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danglais  dallemanddespagnolA l’occasion des 25 ans du laboratoire ‘Dynamiques Rurales’, un colloque international pluridisciplinaire se tiendra à Toulouse du 23 au 27 mai 2016. Ce colloque sera couplé aux Journées Rurales 2016 de la Commission française de Géographie rurale (Comité National Français de Géographie). Cette double manifestation appelle des contributions de l’ensemble des sciences humaines et sociales travaillant sur les ruralités (géographie, sociologie, économie, anthropologie, gestion, droit, études audiovisuelles…), à l’image du dialogue entre disciplines propre à ‘Dynamiques Rurales’. Elle invite à développer une collaboration tant avec les partenaires historiques de ‘Dynamiques Rurales’, notamment en Amérique latine et en Afrique, qu’avec les homologues de la Commission française de Géographie rurale dans différents pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Portugal, Royaume Uni…) dans le cadre du Réseau européen de géographie rurale.

La parution de « La renaissance rurale » (B. Kayser, 1990) et la naissance du laboratoire ‘Dynamiques Rurales’ (1991) sont quasiment concomitantes. Un quart de siècle plus tard, quel sort faisons-nous à « La renaissance rurale » ? L’objectif n’est pas tant de reprendre la polémique entre les tenants de la crise rurale et de sa disparition programmée, opposés aux tenants d’une renaissance rurale aux accents parfois localistes et militants. Il s’agit plutôt de revenir sur le fond, sur le projet qui a guidé l’ouvrage : une tentative de synthèse des réflexions des années 1970 et 1980 en vue de refonder l’objet « rural », de donner les grands axes d’un modèle de compréhension d’un rapport société – espace. Qu’en est-il aujourd’hui de ce projet ?

Dans l’objectif de construire un bilan et des perspectives, nous proposons de centrer le colloque sur des points de controverse qui ont animé les études rurales durant ces dernières décennies, autour de 3 axes thématiques :

Usages

marché bio Mexique2012©M PouzencS’appuyant sur de nombreux travaux, B. Kayser constatait un retournement de tendance démographique à partir des années 1970 : les campagnes d’Europe et d’Amérique du Nord commençaient à se repeupler. L’auteur n’y voyait pas seulement un phénomène de périurbanisation, dont l’ampleur n’a cessé de croître depuis lors, mais plus largement une « renaissance rurale ». La société villageoise, la localité, entendue comme une organisation spécifique de phénomènes globaux, apparaissait en pleine recomposition, que ce soit au niveau de ses secteurs d’activité, de ses groupes sociaux ou de ses pratiques culturelles.

Depuis lors, du « repeuplement des campagnes » à l’économie résidentielle, de « la recomposition de la société villageoise » à la transition mobilitaire, de « la culture au village » au marketing territorial, les mutations constatées sont considérables et appellent un profond renouvellement des catégories permettant d’en rendre compte. En sommes-nous aujourd’hui, dans le cadre du « village planétaire », à une uniformisation des usages et des usagers des espaces agricoles et des espaces de moindre densité ? Les pratiques spatiales des acteurs du quotidien, conjuguées à la force des représentations sociales, contribuent à modifier et marquer les territoires (M. De Certeau, 1990, G. Di Méo, 1996, N. Mathieu, 1998, J. Viard, 1996). En particulier, les catégories spatiales de l’urbain et du rural et leurs usages se transforment, de façon diffuse, parce qu’ils sont mis en actes, et ces transformations interrogent sur :

  • ce qui a changé dans les relations villes-campagnes : ces relations ne sont-elles pas déclinées désormais sur le mode de l’hybridation, au-delà d’une relation d’interdépendance ? N’assiste-t-on pas à une circulation parfois inédite de normes depuis les villes vers les campagnes, mais aussi des campagnes vers les villes ?
  • la validité de la grille de lecture urbain versus rural : les positions sociales ne sont-elles pas plus opérantes pour expliquer les différents modes d’habiter et les recompositions de pratiques spatiales entre habitants des territoires dit urbains, périurbains ou ruraux?
  • l’implacable uniformisation des pratiques socio-spatiales qui s’affranchiraient des différences territoriales : si rapprochement il y a, n’observe-t-on pas néanmoins des nuances entre urbain et rural ? Elles peuvent porter sur les formes de mobilité, de rapport à la nature, du rapport au travail, des modes d’approvisionnement, du rapport au numérique.

