Sylvaine Guinle Lorinet

De Vichy à la fin de la Guerre froide, La correspondance Tisserant-D’Ormesson (1940-1971)

La correspondance échangée par Wladimir d’Ormesson et Eugène Tisserant s’étend sur plus de trente ans. Lorsqu’elle débute, en 1940, les deux hommes sont dans la force de l’âge : Eugène Tisserant a 56 ans, W. d’Ormesson est de quatre ans son cadet. Eugène Tisserant a déjà une belle carrière romaine [1] et des perspectives plus belles encore. D’origine lorraine, formé au grand séminaire de Nancy, puis à l’Ecole Biblique de Jérusalem et à l’Institut catholique de Paris, il s’est distingué par ses qualités scientifiques [2] dans le domaine des langues anciennes. Professeur d’assyrien à l’Apollinaire, il est nommé conservateur des manuscrits orientaux de la Bibliothèque Vaticane, puis propréfet en 1930 [3] . Cardinal depuis 1936, il occupe les fonctions de Secrétaire de la Congrégation de l’Eglise orientale ; il deviendra cardinal-évêque en 1946 et doyen du Sacré Collège cinq ans plus tard. Quant à Wladimir d’Ormesson, il voit s’ouvrir une carrière diplomatique que la guerre interrompra : s’il doit quitter son poste d’ambassadeur de France près le Saint-Siège, il est ensuite nommé en Argentine, puis revient à Rome, de 1948 à 1956.

L’intérêt de la correspondance choisie tient aux fonctions des deux hommes, qui les obligent à être bien informés des grands problèmes de leur temps, de Vichy au coeur de la guerre froide. En effet, s’ils se comportent au fil des pages en amis, ils réagissent surtout en Français et en chrétiens.

UN CORPUS [4] MALHEUREUSEMENT LACUNAIRE

De 1940 à 1971 [5] , les deux hommes échangent -du moins en l’état de nos sources- plus de trois cents lettres, du court billet à la missive de plusieurs pages, manuscrites ou dactylographiées, adressées à une périodicité très régulière de 1940 à 1962. Quelques années avant leur mort, cette correspondance se tarit peu à peu. Sources lacunaires certes, mais d’une grande richesse, en particulier du fait des pièces jointes, qu’il ne nous est toutefois pas toujours possible d’identifier : livres, photographies, extraits de rapports, parfois présents sous forme de copies, le plus souvent simplement mentionnés.

Tenter d’expliquer les lacunes du corpus soumis à notre examen n’est pas chose aisée. Ainsi, la correspondance s’interrompt du 20 juin 1942 au 19 octobre 1944. Si, durant cette période agitée, E. Tisserant poursuit normalement ses activités, W. d’Ormesson et sa famille doivent vivre dans la clandestinité, comme nous l’apprend une lettre postérieure aux événements [6] , faisant le récit d’épisodes dramatiques : « Quant à nous, voici notre histoire. Après avoir vécu, avec faux nom, fausses cartes, etc, dans une quantité d’endroits (Drôme, Isère, Savoie, Lozère, Aveyron, Hérault, Alpes-Maritimes, Tarn, etc), j’ai fini par échouer en Seine-et-Oise, près de l’Isle-Adam (…). Trois ou quatre fois, la ‘Gestapo’ m’a recherché et j’ai échappé de justesse à ses sbires (…). En janvier dernier cela a été une autre histoire ! La ‘Milice’ de Lyon m’avait ‘condamné à mort’ comme ‘traître au pays’. J’étais ‘otage’ et devais être abattu là où je me trouverais (…). J’ai été prévenu par les préfets de Lyon et de Versailles (…). Nous avons passé, sans histoire, quatre mois et demi près de l’Isle-Adam, dans un pavillon au fond des bois, sans aucun rapport avec l’extérieur. Nous n’avions pas de domestique pour éviter toute indiscrétion et faisions nous-mêmes cuisine et ménage ! Puis au début de juin, les Allemands qui faisaient de mystérieux travaux dans une carrière voisine sont venus réquisitionner notre maison. Nous les avons d’abord maudits ! » Puis W. d’Ormesson se déclare aidé par la Providence, la maison ayant été détruite par un bombardement, la carrière abritant un dépôt de V1. Le couple se réfugie ensuite à Paris, sous le nom de Lefèvre, dans un quartier où personne ne le connaît, ce qui permet de vivre « les jours extraordinairement émouvants de la fin Août » [7] .

La correspondance s’interrompt à nouveau du 27 mai 1946 au 7 septembre 1948. Wladimir d’Ormesson représente alors la France en Argentine, puis rentre à Paris. Les lettres échangées durant cette période ont-elles été mal classées ? Cela semble peu probable étant donné l’état du fonds dans son ensemble. Les deux hommes ont-ils alors cessé de s’écrire ? La correspondance, qui pouvait évoquer des problèmes délicats [8] , a-t-elle été volée ou détruite ?

Nous constatons une autre lacune des sources, du 24 décembre 1957 au 16 octobre 1959. Là encore, émettons des hypothèses : mauvais classement ? Vol ? Destruction volontaire ? Interruption de la correspondance ? Ou tout simplement perte ? [9] Cette lacune est à déplorer, puisque l’année 1958 fut riche en événements ; nous ne connaîtrons donc pas les impressions des deux hommes sur la mort de Pie XII et l’élection de Jean XXIII, sur les événements d’Alger et le retour du général de Gaulle au pouvoir, sur la légation à Lourdes [10] du cardinal Tisserant, lors des cérémonies du centenaire des Apparitions.

UNE AMITIE TISSEE DANS L’ADVERSITE

E. Tisserant et W. d’Ormesson, nous l’avons dit, commencent à correspondre en 1940, lorsque ce dernier devient ambassadeur de France près le Saint-Siège. Les cinq mois passés par la famille d’Ormesson à Rome de mai à octobre 1940 sont d’une extrême importance pour l’ensemble de la relation, comme l’écrira à plusieurs reprises W. d’Ormesson par la suite. Ce que peuvent expliquer les circonstances dramatiques que traversent la France et les Français : les fils et les gendres de l’ambassadeur sont au front [11] , la famille Tisserant vient de connaître l’exode [12] .

Les liens qui unissent les deux hommes se nourrissent de rencontres fréquentes, de proximité. La correspondance nous l’apprend par de petites allusions : « comme je vous le disais hier… ». Le diplomate et le prélat effectuent ensemble des promenades ; le couple d’Ormesson visite la Bibliothèque Vaticane, sous la houlette d’un guide particulièrement bien informé ! [13] . On échange des livres, des articles de revues… Le cardinal Tisserant est invité aux réceptions de l’ambassade de France [14] , mais aussi à des déjeuners ou dîners qui se déroulent dans l’intimité familiale ou amicale. Durant les derniers jours passés par les d’Ormesson à Ste Marthe en octobre 1940, il est même convié à la « table de captivité » [15] .

Comme le veulent l’époque, le milieu et les fonctions des deux hommes, la correspondance pourrait parfois paraître au lecteur d’aujourd’hui protocolaire. Mais il ne faudrait pas s’en tenir aux premières impressions. Wladimir d’Ormesson et Eugène Tisserant s’apprécient beaucoup, comme en témoignent à plusieurs reprises leurs lettres, même si, peut-être du fait de leurs caractères respectifs, l’un se montre toujours plus réservé, moins expansif que l’autre (ce que peut-être renforce le mode d’écriture le plus souvent choisi, manuscrite pour W. d’Ormesson, dactylographique pour E. Tisserant).

Bien sûr, ils se félicitent de leurs promotions respectives, à chacune des étapes de leur carrière. Ainsi, le 18 janvier 1951, W. d’Ormesson présente ses voeux à Eugène Tisserant pour son accession aux fonctions de Doyen du Sacré Collège ; quelques années plus tard, il le félicite pour sa nomination comme Bibliothécaire de l’Eglise en remplacement du cardinal Mercati : « Ce choix, dit-il, s’imposait » [16] . « Vous avez raison, lui répond le cardinal, de penser qu’il y aura pour moi un certain surcroît de travail. J’espère que je pourrai répondre, malgré tout, à cette double charge, qui vient s’ajouter à tant d’autres. Je dois dire, en tout cas, que ma nomination m’a fait plaisir, en particulier parce qu’elle coïncide avec le début de ma cinquantième année de service direct du Saint-Siège au Vatican (…) » [17] . Le prélat n’hésitera pas à féliciter à son tour W. d’Ormesson lorsqu’il occupera un nouveau poste ou encore lorsqu’il accèdera à la présidence de l’ORTF [18] .

