Situation de l’économie pastorale :
L’activité agro-pastorale des Hautes-Pyrénées se concentre dans le piémont et les vallées de la zone de montagne située au Sud du département. La plupart des exploitations situées sur ces territoires pratiquent la transhumance sur les espaces pastoraux collectifs du printemps à l’automne. A celles-ci viennent s’ajouter bon nombre de transhumants extérieurs venus des coteaux, de la plaine, des départements voisins et au-delà.
La pratique de l’écobuage est concentrée dans les vallées et le piémont haut-pyrénéens. Il peut être pratiqué sur les parcelles privées vouées exclusivement au pacage et reste alors généralement limité en surface.
Plus classiquement, il se pratique sur les espaces pastoraux collectifs du piémont et des vallées jusqu’à environ 2 000 m d’altitude.
La zone concernée par cette pratique s’étend sur environ 80 000 ha d’espaces pastoraux collectifs et privés. Bien entendu la totalité de cette surface ne brûle pas chaque année loin de là.
Quelques chiffres :
- 25 000 hectares de surfaces privées exploitées en zone intermédiaire.
- 145 000 hectares de surfaces pastorales collectives répartis sur 8 cantons (17 cantons dans le 65) et divisés en 261 unités pastorales (de 5 à 3 500 hectares).
- 1 260 transhumants dont 180 sont « extérieurs » au département.
- 40 650 UGB transhumants dont 23 800 bovins, 110 000 ovins et caprins, 2 000 équins et asins.
Situation en termes de risques incendies :
La partie Sud du département des Hautes-Pyrénées et classée en zone à risque vis-à-vis des feux de forêts. Si ce risque est modéré par rapport aux départements du Sud Est de la France, il n’en reste pas moins présent, particulièrement durant la période hivernale où se pratiquent les écobuages.
Cependant, dans le 65, il est reconnu que les écobuages bien conduits contribuent à la protection des forêts contre l’incendie de par les coupures de combustibles qu’ils créent à proximité de ces dernières.
Bilan des brûlages sur les 5 à 10 dernières années :
Selon les conditions météorologiques ce sont entre 500 et 4 000 ha qui sont écobués chaque année.
Règlementation du 65 :
Les fondements de la politique
L’évolution des conditions de mise à feu :
Lors de la première moitié du 20ème siècle, l’agriculture a connu de profondes mutations. La mécanisation et la diminution de main d’œuvre ont conduit à l’abandon de la fauche sur certaines parcelles de la zone de granges foraines. Ces parcelles sont alors devenues des pacages et la pratique de l’écobuage s’y est développée. Sur ces zones, elle y est plus complexe : les surfaces sont plus petites, haies et forêts sont très proches, les parcelles comportent souvent du bâti et des non-agriculteurs s’y installent et pratiquent l’écobuage sans avoir de connaissance particulière de cette technique.
En parallèle, les conditions de mise à feu sur les estives évoluent. La biomasse combustible devient plus importante, et ce pour plusieurs raisons :
- La diminution de la présence humaine en estive qui a pour conséquences la diminution de l’entretien des estives (ex : les genévriers servaient souvent pour chauffer les cabanes) et la diminution de la pratique du gardiennage (les troupeaux se concentrent sur les zones les plus appétentes).
- La diminution des troupeaux sur certains secteurs
- La recherche de résultats zootechniques plus élevés (les éleveurs obligent moins les troupeaux à « racler » les pâturages).
- Etc.
Le glissement de la pratique sur la zone de granges foraines et l’augmentation des difficultés de contrôle du feu sur les estives conduisent à des débordements. La pratique, jusqu’alors encadrée par le code forestier, fait l’objet d’une réglementation départementale.
Mise en place d’une réglementation départementale :
Le premier arrêté préfectoral départemental date de 1922 . Il est possible de distinguer 2 phases dans l’évolution de la réglementation départementale.
De 1922 à 1967 : les personnes souhaitant faire un feu à proximité des forêts doivent en demander l’autorisation. Les conditions de mise à feu sont draconiennes (ex : pare-feu d’au moins 3 m autour de la zone à brûler).
De 1967 à 1988 : tous les feux doivent faire l’objet d’une autorisation. Les conditions de mise à feu se durcissent jusqu’à devenir intenables.
Cette réglementation a pour effet le développement de feux clandestins, et donc non contrôlés, et les débordements s’aggravent.
1989 / 1990 : les années charnières
Suite à des étés pluvieux et des hivers secs, la masse combustible est particulièrement importante lors de l’hiver 1989. Afin d’éviter les débordements, la Préfecture décide d’interdire la pratique du feu. L’effet escompté n’a pas lieu et à l’inverse, les feux clandestins se multiplient.
