuvre qui n’aurait jamais de fin, s’inscrivant dans un éternel recommencement et avec lui une multitude de significations.

Dès l’ouverture de l’exposition parisienne, Philippe Dagen, dans son article L’art total de Barney, met en exergue le « pouvoir de stupéfaction bien au-delà de tout ce que l’on voit d’ordinaire […] la capacité d’invention visuelle, la prolifération onirique et le pouvoir hypnotique des images »3. Outre-Atlantique, le philosophe et critique d’art Arthur C. Danto développe une comparaison très aboutie entre l’œuvre de Barney et le cycle L’Anneau de Nibelung de Wagner4.

1. Le Corps

Matthew Barney, DRAWING RESTRAINT 2, 1988, Action et vue d’installation, Copyright Matthew Barney, 1988. Photo : Michael Rees, Courtesy Gladstone Gallery, New York

Matthew Barney, Radial Drill, 1988, Capture de vidéo. Vidéo : Peter Strietmann. Copyright Matthew Barney, Courtesy Gladstone Gallery, New York

La thématique que Matthew Barney se propose de renouveler est celle déjà abordée dans les décennies 1960 et 1970 par les artistes utilisant leur corps comme véhicule de sens et la vidéo pour en enregistrer les événements. Cette pratique renouvelle la relation entre l’action, l’objet et la vidéo. La notion de contrainte est le point focal autour duquel Matthew Barney développe la superposition du rôle créateur de l’artiste et de l’athlète. Dans la série Drawing Restraint, débutée en 1987, il s’impose des obstacles afin de compliquer, voire rendre impossible l’acte de dessiner. Mais ces expérimentations de studio, si elles sont à l’origine des futures performances, ne mettent en scène aucun personnage, uniquement l’artiste testant des processus de création permettant de développer une forme artistique, mais se focalisant davantage sur le processus que sur la création finie qui relève souvent de la forme du schéma ou de l’esquisse.

Dans les six premiers épisodes, entre 1987 et 1989, il s’engage dans des actions en studio dans lesquelles il construit des obstacles avec des rampes, des trampolines, des élastiques pour s’auto-contraindre dans l’acte créatif. Elaborées en privé, ces expérimentations sont filmées et/ou photographiées afin de conserver une trace documentaire en noir et blanc de ces événements éphémères. Pourtant cet usage adopte une forme hybride entre documentaire et installation. Relevant d’une esthétique de style documentaire, certains travaux relèvent presque du domaine domestique et laissent croire à une action réelle et non artificielle.

1.1 Le corps comme véhicule de créativité et de sens

Dans la création de Matthew Barney le corps devient une véritable analogie de la pratique artistique, à travers la performance, mais également à travers la perception de l’espace sculptural et muséal. Le déplacement des limites corporelles et humaines l’entraîne à redéfinir les limites de son art.

Le contrôle que Matthew Barney établit sur son œuvre est également imposé à son propre corps qui est pensé, comme le remarque Giovanna Zapperi, « comme un idéal de totalité, ce qui renvoie aux implications culturelles de son recours à la figure virile de l’athlète et, plus en général, à son discours sur le contrôle du corps »5. En 2006, à l’exposition Drawing Restraint du San Francisco Museum of Modern Art, sont exposés trois dessins de graphite, vaseline et iode, fonctionnant à la manière de diagrammes conceptuels de la métaphore du système reproductif comme création artistique. Ils traduisent le système tripartite The Path, élaboré en 1990, et constitué des phases appelées « Situation, Condition, Production ». Ces notes et schémas préparatoires expriment le développement d’une énergie brute qui, une fois contrôlée et transformée, aboutit à une forme artistique. Ce concept émane du principe d’hypertrophie. L’un des exemples est celui du muscle qui se développe sous l’effort d’un poids. Appliqué à la création artistique, ce principe exprime l’idée que la force d’un travail repose dans la proportion de difficulté surmontée pour le créer6. Le corps est envisagé comme un circuit, un organisme dont les mécanismes internes fonctionnent comme ceux d’une machine. Le corps est visualisé comme une machine et la machine comme un corps, qui produisent toutes sortes de fluides abordant la dualité entre interne et externe.

