Jean Sié

Maître de conférences,

Université de Toulouse Le Mirail

La réalisation d’un cours sur internet à partir d’un cours sur support papier

Quelles sont les transformations que l’ont doit opérer dans un cours sur support papier pour en faire un cours sur internet dans le cadre de la plateforme Galatea ? C’est à cette question que j’ai du répondre dans le cadre de l’opération « Elise  ».

Le point de départ a été un cours d’histoire économique du XX° siècle s’adressant à des étudiants en 2° année de DEUG d’Histoire réalisé pour le Service d’Enseignement à Distance de l’Université de Toulouse Le Mirail. Pour les besoins de l’opération ce cours a été réduit pour porter sur le thème « Croissance et crise dans les pays développés au XX° siècle ». Dés le début, il s’est agit de résoudre trois types de questions.

Tout d’abord, il s’agit d’adapter la structuration du cours. Le fait d’aller d’un chapitre à l’autre, d’une partie à l’autre dans un support papier ne pose aucun problème aux étudiants parce que le livre a été le moyen par lequel ils ont acquis une grande partie de leurs connaissances ; c’est parce que la transmission de ces connaissances s’est faite essentiellement sur ce support depuis de nombreux siècles que sa maniabilité et la circulation au sein des données qui y sont imprimées semblent particulièrement faciles. Or, le confort de lecture d’un livre n’est pas conditionné par la longueur de l’unité de base, c’est-à-dire du chapitre, à partir de laquelle il est construit. Pour le support papier, la facilité de l’approche du document dépend d’abord de sa structuration en paragraphes, sections, chapitres, parties, etc…L’écran d’ordinateur demande un apprentissage différent et donc nouveau. La circulation dans un cours sur écran apparaît plus difficile pour l’étudiant : le fait de revenir en arrière pour se remémorer des données nécessaires à la bonne compréhension de ce que l’on est en train de lire, mais aussi pour comparer plusieurs séries de données, exige une navigation entre différents écrans ; cela correspond à d’autres codes d’apprentissage. En conséquence toutes ces procédures apparaissent difficiles, voire impossibles, si un système de repérage des données contenues dans le document n’est pas organisé.

Ensuite, comme pour tout cours d’histoire, il est nécessaire de permettre l’accès à des documents, et, dans ce but, les possibilités offertes par l’ordinateur, tant par la taille infinie que l’on peut donner à des annexes, que par le système de liens qui permet de faciliter l’accès aux documents, représentent des atouts incontestables.

Enfin, les ressources disponibles sur internet doivent permettre un élargissement du matériel sur lequel renvoie le cours, et ce, qu’il s’agisse de documents historiques, de travaux de recherche ou de cours portant sur le même thème ou sur des sujets voisins.

Transformations du format du cours

Dans le but de faciliter la circulation de l’étudiant dans le cours, la plateforme Galatea a prévu une organisation en leçons, chacune pouvant être atteinte à partir d’un lien réalisé sur les titres de chapitre tels qu’ils sont rapportés dans la table des matières que l’on ouvre dès l’accès au cours en ligne. Pour faciliter la circulation dans le cours et donner à l’étudiant des unités de base facilement visualisables et donc mémorisables, tous les paragraphes, y compris les introductions des chapitres, ont été rapportés dans la table des matières comme autant de leçons.

D’autre part, la plateforme Galatea a organisé une sorte de « boite » appelée Gestionnaire de documents que l’on peut ouvrir à partir du cours, dont la contenance est illimitée etdans laquelle peuvent être placés des documents ou des liens avec des sites qui paraissent intéressants. Cela nous a permis d’y accumuler tous les documents dont nous avions connaissance, c’est-à-dire tant ceux que nous avons numérisés nous-mêmes ou qui l’avaient été par le Service d’Enseignement à Distance que ceux que nous avons trouvé sur le réseau mondial. Par ce moyen, tous les documents sont disponibles pour l’utilisation par l’enseignant. Le Gestionnaire de documents peut même être utilisé comme un recueil d’annexes qui n’ont pas de lien explicite avec une partie quelconque du cours.

La recherche des documents sur internet.

Il faut d’abord signaler que la recherche sur internet requiert un certain nombre de connaissances, et qu’en conséquence, un apprentissage isolé provoque des pertes de temps importantes. Ces connaissances peuvent être trouvées sur le réseau lui-même. Citons en particulier le site http://www.abondance.com/ qui donne beaucoup d’informations sur ce qu’est internet et l’ensemble des outils qui existent pour une recherche efficace.