Face à ce phénomène, le Préfet demande alors un débat départemental avec l’ensemble des acteurs pour résoudre le problème des mises à feu clandestines.
La pratique de l’écobuage est alors reconnue comme nécessaire pour l’élevage pastoral et comme outil d’entretien de l’espace. De récents travaux scientifiques menés par l’université du Mirail à Toulouse permettent d’appuyer ce constat.
La solution alors envisagée est d’établir une réglementation départementale permettant de sortir les praticiens de la clandestinité en leur laissant le pouvoir de décision, en les responsabilisant, tout en faisant en sorte que les conditions de mise à feu soient applicables et respectent les intérêts de chaque acteur.
Ainsi, naît en 1990, le concept de « Commission Locale d’Ecobuage ».
L’outil « Commission Locale d’Ecobuage » :
La « Commission Locale d’Ecobuage ou CLE » est portée par une collectivité à l’échelle d’un canton (communauté de communes, SIVU[1], etc.). Ces structures ont généralement l’habitude de fonctionner en commissions thématiques et la CLE reprend ce principe, mais a la particularité d’intégrer des membres non élus. Son fonctionnement est basé sur la concertation et regroupe l’ensemble des acteurs locaux concernés par la pratique de l’écobuage choisi, entre autres, pour leur connaissance du terrain : élus, représentants agricoles, fédérations de chasse, représentants locaux de la forêt privée et publique, gendarmes locaux, sapeurs-pompiers locaux, représentants des associations de protection de la nature, associations de randonneurs, réserves naturelles, Parc national, service pastoral, DDEA[2], etc.
Lors de sa mise en place, la première action de la CLE est d’établir une carte de planification des feux. Il s’agit d’une cartographie des zones faisant potentiellement l’objet d’un brûlage pastoral. Ces zones sont classées en 3 types :
- Zone verte : la pratique ne présente pas de difficultés particulières
- Zone orange : le feu doit être encadré par un minimum de personnes
- Zone rouge : le feu doit être encadré par un minimum de personnes et éventuellement faire l’objet de travaux préalables, voire de disposer de moyens d’extinction à proximité.
Cette carte est établie dans un premier temps par chaque membre de la CLE. Une mise en commun est ensuite réalisée pour aboutir à un document unique prenant en compte les enjeux de chacun. C’est un outil d’aide à la décision pour la CLE et les maires.
La CLE a pour mission principale l’étude des déclarations d’écobuage. Elle se réunit chaque année avant le début de la saison (avant le 1er novembre) pour donner un avis sur chaque déclaration en tenant compte des difficultés techniques et des enjeux de chacun. La CLE n’a pas pouvoir d’interdire un brûlage pastoral. Seuls le maire et le Préfet du département le peuvent.
Elle peut également accomplir les missions suivantes :
- elle se dote de matériel professionnel pour la réalisation des chantiers (torches, battes, etc.) qu’elle met à la disposition des praticiens.
- elle organise des chantiers pédagogiques pour faire des démonstrations de matériels, rappeler les règles de sécurité, réaliser un chantier difficile…
- elle communique localement sur la pratique
- etc.
Son fonctionnement repose sur une double animation :
Une animation locale, généralement assurée par un agent de développement de la structure porteuse et une animation départementale assurée par le service pastoral (GIP-CRPGE[3]).
L’animateur local organise le fonctionnement courant de la CLE. Il a l’avantage d’être proche du terrain et de bien en connaître les acteurs. Il bénéficie aussi d’une certaine neutralité puisqu’il n’est ni chasseur, ni éleveur, ni forestier, etc.
L’animateur départemental permet l’échange d’expériences entre les différentes CLE et la diffusion d’informations relatives à la réglementation, aux financements, etc. Il peut éventuellement apporter un appui particulier à un animateur local qui en ferait la demande.
Les principes de fonctionnement des CLE ne sont pas figés et chacune peut définir ses propres règles en fonction de ses besoins.
[3] GIP-CRPGE : Groupement d’Intérêt Public – Centre de Ressources sur le Pastoralisme et la Gestion de l’Espace
[1] SIVU : Syndicat intercommunal à Vocation Unique
[2] DDEA : Direction Départementale de l’Equipement et de l’Agriculture
L’outil CLE de 1990 à 2001 :
L’arrêté préfectoral de 1990, relatif aux brûlages pastoraux introduit donc ce concept de CLE. La première est mise en place sur le canton d’Argelès-Gazost et son fonctionnement est observé pendant 4 ans avant de proposer ou non une généralisation de l’outil.
Les élus du canton d’Argelès-Gazost sont volontaires pour tester ce dispositif car les soucis créés par les feux clandestins sont, à l’époque, très importants sur ce territoire.