Les deux correspondants s’entretiennent souvent de leur travail ; comme nous le verrons, W. d’Ormesson évoque notamment sa collaboration au Figaro. Eugène Tisserant, quant à lui, fait de brèves allusions à ses missions à l’étranger, par exemple son voyage au Cameroun en février 1956 « pour y consacrer le 26 février Mgr Thomas Mongo » [19] ou au Dahomey du 3 au 13 septembre 1961, pour participer à la commémoration du centenaire de l’arrivée des premiers missionnaires français en ce pays [20] ou encore à Djibouti, le 12 janvier 1964 pour y consacrer la nouvelle cathédrale catholique [21] . En revanche, aucune information sur le Concile ; Eugène Tisserant fait allusion simplement à la présidence des réunions de la commission centrale [22] et au fait que son travail « pour le concile » [23] l’a tenu éloigné de ses diocèses. D’après la correspondance, il semblerait qu’Eugène Tisserant prenne plaisir à évoquer sa mission à leur tête. Il tient à plusieurs reprises à souligner son rôle personnel : « Je consacrerai le 1er mai un auxiliaire, écrit-il à peine nommé, mais je m’occuperai moi-même de l’administration de ce diocèse, dont me voici responsable devant Dieu » [24] . De même, lorsque ses tâches conciliaires s’allègent quelque peu : « J’ai repris contact avec mes diocèses. Mgr Mancini [25] s’y est dépensé avec zèle pendant que je travaillais pour le Concile. Mais il a eu mardi une crise cardiaque » [26] . Comme à son habitude dans les tâches qu’il entreprend, il souhaite être très présent, entamant très vite « une série de visites privées aux paroisses, en attendant de commencer (…) les visites officielles, à l’occasion des confirmations » [27] . Puisque « le diocèse de Porto et Santa Rufina n’avait pas eu de synode diocésain depuis 1846 » [28] , il en ouvre un le 2 août 1957. Cependant surtout, dans ces lettres, Eugène Tisserant nous paraît appartenir à la catégorie des évêques bâtisseurs [29] . Le lecteur voit ainsi surgir de terre l’église et l’asile de Fregene [30] , pour lesquels Wladimir d’Ormesson verse son obole [31] , la cathédrale de La Storta [32] et bon nombre d’autres édifices que l’évêque construit « soit directement, en procurant tout ou partie des fonds, soit indirectement en encourageant les initiatives locales, excitées par l’exemple donné en construisant la cathédrale » [33] . Sur cet aspect de son épiscopat, le cardinal se montre prolixe, livrant à son correspondant force détails : « Le 24 mars (1955), 71ème anniversaire de ma naissance et 5ème anniversaire de la consécration de ma cathédrale de La Storta, j’ai béni et consacré les cloches fondues en France. Le clocher de la cathédrale est à peu près terminé ; on procède actuellement au crépissage extérieur. Mais ce n’est pas la seule activité que j’ai eue dans mon diocèse pendant l’absence de Votre Excellence [34] . Le 19 mars j’ai béni à Pantan Monastero une église dédiée à St Marc et à St Pie X. Le 3 avril j’ai béni à Sta Marinella la première pierre d’une nouvelle église destinée à remplacer celle qui sert actuellement pour la paroisse principale, église bâtie il y a une soixantaine d’années seulement mais qui est notoirement insuffisante, même pendant l’hiver » [35] .

Comme le font seulement des proches, ils s’informent des nouvelles, bonheurs ou malheurs qui touchent leurs familles respectives : mariages, naissances, décès, inquiétudes diverses. Avec, parfois, une émotion à peine voilée, par exemple lorsque disparaît Madame d’Ormesson : « J’ai vu, écrit le cardinal, lorsque vous étiez à Rome combien vous étiez étroitement unis. Je comprends que votre douleur doit être immense » [36] . Ils interviennent l’un auprès de l’autre pour aider telle ou telle connaissance à trouver du travail… ce qui paraît banal puisque tous deux ne manquent pas de relations. De manière plus intime, ils se portent assistance et secours. Ainsi, à la Libération, W. d’Ormesson remerciera chaleureusement le cardinal de l’aide qu’il a assurée à ses deux fils, « au moment où ils mangeaient de la vache enragée en Suisse, après avoir du fuir Lyon où ils avaient Gestapo et police de Vichy à leurs trousses » [37] . Et, comme il est naturel lorsque l’âge avance et que la correspondance se fait plus rare, les préoccupations sur la santé dominent les propos, qu’il s’agisse de la leur ou de celle de leurs proches : nous n’ignorons rien des opérations subies par l’ancien diplomate, ni des embarras liés au surmenage du prélat… Ainsi, le 4 janvier 1949, il regrette de ne pouvoir répondre à l’invitation de W. d’Ormesson : « Je suis au supplice, écrit-il, avec tout le travail que j’ai à faire, à date fixe, et ne sais pas comment arriver à emplir ma tâche. Une heure est une chose d’un grand prix pour moi en ce moment » [38] .

Les liens se transforment au fil des années en véritable amitié, chacun n’hésitant pas à en prodiguer les marques à l’autre. Ainsi Eugène Tisserant prononce l’homélie à la cérémonie de mariage de l’un des fils de W. d’Ormesson, à la demande ce dernier [39] . Lorsqu’il est élu à l’Académie française, c’est par l’ancien diplomate que le prélat souhaite être reçu [40] . W. d’Ormesson se sent honoré, si bien que, faisant preuve d’une grande délicatesse, il sollicitera l’accord d’Eugène Tisserant pour recevoir ensuite le pasteur Marc Boegner [41] . Même si les analyses des deux hommes divergent parfois, leur amitié grandit car ils se rejoignent en tant que chrétiens et Français.

UNE MEME PASSION POUR LA FRANCE

Tous deux éprouvent vis-à-vis de la France la même idée, les mêmes sentiments. Cela est lié à l’expression de la culture et de l’histoire françaises, comme le prouvent de multiples détails. Par exemple, Eugène Tisserant, malgré un emploi du temps des plus chargés, tient à assister à l’inauguration des nouveaux locaux de la Librairie Française de Rome [42] et au vernissage de nombreuses expositions qui mettent en scène la richesse du patrimoine français. Les deux amis, nous l’avons dit, échangent fréquemment des livres.

La guerre, Vichy, l’Occupation

Ce sont cependant les considérations politiques qui dominent leurs relations épistolaires. De 1940 au 20 juin 1942, la situation internationale, la situation politique française, la vie en France, l’état de l’opinion sont les thèmes les plus souvent abordés par les deux hommes. A Rome, W. d’Ormesson fait partager à son ami son inquiétude pour les siens : « Nous ne savons rien de notre garçon (…) et rien non plus de notre gendre Vogüé depuis le 10 mai… » [43] . De retour en France, il n’a de cesse de narrer ses premiers contacts, pour le moins surprenants, avec le Maréchal Pétain : « J’ai passé, explique-t-il, trois jours à Vichy (cela m’a suffi !) où le Maréchal m’a fait le plus cordial accueil… et m’a demandé pourquoi j’avais été rappelé… je lui ai répondu que c’était plutôt à lui de me le dire… Mais il s’en est lavé les mains… Il est évidemment étonnant de vigueur physique, de présence d’esprit. (…) Son grand âge -déjà miraculeux- est pour moi le plus grand sujet de préoccupation de notre avenir immédiat. sa popularité, son prestige sont immenses et l’on peut dire unanimes » [44] . Dans ce courrier, l’ancien diplomate n’hésite pas à faire part de ses inquiétudes quant à l’avenir du pays : « Le plus grand danger, dit-il, est la collusion des gens d’affaires avec les autorités occupantes (…). Partout, il y a abus, pillages, insolence, arrogance, vexations, surtout mensonges. La mauvaise foi coule à flots. Du coup, la population s’est retournée et actuellement, l’état d’esprit de la zone occupée est, paraît-il, aigu contre l’Allemand… En revanche, dans la zone libre où j’ai circulé, j’ai eu dans l’ensemble une impression favorable. (…) Beaucoup d’ordre, de calme. On travaille ». Evoquant le départ de Laval, il conclut que « la politique de Montoire est un échec qui ne surprendra que les étourdis ».

Dans ses lettres ultérieures, notamment celles de 1941, W. d’Ormesson expose un climat qui s’alourdit très rapidement, et durablement. L’ancien diplomate écrit dans les colonnes du Figaro, mais, dit-il, « c’est un vrai casse-tête, je vous assure, de trouver cinq sujets par semaine, alors qu’on ne peut parler de rien de ce qui intéresse tout le monde » [45] . « Ou l’on me fera taire, ajoute-t-il, ou je continuerai à rester sur une certaine position, mais le mot ‘collaboration’ ne sortira jamais de ma plume. Personne, d’ailleurs, n’y croit, sauf quelques imbéciles ou quelques intéressés. Il y a des choses qu’on est obligé de subir sur le plan économique, parce que, sans cela, ce serait un chômage affreux ou les Allemands faisant eux-mêmes marcher l’usine ; mais, en dehors de ce travail forcé, aucune collaboration n’est possible et personne n’en veut. Le Maréchal en tête. C’est bien à lui que nous devons de n’avoir pas glissé sur la pente ignoble où l’infâme Laval et sa bande de traîtres malpropres voulaient nous entraîner. Le Maréchal agit avec une patience et une finesse de paysan. Et tant qu’il est là, nous pouvons être tranquilles ». Si ses termes restent élogieux pour le chef de l’Etat, il se réjouit en revanche de l’évolution de l’état d’esprit des Français vis-à-vis de l’occupant ; selon lui, « la France devient de jour en jour plus anti-allemande. Je suis frappé, explique-t-il, des progrès que cela fait, même dans les milieux les plus hostiles aux Anglais ». Mais, dès le mois de mai, son ton se fait de plus en plus alarmant : « L’époque où nous sommes est vraiment abominable ; le mal est devenu le bien, le mensonge la vérité, le crime l’innocence, et vice versa… On est à la torture de ne pouvoir crier ce que l’on sent. Hélas ! Chaque jour la ‘vis’ se serre plus étroitement et on sent davantage la pression qui s’exerce sur nous. (…) Le ravitaillement devient de plus en plus difficile. On se sent nettement sous-alimenté. Et que dire de la population pauvre ? Cela serre le coeur. On ne parle que de nourriture… » [46] . Il déclare plus tard souhaiter l’entrée en guerre des Etats-Unis, et, même s’il se montre en général lucide sur le travail de la propagande, il est sévère envers les Britanniques : « On a toujours l’impression, écrit-il en commentant les événements de Syrie, qu’ils ne savent pas saisir les choses au bon moment, qu’ils sont lents et maladroits » [47] . Il va même jusqu’à douter de leur détermination à poursuivre la lutte ! Il avoue aussi qu’il ne croyait pas à ce qu’il appelle « la guerre des deux fauves » [48] , le duel Hitler-Staline.

