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Les dynamiques d’encastrement de l’innovation dans les processus d’économie circulaire
septembre 10 | 13h30 – 14h00

Danielle Galliano, Amélie Gonçalves et Pierre Triboulet
L’économie circulaire peut être définie comme la mise en place d’une économie limitant au maximum les déperditions de matières et d’énergie en vue de préserver la biosphère et les ressources qu’elle procure. Cette économie se veut non-linéaire, basée sur la création de boucles (circularités) permettant de faire des déchets des uns les matières premières des autres. Cette construction de circularités implique des innovations pouvant s’inscrire dans des échelles territoriales très différentes. D’abord, car la circularité peut se penser et se construire soit à l’échelle d’une organisation, soit à l’échelle d’un ensemble d’acteurs d’une filière ou d’un secteur, ou de plusieurs filières, Ensuite car elle peut se fonder sur des ressources et des déterminants locaux ou non-locaux ( de Jesus, Mendonça, 2018).
Notre travail vise à caractériser les innovations sur lesquelles s’appuie la construction de circularités dans les filières agro-alimentaires. En d’autres termes, nous analysons la nature des innovations mises en place, les caractéristiques de leurs porteurs, le rôle des facteurs territoriaux et non-territoriaux dans le développement ainsi que les facteurs expliquant le non-développement de certaines innovations. Nous souhaitons ainsi répondre à la question suivante : quelles sont les échelles et les dynamiques de coordination, de circulation des ressources voire de production de ressources communes dans les démarches d’économie circulaire développées par les acteurs des filières agro-alimentaires ?
Notre travail repose sur une triple originalité : en termes d’objet, en termes de cadre d’analyse et en termes de méthode. En termes d’objet, l’économie circulaire est au cœur d’un nombre croissant de travaux dans lesquels les problématiques de coordination et de rôle du territoire prennent de plus en plus de place, à l’instar des travaux sur l’écologie industrielle et territoriale (Brullot et al., 2014 ; Buclet et al., 2015). Cependant, l’agriculture et les activités agro-alimentaires sont rarement au centre des travaux (Gallaud, Laperche, 2016). En termes de cadre d’analyse, nous proposons de mobiliser la littérature en économie de l’innovation (en particulier innovation environnementale) pour expliquer le développement des initiatives d’économie circulaire. Il s’agit d’une littérature à ce jour peu mobilisée pour traiter cette thématique, à l’exception des travaux analysant les dynamiques de réseaux dans le cadre des démarches plus ou moins localisées d’économie circulaire (Taddeo et al., 2017; Mirata, Emtairah, 2005). Enfin, nous mobilisons pour nos enquêtes de terrain une méthodologie issue de la sociologie économique – les narrations quantifiées – qui permet de révéler les dynamiques d’encastrement / découplage des processus d’innovation, tant d’un point de vue géographique que relationnel (Grossetti, 2011).
Comme le soulignent les définitions de l’ADEME , l’économie circulaire regroupe plusieurs domaines d’actions et comprend donc un vaste panel d’initiatives. Nous avons choisi d’étudier – dans une perspective comparative – trois grands types d’actions : la valorisation de biomasse au travers de projet de méthanisation collective, la valorisation de coproduits par des distilleries et le développement de circularités autour de nouveaux produits pour l’alimentation humaine et animale.
Du point de vue méthodologique, nous avons réalisé des monographies de projets sur la base d’entretiens semi-directifs avec les acteurs principaux des projets étudiés. Nous avons réalisé une quinzaine d’entretiens d’une qui nous ont permis de recueillir des informations sur les points suivants : caractéristiques du projet et de ses acteurs, l’histoire du projet et sa dynamique, ce qui circule entre les acteurs (caractériser et si possible quantifier les flux) et identifier l’éventuelle production de nouvelles ressources partagées, bilan et perspectives du projet du point de vue des acteurs. Les entretiens ont notamment été conduits avec la méthode des narrations quantifiées. Cette méthode mixte est particulièrement adaptée pour reconstituer le déroulement d’un processus, afin d’identifier ses différentes phases et, au cours de celles-ci les ressources mobilisées par les acteurs ainsi que leur provenance. Elle permet de récolter des données qualitatives et de produire des statistiques sur les ressources acquises
Concernant les résultats, nous observons des dynamiques contrastées en fonction de la nature du projet. Les projets de méthanisation collective reposent sur des connaissances et des coordinations n’existant pas localement au départ. Ils induisent ainsi des innovations organisationnelles qui se structurent sur un temps long autour de l’implantation d’innovations technologiques et l’absorption de connaissance très majoritairement apportées par des acteurs extérieurs au territoire mais dont les collectifs locaux se saisissent pour forger leur expertise. La valorisation de co-produits par les distilleries relève elle plutôt d’une diversification de leurs activités reposant sur la mobilisation de ressources internes et la capacité d’absorption d’une ou deux personnes clés de l’entreprise. Les projets multi-filières autour de l’alimentation humaine et animale semblent quant à eux hybrider ces deux dynamiques. Au-delà de ces différences, on retrouve un certain nombre de caractéristiques communes à ces projets : importance des réseaux d’acteurs locaux pré-existants et d’individus clés portant le projet et importance des contexte réglementaires et sectoriels (donc macro et méso).
