Le système de santé est une organisation qui s’ouvre de manière exponentielle à son environnement. Quelles frontières, aussi bien professionnelles que politiques, s’en trouvent redessinées ? Quel visage de la santé en résulte-t-il ? Plus précisément, nous nous intéressons dans ce colloque aux reconfigurations organisationnelles et communicationnels qui travaillent actuellement le domaine de la santé. Par reconfiguration nous voulons faire appel aux multiples figures que prennent les organisations face aux enjeux et défis associés aux services de soins et à la promotion de la santé.
- Date : du 7 au 11 mai 2012
- Lieu : Palais des Congrès – Montréal – Canada
- Congrès organisé par : ACFAS Association francophone pour le savoir
- Colloque organisé par : ComSanté, UQAM – Canada / CERTOP UMR5044 CNRS, Toulouse France / CRESPPA UMR7217, Paris France
La santé s’organise dans des institutions ou des réseaux que l’on considèrera comme des organisations. Par organisations de santé nous référons tant aux organisations médicales (les hôpitaux, les cliniques, etc.), qu’aux organisations de promotion et de prévention, voire de gestion de la santé, quelles soient privés ou publiques, internationales, nationales ou locales, à but lucratif ou non lucratif. En plus d’inclure une variété d’organisations formelles dans la notion d’ « organisations » de santé, nous proposons, en suivant en cela Zoller (2010)[1], d’ouvrir la réflexion sur l’organisation en tant que processus de réagencement du social, c’est-à-dire questionner, par la clé d’entrée des processus communicationnels, les formes de constitution et transformation des systèmes de santé. Plus précisément, nous nous intéressons dans ce colloque aux reconfigurations organisationnelles et communicationnels qui travaillent actuellement le domaine de la santé. Par reconfiguration nous voulons faire appel aux multiples figures que prennent les organisations face aux enjeux et défis associés aux services de soins et à la promotion de la santé.
Les organisations subissent des reconfigurations qui posent la question de leurs frontières organisationnelles au regard de l’intégration de plus en plus prononcée d’acteurs de la société civile (les associations de patients, les citoyens auxquels est offert la possibilité de consulter les rapports sur les hôpitaux, par exemple) et d’un Etat préconisant des principes de responsabilisation. Ceci interroge les nouvelles missions des organisations de santé prises entre une mission fondamentale de soin, mais également une mission économique au sens où les contraintes du système de santé poussent à leur gestion maîtrisée ; s’ajoute une mission civique selon laquelle les organisations de santé exercent une responsabilité sociale.
Qu’il s’agisse de nouvelles démarches de gestion, de nouvelles formes de normalisation, de nouveaux standards, de nouveaux acteurs, de nouvelles maladies, ces transformations amènent les organisations à se renouveler, à se reconfigurer. Ces reconfigurations passent par de nouvelles formes de communication, qui visent à assurer aussi bien l’interopérabilité des systèmes – le partage de l’information et des savoirs – que la coordination et la redéfinition des soins. Le besoin de coordination et ses modalités ne s’expriment pas de la même manière selon les contextes sociaux et les contextes organisationnels. Or ces reconfigurations organisationnelles interrogent les transformations associées des activités de communication. Si la notion de « configuration » nous enjoint à saisir les formes, les structures, les « patterns » associés à ces mutations, notons que le préfixe ‘re’ de « reconfiguration » nous en rappelle le mouvement continu – le caractère dynamique des transformations du système de santé – ainsi que son caractère itératif : s’agit-il de configurer afin d’assurer une certaine continuité, de concilier changement et permanence ?
Trois types de reconfigurations sont ici différenciés: (1) les reconfigurations des systèmes de santé nationaux ou internationaux, touchant la viabilité et la mise en cohérence des réseaux de santé, (2) les reconfigurations institutionnelles, touchant les missions des organisations de santé et leurs modes opératoires, (3) les reconfigurations professionnelles, touchant les territoires et les formes de coordination des individus et groupes participant aux service de soins et à la promotion de la santé. Ces trois formes de reconfiguration soulignent l’importance de la mise en cohérence des multiples figures de l’organisation de la santé, figures associées à des impératifs tantôt sociaux ou économiques, tantôt technologiques ou relatifs aux pratiques professionnelles, tantôt administratifs ou éthiques.