En 1993, le département des Hautes-Pyrénées établit son premier PPFCI[4]. Avant même le terme de la période d’observation du fonctionnement de la première CLE, le PPFCI préconise l’extension du dispositif aux autres cantons de la zone montagne du département soit la zone concernée par le PPFCI.
Entre 1994 et 2000, 7 CLE supplémentaires sont créées, toujours sur la base du volontariat.
Le fait de disposer d’une CLE sur son territoire permet de demander des dérogations à l’ AP[5] en vigueur.
En 2001, l’arrêté préfectoral de 1990 est révisé. La réglementation s’assouplit et prend en compte les demandes de dérogations à l’AP précédent faites dans le cadre des CLE. Cet outil devient le principe général sur le département.
[4] PPFCI : Plan de Protection de la Forêt Contre l’Incendie
[5] AP : arrêté préfectoral
Les évènements de 2002 :
En février 2002, de nombreux brûlages pastoraux ont lieu sur toute la chaîne, durant un important épisode de fœhn. Des débordements ont lieu et la couverture opérationnelle incendie du SDIS[6] s’effondre. Un Arrêté Préfectoral exceptionnel est pris pour interdire temporairement la pratique de l’écobuage. Le lendemain de la prise de l’AP d’interdiction, un feu allumé clandestinement déborde et brûle une partie de forêt relevant du régime forestier. Le Président du Groupement Pastoral (GP) du territoire est condamné car il avait déclaré son intention de brûler sur la zone sans qu’aucune preuve soit faite de sa présence sur les lieux le jour de la mise à feu.
Ces évènements créent un fort émoi dans les groupements pastoraux et au sein des CLE. Les relations entre praticiens et SDIS se durcissent et les problèmes de responsabilité déclarant / praticiens sont mis à jour par la condamnation du Président du GP.
Cependant, l’administration ne cède pas à la tentation de durcir la réglementation et l’AP de 2001 reste en vigueur.
[6] SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours
L’incendie de 2003 et le nouveau PPFCI :
Lors de la sécheresse de l’été 2003, de nombreux incendies se déclarent sur le département. Le plus spectaculaire est celui du massif du Pibeste allumé accidentellement par un particulier qui incinérait les résidus de tonte de sa pelouse. Le Pibeste est en réserve naturelle et la forêt y est particulièrement intéressante d’un point de vue écologique. Des canadairs interviennent pour stopper le feu mais celui-ci s’arrête finalement sur une zone écobuée au printemps précédent. Les pompiers reconnaissent alors un des effets induits des brûlages pastoraux qui est la protection de la forêt contre l’incendie.
A l’automne 2003, c’est tout naturellement qu’une réflexion se met en place avec l’ensemble des partenaires (ONF[7], CRPF[8], DDA, SDIS et service pastoral) pour établir le nouveau PPFCI.
Dès le début de la réflexion les différents acteurs s’accordent sur des principes fondamentaux qui ont ensuite conduit la réflexion :
pas de substitution de l’usage du feu pastoral par les institutionnels
des limites clairement définies, chacun intervenant dans son domaine de compétence intérêt des brûlages pastoraux au-delà du domaine purement agricole
travail à mener en commun
[7] ONF : Office National des Forêts
[8] CRPF : Centre Régional de la Propriété Forestière
La règlementation aujourd’hui :
La règlementation départementale oblige à déclarer toutes opérations d’écobuage et brûlages liées aux activités agricoles et de gestion forestière situées à l’intérieur et dans un rayon de 200 m autour des bois, forêts, landes, maquis et garrigues.
La déclaration se fait en mairie du territoire concerné directement sur internet (www.serpic.net). Les différents acteurs (SDIS, ONF, DDT, etc.) ont ensuite accès aux déclarations afin de les étudier.
Si le territoire est doté d’une commission locale d’écobuage (CLE), la déclaration doit être faite au moins 15 jours avant celle-ci (sauf autre précision dans le règlement intérieur) et est étudiée par cette dernière en réunion. Le brûlage est ensuite possible à tout moment entre le 1er novembre et le 30 avril (écobuages et incinération de végétaux coupés).
Si le territoire n’est pas doté d’une CLE ou si la déclaration intervient après la tenue de sa réunion annuelle, la déclaration doit être faite au moins 1 mois à l’avance précisant une période de 10 jours. Si le chantier n’est pas réalisé dans les 10 jours, la déclaration doit être renouvelée.
Pour en savoir plus :
Arrêté préfectoral n°65-2021-08-18-00008 relatif à la réglementation des incinérations de végétaux dans le cadre de la prévention des incendies de forêts dans le département des Hautes Pyrénées