A partir de ce premier point, il faut savoir que comme pour toutes les matières, il existe des sites qui répertorient un certain nombre d’autres sites intéressants. C’est sous le signe de Clio qu’a été créé en langue française un répertoire de sites de documents historiques, de plans de cours, de textes ou d’exercices d’histoire. Le site http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/index2.html est donc le premier moyen pour bâtir un cours d’histoire en se servant des ressources en ligne. On trouve aussi l’adresse d’un grand nombre de liens intéressants pour l’histoire économique sur le site de l’Association des historiens et géographes de Basse-Normandie : http://aphgcaen.free.fr/chronique/histeco.htm.

Pour ce qui est de la recherche des sites eux-mêmes, il est nécessaire de commencer par les sites classiques sur lesquels on peut trouver nombre de documents numérisés. Citons ceux qui apparaissent les plus intéressants :

  • tout d’abord, le site de Clio ne se résume pas à un répertoire de sites mais a mis en ligne toute une série de textes historiques à l’adresse suivante : http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/ ; il faut ajouter que ce site est d’une utilisation très facile ;
  • la Bibliothèque Nationale sur le site http://gallica.bnf.fr/ a numérisé toute une série d’ouvrages ou de documents que l’on peut atteindre et qui peuvent parfois servir de documents ;
  • l’INA a un répertoire de ressources qu’il met à la disposition du public sur le site : http://www.ina.fr/voir_revoir/histoire_societe.fr.html.

Ensuite, et c’est à ce niveau qu’a lieu l’essentiel de la recherche, il est nécessaire de travailler sur la base d’outils de recherche par le moyen de mots clés. Dans ce travail, il existe toute une série de problèmes que l’on doit résoudre :

  • Tout d’abord, sur beaucoup de thèmes, le nombre de sites étant proche de l’infini, un certain nombre de sites ont été créés dans le but de permettre au chercheur d’organiser sa recherche à partir d’internet. Le site http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/cerise/ s’adresse aux chercheurs de l’ensemble des matières, en particulier ceux qui travaillent dans les sciences sociales et les sciences humaines. On peut partir de cette base pour apprendre à classer les sites selon leur qualité ; cette classification n’est d’ailleurs pas la moindre des préoccupations, d’abord à cause de la taille d’internet, ensuite du fait du mode de classification pratiqué sur les moteurs de recherche classiques. Trois universités canadiennes ont construit un instrument intéressant au niveau des méthodes de construction de cours d’histoire que l’on trouvera sur le site http://www.h-h.ca/navigation/index.php, ; elles y ont aussi placé des ressources documentaires importantes ;
  • De manière plus systématique, il est nécessaire de constituer soi-même une grille de recherche croisant un certains nombres de critères :
  • qui est l’auteur du site (enseignant, périodique, institut ayant pour mission la valorisation de l’œuvre d’un homme politique, etc.) ?
  • à qui ce site s’adresse-t-il (enseignants, militants politiques ou associatifs, etc.) ?
  • Enfin, il faut dégager un certain nombre de mots-clés qui permettront de repérer les sites les plus utiles tant au niveau des documents qu’à celui de l’historiographie ou du contenu du cours. Par exemple, des sites que l’on trouve à partir de mots-clés tels que « Plan Marshall », Reconstruction et Trente Glorieuses ont des chances d’être d’un réel apport pour la construction de certains chapitres du cours sur « Croissance et crise dans les pays développés au XX° siècle ». Il est évident que l’on doit apporter une attention particulière aux sites comportant des documents.
  • Le deuxième problème que peut rencontrer un historien de l’économie réside dans le fait que l’accès aux données chiffrées établies par des organismes internationaux de première importance comme l’OCDE, le FMI ou la Banque Mondiale est payant. Ajoutons que de plus en plus de sites créés par des organismes privés ou par des particuliers ne sont pas en accès libre.
  • Contrairement aux données qui sont imprimées sur un support papier, celles qui sont mémorisées sur internet peuvent rapidement disparaître ; il est donc conseillé de les capturer. Pour notre part, ne nous méfiant pas, au début de notre travail dans le cadre « d’Elise », du risque d’une telle « disparition », nous avons perdu toute une série de documents parce que plusieurs sites ont été fermés ou ont changé d’adresse en l’espace de quelques mois. C’est pour cette raison que dans ce texte nous avons daté la dernière consultation de l’ensemble des sites qui sont indiqués.
  • La réalisation d’un ouvrage d’enseignement, particulièrement en histoire, exige l’accumulation d’un nombre important de documents. Il en est de même pour la réalisation d’un cours en ligne. Les documents trouvés sur internet ou que l’on a numérisés doivent être classés dans des dossiers créés sur le disque dur de l’ordinateur. Il nous est apparu que le classement dans des dossiers ayant pour thème les différentes leçons du cours était la méthode la plus pratique.