Dès le début de la guerre, Eugène Tisserant, quant à lui, a le souci de bien s’informer et d’informer son correspondant de ce qu’il apprend, par exemple de ses rencontres fréquentes avec les milieux diplomatiques. Mais il semble surtout désireux de bien connaître l’ennemi ; il joint à ses lettres des documents qui permettent de mieux saisir la nature et le fonctionnement du régime nazi : une carte de propagande distribuée dans les Sudètes en octobre 1938 [49] , la transcription d’une émission de la radio allemande, le 28 août 1940, au sujet de la conférence annuelle des évêques [50] , le texte d’une déclaration de descendance allemande que les autorités allemandes ont demandé de signer aux soeurs des hôpitaux situés dans la Lorraine autrefois annexée [51] , par exemple. Il analyse la situation en France avec le recul que permet l’éloignement géographique et peut-être une bonne vue d’ensemble ; il dénonce ainsi la propagande vichyste [52] . Outré par l’image de la France véhiculée à Rome, celle d’un pays collaborateur à outrance [53] , il s’insurge : « Quel bénéfice attend-on du vainqueur dans cette attitude de valets ? Le vainqueur, nous le savons, respecte la force, et rien d’autre. A-t-on obtenu la libération d’un prisonnier, un adoucissement dans le sort des Français de la zone occupée ? S’imagine-t-on qu’on les empêchera, avec cette politique, d’être massacrés lors de la fuite de leurs ennemis ? Il est de fait, on le sait parfaitement, ici, que les plus respectés des Allemands sont ceux qui résistent le mieux, les Hollandais et les Norvégiens. C’est très grave que la France ait l’air de manquer de dignité, parce que l’un ou l’autre de ses dirigeants en manque. (…) Et lorsqu’on a cessé d’être estimé, il est bien difficile de retrouver ensuite l’estime perdue » [54] . Il désire donc faire connaître, y compris en haut lieu, à la Secrétairerie d’Etat, ou au pape lui -même (?) la vérité sur son pays [55] : « C’est vous dire que vos appréciations me sont infiniment précieuses, dit-il à W. d’Ormesson ; elles me permettent de rectifier celles qui sont courantes auprès de personnages, qui tout en ayant d’autres moyens d’information sont tout de même persuadés, plus ou moins inconsciemment, que les Français pensent comme leurs journaux ! (…) C’est pourquoi il est si essentiel de faire connaître la vérité le plus haut qu’on peut, tout étant basé sur le mensonge, et sur le mensonge le plus éhonté, organisé avec toute la science que vous savez ». On sent également qu’il se plaît, même s’il s’en défend, à passer pour un agent de propagande anti-allemande [56] . La censure ayant intercepté une partie de son courrier à sa soeur, le Maréchal, écrit-il sur un ton amusé, se serait déclaré « offensé par les termes d’une de mes lettres séquestrées : me voici donc mal vu à Vichy… et probablement, puisque c’est le style, taxé de communisme » [57] . Cependant, le cardinal doit, la plupart du temps, s’autocensurer : « (…) il est si pénible de vivre continuellement la gorge serrée parce qu’on ne peut rien dire de ce que l’on pense à ceux avec qui on doit vivre. J’écrivais ce matin au général Parisot et je lui disais combien il est pénible de voir que la France est chaque jour plus méprisée. Combien j’aimerais mieux la sentir haïe, mais estimée, comme l’Angleterre ! » [58] .

Dans l’ensemble, ses analyses semblent naître d’une bonne information et surtout d’une profondeur de vues assez exceptionnelle ; ainsi, il comprend mieux les événements de Syrie [59] que son correspondant, et sur les Balkans il paraît même visionnaire : « En Croatie, écrit-il, l’action des catholiques contre les orthodoxes est de la dernière sauvagerie ; des religieux franciscains sont à la tête de plusieurs bandes d’ustachis. il en résultera une haine terrible entre orthodoxes et catholiques » [60] . A la différence de Wladimir d’Ormesson, il n’a pas été surpris par l’attaque sur la Russie [61] , il va jusqu’à louer l’action des Russes [62] , même si sa position reste celle qu’illustre la formule de Pie XI : ni nazisme, ni bolchevisme [63] .

Après la Libération

La guerre finie, les deux amis poursuivent leurs échanges sur la vie politique française. Alors que les élections municipales approchent, W. d’Ormesson livre son sentiment à Eugène Tisserant : selon lui, la querelle de l’école libre n’est qu’un coup monté par les communistes ; « l’épuration n’intéresse plus personne – on en est saturé. La question des évêques encore moins. Ce qui est indispensable, c’est d’améliorer le ravitaillement et d’arrêter l’inflation des prix » [64] . Quelques mois, plus tard son correspondant déclare se réjouir du succès du MRP ; « j’avais été, précise-t-il, en 1931 un des premiers actionnaires de L’Aube, actionnaire charitable bien entendu » [65] .

Cependant, les problèmes politiques du pays ne sont en fait qu’effleurés, notamment l’instabilité ministérielle, par des allusions à Pflimlin ou à Mendès France. Mais on devine que le cardinal n’y est pas du tout indifférent ; ainsi en réponse à une invitation à déjeuner à l’Ambassade avec quelques prélats français de passage à Rome (dont Mgr Gerlier), il déclare qu’il sera « heureux d’entendre les commentaires de Votre Excellence et ceux des vénérés prélats français sur les récentes élections ». En revanche, le lecteur ne pourra que regretter l’absence quasi totale de la guerre d’Algérie [66] dans les lettres, du retour du général de Gaulle au pouvoir ; seule est évoquée ensuite par W. d’Ormesson la préparation de la loi Debré [67] .

Certains éléments ne manquent pas d’interroger lorsque l’on songe que la France est une République laïque… Ainsi, Eugène Tisserant rencontre les ministres en exercice, par exemple Robert Schuman le 26 octobre 1950, Georges Bidault le 23 novembre 1951, Pierre Mendès France [68] en janvier 1955. De même, à l’issue de sa légation pour le Congrès Eucharistique National de Nancy en juillet 1949, il est reçu par le Président de la République Vincent Auriol [69] , qui lui transmettra quelques mois plus tard « ses « affectueux souvenirs » [70] par l’intermédiaire de l’ambassadeur.

La vie de l’Eglise de France

Le cardinal Tisserant vient régulièrement en France, nous l’avons vu. Une occasion lui en est donnée lors du Congrès Eucharistique National qui se déroule à Nancy en Juillet 1949 : Eugène Tisserant est nommé légat pontifical [71] . Son correspondant l’en félicite vivement : « Il est beau qu’un prince de l’Eglise, qui est en même temps comme disait Thibaudet ‘un prince lorrain’ représente le Souverain Pontife en pareille circonstance. Je m’en réjouis, ajoute-t-il, comme Français et comme catholique et je ne doute pas que le gouvernement, auquel je communique aussitôt cette bonne nouvelle, n’en éprouve de son côté, une haute satisfaction » [72] .

Les deux hommes échangent ensuite sur la mort du cardinal Suhard, archevêque de Paris. Eugène Tisserant en parle en termes élogieux : « J’avais connu, explique-t-il, Son Eminence depuis le moment où il devint cardinal et avais été son hôte, à Reims d’abord avant de l’être à Paris à chacun de mes passages. Sa présence sur le siège de la capitale marquera car il a été un excellent administrateur, et je crois que malgré les temps troublés de la guerre [73] , qui l’ont empêché de faire tout ce qu’il aurait voulu, il aura réussi à réaliser une grande oeuvre. Il était, en tous cas, aimé de tous ses prêtres : j’en ai plusieurs fois le témoignage » [74] . « Le choix du successeur, commente son correspondant, sera difficile et bien délicat » [75] .Allusion renouvelée à ce problème et à la nomination à Paris de Mgr Feltin quelques semaines plus tard [76] .

Pour les deux hommes, les intérêts de la France et ceux de l’Eglise se confondent ou se superposent souvent. Des anecdotes le prouvent ; ainsi, par exemple, la remise par le Bey de Tunis à Eugène Tisserant de la plus haute dignité de l’ordre du Nicham Iftikhar : « J’ai été très heureux, affirme le cardinal, de ce que mon passage dans la Régence de Tunis ait pu contribuer à de nouvelles manifestations de bonne entente entre les deux pouvoirs » [77] . Nous pourrons aussi nous en rendre compte en évoquant les problèmes de l’Eglise au Proche-Orient et de la présence française dans cette zone.