Le système de santé est une organisation qui s’ouvre de manière exponentielle à son environnement. Quelles frontières, aussi bien professionnelles que politiques, s’en trouvent redessinées ? Quel visage de la santé en résulte-t-il ? Les axes suivants proposent différentes avenues pour en dresser le portrait.
Axe 1 – Développement des réseaux, reconfigurations territoriales, politiques des soins et relations inter-organisationnelles
Dans les évolutions des systèmes de santé on peut constater des transformations liées aux politiques de santé. Les politiques de gestion des territoires (par exemple, politique de regroupement des hôpitaux en France) ne sont pas sans effet sur la manière de communiquer ensemble et à distance. Il existe des interventions règlementaires ou incitatives qui peuvent changer la donne : le partage des informations en temps réel au travers de réseaux informatisés, le développement du dossier patient, sont autant de dimensions qui interfèrent sur les manières de travailler ensemble, sur un même site et à distance.
La répartition des actes ou des populations à prendre en charge s’appuie également sur un partage renouvelé entre secteur public et secteur privé. On constate par exemple en France un clivage entre les interventions courantes, à faibles risques et bien remboursées, prises en charge par le privé, et celles plus complexes et à risque laissées au secteur public. Qu’en est‐il des autres pays ? Comment se fait le partage entre institutions ? Existe‐t‐il une spécialisation en fonction de critères financiers, sociaux, ou en fonction des types de spécialisation ? La séparation s’accompagne t‐elle de formes de coopérations et lesquelles ?
Les réseaux de soin constituent une forme particulière de relations entre institutions. Les établissements doivent progressivement obtenir des autorisations de prise en charge sur certains types et niveaux de pathologie, selon un dispositif qui dessine différents territoires du soin en même temps que des formes de parcours préconisés. Comment peut‐on caractériser les modalités de la coopération dans ces configurations ? Il sera intéressant de montrer comment se construit le fonctionnement des réseaux de soins dans différents pays, comment les différents acteurs s’organisent entre eux. Peut‐on rapporter la forme d’organisation observée à une prise en charge spécifique liée à une pathologie, ou bien ces prises en charges sont‐elles liées à la composition des réseaux et à la diversité professionnelle de leurs membres?
Axe 2- Formalisation et standardisation, reconfigurations des pratiques professionnelles
On constate un développement des certifications qualité, des règles de sécurité, des dispositifs gestionnaires au plus près de l’activité. Ainsi les politiques publiques de ces dernières décennies ont cherché à introduire progressivement la dimension économique dans la décision de soin. Les transformations des modalités de coordination tiennent également à la formalisation et la standardisation des méthodes et procédures, à travers la protocolisation, les prescriptions de ‘bonne pratique’, et autres recommandations associées à l’évaluation des pratiques professionnelles. Au‐delà des méthodes elles‐mêmes, ce sont aussi les valeurs, les normes professionnelles qui sont travaillées par des référentiels issus du secteur marchand et qui font l’objet de formes diverses d’appropriation (gestion de la qualité, gestion des risques, démarche processus…).
La question du temps et des effectifs est aussi un élément important à prendre en compte. On peut s’interroger sur la manière dont s’accroit l’intensité du travail dans un contexte marqué par la pénurie. Comment évoluent les collectifs de travail ? Y a‐t‐il une montée en puissance des fonctions d’encadrement et une transformation de ses missions, des manières de les conduire ? L’accès à ces fonctions est‐ elle liée à la trajectoire de soin ou constate‐t‐on une diversité dans la manière de pourvoir ces fonctions ?
Axe 3 : Déploiement et reconfigurations associés à la mise en œuvre des technologies dans les systèmes de santé
Au regard des évolutions observables dans les services de santé, il est possible d’identifier deux logiques fortes dans les formes de mobilisation des TIC :
- Une logique d’intégration des systèmes d’information des établissements incluant l’extension de cette informatisation aux activités de soins. Les TIC constituent de plus en plus la trame des activités opérationnelles et de gestion, en les imbriquant, en lien avec des objectifs de meilleure efficience,,de maîtrise budgétaire, et de traçabilité requise par les exigences médico légales ;
- Une logique de développement de formes d’interopérabilité entre systèmes d’information des établissements et autres opérateurs des réseaux de santé (notamment, médecine de ville), pour assurer le suivi des patients, dans un contexte de parcours de soins marqués par des épisodes de plus en plus spécialisés, mis en oeuvre par une offre de services régionalisée, organisée en termes de complémentarité et privilégiant les soins ambulatoires.