L’existence de matériel d’enseignement sur internet.

Comme pour toute réalisation d’un ouvrage qui aura la fonction d’un manuel, il est nécessaire de poser la question de sa nouveauté et donc de sa nécessité, et ce, d’autant plus que les cours ou des documents assimilables à des cours sont nombreux sur le réseau mondial. Pour le moins, l’auteur doit se poser la question du rapport qu’il doit établir entre le cours qu’il est en train de produire et les documents destinés à l’enseignement déjà présents sur le réseau.

Les cours en ligne qui ont les caractéristiques de manuels d’histoire, donc comprenant des documents et des questions qui permettent à l’apprenant de vérifier ses connaissances et leur progression, sont, pour la plupart, destinés aux classes secondaires. En histoire économique il existe aussi, en accès libre, des cours pour l’Enseignement Supérieur, mais ces cours ne sont en général que des textes mis en lignes(souvent sous format PDF), sans qu’une structuration ait été construite pour en faciliter la lecture sur support informatique. Il faut bien reconnaître que des documents de plusieurs dizaines, sinon de plusieurs centaines de pages, avec la barre de défilement comme seul moyen de circulation dans le texte, sont très peu pratiques. Dès lors, il est clair que le recours à l’impression est le moyen le plus confortable d’avoir accès à ces documents. Ajoutons qu’il existe de multiples plans de cours en ligne, portant le plus souvent sur des périodes bien plus longues que le XX° siècle (par exemple le cours de Mme Head et Mme Vayrassat, de l’Université de Genève que l’on peut trouver à l’adresse : http://www.stoessel.ch/hei/hpi/histoire_economique.htm).

Il faut ajouter qu’il existe déjà toute une série d’ouvrages en ligne en accès libre, ouvrages auxquels on peut donc renvoyer l’étudiant de manière directe. Il y a d’abord les ouvrages numérisés par la BNF mais aussi des sites militants qui ont mis en ligne un nombre d’ouvrages important (citons comme exemple www.marxists.org.) D’autres sites ont mis des ouvrages en ligne : signalons à titre d’exemple le site de l’Union Européenne avec le livre de Bino Olivi L’Europe difficile, histoire politique de la communauté européenne.

Composition du cours en ligne

Intégration de documents

Le cours est réalisé sur la base de l’axiome (certainement discutable) selon lequel le texte est l’élément essentiel d’un cours destiné aux premières années de l’enseignement supérieur. C’est sur cette base que le cours est organisé à partir du découpage tel que nous l’avons présenté plus haut. Sur la base de ce découpage, nous avons intégré au cours les documents trouvés sur internet, ou qui avaient été numérisés par le SED ou par nous-mêmes. Même si la pertinence des documents trouvés sur internet n’est pas toujours très grande, les ressources du réseau mondial sont telles que l’on finit par obtenir une surabondance de documents. Un tel problème n’est pas forcément nouveau pour tout enseignant qui réalise un manuel, mais il est certain qu’internet permet de mieux gérer ce problème car toute une série de possibilités sont offertes. On peut tout d’abord n’introduire dans le cours qu’une partie du document, l’intégralité de ce dernier étant placé dans le Gestionnaire de documents et étant relié au cours par un lien. On peut aussi construire des dossiers qui ne sont pas intégrés dans le cours mais que l’on peut atteindre par des liens. Il faut ajouter qu’internet présente plus d’avantages pour la constitution de dossiers que le support papier dans la mesure où il n’existe pas, sur ce support, de limite de taille.

La relation avec d’autres enseignements disponibles en ligne.

Nous avons vu plus haut que des cours étaient en libre accès sur internet, même si on peut leur trouver des défauts de présentation. Il est évident que l’existence de tels enseignements permet de trouver une orientation historiographique différente que celle du cours et que la comparaison entre les deux ne peut être que bénéfique à l’étudiant. En conséquence, il est souhaitable d’intégrer des liens avec ces cours.

Plans de cours et bibliographies.