Ressources basilic Italie2013©MPouzenc

« La renaissance rurale » dressait un bilan contrasté de la grande transformation de l’agriculture, celle qui devait provoquer la fin des paysans et voir l’avènement des chefs d’entreprise agricole. Le constat de la diversité des dynamiques à l’œuvre, dans les pays du Nord, rejoignait les analyses, dans les pays du Sud, sur « le retour des paysans (M. Haubert, 1991) et la transformation des cultures vivrières en cultures commerciales, face à une demande urbaine en forte croissance (J-L Chaléard, 1996). Aujourd’hui, en sommes-nous à l’éternel retour des paysans ou à la coexistence inévitablement pérenne de différents modèles d’agriculture ? Alors que le XXème siècle a donné lieu, sur fond d’exode rural et de modernisation agricole, à des études en termes de sauvegarde du paysannat, les approches sur la cohabitation et l’hybridation entre des modes différents de production agricole se multiplient à présent. Trois catégories d’analyse se détachent : l’idéal-type de l’agriculture familiale, encadré par le type des agricultures paysannes et par celui des agricultures d’entreprise. Les observations de terrain et la mise en perspective n’incitent-elles pas à distinguer de manière plus fine la diversité existante au sein de chacune de ces catégories ? N’ont-elles pas propension, au-delà les conflits d’appropriation des ressources, à développer des formes d’hybridation et de complémentarité à la fois dans l’espace, sur les marchés et dans leur rapport au consommateur final ?

Ce questionnement rejoint celui sur l’organisation des filières et des espaces productifs. Dans de nombreux cas, les espaces productifs sont mis au défi des filières longues : comment les logiques économiques et financières, qui orientent des modèles agricoles à la recherche d’économies d’échelle, d’optimisation productive et d’insertion dans les chaînes de valeur globalisées, ont-elles des effets structurants pour les territoires ruraux et des impacts sur le lien rural-urbain, du fait de la multi-territorialité des acteurs ? Bien d’autres cas (et parfois les mêmes) interrogent sur le repositionnement des productions agroalimentaires affichant un lien au territoire : les indications géographiques et la valorisation du terroir continuent de se développer, mais ne sont-elles pas concurrencées par d’autres formes de territorialisation ? Celles-ci répondent à de nouvelles attentes, concernant les modes de production (le bio, le bien-être animal…), la citoyenneté (l’équitable, la relocalisation de l’économie par les circuits courts…), l’appropriation politique (marques territoriales, marché …) ou de nouvelles pratiques (oenotourisme, itinéraires de goût…). Quelles sont les dynamiques mondialisées de circulations, hybridations et métissages qui aboutissent à de nouvelles combinaisons de ressources territorialement ancrées, voire à une redéfinition de ce qui fait ressource en espace rural ? Les analyses peuvent être sensiblement différentes selon le type de production étudié. Une attention particulière sera accordée aux propositions concernant la vigne et le vin, avec le projet d’y consacrer un atelier dans le cadre du colloque, ‘Dynamiques Rurales’ étant membre du groupement de recherche In Vino Varietas.

Plus largement, si les ressources localement situées en milieu rural (foncières, hydriques, minières, énergétiques, etc.) ont toujours été convoitées et ont été des objets de recherche privilégiés, leur valorisation actuelle suscite de grandes interrogations. Elle provoque en effet une connexion très rapide au monde d’espaces ruraux jusqu’alors marginalisés. Elle interpelle également de par l’envergure des projets extractifs ou productifs, et les nouveaux liens rural-urbain qu’ils suscitent, les investissements en milieu rural étant commandés depuis les centres urbains. Ces activités sont souvent le fait d’acteurs globalisés que les autorités nationales appuient et présentent comme garantes de développement des espaces ruraux concernés et que les populations locales ont tendance à rejeter, dénonçant les conséquences néfastes et le creusement des inégalités socio-spatiales. Il s’agira d’analyser les jeux d’acteurs (privés, publics, collectifs), les jeux d’espace (produit/productif, commandé/commandeur, consommé/consommant, etc.) et les jeux d’échelle (local, régional, national, global) qui participent à la définition du devenir d’espaces ruraux (et de leurs villes) dont les ressources sont à la fois sources de conflits et de profits, selon les relations de pouvoir, de coexistence et/ou de coaction en vigueur.