Le processus de construction du corps est au cœur de la pratique de Matthew Barney. Cette démarche est peut-être la raison qui explique l’engouement et la fascination de la scène artistique new-yorkaise puis internationale pour ses travaux. Dès 1991, il séduit le milieu de l’art par le développement de sa mythologie personnelle qui lui permet d’élaborer un langage visuel figuratif après des décennies d’abstraction, mais qui maintient des aspects relativement abstraits dans sa signification. Il y associe des motifs récurrents tels que l’athlétisme, l’héroïsme, le transsexualisme et le contrôle du corps, et réintroduit l’image de l’artiste-héros7. La vidéo devient l’un des moyens d’expression les plus efficace et immédiat permettant au spectateur d’expérimenter l’œuvre en temps réel, selon les mêmes principes développés dans les théories phénoménologiques de Maurice Merleau-Ponty8. Le corps de l’artiste devient à la fois sujet et objet de l’œuvre. Dans l’épisode Radial Drill (1991), l’artiste gaine son corps dans une élégante robe de soirée, transformant son apparence dans un numéro de transgenre. Pourtant, le spectateur ne participe pas à cette transformation, il n’en voit que la surface, à distance, sans participer à ce rituel9. Le corps de l’artiste est transformé par l’entraînement de préparation et la performance, mais est reçu plus comme une image que comme un processus qui montre le corps en tant que véhicule de l’effort et spectacle. Cette volonté d’ôter le corps et sa sexuation de tout contexte socioculturel, est avant tout un moyen de se focaliser sur la fonction formelle du corps comme véhicule de création. De la même façon que le personnage de l’athlète incarne un medium permettant d’expérimenter le développement d’une forme selon le principe d’hypertrophie superposé à la création artistique. Ainsi l’iconographie à laquelle Barney a recours et qui pourrait s’inscrire dans un discours social est envisagée d’un point de vue formel traduisant une dépolitisation de son art. Le principe de dépassement du corps continue d’être au centre de la pratique de Matthew Barney et se développe dans les cinq films du Cremaster Cycle, dont chaque personnage principal doit surmonter des épreuves afin d’atteindre un but final.

Dès ses premières œuvres, l’artiste américain Matthew Barney exhibe son corps d’athlète aux prises avec des machines dans des épreuves physiques d’endurance et de douleur témoignant d’un contrôle et d’une puissance sur le corps de l’artiste. Au-delà de l’identité de l’artiste, c’est « la recherche des principes fondamentaux de l’identité humaine »10. Dans chacune de ses œuvres Barney se travestit et adopte l’identité d’un personnage afin d’exécuter sa performance, et plus particulièrement dans ses deux séries Drawing Restraint (1987-2011) et The Cremaster Cycle (1992-2002).

Matthew Barney, CREMASTER 5, 1997. Photographie de film ©1997 Matthew Barney. Photo : Michael James O’Brien, Courtesy Gladstone Gallery, New York

Mais la présence de l’artiste à travers l’image filmique est remise en question par son absence même du lieu d’exposition. Il crée par son absence une relation de temps et d’espace à sa personne, car la vidéo retransmet une performance qui a eu lieu mais qui n’est plus, dans l’espace même où elle s’est déroulée. L’artiste impose sa présence à travers son absence11. Il exécute son œuvre en tant que genre dans une quête de « l’idéal de l’artiste » qui se travestit indéfiniment. Dans ses actes, à travers lesquels Barney réaffirme la masculinité, il n’en donne qu’une lecture partielle puisqu’il remet en cause le genre par une multitude d’interprétations, telle une mascarade12. Il devient tour à tour satyre, tueur en série, apprenti franc-maçon, diva, cow-boy ou magicien pour emprunter l’identité d’autrui, qu’il soit imaginaire ou historique, témoignant des possibilités infinies de l’individu à se réinventer dans une quasi-schizophrénie. Bien qu’étant attirantes visuellement parlant, les créatures et les transformations corporelles de Matthew Barney traitent de thèmes qui relèvent de dualités telles que le genre et le sexe, le masculin et le féminin. La pratique de la forme artistique qu’est la performance témoigne de la volonté de l’artiste d’un contrôle total sur son corps et de sa perception dans un système cyclique qui lui permettrait de réaffirmer son identité artistique, mais aussi sa masculinité après les discours féministes des années 1960 et 1970. Dans la droite ligne des performers tels que Bruce Nauman, une part de l’expression artistique de Barney est susceptible de s’inscrire dans les recherches des gender studies comme celles de Judith Butler ou Griselda Pollock 13.