L’Académie française

A la fin de leur carrière, les deux amis partagent l’honneur de siéger sous la Coupole ; leur correspondance permet de suivre les premiers pas d’Eugène Tisserant dans ce monde inconnu de lui. Le cardinal se déclare ravi d’être invité à la réception de l’ancien ambassadeur : « Le centenaire de l’oeuvre de Saint François de Sales [78] pour lequel je vais chanter la Messe à St Thomas d’Aquin le 17 me procurera l’inestimable plaisir d’assister à votre réception à l’Académie Française. C’est la première fois qu’il m’arrivera d’assister à une telle cérémonie. Je me réjouis de ce que ce soit pour entendre deux grands chrétiens, M. Daniel-Rops et vous » [79] .

A partir du courrier de W. d’Ormesson du 10 mai 1960, il est question de la candidature d’Eugène Tisserant à l’Académie, au fauteuil de Léon Bérard [80] . Mais le cardinal déclare ne vouloir faire aucun acte positif de candidature, « afin de ne pas empêcher l’élection d’un membre du clergé résidant en France. Si les Académiciens m’élisent, j’accepterai l’élection par respect pour l’Académie et pour ses membres » [81] . Outre Wladimir d’Ormesson, il semblerait d’après les lettres envoyées ensuite, que Daniel-Rops, le Maréchal Juin, Maurice Genevoix, Jules Romains, André Chamson fassent bénéficier Eugène Tisserant de leur appui. Le cardinal ne résiste guère aux « insistances faites de divers côtés » [82] : il accepte de poser sa candidature et, selon son correspondant, « l’élection ne fait aucun doute » [83] . La préparation des discours, la réception elle-même sont ensuite réglées dans les moindres détails : il est décidé à la demande du cardinal, que W. d’Ormesson le recevra. Ce dernier avoue sa grande joie et son émotion, rappelant les liens qui l’unissent au cardinal depuis un certain été 40 : « Je crois, ajoute-t-il, que le général de Gaulle sera très satisfait de ce ‘dialogue académique’ car il attache le plus grand prix à cette compagnie dont il est le ‘protecteur’ traditionnel » [84] .

La plupart des correspondances ayant trait à l’Académie évoquent ensuite les combinazione qui se trament au moment des élections. Que pense Eugène Tisserant du pasteur Marc Boegner ? [85] Le cardinal avoue ne pas le connaître personnellement et n’avoir à peu près rien lu de lui ; mais, dit-il, il l’a « entendu louer souvent par ceux des nôtres qui s’occupent d’oecuménisme. On se félicite de sa largeur de vues et de son désir de collaboration ». « Je ne connais rien du pasteur Boegner, précise-t-il, qui ne soit de ton élevé et irénique » [86] . Les deux amis discutent des mérites de tel ou tel candidat potentiel ; W. d’Ormesson soutiendra le poète Pierre Emmanuel, qui est chrétien, au fauteuil du Maréchal Juin, car, estime-t-il, « l’Académie se déchristianise » [87] . Le cardinal Tisserant semble lui faire toute confiance : « Si vous voyez que ma présence serait utile un jour d’élection, n’ayez pas peur de me l’écrire » [88] . Dans la mesure où ses fonctions et ses tâches le lui permettent, il s’efforce, lors de ses passages ou séjours en France, de suivre les séances des académies auxquelles il appartient [89] . Il est en tous cas tenu au courant par le menu des faits et gestes de ses confrères par W. d’Ormesson [90] .

UN EGAL SOUCI DES INTERETS DE L’EGLISE

Une partie importante de la correspondance échangée par W. d’Ormesson et E. Tisserant a pour cadre chronologique la période de la guerre froide au sens strict, de 1945 à 1956. Les fonctions des deux hommes, leur profond sentiment chrétien les conduisent à des analyses très connotées ; leur grille de lecture domine alors dans la sphère qu’ils fréquentent : c’est celle de la lutte nécessaire contre le communisme, même si pour W. d’Ormesson le principal ennemi reste pour quelque temps encore le fascisme.

L’Argentine, refuge pour les anciens collaborateurs

Devenu ambassadeur de France en Argentine, W. d’Ormesson tient à livrer au cardinal Tisserant ses premières impressions, alors qu’il occupe son poste depuis six mois. Visiblement fasciné, il écrit que « le pays est magnifique, plein de sève, de ressources, d’avenir. Il devient vraiment un grand pays, extraordinairement ‘européen' » [91] . Cependant, la situation politique le navre et, selon lui, « prouve la folie des hommes » [92] ; au lieu de se développer en servant de « Père Noël à cette malheureuse Europe affamée, (…) à cause de l’absurde démagogie d’un colonel fasciste qui rêve encore de jouer les Mussolini, ce pays traverse une crise grave, se paralyse économiquement, s’affaiblit financièrement » [93] . Le diplomate n’hésite pas à critiquer les Etats-Unis qui ont reconnu ce gouvernement au moment de la conférence de San Francisco, en 1945. « Je ne sais comment, ajoute-t-il, l’on sortira de ce guêpier et je considérerais comme excessivement malsain la consécration par des élections truquées de ce régime 100 pour cent fasciste » [94] .

A la veille de ces élections d’ailleurs, dans un nouveau courrier [95] , W. d’Ormesson réaffirme ses inquiétudes, quant au succès probable de Peron. « Malheureusement, déclare-t-il alors, l’Eglise et l’épiscopat argentins continuent à avoir des bandeaux sur les yeux et à soutenir ce trublion » [96] , confirmant ainsi son rapport [97] au ministre des Affaires étrangères sur la situation religieuse en Argentine, dont il adressé copie à Jacques Maritain en lui demandant de le porter à la connaissance d’Eugène Tisserant. Selon W. d’Ormesson, le clergé argentin, où domine l’influence de l’élément espagnol, s’est montré pendant la guerre favorable au fascisme, ne retenant « que la lutte des puissances de l’Axe contre le bolchevisme » [98] et il soutient la dictature de Peron, considéré « comme le meilleur rempart qui existe contre le ‘communisme' » [99] . « Du haut en bas, écrit-il, dans son immense majorité, le clergé a soutenu la dictature militaire avec enthousiasme. Aujourd’hui il souhaite la consolidation au pouvoir du colonel Peron et de son équipe et il y travaille » [100] , influencé en ce sens par l’archevêque de Buenos-Aires. Or, précise W. d’Ormesson, « des quatre-vingts évêques que compte l’Argentine, trois seulement, en effet, sont connus pour leurs sentiments antitotalitaires et profondément sociaux dans le sens chrétien et apolitique du mot » [101] . Parmi eux, Mgr Caggiano, archevêque de Rosario, dont l’élévation au cardinalat constitue, selon le diplomate, le « premier événement concret susceptible d’ouvrir les yeux au clergé » [102] .

Eugène Tisserant fait d’ailleurs à Rome la connaissance de ce dernier ainsi que celle de Mgr Barrère [103] , évêque de Tucuman. Les deux prélats « remmènent quelques-uns des réfugiés politiques, qui se sont retirés en Italie au moment de la pénétration en Allemagne des troupes alliées, n’osant pas rentrer en France » [104] . E. Tisserant n’omet pas de signaler la position divergente de Jacques Maritain « sur la question de ces réfugiés : l’Ambassadeur ne veut voir en eux que des criminels, qui doivent se présenter à la justice de leur pays et expier » [105] . Au contraire, E. Tisserant prétend « qu’il faut leur venir en aide » [106] . « Sans doute, concède-t-il, il y a parmi eux quelques criminels, et je ne songe pas à les faire échapper à leur sort, s’ils sont légitimement condamnés et soumis à une mesure d’extradition régulière » [107] . A l’appui de sa thèse, le cardinal développe des arguments traditionnels, comme le droit d’asile de l’Eglise, dont même des criminels auraient bénéficié au Moyen Age. Mais il édulcore les sentiments collaborationnistes, tout en surestimant la propagande pétainiste : « Les uns ont été trompés par la légende du Maréchal, sont entrés à son service, l’ont suivi à Sigmaringen » [108] . L’argument principal se rattache toutefois à l’anticommunisme : « D’autres ont été attaqués par les communistes et n’ont cru pouvoir se sauver qu’en allant travailler en Allemagne. (…) Je crois de mon devoir, conclut-il, d’aider ces gens, implacablement poursuivis par les communistes, qui se servent des procédés de la NKVD, opérant ici de véritables enlèvements, grâce à la complicité de policiers payés » [109] . On assisterait donc à Rome aux interventions contre d’anciens collaborateurs -le terme n’est pas employé par le cardinal- de communistes français (ou italiens ? ) aux méthodes dignes des Bolcheviks…

De l’autre côté du rideau de fer

Eugène Tisserant est Secrétaire de la Congrégation pour l’Eglise orientale de 1936 à 1959. Il se préoccupe donc de la situation des catholiques de rite oriental, et, plus généralement, de celle des chrétiens ; étant donné les structures politiques à l’Est, la tâche ne manque pas : »(…) j’ai de plus en plus de travail, dit-il, et passablement de soucis pour mes Orientaux, surtout pour ceux qui sont sous le contrôle des Soviets » [110] .