Gouvernances

Uruguay complexe agro-industriel 2011 © MGuibert« La renaissance rurale » privilégiait deux échelles d’analyse : d’une part, un panorama des politiques d’aménagement rural dans quelques pays donnait à voir la prédominance du cadre étatique. D’autre part, l’engouement de multiples acteurs pour le développement endogène, autocentré et ascendant, amenait l’auteur à poser « le passage, en une dizaine d’années, de l’hypothèse générale (le plus souvent implicite) d’un pouvoir local anachronique, soumis aux forces extérieures, fictif pour tout dire, à celle d’un pouvoir disposant de réelles capacités d’initiatives et de décision et tendant donc à reprendre vigueur ». En sommes-nous aujourd’hui aux lendemains désenchantés du développement local ? De « la localité redécouverte » décrite hier à « l’interterritorialité » recherchée aujourd’hui, les débats se poursuivent sur les modalités d’invention, de production et de maîtrise de la ruralité dans les politiques publiques, du local au global :

  • Quelle est la pertinence des territoires hérités ? Dans leur recherche constante d’un optimum territorial, les aménageurs prônent-ils un effacement de territoires hérités… qui néanmoins se reproduiraient sans cesse et avec de remarquables permanences ? Dans les pays du Nord, avec par exemple la décentralisation des politiques européennes, comme dans les pays du Sud, avec la décentralisation à l’œuvre dans de nombreux pays ou, dans le cadre de la mondialisation, une gestion des terres qui demeure foncièrement l’affaire de l’Etat, la réflexion sur l’égalité des territoires (Ph. Estèbe, 2015, M. Vanier, 2008) se renouvelle et appelle de nouvelles approches du politique (D. Constant-Martin, 2010).
  • Au-delà d’une uniformisation supposée des politiques publiques, les travaux de terrain ne montrent-ils pas la reproduction de pratiques différenciées entre urbain et rural ? Quels en sont les ressorts ? Le traitement public de la ruralité se résume-t-il à un enjeu de lutte des places (M. Lussault, 2009) ? Les termes de cette lutte sont-ils réellement renouvelés à chaque chambardement territorial, par exemple à l’occasion de l’actuelle réforme territoriale en France ?
  • Ni propriétés individuelles, ni biens publics, considérés un temps comme voués à disparaître, les biens communs sont-ils la voie d’avenir pour la gestion des espaces de faible densité et/ou les écosystèmes fragiles ? Quel est leur rôle dans la définition des fonctions globales de la ruralité ? Plus largement, qui sont les acteurs et quelles sont les formes de gestion collective aujourd’hui en cours de réinvention lorsque l’action publique fait défaut ? Quelles sont les réappropriations du politique à l’échelle locale ?
  • Dans un contexte de renforcement des interactions entre villes et campagnes (accroissement des mobilités résidentielles, multiplication des échanges matériels et immatériels, renforcement des politiques interterritoriales) qui interroge la pertinence de la catégorisation urbain/rural, les nouvelles formes de dialogue entre territoires urbains et territoires ruraux constituent un nouveau champ d’investigation. Aussi, au-delà̀ des dispositifs publics qui promeuvent aujourd’hui la coopération urbain/rural et des approches thématiques qu’ils peuvent conduire à privilégier, l’objectif est de comprendre comment se construit une hybridation urbain/rural à travers une action locale concrète, institutionnelle mais aussi plus informelle (R. Pasquier et al. 2007), saisie à travers ses objectifs, ses déclinaisons opérationnelles et les modalités d’intervention des acteurs locaux (V. Dubois 2009).

Qu’il s’agisse des usages, des ressources ou des gouvernances, une attention particulière sera accordée dans chaque axe à des thématiques transversales : la réflexion épistémologique, les enjeux de formation et le développement de nouvelles compétences, l’évolution des rapports société – nature, la prise en compte des rapports de genre pour lire l’évolution des ruralités.

La date limite de réception des propositions de communication ou de poster
est fixée au

10 janvier 2016

Adresse d’envoi des propositions de communication : <rural.conference@univ-tlse2.fr>