Dans la création de Matthew Barney, le corps devient une véritable analogie de la pratique artistique, à travers la performance mais également à travers la perception de l’espace sculptural et muséal. Le déplacement des limites corporelles et humaines l’entraîne à redéfinir les limites de son art. Tout comme les autres paradoxes de son œuvre, la relation de la masculinité au corps et à la sexualité est un sujet que Matthew Barney semble aborder ou parfois refuser. Dans les récentes recherches effectuées sur les gender studies, est abordée la possibilité que l’identité du genre et la sexualité puissent être vécues et pensées séparément. C’est dans ce contexte que les œuvres de Matthew Barney peuvent être analysées et interprétées. Mais au-delà de la thématique du genre, il faut peut-être également envisager dans une certaine perspective le manque de genre.

Matthew Barney refuserait donc finalement toute implication dans le masculin comme dans le féminin, pour préférer rester dans cette zone indéterminée qu’il appelle zone de pleine potentialité, une zone qui d’un point de vue corporel serait androgyne. C’est également cette identité troublée qui génère la fascination autant que l’anxiété. Il refuse d’adopter une relation mécanique entre la sexualité et le genre, mais conçoit même une identité indifférenciée du genre et de la sexualité et ainsi un espace de toutes les possibilités artistiques et fictionnelles.

1.2. Vers un nouveau lieu spatio-temporel de création

photo 4 art 2

Matthew Barney, FIELD DRESSING, 1989. Vue d’installation. Payne Whitney Gymnasium, Yale University, Copyright Matthew Barney, Courtesy Gladstone Gallery, New York

Exposée en 1989, à la galerie Althea Viafora de New York, Field Dressing (orifill) est l’une des premières performances dans laquelle Matthew Barney se met en scène, et plus précisément dans un personnage d’athlète, appelé le « Character of Positive Restraint » (personnage de la contrainte positive) inspiré du prestidigitateur Harry Houdini et annonçant le concept de The Path (le chemin). Il trouve son incarnation dans les performances et les vidéos de l’année 1991 : Blind Perineum, Transexualis et MILE HIGH Threshold : Flight with the anal sadistic warrior (Seuil à un mile de hauteur : vol avec le guerrier anal-sadique), présentées dans les galeries Barbara Gladstone de New York et Regen Projects de Los Angeles.

Ces dernières expositions compliquent quelque peu le champ temporel car elles présentent plusieurs vidéos et sculptures aux titres différents au sein d’une même installation.

Ces actions se déroulent toutes en privé, dans un silence portant l’atmosphère de concentration de l’artiste, toujours nu, hormis ses accessoires (harnais, pics à glace…) l’aidant à escalader. Les pièces dans lesquelles se déroulent les actions abritent également des sculptures servant à la performance. Elles sont moulées dans des matériaux mous, instables et organiques tels que la vaseline. L’action filmée est retransmise lors des expositions sur des écrans et les objets et sculptures sont laissés sur les lieux, transformant le lieu d’exposition en véritable sanctuaire dédié au culte du corps. Sur les deux écrans de Field Dressing (orifill), l’action retransmise montre l’artiste montant et descendant dans la pièce au-dessus d’une sculpture en vaseline, en forme d’emblème de terrain, dont il prélève la substance pour boucher ses orifices et faire de son corps un système clos. La sculpture participe littéralement à la construction de l’action et le corps est considéré comme un terrain qui peut être modifié et redessiné, un corps entièrement assujetti à la volonté humaine. Les objets sculptés utilisés dans cette action filmée font référence aux équipements servant à la construction du corps athlétique : les bancs de musculations, les haltères et les tapis de lutte. Les matériaux utilisés empruntent également beaucoup au vocabulaire sportif et plus précisément aux substances organiques ayant des répercussions sur le métabolisme comme les stéroïdes, le sucre ou les acides aminés. Dans ces objets, les équipements se superposent au métabolisme dans des objets construits à partir de substances biochimiques comme des haltères moulées de sucre ou de cire ou des machines mêlant le tapioca et le glucose. Blind Perineum, la plus longue des vidéos (87 minutes), montre Barney entrant dans la pièce réfrigérée de l’installation sculpturale TRANSEXUALIS, après avoir escaladé le plafond de la galerie. Radial Drill utilise les mêmes éléments mais dans des actions différentes, montrant que les deux vidéos n’ont pas pu se produire en même temps.