Dans le corpus que nous étudions, plus d’une cinquantaine de lettres abordent le problème des Eglises à l’Est. Bien que, comme le rappelle E. Tisserant à son correspondant, « les catholiques latins échappent à la juridiction de la Sacrée Congrégation pour l’Eglise orientale » [111] , toutes les nouvelles intéressent Rome : « Même celles concernant l’Eglise orthodoxe ont de la valeur pour nous » [112] , écrit le prélat. Ce qui pose à l’historien la question des sources d’information dont semble disposer, à travers cette correspondance, le cardinal. Il faut tout d’abord remarquer que l’information ne circule pas toujours facilement. Ainsi, par exemple, un incident a éclaté à Saint-Louis-des-Français de Moscou : un prêtre, soi-disant letton, serait venu déposséder le titulaire, il se prétend envoyé par l’archevêque de Riga. Or, écrit W. d’Ormesson, « Mgr Tardini me dit qu’on ne sait rien de celui-ci depuis des années, ni même s’il vit » [113] . E. Tisserant avoue à plusieurs reprises ne pas connaître tel ou tel événement, par exemple le procès des ecclésiastiques de Burgas, en Bulgarie : « Personne encore, dit-il, ne nous avait signalé la mort de Mgr Romanof » [114] . Il est pourtant en relation avec les représentants de l’Eglise orientale dans les pays concernés et il bénéficie aussi des informations qui parviennent aux supérieurs des congrégations de rite latin : à propos de la Roumanie, il déclare ainsi le 7 juin 1956 que « le Supérieur général des Assomptionnistes a reçu récemment des nouvelles sur l’ensemble de ses religieux, qui sont tous, sauf un, je crois, hors des prisons où ils avaient été enfermés ». Les deux correspondants échangent des nouvelles qui proviennent de source privée. Ainsi, par exemple, la soeur de W. d’Ormesson, Yolande Arsène-Henry, lui adresse de Tokyo un message : « On avait annoncé qu’il y avait sept Soeurs de Saint-Paul de Chartres tuées en Corée. Voici les derniers détails : trois soeurs ont été en effet massacrées à coups de bâtons. Trois sont en Mandchourie mais on ne sait rien d’elles. L’une des sept a survécu et a pu témoigner des nouvelles ci-dessus » [115] . Les diplomates en poste à Rome, ou les anciens diplomates, peuvent aussi être consultés : W. d’Ormesson déclare avoir questionné « notre ami Papée sur ce qu’il savait de ce couvent de religieuses réouvert en Pologne. Il en ignorait tout » [116] . La plupart des informations proviennent cependant de source officielle, télégrammes, dépêches, rapports diplomatiques que l’ambassadeur de France près le Saint-Siège reçoit de ses collègues de Moscou, Prague, Belgrade, Bucarest ou Sofia. En volume comme en qualité, les informations reçues par ces voies sont inégales, bien plus importantes en ce qui concerne la Roumanie et la Bulgarie, peut-être en raison de la qualité de la représentation française là-bas, ou des liens privilégiés des diplomates en place avec W. d’Ormesson, ou encore de la foi profonde qui les anime.

L’un des thèmes les plus intéressants qui ressort de cette correspondance concerne la situation et le rôle de l’Eglise orthodoxe. Ainsi est évoquée la célébration des grandes fêtes religieuses, comme la Pâque [117] . Sont signalées les nouvelles nominations de métropolites [118] , car elles peuvent être importantes pour les catholiques : « Le défunt métropolite Balan, écrit E. Tisserant à propos de la Transylvanie, a été toujours un des ennemis les plus acharnés du catholicisme et a joué un rôle ignoble dans la suppression de l’Eglise catholique de rit (sic) byzantin (…). Espérons que le nouveau métropolite ne sera pas pire » [119] . Des précisions sont apportées sur les liens entre Eglise et Etat, par exemple en Roumanie : « Les dirigeants roumains s’emploient à limiter l’influence de l’Eglise orthodoxe mais ils continuent à la traiter avec bienveillance (…) assignant aux prêtres orthodoxes une place importante au sein des comités de paix récemment constitués dans le pays » [120] et en Bulgarie où, à partir de 1955, l’Eglise nationale semble retrouver une partie de ses prérogatives [121] .

Mais le diplomate et le prélat échangent surtout des informations sur les persécutions qui frappent les Eglises, en particulier l’Eglise catholique, de rite latin ou de rite oriental. Il peut s’agir de déplacements, comme celui qui affecte les carmélites en Bulgarie, « de la part du gouvernement de Sofia, mesure ayant un caractère général et qui s’applique à tous les membres bulgares des communautés religieuses » [122] . Des documents adressés à E. Tisserant par W. d’Ormesson font état des difficultés de l’Eglise uniate en Tchécoslovaquie [123] , ce que confirme Eugène Tisserant le 19 septembre 1956 : « La situation de nos prêtres catholiques de rite oriental en Tchécoslovaquie est vraiment très pénible. Nous avons eu des nouvelles récemment : de nombreux prêtres sont incarcérés ainsi que deux évêques. Plusieurs ont à purger des peines de longue durée ». La plupart des courriers font état d’arrestations (celle d’un capucin, le P. Franz, à Sofia [124] ), ou de transferts, comme celui de deux capucins, Robert Prouslov et Damien Goulov : « Dans les derniers jours de mars, écrit à leur propos W. d’Ormesson, ils ont échangé la prison où ils ont été incarcérés contre celle de la Milice, 5 rue Moscova à Sofia. Soumis aux pressions les plus vives, ils ont l’un et l’autre refusé tout aveu. Le RP Goulov s’est spécialement attiré l’estime de ses co-détenus en raison du réconfort qu’il leur apporte et de la dignité de son attitude » [125] ; Eugène Tisserant déclare d’ailleurs le connaître personnellement depuis 1923 [126] : « Il a toujours été un homme d’un grand courage, travaillant infatigablement pour faire vivre un hebdomadaire catholique, dont les derniers numéros sont parus très peu de temps avant son emprisonnement. Je suis heureux de savoir qu’il continue son ministère, sous les fers ». Les nouvelles sont parfois meilleures. Ainsi par exemple lorsque E. Tisserant apprend de son ami le transfert des trois évêques [127] de rite oriental encore vivants en Roumanie au monastère de Curtea de Arges : « S’agit-il, se demande-t-il, d’une trève durable ? Les renseignements reçus disaient que les catholiques de rit (sic) oriental et leur clergé étaient très fidèles. Deo gratias. » [128] . A la suite d’un entretien du chargé d’affaires de France en Roumanie avec les trois évêques, il ne peut que se réjouir : « C’est la première fois depuis que Son Excellence Mgr O’Hara a quitté Bucarest, si je ne me trompe pas, dit-il, que nous avons des nouvelles par quelqu’un ayant pu parler avec nos évêques persécutés. On ne peut pas espérer que nos évêques seront autorisés à reprendre le gouvernement de leurs fidèles, puisque, légalement, l’Eglise catholique de rite oriental a cessé d’exister depuis le début de décembre 1948 [129] . Mais si nos évêques peuvent recevoir des visites, il est bien certain qu’ils feront tout leur possible pour conseiller ceux de leurs prêtres qui exercent leur ministère dans la clandestinité » [130] .

A propos des persécutions, E. Tisserant défend, dans les lettres qu’il adresse à W. d’Ormesson, la thèse de la responsabilité soviétique. Ainsi, en Bulgarie, « avant de mourir, Dimitroff aurait dit à Mr. Tchervenkov qu’il ferait bien de s’abstenir de persécuter l’Eglise. Il lui avait même parlé, à ce moment, en faveur de l’Eglise catholique. Ce sont les autorités soviétiques, au bout de quelque temps, qui l’ont obligé à persécuter » [131] . L’Eglise orthodoxe est selon lui complice du pouvoir soviétique ; lorsque le métropolite de Moscou séjourne en Roumanie [132] , Eugène Tisserant analyse la situation d’un point de vue politique : « C’est un peu partout que le Patriarcat de Moscou envoie en ce moment ses prélats. il faut donner au monde l’impression que le gouvernement bolchevique n’entrave en rien la religion. Il est très important pour ce gouvernement de récupérer les anciens amis de la Russie orthodoxe. Le Patriarche Alexis collabore de tout son pouvoir » [133] .

Une zone troublée : le Proche-Orient

La correspondance étudiée comprend une vingtaine de lettres qui traitent du Proche-Orient, notamment de la vie des chrétiens, des visées de la congrégation pour l’Eglise orientale et, plus généralement, des problèmes géopolitiques.

Bien que les catholiques de rite latin ne relèvent pas de la congrégation pour l’Eglise orientale, leurs problèmes sont soulevés, par exemple ceux liés à l’extension de l’établissement des Frères des Ecoles Chrétiennes à Amman, qui rencontre l’opposition des Franciscains installés dans ce secteur de la ville [134] . Ou encore ceux de l’envoi de Franciscains français à Jérusalem [135] . Les vicissitudes de l’Eglise maronite au Liban sont également exposées [136] . Le diplomate informe l’ecclésiastique sur les différents qui existent au sein de la communauté copte du Caire : le Patriarche copte-orthodoxe serait restauré ; l’empereur d’Ethiopie aurait une influence sur les affaires de la communauté [137] .

