Les premiers jeux olympiques modernes

Notre arrivée ne cause aucune surprise ; nous sommes perdus dans la foule qui encombre la capitale. Les rues sont pavoisées avec une incroyable prodigalité ; pas un morceau de cet horrible calicot qui est habituel chez nous, partout la noble et coûteuse étamine. Je n’ai vu nulle part de si grands drapeaux en telle quantité ; beaucoup ont deux, trois étages de hauteur, et il y en a souvent à toutes les fenêtres. Les couleurs grecques, le blanc et le bleu clair dominent, au milieu de tous les pavillons de l’Europe. Ainsi parée, Athènes est très séduisante. En moins d’un demi-siècle, elle a pris ce grand air que nous admirons. Les rues des nouveaux quartiers sont bordées de palais. Ce mot n’est pas exagéré, car partout on a construit avec le marbre du Pentélique.

 

« Athènes pavoisée. Pâques et jeux olympiques. 2 ». 1896
« Vue du stade moderne « 51 ». 1896

 

 

 

 

 

 

 

Les citadins d’Athènes, comme ceux de Nauplie, nous ont fait la meilleure impression. Ils sont serviables et courtois ; bon nombre parlent notre langue et sont venus souvent à notre aide avec beaucoup de gentillesse. Il suffisait d’être reconnus Français pour être très bien accueillis. En somme ce peuple m’a paru fort désireux de donner aux étrangers une bonne opinion de lui.     Hier encore des faits fâcheux s’ajoutaient à tant d’autres. Cependant, il se peut que ce premier siècle d’indépendance ne soit qu’une période de transition et que le peuple Grec soit appelé à jouer un rôle très important dans cette Europe orientale qui s’agite sans cesse depuis qu’elle existe et où se formeront longtemps encore les orages politiques du vieux monde.
Je trouve puéril leur enthousiasme délirant pour les jeux olympiques. A en croire leurs journaux, la restauration des jeux dans le stade panathénaïque doit être considéré comme « un événement historique d’une très grande portée. Désormais célébrés solennellement, à tour de rôle, dans les capitales du monde civilisé, etc, etc. ». La vérité est que cette célébration des jeux ne pouvait être, malgré tout, que la parodie des concours d’Olympie, de Delphes, de Corinthe et autres, qu’elle n’a pas eu plus d’importance qu’une représentation exceptionnelle à l’Opéra ou qu’une belle course à Longchamp.

« Entrée du stade. A gauche l’Acropole. 9 ». 1896
« Les jeux olympiques au stade, Athènes. 10 ». 1896

 

 

 

 

 

 

 

L’inauguration avait lieu sous la présidence effective de l’héritier présomptif, le Diadoque Constantin, secondé par ses frères Georges et Nicolas.
Un ordre parfait régnait partout ; nous avons pu arriver à notre place, puis circuler et nous retirer aisément sans rencontrer cette cohue qui dans notre pays aurait formé aux portes une masse impénétrable. Les consignes étaient indiquées par l’armée et respectées.
Lorsque la famille royale est entrée avec les princes invités et toute l’escorte, on a quelque peu salué et applaudi, et presque sans acclamations. Singuliers méridionaux que ces Hellènes ! Le roi Georges prit place sur un des deux trônes élevés au fond du stade, au milieu du premier gradin ; sur l’autre siège s’assit le roi de Serbie. Autour d’eux étaient rangés les princesses et les princes, parmi lesquels le grand duc Georges de Russie, fiancé de la fille du roi.
Les « jeux » se sont prolongés plusieurs jours et la course dite de Marathon a été gagnée par un grec, ce qui a violemment excité l’enthousiasme.

 

« Le stade. Inauguration des jeux olympiques. Entrée de la famille royale. 44 ». 1896