En juxtaposant ces vidéos, Barney crée plusieurs zones temporelles, mais qui sont expérimentées en même temps par le spectateur. Cette désorientation est d’autant plus présente que les vidéos ne cessent de tourner en boucle. Le temps même devient rituel. Une tension est créée par la présence étrange des accessoires utilisés dans la vidéo, preuves d’un événement passé. L’assemblage du temps de la vidéo et du temps présent de l’expérience de l’installation instaure une frustration de la perception du spectateur de la notion de réel et d’imaginaire, de présent et de passé. Mais plus encore, Barney parvient à faire de l’espace dans lequel se déroule l’action un espace sculptural14.

Ces actions s’inscrivent dans la tradition de l’art de la performance et de la vidéo agrémentée de nouvelles iconographies, celles du sport et de la chirurgie, dont les actions qui en sont inspirées dégagent une atmosphère quasi-morbide dans la répétition de gestes traduisant un désir frustré et une virilité remise en cause. L’action de Barney est également influencée par l’esthétique télévisuelle qui anesthésie autant qu’elle spectacularise l’image du corps dans une certaine « société du spectacle »15.

2. Installation

L’utilisation du medium de l’installation se fait afin de diminuer la frontière entre œuvre et réalité, écran et espace réel, grâce au principe d’immersion/projection. Deleuze qualifie cette relation à l’espace d’« architecture de la vision » : le spectateur partage le même espace que la représentation, ce qui implique la participation du spectateur, dans un rapport de phénoménologie des sens.

2.1. L’exposition comme œuvre

Le cycle du Cremaster est envisagé comme étant sculptural avant d’adopter la forme cinématographique16 : une sculpture, composante essentielle des installations, dans l’espace et dans le temps, composée de cinq épisodes qui se déploient comme des organismes vivants, et dont la narration, loin d’être linéaire, apparaît comme un lien unificateur. De plus, les films sont créés comme des pièces monocanales, faites pour être regardées du début jusqu’à la fin, contrairement aux vidéos précédentes dont quelques minutes suffisent pour en expérimenter les principales caractéristiques.

À travers les métaphores biochimiques et psychosexuelles, c’est l’évolution d’une forme qui est mise en place. Si le point de départ conceptuel est le muscle cremaster, les films expriment une circulation autour des conditions anatomiques d’ascension et de descente dans la description d’organismes mythologiques suspendus dans des états de latence. Les pièces d’installation faisant partie du même univers érotique et excentrique montrent qu’il n’y a rien de simple dans la construction de ce concept. Les films du cycle instaurent un nouveau style cinématographique construit sur une mythologie privée, une narration lente et labyrinthique, une musique omniprésente qui rythme les actions simultanées qui une fois montées à l’écran créent une relation entre l’espace et le temps. Ils possèdent à la fois la complexité d’une symphonie et la plasticité d’une sculpture17.

C’est justement ce mélange des genres, à travers l’utilisation de plusieurs mediums au sein d’une même œuvre, qui n’est pas sans rappeler la notion d’œuvre d’art totale. Mais cette dernière se développe de manière d’autant plus pertinente dans la mise en forme, voire dans la mise en scène de l’exposition des œuvres. L’artiste conçoit ses expositions comme des installations créées pour un site spécifique permettant d’intégrer les œuvres dans un espace unitaire. De plus, les œuvres étant créées sur plusieurs années, l’exposition devient un véritable medium, une œuvre d’art à part entière qui apparaît comme le point d’orgue des créations précédentes18.