Sur les orthodoxes, les deux hommes échangent aussi leurs informations, par exemple sur la crise au Phanar [138] en 1954. Le Patriarche Athénagoras est l’objet d’attaques au sein même de son Eglise ; plusieurs membres de son Synode s’opposent à lui : « La crise actuelle, précise Eugène Tisserant, a été précédée par plusieurs autres, moins considérables et de peu de durée. Mais, depuis longtemps, on sent une opposition irréconciliable de la part de certains des Métropolites, qui ont d’ailleurs été traités assez durement par le Patriarche. C’est ainsi par exemple que Mgr Chrysostome Coronéos, ancien élève de notre Faculté théologique de Strasboug, a été destitué de ses fonctions comme président de la faculté théologique de Halki. Il est, naturellement, un des membres de l’opposition » [139] . « Le Patriarche Athénagoras, ajoute-t-il, a déplu à un grand nombre de personnes appartenant au milieu ‘orthodoxe’ en raison de ses nombreuses manifestations turcophiles. Je ne le blâme pas de se montrer loyal vis-à-vis de sa patrie, mais la sensibilité d’un grand nombre de Grecs est mise à rude épreuve » [140] . « (…) Lorsqu’il était aux Etats-Unis, explique encore E. Tisserant, le Patriarche Athénagoras était un potentat indiscuté. A Constantinople, au contraire, en raison d’une tradition, qui a perdu toute sa signification, il est entouré d’une foule de métropolites, l’expression n’est pas trop forte, car ils sont au moins une quinzaine, alors qu’il n’y a à peu près plus rien comme circonscriptions ecclésiastiques soumises directement à la juridiction du Patriarche du Phanar. On peut dire que, n’ayant rien à faire, les métropolites se chamaillent et cherchent par tous les moyens à se surpasser les uns les autres. Lorsque le Patriarche est atone, les métropolites font ce qu’ils veulent. Ce n’est pas le cas d’Athénagoras. Les combats entre lui et ses métropolites dureront autant qu’il vivra, très probablement. Mais l’action du gouvernement grec peut être efficace. Les ressources du Phanar étant en partie taries, il ne peut vivre que grâce aux subventions du gouvernement hellénique » [141] . Il en est de même à Alexandrie où existent aussi des dissensions entre le Patriarche Christophoros II et ses évêques. Ces derniers n’ont pas hésité à « blâmer officiellement et publiquement le voyage à Moscou du Patriarche » [142] .

Devant la complexité des problèmes qui agitent la zone, Eugène Tisserant n’hésite pas à mettre en relief les points que, selon lui, les agents français au Proche-Orient devraient connaître. Ils doivent bien comprendre que le Saint-Siège tient essentiellement à la prospérité des communautés des rites orientaux : « C’est dans ce but, dit-il, que la Sacrée Congrégation pour l’Eglise orientale multiplie ses efforts pour que leur clergé reçoive une formation plus complète sous tous les rapports ». Il donne, à l’appui de sa thèse, l’exemple de la formation des religieuses indigènes ; les Dominicaines de Montpellier ont ouvert une maison à Beyrouth, dans le but de « procurer aux religieuses de langue arabe le moyen de faire des études classiques. La maison n’a encore que des élèves libanaises ; elle accepterait aussi des syriennes, des jordaniennes, des iraquiennes. Les agents de la France peuvent avoir intérêt à le savoir : ils pourraient aider des religieuses indigènes des pays où ils se trouvent à profiter de l’avantage procuré dès maintenant à environ 25 religieuses. La Sacrée Congrégation a invité les instituts étrangers à procurer à leurs membres une meilleure connaissance de l’arabe. Des cours de vacances ont eu lieu déjà au Liban (Bikfaya) et en Egypte (Alexandrie). Les religieux et religieuses de France auraient beaucoup plus de prestige s’ils connaissaient l’arabe (…). Les agents de la France feraient bien d’encourager leurs ressortissants à répondre à l’invitation qui leur a été adressée. Diverses mesures d’ordre administratif ont été prises par le Saint-Siège, dont on a pu prétendre qu’elles lésaient les prérogatives ou privilèges des hiérarchies orientales. Ces mesures n’ont été prises que pour remédier à de graves abus. Le Saint-Siège désire au contraire, renforcer les autorités locales et augmenter leur prestige » [143] .

Sur la situation géopolitique, W. d’Ormesson souhaite recueillir à plusieurs reprises l’avis du cardinal. Dans la lettre que nous venons de citer, ce dernier réfléchit à « la collusion (…) des Frères musulmans avec les Soviétiques. Cette collusion, habituellement niée, a été manifestée par deux déclarations de Mustapha Sbaï, un des leaders des Frères musulmans syriens. Il a déclaré devant l’Assemblée constituante syrienne, le 29 avril 1950, que les Arabes devraient s’allier à l’URSS. Le 12 mai de la même année, il a proclamé dans un meeting du Front socialiste musulman que les concessions pétrolifères aux Anglais et aux Américains devraient être annulées » [144] . Les progrès de l’URSS et ceux de l’islamisme sont dénoncés dans d’autres lettres, notamment une longue missive dactylographiée du 29 mars 1954 : « Jamais la situation politique n’a été aussi critique et incertaine dans le Proche-Orient. Je pense que nous assistons à une nouvelle manche de ce duel entre Russie et Angleterre, qui a commandé depuis le milieu du XVIIIème siècle la politique internationale en Asie. (…) Vous aurez noté sans doute qu’un des chefs du groupe des Frères musulmans, à peine sorti de prison, il y a quelques jours, a parlé de la convenance pour le parti de se tourner du côté de la Russie. Ce n’est pas la première fois que les Frères musulmans parlent ainsi. (…) Dans les pays du Proche-Orient, l’URSS favorise l’islamisme rigide, celui qui réclame une législation basée dans sa totalité sur le Coran. Cette prétention paie toujours en pays musulman, car tout musulman est accessible à l’appel qu’on lui adressera en faveur de sa religion (…). Les Russes le savent, qui ont préparé dès les premières années du nouveau régime leurs futurs propagandistes des pays musulmans » [145] . Selon Eugène Tisserant, « l’islamisme rigide et fanatique » ne cesse de progresser au Proche-Orient. « C’est un phénomène qu’on peut constater même au Liban, où les musulmans, devenus plus nombreux grâce à l’arrivée des réfugiés palestiniens, se montrent plus arrogants que jamais vis-à-vis des chrétiens ». « Où est, s’interroge-t-il, le respect de l’égalité proclamée dans tous les instruments de l’Organisation des Nations Unies ? L’Islam ne connaît pas l’égalité de tous les membres de la grande famille humaine. La femme y est toujours considérée comme inférieure à l’homme, même si elle professe l’Islam. Quant aux non-musulmans, ils sont toujours considérés comme inférieurs à leurs compatriotes musulmans. Il y a quelques jours, les autorités de l’université el-Azhar ont anathématisé les suffragettes égyptiennes, qui avaient organisé une grève de la faim. L’Islam a l’organisation d’un parti dominant, où les membres du parti ont des droits que les autres n’ont pas » [146] . Pour progresser au Proche-Orient, l’URSS, selon Eugène Tisserant, compte donc sur les progrès de l’Islam, et utilise la présence orthodoxe ; l’Eglise orthodoxe russe entretient de bonnes relations avec l’orthodoxie d’Orient, notamment avec les patriarches d’Antioche, de Jérusalem, d’Alexandrie [147] . Les patriarches, en particulier celui d’Antioche, qui fut fait docteur honoris causa d’une université moscovite en 1950 [148] , et qui se rendit à Moscou en 1951 [149] , sont des instruments de la politique soviétique : « Le patriarche dissident d’Antioche est un ami du gouvernement soviétique, qui doit lui fournir des subsides et se sert certainement de lui pour sa politique dans le Proche-Orient, Syrie et Liban » [150] , explique le cardinal à son ami.

S’étendant sur plus de trente ans, la correspondance entre Eugène Tisserant et Wladimir d’Ormesson est l’une des plus riches du fonds Tisserant, du moins en l’état actuel de notre connaissance de ces archives. On y devine que la rencontre des deux hommes dans l’adversité, en mai 1940, leur a permis de se reconnaître. Ils n’ont ensuite cessé de tisser des liens sur une trame commune. Outre cette riche amitié, que nous révèle cette correspondance que nous ne sachions déjà sur Eugène Tisserant ? On y retrouve l’homme proche de sa famille et de ses amis, le travailleur acharné, le Lorrain préoccupé de la grandeur de la France, le pasteur soucieux de ses diocèses italiens et de leur développement.

Mais le cardinal apparaît surtout parmi les plus influents et les mieux renseignés de la Curie. La correspondance indique en effet quelques-uns des modes d’information du Vatican. Directement, par les supérieurs des congrégations à Rome ou par leurs membres sur le terrain ; indirectement, par les milieux diplomatiques. En marge de ce que l’on pourrait désigner comme des réseaux officiels ou semi-officiels, il existe d’autres sources, constituées par les amis, les relations qui se développent dans les groupes les plus divers (par exemple, pour Eugène Tisserant, ses confrères de l’Académie française).

Enfin, l’un des apports essentiels de cette correspondance tient à la diversité de ce que l’on appelle « le Vatican » : on devine, notamment pendant la guerre -Eugène Tisserant s’exprimant très durement contre la collaboration- des luttes d’influence pour faire triompher, dans les plus hautes sphères du pouvoir romain, des points de vue divergents.

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[1] Sur les débuts de cette carrière, on se reportera à : Pierre Gastel, Cardinal Eugène Tisserant : origines et années de formation, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 1999, 127 pages + annexes ; Nicolas Fuertes, Cardinal Eugène Tisserant, Rome, l’Orient et la guerre (1908-1919), mémoire de maîtrise d’histoire, UPPA, 257 pages + annexes.

