On estime qu’entre 4 et 5 millions d’indigènes vivaient sur la côte brésilienne au XVIe siècle. L’esclavage et les maladies apportés par les explorateurs européens auraient considérablement décimé ces populations. Aujourd’hui, le Brésil compte environ 900 000 peuples indigènes représentant 305 groupes ethniques à travers le pays. Comme l’ont souligné certains chercheurs , chaque peuple autochtone dispose de sa propre identité culturelle liée à son histoire et à la spécificité de son espace. Les Guajajara, sont eux, connus pour leurs luttes, mais aussi, leur présence sur la scène politique brésilienne à travers la figure de Sonia Guajajara.


Qui sont les Guajajara ?

Les Guajajara sont un peuple autochtone vivant dans la partie centrale de l’État du Maranhão, au nord-est du Brésil. Ils possèdent 11 terres indigènes, situées au bord des rivières Pindaré, Grajaú, Mearim et Zutiua. Selon le recensement de 2014 réalisé par le SESAI (Secrétariat spécial pour la santé des peuples autochtones), ils sont 27 616 indigènes, ce qui en fait le plus grand peuple indigène au Brésil. Ils sont également connus sous le nom de « Tenetehara », qui signifie « Nous sommes vraiment des êtres humains ». Cette ethnie parle le « Ze’egete », un dialecte issu de la famille linguistique Tupi-Guarani. Ce dialecte signifie « la bonne parole » et est parlé dans les villages. Le portugais est utilisé comme langue administrative. Les Guajajara sont principalement connus pour leur résistance, en particulier lors du soulèvement d’Alto Alegre en 1901 dirigé par le chef indigène Cauiré Imana (João Caboré). Cette révolte a eu lieu en 1901 sur les terres de Cana Brava afin de chasser les missionnaires jésuites qui visaient à coloniser ces lieux.

Les Guajajara, victimes de conflits territoriaux

La démarcation des terres indigènes est reconnue par l’article 231 de la Constitution de 1988. Encore aujourd’hui, le processus de démarcation est toujours en cours. La démarcation des terres indigènes est la reconnaissance des terres comme la propriété des peuples indigènes. Cette reconnaissance doit être homologuée par le Service du patrimoine de l’Union (SPU).

Article 231
Sont reconnus aux Indiens leur organisation sociale, leurs coutumes, leurs langues, leurs croyances et leurs traditions ainsi que leurs droits originels sur les terres qu’ils occupent traditionnellement, et il appartient à l’Union de les délimiter, protéger et faire respecter tous leurs biens.

CONSTITUTION DE 1988

En 2019, le gouvernement Bolsonaro remet en cause la démarcation des terres indigènes. Le président Jair Bolsonaro confie la démarcation au ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Approvisionnement, auparavant gérée par la Fondation National des Indiens (FUNAI).

Alors que l’article 18 de la Loi n° 6.001 relative au statut de l’Indien interdit à toute personne non-autochtone de pratiquer la chasse, la pêche, la cueillette de fruits ou toute autre « activité agro-pastorale ». Les Guajajara sont victimes d’invasions de bûcherons illégaux et de la déforestation. Ce conflit résulte souvent en l’assassinat d’indigènes qui tente de se défendre. Sans réaction du gouvernement brésilien pour les protéger, ils créent en 2012 l’association des « gardiens de la forêt » à Araribóia. Le chef indigène Olímpio Guajajara en est le leader. Ce groupe de défenseur de la forêt est composé d’une centaine d’hommes indigènes qui luttent quotidiennement contre les bûcherons illégaux afin de protéger leurs terres indigènes et la Tribu des Awa (peuple indigène isolé) qui cohabitent avec eux sur les terres d’Araribóia. Plusieurs gardiens de la forêt ont été tués, dont Paulino Guajajara, un jeune gardien de la forêt assassiné en 2019 à l’âge de 24 ans alors qu’il tentait de protéger ses terres.

Les Guajajara sur la scène politique brésilienne

Les conflits territoriaux dont sont victimes la communauté Guajajara vont les amener sur la scène politique brésilienne par l’intermédiaire de la militante Sonia Guajajara. À travers des luttes acharnées et des manifestations en faveur des droits des peuples autochtones, Sonia Guajajara est devenue une voix pour la communauté Guajajara ainsi que les peuples autochtones du Brésil.

Qui est Sonia Guajajara ?

Sonia Guajajara

Sonia Guajajara est une militante et femme politique autochtone née le 6 mars 1974 à Araribóia. Selon le magazine Time, elle fait partie des 100 personnes les plus influentes au monde en 2022. Elle est diplômée de l’Université fédérale du Maranhão en tant qu’infirmière et enseignante. En 2005, elle fonde l’association de l’APIB (articulation des peuples indigènes au Brésil) pour défendre les droits des peuples autochtones, notamment en matière de démarcation des terres. L’APIB représente les 305 peuples autochtones du Brésil. Elle est vice coordinatrice de la COIAB (Coordination des organisations indigènes d’Amazonie). En 2015, elle a reçu l’Ordre du mérite culturel et la médaille d’honneur de l’État du Maranhão. En 2018, elle était la candidate du PSOL pour la vice-présidence du Brésil aux côtés de Guilherme Boulos. Depuis octobre 2022, Sonia Guajajara est la première femme autochtone élue députée de l’État de São Paulo.

Sonia Guajajara a organisé plusieurs manifestations en faveur des droits des peuples autochtones, menacés par le gouvernement Bolsonariste. Entre le 17 octobre et le 20 novembre 2018, 8 chefs indigènes de l’APIB dont Sonia Guajajara ont organisé la tournée « Sang autochtone : pas une goutte de plus ! » en Europe. Lors de cette manifestation, les dirigeants autochtones se sont rendu dans 12 pays européens pour dénoncer les violations perpétrées contre les peuples autochtones et l’environnement au Brésil par le gouvernement de Jair Bolsonaro.


Bibliographie et sitographie :

  • Carneiro da Cunha M. 1992, História dos índios no Brasil, São Paulo : Companhia das Letras, Secretaria Municipal de Cultura
  • Cruz O. 1982, Cauiré Imana, o cacique rebelde, Brasilia : Thesaurus
  • Atlas des Conflits pour la Justice Environnementale- Communauté de Guajajara contre les bûcherons illégaux à Terra Indígena Araribóia [En ligne]. [Consulté le 15/12/22]. Disponible sur : https://ejatlas.org