Vue de l’exposition Matthew Barney : The Cremaster Cycle, The Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 21 février – 11 juin, 2003. Photographie : David Heald©The Solomon R. Guggenheim Foundation, New York

En 2003, Matthew Barney investit le musée Solomon R. Guggenheim de Frank Lloyd Wright à New York pour présenter l’exposition The Cremaster Cycle. L’architecture en spirale ainsi que la coupole de verre permettent la mise en place d’une scénographie adaptée à la disposition des écrans retransmettant The Order, séquence du troisième et dernier film du cycle ; placée au sommet de la rotonde, la répartition des sculptures, dessins et photographies sur les rampes hélicoïdales du musée jouent avec les principes d’ascension et de descente abordés par le cycle. Cette structure crée une mise en abyme de l’œuvre à l’intérieur du musée, The Order ayant été tourné à l’intérieur même du bâtiment, et déploie dans l’espace muséal une forme hybride entre exposition et installation. Des premières expositions de l’artiste, la scénographie du Guggenheim reprend à la fois le système de suspension des écrans en hauteur surplombant les visiteurs ainsi que le rapport d’espace/temps créé par la projection de l’action filmée ayant eu lieu dans l’espace d’exposition. Au-delà du lien qui unit le lieu à l’œuvre par la séquence de Cremaster 3, une relation symbolique est également établie entre les cinq épisodes filmiques et les cinq courbes ascendantes de l’architecture du musée. L’ordre dans lequel sont disposés les sculptures et objets du cycle est expérimenté d’une rampe à l’autre en résonance de l’ordre des films. Comme le remarque Arthur Danto, de la même façon que dans l’œuvre de Richard Wagner l’élément architectural du Festspielhaus (Palais des Festivals) de Bayreuth, dessiné par le compositeur, est une composante essentielle à l’expérience totale de l’œuvre, le musée Guggenheim, bien qu’il ne soit pas l’œuvre de Barney, est réapproprié pour devenir une véritable installation architecturale et une partie intégrante du Cremaster. Ainsi l’espace d’exposition se confond avec le contenu exposé19.

Dans une pratique « multimédia », le musée apparaît comme le lieu le plus propice à l’exposition des différents états d’une même œuvre. Les sculptures, photographies, installations et films peuvent s’exprimer clairement dans l’espace muséal et parfois même se révèlent comme ayant été conçus uniquement pour cet environnement. Néanmoins, la forme filmique témoigne une fois de plus de son ambiguïté. Les films sont tantôt retransmis sur moniteurs au cœur des expositions ou projetés sur écrans dans des salles de cinéma. Dans le premier cas, ils font alors partie intégrante du dispositif scénographique, participant à la forme hybride de l’œuvre,  comme le montre l’exposition du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris en 2002. Pourtant, l’artiste fait appel à l’endurance du visiteur, qui pour visionner le cycle dans son entier, doit rester dans l’espace d’exposition plus de sept heures. Les films empruntent alors le comportement des vidéos, ne permettant pas d’être visionnées dans leur continuité. Dans le second cas, il est fait abstraction de toutes les autres œuvres pour se concentrer sur la pièce filmique qui acquiert une autonomie particulière, mais qui est également sortie de son contexte premier, dans lequel elle est censée s’inscrire. Ainsi, projetée dans les salles de cinéma, l’œuvre filmique prend le risque d’être assimilée au divertissement cinématographique, face auquel le spectateur se laisse submerger et ne peut instaurer de distanciation critique ou analytique.

L’hybridité qui se développe dans l’œuvre de Matthew Barney, si elle se joue dans un premier temps à travers la multiplicité des personnages développés dans son œuvre, se développe également à travers les différentes pratiques artistiques qui trouvent leur point de départ dans le film comme l’explique Vivian Sobchack. Elle témoigne de son attachement au medium filmique au regard du dialogue qu’il peut entamer avec les autres médias artistiques et de sa capacité révélatrice :

Ce qui m’a attiré vers le film en tant qu’objet d’étude n’était pas seulement le fait que je l’appréciais pour ce qu’il a de sensuel et de totalement fascinant en tant que medium, mais aussi parce qu’il me paraissait être un point d’ancrage à partir duquel on pouvait aller partout. On pouvait s’intéresser à la peinture, ou à l’architecture, ou vouloir aller vers la philosophie ou des problématiques sociales. Pour moi, le film était un medium qui était par nature interdisciplinaire.20

Le film dépasse désormais les frontières de la « boîte noire » et témoigne de son caractère hybride lorsqu’il côtoie les autres pratiques artistiques qui très souvent l’emploient pour ses propriétés projectives et immersives, comme le décrit Giuliana Bruno :