L’offre de solutions informatiques apparaît en bonne part limitée, peu stabilisée, parfois technologiquement dépassée. Comment caractériser cette offre selon les pays, et comment expliquer cette situation ? Comment les établissements opèrent‐ils le choix de déploiement de ces systèmes, quel rôle est attribué aux professionnels de santé ? En quoi ces nouveaux systèmes participent‐ils d’une évolution des activités, de leur coordination, et de la relation au patient ? Les changements dans les modalités de la coordination peuvent être liés aux évolutions des objets techniques (dossier du patient papier ou informatisé, fiches de reporting ou d’enregistrement de l’activité), ainsi qu’aux nouvelles taches qui incombent aux personnels soignants.
L’instauration d’un système d’information de santé n’a pas seulement une finalité comptable et statistique ; elle tend à évaluer l’efficacité des activités thérapeutiques et soumettre l’activité médicale au contrôle de la représentation nationale et des services de l’administration. Ces transformations ne sont certainement pas sans effet sur les charges de travail, la répartition des activités et l’échange des informations, notamment parce qu’elles introduisent de nouvelles dépendances entre services. Ce travail d’organisation est d’autant plus complexe que différentes réformes se succèdent et sédimentent des pratiques, des règles, des habitudes qui se superposent sans toujours permettre le fonctionnement souple et réactif nécessaire aux professionnels.
Axe 4: Les figures du patient en tant que citoyen, partenaire, usager, consommateur….les figures de l’organisation sociétale, partenaire, de service, productrice…
Une autre dimension importante des transformations en cours a trait aux patients et à la façon dont ils s’inscrivent dans la relation de service qui les lie aux professionnels des établissements de soin. Ces évolutions mettent notamment en jeu les transformations du droit des patients, de leur approche des pratiques de soins et leurs rapports aux professionnels de santé en lien avec des évolutions sociales plus globales. La relation de soin est de plus en plus vue comme une coproduction entre les professionnels et les malades. Les patients cherchent dans les médias et via l’internet des informations sur les pathologies et les thérapies, au risque de s’égarer dans cette profusion de discours. Cette nouvelle posture des patients et de leur environnement familial interroge sur l’évolution des rapports aux soignants, au plan notamment de la nécessaire construction de la confiance qui combine diversement connaissances et croyances (Karpik, 2007)[2].
Par ailleurs, le développement des associations de patients, et l’obligation de représentation des usagers au sein de divers conseils et commissions de l’hôpital posent la question de l’effectivité de ce que certains experts appellent la ‘démocratie sanitaire’. En quoi et à quelles conditions cette participation renouvelée des patients contribue‐t‐elle aux transformations des organisations hospitalières ?
Enfin, la montée en puissance du rôle des établissements du secteur privé au sein des réseaux de santé interroge sur les conditions de cet accès au soin, sur l’information dont disposent les patients, et plus largement sur les formes renouvelées des inégalités de l’accès aux soins.
Axe 5 : Le rapport entre établissements de santé, système de santé et société civile : une mission reconfigurée ?
Les établissements de santé sont de plus en plus interpelés dans les média au plan de leur responsabilité dans les maladies nosocomiales, et plus largement du point de vue de la qualité des soins prodigués aux patients. La médiatisation des risques de pandémies interroge également sur le rôle des différents types d’acteurs au sein des systèmes de santé du point de vue de leur prise en charge et de leurs territoires d’intervention. Les formes de rationalisation de l’offre de soins, qui tendent fréquemment à concentrer l’offre sur des pôles régionaux suscitent des réactions au sein de la population, qui manifeste son inquiétude au regard de l’éloignement des établissements de santé. Comment les établissements de santé tentent‐ils d’instaurer de nouvelles relations avec la population ? Peut‐on parler du développement d’un débat public autour des enjeux de santé, sur quelles questions, et quelles formes prend‐il ?