[2] Voici ce qu’écrit à ce propos G. Levi Della Vida, in Recueil Cardinal Eugène Tisserant, Ab Oriente et Occidente, publié par Sever Pop, Louvain, Centre international de dialectologie générale, 1955, pp. 1-11 : « Par ses livres et ses articles, il a contribué d’une manière substantielle au progrès de nos connaissances dans des domaines aussi importants que variés : la paléographie orientale, l’histoire des versions du texte biblique, l’histoire des Eglises et des littératures syriaque, éthiopienne, arabe, arménienne ; l’histoire des études orientales ». Voir aussi E. Tisserant, Souvenirs d’orientaliste et de bibliothécaire, in Cérémonie de la remise du recueil Cardinal Eugène Tisserant, publié par Sever Pop, Louvain, Centre de dialectologie générale, 1957, pp. 16-24.

[3] Cf. François Etchandy, Eugène Tisserant et la Bibliothèque Vaticane, 1919-1936, mémoire de maîtrise d’histoire, UPPA, 2000, 96 pages + annexes.

[4] Conservées par l’Association des Amis du cardinal Tisserant dans un petit village des Pyrénées-Orientales, les archives privées du prélat ont été soigneusement classées et répertoriées ; leur exploitation est actuellement confiée à une équipe d’historiens et de théologiens chargés, à moyen terme, de réaliser une biographie scientifique du personnage. Les documents réunis se révèlent d’une grande richesse : Eugène Tisserant a en effet, tout au long de sa vie, gardé ses agendas personnels, les doubles de ses lettres et les correspondances qu’il recevait, à titre privé, notamment celles de sa famille et de ses très nombreux amis ou relations. Mais aussi ses cahiers de cours d’étudiant ou de professeur. De multiples coupures de presse sont rassemblées, qui rendent compte de ses voyages, missions ou conférences à l’étranger, ainsi que des diverses distinctions dont il fut l’objet. Certains textes pourraient tout à fait être consultés ailleurs : articles scientifiques publiés dans des revues ou réunis en volumes, lettres pastorales rédigées au cours de son épiscopat à Porto et Santa Rufina. La correspondance Tisserant-d’Ormesson a reçu la cote V4.

[5] Eugène Tisserant décédera en 1972, Wladimir d’Ormesson l’année suivante.

[6] W. d’Ormesson (désormais W. d’O.), 19 octobre 1944.

[7] W. d’O., idem.

[8] Par exemple celui de la protection des anciens collaborateurs ; cf. infra.

[9] Cette hypothèse mérite d’être retenue, car des allusions nous apprennent que, pour préparer le discours de réception du cardinal Tisserant à l’Académie française, W. d’Ormesson dispose de volumes de correspondance, des lettres-circulaires à la famille et de mémoires destinés à la famille également, que lui a prêtés E. Tisserant. Il les renverra à Rome par un ami (lettres de W. d’Ormesson des 13 et 31 novembre 1961 et d’E. Tisserant du 25 avril 1962). Nous savons par ailleurs qu’E. Tisserant a également confié certains de ses documents à Sever Pop, lorsque ce dernier prépare un recueil en hommage au cardinal.

[10] Sur cette légation, le lecteur voudra bien se reporter à notre ouvrage, Pierre-Marie Théas, un évêque à la rencontre du XXème siècle, Tarbes-Toulouse, AGM-GRHI, 1993, en particulier le chapitre IX, pp.373-376.

[11] W. d’O., lettre non datée.

[12] W. d’O., autre lettre non datée.

[13] W. d’O., 8 juillet 1940.

[14] C’est aussi le cas lorsque François Charles-Roux est ambassadeur. Le cardinal Tisserant n’entretiendra en revanche pratiquement aucune relation avec Léon Bérard, qui lui emprunte seulement « des Budé » ; E. Tisserant (désormais E. T.), 7 avril 1941 et 24 mai 1942.

[15] W. d’O., 8 juillet 1940. Sainte-Marthe, dans la cité du Vatican, est l’hôtellerie où logeaient quelques ecclésiastiques de passage ou les nouveaux arrivants au service du Saint-Siège ; c’est dans ce lieu que les diplomates des pays en guerre contre l’Allemagne et l’Italie ont été accueillis au moment de la déclaration de guerre.

[16] W. d’O., 30 septembre 1957.

[17] E. T., 20 novembre 1957.

[18] W. d’O., 18 octobre 1964 et réponse d’E. T., 27 octobre 1964.

[19] E. T., 12 janvier 1956.

[20] E. T., 26 juin 1961.

[21] E. T., 14 décembre 1963.

[22] E. T., 7 mai 1962.

[23] E. T., 10 janvier 1963.

[24] E. T., 8 avril 1946.

[25] Il s’agit de Mgr Tito Mancini, chancelier du diocèse de Porto et Santa Rufina.

[26] E. T., 10 janvier 1963.

[27] E. T., 8 avril 1946.

[28] E. T., 10 août 1957. L’ouverture du synode diocésain coïncide avec la célébration dans le diocèse du jubilé sacerdotal d’Eugène Tisserant.

[29] Voici ce qu’écrit à ce propos Mgr Octave Bârlea : « Pour Son Eminence -comme il l’avouait au clergé du diocèse- c’était un sérieux devoir de conscience de s’occuper aussi du temple qui est la figure de l’âme chrétienne », L’activité du cardinal Eugène Tisserant dans les diocèses d’Ostie, de Porto et Santa Rufina, in Recueil Cardinal Eugène Tisserant, op. cit., tome II, p. 712. Le lecteur consultera les pages 712-721 qui relatent les diverses étapes des constructions dans les deux diocèses et reproduisent des photographies des nouveaux lieux de culte (planches XLI, XLIII, XLIV).

[30] A Fregene, nouvelle paroisse, on constitua pour collecter des fonds un Comité pour l’érection de l’église et de l’asile.

[31] W. d’O., 9 février 1949.

[32] E. T., 6 avril 1950. Puisque W. d’Ormesson était absent de Rome au moment de la consécration de la nouvelle cathédrale, Eugène Tissserant lui adresse un récit destiné aux « bienfaiteurs de langue française ».

[33] E. T., 25 décembre 1951. Le cardinal joint à cette lettre un dépliant montrant les constructions dans le diocèse de Porto et Santa Rufina depuis cinq ans. Mais, ajoute-t-il, « il reste beaucoup à faire ».

[34] Durant cette période, Wladimir d’Ormesson se trouve en Belgique et à Paris.

[35] E. T., 9 avril 1955.

[36] E. T., 26 avril 1966.

[37] W. d’O., 19 octobre 1944.

[38] E. T., 4 janvier 1949 ; voir aussi ses lettres des 9 avril 1955, 4 juillet 1961, 17 février 1965.

[39] W. d’O., 4 janvier 1950.

[40] W. d’O., 30 juin 1961.

[41] W. d’O., 14 décembre 1962 et réponse d’E. T., 26 décembre 1962.

[42] W. d’O., 23 octobre 1954 et réponse d’E. T., 27 octobre 1954.

[43] W. d’O., lettre non datée.

[44] W. d’O., 22 octobre 1940 ; ce courrier porte la mention « confidentiel ». Terme souligné par l’auteur de la lettre.

[45] W. d’O., 13 mars 1941. Wladimir d’Ormesson écrit au Figaro, après avoir dans l’entre-deux-guerres collaboré au Temps. Sur le problème précis abordé dans cette lettre, Eugène Tisserant lui suggérera d’écrire sur la responsabilité personnelle (7 avril 1941).

[46] W. d’O., 8 mai 1941.

[47] W. d’O., 26 juin 1941.

[48] W. d’O., idem.

[49] E. T., 18 juin 1940.

[50] E. T., 31 août 1940.

[51] E. T., 26 septembre 1940 : « Voilà de la naturalisation à la vapeur ! « , commente-t-il.

[52] E. T., 28 juillet 1941.

[53] E. T., 7 avril 1941.

[54] Idem.

[55] E. T., 25 mai 1941.

[56] E. T., 7 avril 1941.

[57] E. T., 20 novembre 1941.

[58] E. T., 24 mai 1942.

[59] E. T., 20 juillet 1941.

[60] E. T., 2 décembre 1941. Voir aussi son courrier du 24 mai 1942.

[61] E. T., 20 juillet 1941.

[62] E. T., 28 juillet 1941.

[63] E. T., 20 juillet 1941.

[64] W. d’O., 15 avril 1945.

[65] E. T., 26 novembre 1945.

[66] W. d’O., 5 août 1957 et réponse d’E. T. du 10 août. On se rappellera que la correspondance manque pour 1958 et une grande partie de 1959.

[67] W. d’O., 19 octobre 1959.

[68] W. d’O., 24 décembre 1954. La rencontre entre les deux hommes est immortalisée par les photographes le 12 janvier 1955, planche XXXIV in Recueil Cardinal Eugène Tisserant, op. cit.

[69] W. d’O., 1er juillet 1949.

[70] W. d’O., 5 avril 1950.

[71] E. T., 9 février 1949.

[72] W. d’O., 30 mai 1949. La Légation sera un plein succès et ses membres obtiendront la Légion d’Honneur.

[73] Rappelons que, le 26 août 1944, le général de Gaulle n’avait pas souhaité la présence du cardinal Suhard à la célébration du Te Deum à Notre-Dame de Paris.

[74] E. T., 2 juin 1949.

[75] W. d’O., 30 mai 1949.

[76] W. d’O., 27 juillet 1949. Avant d’être archevêque de Paris, Mgr Feltin occupait le siège de Bordeaux.