Le film trouve sa place dans la construction de l’espace, car il est aussi une « projection » […] le film est en réalité un objet très matériel qui rend visible quelque chose qui ne l’est pas, incluant notre espace imaginaire et mental.21

Pourtant dans ce « mélange des genres », la nature du film reste néanmoins très problématique pour Peggy Phelan qui affirme : « La seule vie de la performance réside dans le présent22», considérant que l’œuvre reste la performance et est distincte de son enregistrement. De plus, elle émet un doute quant à la possibilité de médiation de ce medium relevant de la technologie :

Dans la performance live, ce qui importe est la possibilité pour l’événement d’être transformé par ceux qui y participent, c’est ce qui donne vie à la performance […] Mais ce potentiel, cette promesse séduisante de transformation mutuelle est extrêmement importante car c’est le lieu où se rejoignent l’esthétique et l’éthique.23

Cette position a très rapidement suscité des réactions et notamment chez Philip Auslander24 pour qui l’enregistrement filmique peut faire œuvre de manière autonome indépendamment de la performance.


Notes

1 –  Laurence Bossé et Julia Garimorth, « The Cremaster Cycle », in Matthew Barney : The Cremaster Cycle, Paris, Paris-Musées/ Beaux-arts Magazine, 2002, p. 5.

2 –  Timothée Picard, L’art total : grandeur et misère d’une utopie (autour de Wagner), Rennes, Presses universitaires, 2006.

3 –  Philippe Dagen, « L’art total de Matthew Barney », Le Monde, 13 octobre 2002, p. 21.

4 –  Arthur C. Danto, « The Anatomy Lesson », The Nation, 17 avril 2003.

5 –  Giovanna Zapperi, « Matthew Barney systèmes de production », in Pratiques, Réflexions sur l’art, n°17, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p.59

6 –  Keith Seward, « Matthew Barney and Beyond », in Parkett n° 45, Zurich, 1995, p. 58-61.

7 –  Giovanna Zapperi, op.cit.

8 –  Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, (1945), 2001.

9 –  Liz Kotz, “Video : process and duration”, in Acting Out (The Body in Video : Then and Now), Londres, Royal College of Art, 1994, p.17-26.

10 –  Dan Cameron, Périls et Colères, Bordeaux, Musée d’art contemporain, 1992.

11 –  Amelia Jones, « Presence in abstentia : experiencing performance as documentation », in Art Journal, vol. 56, n°4, Hiver 1997, p.11-18.

12 –  Harry Brod, “Masculinity as Masquerade”, in The Masculine Masquerade, Cambridge, MIT Press, 1995.

13 –  Andrew Perchuk, The Masculine Masquerade, Cambridge, MIT Press, 1995.

14 –  Nat Trotman, “Ritual space / Sculptural Time”, in All in the present must be transformed : Matthew Barney and Joseph Beuys, New York, Guggenheim Museum Publications, 2007, p.145.

15 –  Guy Debord, La Société du Spectacle, Paris, Buchet-Chastel, 1967.

16 –  Hans-UlrichObrist, Hans-Ulrich Obrist Interviews, Vol. I, Milan, Charta, 2003, p.71.

17 –  Massimilio Gioni, Matthew Barney, Milan, Electa, 2007.

18 –  Charlotte Szmaragd, L’Exposition comme Œuvre : l’exposition The Cremaster cycle de Matthew Barney au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (10 octobre 2002 – 04 janvier 2003), mémoire d’étude, Paris, École du Louvre, sous la direction de Cécile Dazord, 2006.

19 –  Arthur Danto, op. cit.

20 –  Marquard Smith, « Phenomenology, mass media, and being-in-the-world, Interview with Vivian Sobchack », in Visual Cultures Studies, Londres, Sage, 2008, p.116.

21 –  Marquard Smith, « Cultural cartography, materiality and the fashioning of emotion, Interview with Giuliana Bruno », ibid., p.147-148.

22 –  Peggy Phelan, Unmarked : the Politics of Performance, Londres, Routledge, 1993, p.146.

23–  M. Smith, « Performance, Live Culture and Things of the Heart, Interview with Peggy Phelan », op.cit., p.136.

24 –  Philipp Auslander, Liveness : Performance in a Mediatized Culture, New York, Routledge, 1999.


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