Dans ce contexte, les établissements de santé se voient assignés de nouvelles missions qui dépassent leur rôle premier de soin. Il s’agit de promouvoir et d’accompagner la société dans sa prise en main de la santé. Les Hôpitaux Promoteurs de Santé, par exemple, se doivent d’éduquer – et non plus soigner – non seulement le patient mais aussi le citoyen. La maîtrise de la santé ne relève plus de compétences curatives seules mais d’un transfert de compétences habilitantes pour l’individu dans la prise en charge autonome de sa santé.
Axe 6 : La santé comme domaine d’étude, reconfigurations interdisciplinaires
La santé n’est-elle qu’un domaine d’études parmi d’autres utiles aux chercheurs dans la connaissance de mouvements plus généraux ? Sa spécificité nécessite-t-elle de l’appréhender selon des méthodes, des croisements disciplinaires inédits ? Cet axe insiste sur une dernière figure de la santé – la santé en tant qu’objet d’étude – et encourage à une réflexion questionnant les défis que cette figure soulève afin d’en délimiter les traits.
Conditions de participation
Les auteurs enverront une proposition de communication de 3 000 signes (espaces compris) et un résumé de 10 lignes, en format Times New Roman, caractère 12 et interligne simple,
au plus tard le 27 Janvier 2012.
Cette proposition doit être adressée à : vasquez.consuelo@uqam.ca ; jolivet.alexia@courrier.uqam.ca
Les propositions de communication ainsi que les articles feront l’objet d’une évaluation en « double aveugle » par les membres du comité scientifique. Les communications sélectionnées seront réparties en ateliers (voir les thématiques). Il conviendra donc pour les auteurs de rendre leurs propositions d’articles anonymes, en envoyant deux types de documents :
- Une fiche en format A4 comprenant le titre de la proposition d’article, le nom de l’auteur, son rattachement institutionnel, sa fonction, ses adresses électronique et postale, son numéro de téléphone : merci de bien compléter ces informations, elles sont requises dès soumission pour que nous puissions vous faire figurer sur le programme de l’ACFAS ;
- En format A4, le titre de la proposition d’article et le texte de l’article.
- Décision du comité scientifique : 15 Février 2012
- Remise des contributions (20 000 à 30 000 signes) : 6 Avril 2012
Publication des actes
Les actes seront publiés sur le site du Centre institutionnel de recherche sur la communication et la santé de l’UQAM – ComSanté.
Tout participant-contributeur au colloque doit s’inscrire au congrès de l’ACFAS (http://www.acfas.ca/congres/). L’inscription (1) donne accès à toutes les séances du congrès et (2) donne droit à l’abonnement à la revue Découvrir.
Compte tenu des règles de l’ACFAS, les communications seront mises en ligne après inscription au congrès.
Responsables scientifiques de la manifestation
- Anne Mayère, Professeure en sciences de l’information et de la communication, Université de Toulouse, CERTOP, UMR 5044, Centre d’Etude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir
- Consuelo Vasquez, Professeur adjointe au département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal, ComSanté: Centre de recherche sur la communication et la santé
- Régine Bercot, Professeure de sociologie, Université Paris 8, Laboratoire CRESPPA, UMR 7217, équipe Genre Travail Mobilité
- Alexia Jolivet, Stagiaire postdoctorale au Laboratoire ComSanté, Centre de recherche sur la communication et la santé, Université du Québec à Montréal, et chercheure au CERTOP, Centre d’Etude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir, UMR CNRS 5044 Université de Toulouse.
Calendrier :
- Date limite de réception des propositions de communication : 27 janvier 2012
- Evaluation par le comité scientifique : du 27 janvier au 15 Février 2012
- Retour vers les auteurs : 17 février
- Envoi par les auteurs de leur communication : 6 avril 2012
Renseignements: vasquez.consuelo@uqam.ca ; jolivet.alexia@courrier.uqam.ca ; anne.mayere@iut-tlse3.fr ; regine.bercot@gtm.cnrs.fr
Notes
[1] Heather M. Zoller (2010). What Are Health Organizations? Public Health and Organizational Communication. Management Communication Quarterly. 24(3) 482–490
[2] Karpik L., (2007), L’économie des singularités, éd. Gallimard.