Sur internet, les sommaires de cours suivis de bibliographies sont plus nombreux que des enseignements complets. Il est certain que ces plans peuvent déjà donner des éléments historiographiques intéressants. Par ailleurs les bibliographies disponibles ne peuvent qu’être un apport important pour l’étudiant dans une perspective d’approfondissement du cours ou de telle ou de telle de ses parties. Il faut ajouter que les cours pour l’enseignement secondaire que l’on trouve plus fréquemment représentent eux aussi une orientation historiographique, et qu’en conséquence, leur consultation par l’étudiant ne peut qu’être bénéfique. L’approfondissement du cours est rendu plus facile par le fait que sont fréquemment mis en ligne des travaux de chercheurs accompagnés de bibliographies très spécifiques sur tel ou tel point. Il faut noter sur le thème de la recherche bibliographique sur internet que les trois universités canadiennes que nous avons cité plus haut ont fait un travail très intéressant. Leur site décrit une méthode de construction par internet d’une bibliographie à partir des informations sur leurs ressources en ouvrages et à partir de celles qu’une série de grandes bibliothèques (en particulier la BNF et les grandes bibliothèques universitaires en France) ont mis en ligne.

Contrôle des connaissances.

Il est nécessaire d’intégrer dans le cours des instruments de contrôle des connaissances. Cela consiste dans l’intégration de questions à la fin de chacune des leçons telles que nous les avons définies au début. Ces questions doivent permettre à l’étudiant et à l’enseignant de vérifier que les connaissances essentielles sont acquises et que, pour autant, la suite du cours pourra être comprise. Ces questions peuvent simplement renvoyer au contenu du cours, mais dans la mesure où la réponse à ces questions demande de faire appel à d’autres connaissances, il est nécessaire de donner une correction qui pourra être atteinte par un lien.

Ces questions sur les différents chapitres ne dispensent pas de l’intégration de véritables sujets de devoir et de leurs corrigés que l’on doit aussi pouvoir atteindre par des liens établis à partir du sujet.

Il résulte de tout ce que nous avons dit que la comparaison entre la réalisation d’un cours sur support papier et celle d’un cours en ligne amène à la conclusion qu’internet impose certainement des contraintes particulières pour que l’apprenant bénéficie d’un minimum de confort, mais qu’en contre-partie, il offre d’incontestables facilités quant à l’élargissement des connaissances. En particulier, il faut souligner que, par ce moyen, le nombre de documents qui peuvent être consultés change de dimension.

Conclusion.

Comme d’habitude, la réalisation d’un tel travail a abouti à une toute une série de questions qui n’ont pas trouvé de réponse définitive malgré les travaux qui sont réalisés dans ce sens.

1 – Les difficultés techniques au niveau de l’informatique sont importantes : si une bonne partie des opérations de mise en ligne peut être réalisées pour le profane, un service technique est souvent nécessaire pour toute une série de questions. N’étant pas « un fana » de l’informatique, il m’était impossible de réaliser une douzaine d’opérations sur le clavier pour aboutir à un résultat recherché(par exemple, créer un lien entre une phrase du cours et un site). Mais il faut ajouter que les instruments informatiques sont de plus en plus performants en vue de permettre à l’enseignant en histoire qui a des connaissances limitées en informatique de construire un cours sur internet sans aide technique. Ainsi la plate-forme Galatea a été retravaillée et est devenue dans sa troisième version tout à fait utilisable pour le profane dont il est ici question.

2 – Malgré toutes les méthodes de travail que l’on doit se donner, internet reste un immense labyrinthe et l’on n’est jamais sûr d’avoir exploité les ressources les plus intéressantes. De tels doutes ne peuvent que rendre plus utile le travail de hiérarchisation des sites intéressant l’historien qu’a réalisé D. Letouzey dans le cadre de l’APHG de Caen sur le site que nous avons mentionné plus haut.

3 – Le travail réalisé vise d’abord à la transmission des connaissances, c’est-à-dire à leur appropriation par l’étudiant ; les questions, les documents, les dossiers, les devoirs sont intégrés dans ce but. Mais tous ces instruments posent le problème de la vérification des connaissances par l’enseignant et celle de sa capacité à répondre aux questions et à ré-expliquer ce qui n’a pas été compris. En d’autres termes, ce cours tel qu’il a été réalisé ne résout pas complètement la question de l’interactivité entre les deux protagonistes que sont l’enseignant et l’enseigné.

Vous trouverez de plus amples informations sur cette plateforme sur le site http://galatea.univ-tlse2.fr/

L’ensemble des sites mentionnés dans ce texte ont été consultés le 13 – 11 – 2005.

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