Construire les futurs patrimoniaux : les collections du Bénin à l’épreuve de l’interdisciplinarité, retours critiques

Les objets d’arts et de civilisations, au cœur des études critiques et des stratégies de décentrement dans les institutions patrimoniales, deviennent les vecteurs des relations intimes et historiques — souvent violentes — qui tendent à façonner les biographies personnelles dans le contexte complexe des échanges postcoloniaux transnationaux. Ces différentes clefs de lecture et de compréhension des arts et des objets extraoccidentaux ont mené à la naissance de programmes de recherche au sein des sciences sociales et des musées. Le phénomène de collectionnisme occidental lié aux vagues colonialistes et aux expéditions impériales est aujourd’hui au centre des études sur les collections muséales et sur les objets issus de communautés extraoccidentales. Les musées examinent, depuis plusieurs années, leurs infrastructures, ainsi que les systèmes de valeurs qui ont généré des pratiques contestées aujourd’hui. Cette auto-évaluation doit notamment servir à modifier les pratiques quotidiennes dans les programmes, la gestion et la gouvernance muséale.

En collaboration avec le Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse, les membres du laboratoire junior COLL-AB ont mené une recherche participative sur les collections en provenance du Bénin. Comme dans de nombreuses institutions muséales occidentales, les professionnels du patrimoine à Toulouse sont aujourd’hui confrontés aux enjeux soulevés par cet héritage contesté. Face à cette problématique, une démarche collaborative impliquant les communautés d’origine, les musées et le monde universitaire (professionnels des musées et de la culture, associations, artistes, chercheuses et chercheurs) s’est organisée afin de mener des recherches concertées sur la provenance de ces collections et les savoirs gravitant autour de ces dernières. Dans cette perspective, le laboratoire junior COLL-AB (Collaborations – Collections d’Abomey et du Bénin), rattaché au Labex SMS (Structuration des Mondes sociaux), a mobilisé des méthodologies issues de l’anthropologie culturelle, de la muséologie, de l’histoire, de l’histoire de l’art et de la géographie sociale. L’objectif était d’explorer le parcours des collections béninoises conservées à Toulouse, de renouveler les récits et les savoirs autour de ce patrimoine et d’analyser les modalités de mise en œuvre d’une dimension collaborative et participative dans ce renouvellement.

Le collectif entend analyser les retombées de l’un des temps forts de ce projet de recherche collaborative, interdisciplinaire et partagée autour des patrimoines spoliés et conservés en Occident : l’organisation d’une semaine scientifique, culturelle et artistique en septembre 2023 qui comprenait un colloque scientifique international mais aussi des rencontres interprofessionnelles, des activités de médiation et des ateliers artistiques. Il s’agit également d’évaluer l’apport de cette démarche dans l’intégration de savoirs multiples, relatifs à ces objets, en adoptant une perspective décoloniale. Ce travail vise ainsi à ouvrir la voie à de pratiques plus éthiques et à favoriser un renouvellement, partagé et collaboratif, des connaissances historiques, mémorielles, spirituelles, culturelles et artistiques dans les musées et la recherche.