[77] W. d’O., 13 janvier 1955 et réponse d’E.T., 17 janvier 1955.

[78] Eugène Tisserant appartient à la Société des prêtres de St François de Sales. C’est entre autres parce qu’il appartenait à cette société que le cardinal envoyait à Mgr Ruch des comptes rendus spirituels mensuels. Après la mort de Mgr Ruch, le cardinal eut comme « probateur » le chanoine Hecquet, directeur de la Société à Paris. Cf. Marie Bardon, Eugène Tisserant et Charles Ruch : une correspondance entre deux membres du haut-clergé, 1907-1945, mémoire de maîtrise d’histoire, UPPA, 1999, 124 pages + annexes et les travaux en cours d’Hervé Gaignard, dans le cadre d’une maîtrise de théologie, sur la spiritualité du cardinal Tisserant.

[79] E. T., 12 mars 1957. Wladimir d’Ormesson est reçu à la séance du 21 mars 1957.

[80] En fait, Eugène Tisserant occupera le fauteuil de Maurice de Broglie.

[81] E. T., 16 mai 1960.

[82] E. T., 9 janvier 1961.

[83] W. d’O., 18 mars 1961.

[84] W. d’O., 30 juin 1961.

[85] W. d’O., 28 décembre 1961. Marc Boegner fut Président du Conseil oecuménique des Eglises de 1948 à 1954.

[86] E. T., 3 janvier 1962.

[87] W. d’O., Samedi Saint 1968. Pierre Emmanuel est effectivement élu en 1968. Sur le thème de la présence chrétienne à l’Académie, voir aussi la lettre du 18 octobre 1971.

[88] E. T., 26 décembre 1962.

[89] E. T., 10 janvier 1963. Eugène Tisserant est associé correspondant national de l’Académie Stanislas depuis 1932 ; il appartient à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres depuis 1938.

[90] Voir à ce propos la plupart des lettres de W. d’Ormesson datées de la fin de l’année 1963 et de 1964, où la Coupole occupe une place très large. Sur Eugène Tisserant et l’Académie Française, nous attendons les travaux en cours de Philippe Dazet-Brun.

[91] W. d’O., 15 janvier 1946. Le terme est souligné par l’auteur de la lettre.

[92] Idem.

[93] Idem. L’Argentine a alors pour vice-président le colonel Peron, qui deviendra président de la République en 1946.

[94] Idem.

[95] W. d’O., 22 février 1946.

[96] Idem.

[97] Rapport du 14 janvier 1946. Le philosophe Jacques Maritain est alors ambassadeur de France près le Saint-Siège.

[98] Idem.

[99] Idem.

[100] Idem.

[101] Idem.

[102] Idem.

[103] D’origine française, Mgr Barrère, selon le rapport du 15 janvier 1946, se montre « très attaché à sa patrie d’origine » ; il aurait « assez fortement donné dans le pétainisme ».

[104] E. T., 8 avril 1946. Cf. Michel Faure, Argentine, sur la piste des derniers nazis, L’Express, 9 avril 1998 : cet article évoque les travaux de la Commission pour l’éclaircissement des activités des nazis en Argentine (Ceana), créée par le président Menem en 1997 ; l’auteur cite une lettre qu’Eugène Tisserant adresse, en mai 1946, à l’ambassadeur d’Argentine à Rome, lui demandant d’accorder des visas à certaines familles. Dans un encadré, Jacques Duquesne s’interroge : « Le cas de Mgr Tisserant : lui, un passeur de collabos ? »

[105] E. T., 8 avril 1946.

[106] Idem.

[107] Idem.

[108] Idem. Cet argument est déjà présent dans une lettre du 26 novembre 1945 : « Votre successeur immédiat, écrit E. Tisserant à W. d’Ormesson, habite toujours à Sainte-Marthe (…). Il donne de temps en temps un déjeuner, où figure la vieille garde pétainiste. Mais il n’y a pas de division dans la colonie, et les plus résistants se sont groupés sous ma présidence une paire de fois avec des douteux pour venir au secours de nos compatriotes retour d’Allemagne. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les aider. La plupart ont été entraînés par Pétain, et c’est en parlant avec eux qu’on voit comment il a trahi les intérêts de la France » (souligné par nous).

[109] Idem.

[110] E. T., 8 avril 1946.

[111] E. T., 26 juin 1952.

[112] E. T., 14 février 1953.

[113] W. d’O., 27 juillet 1949.

[114] E. T., 14 février 1953. Sur la situation des Eglises en Bulgarie, voir également les lettres des 22 et 24 novembre, des 17 et 23 décembre 1952. Cf. aussi Claude Sauvageot et Marie-Ange Donze, Le Balkan crucifié, l’Eglise de Bulgarie dans la tourmente, film vidéo VHS Secam, durée 56 mn, Production Images d’Ici et d’Ailleurs.

[115] W. d’O., 10 mars 1951.

[116] W. d’O., 27 juillet 1949. C. Papée fut ambassadeur de Pologne près le Saint-Siège.

[117] W. d’O., 4 juin 1956.

[118] W. d’O. , 30 août 1956, concernant la Tchécoslovaquie.

[119] E. T., 17 avril 1956, en réponse au courrier de W. d’Ormesson du 11 avril.

[120] W. d’O., 18 avril 1950.

[121] W. d’O., 12 août 1955 et la réponse d’E. Tisserant du 15 août. Sur le patriarcat bulgare, voir aussi W. d’O., 23 juin 1952, 11 juin 1953 et E. T., 13 juillet 1953.

[122] W. d’O., 25 avril 1949.

[123] W. d’O., 7 juin 1950, 11 juin 1953, 30 août 1956.

[124] W. d’O., 17 mai 1952.

[125] W. d’O., 29 juin 1951.

[126] E. T., 29 juin 1951. Du 19 au 26 avril 1923, E. Tisserant a séjourné en Bulgarie dans le cadre d’une mission dans les Balkans. Voir Sever Pop, Etudes et missions spirituelles du Cardinal Eugène Tisserant, in Recueil Cardinal Eugène Tisserant, op. cit., pp. 725-807 ; Ramuntxo Igos, Les voyages d’Eugène Tisserant de 1927 à 1947, mémoire de maîtrise d’histoire, UPPA, 2000, 148 pages + annexes.

[127] Il s’agit de Iuliu Hossu (évêque de Cluj-Gherla, qui mourut en avril 1970), Alexandru Rusu (évêque de Baia Mare, puis métropolite de Blaj, condamné à vingt-cinq ans de travaux forcés en 1957, il mourut en mai 1963) et Ion Balan (évêque de Lugoj, il mourut le 4 août 1959 à Bucarest). Tous trois furent arrêtés le 28 octobre 1948, détenus plusieurs années à Sighet, l’une des prisons les plus dures du pays. Tous trois signèrent un memorandum demandant la restauration des droits de l’Eglise catholique-grecque ; Mgr Hossu fut soumis à des pressions pour créer une Eglise catholique-grecque nationale indépendante de l’autorité du Pape, ce qu’il refusa de faire. Voir Paul Caravia, Virgiliu Constantinescu, Flori Stanescu, The Imprisoned church Romania, 1944-1989, The Romanian Academy, The National Institute for the study of Totalitarianism, Bucarest, 1999, 416 p., en particulier l’introduction de P. Caravia, et les notices consacrées aux trois évêques. Cf. aussi Philippe Rostaing, La résistance de la société roumaine au totalitarisme communiste, 1945-1989, in Totalitarianism Archives, Volume IV-V, n°13-14, 4/1996-1/1997, pp. 278-294. Le cardinal Tisserant avait rencontré I. Hossu à Cluj et A. Rusu à Baia-Mare lors de sa mission en Roumanie en septembre 1937.

[128] E. T., 21 août 1955, en réponse au communiqué de W. d’Ormesson du 19 août.

[129] Par le décret n° 358 du 1er décembre 1948, l’Eglise catholique-grecque (uniate) est dissoute, cf. The Imprisoned church Romania, op. cit., p. 14.

[130] E. T., 14 octobre 1955, en réponse à la dépêche du 13.

[131] E. T., 15 août 1955.

[132] W. d’O., 6 janvier 1956.

[133] E. T., 9 janvier 1956.

[134] W. d’O., 13 juillet 1951.

[135] W. d’O., 10 décembre 1952.

[136] W. d’O., idem.

[137] Plusieurs lettres rendent compte de la communauté copte : W. d’O., 13 janvier 1955 et réponse d’E. T., 22 janvier 1955 ; W. d’O, 19 janvier 1956 et réponse d’E. T., 23 janvier 1956.

[138] Quartier grec de Constantinople, siège du Patriarcat.

[139] E. T., 30 juin 1954, en réponse à une dépêche de W. d’O. du 18 juin.

[140] E. T., idem.

[141] E.T., 24 juillet 1954.

[142] E. T., 7 août 1955, en réponse à une dépêche de W. d’Ormesson du 5 août.

[143] E. T., 10 mai 1952.

[144] E. T., idem. Il étaye ses dires par deux articles du journal Le Jour, édité à Beyrouth, des 30 avril et 14 mai 1950.

[145] E. T., 29 mars 1954. Les spécialistes, notamment Hélène Carrère d’Encausse, déclarent que l’URSS n’a amorcé une stratégie islamique que vers1956. Les lettres d’E. Tisserant (1954), prouvent que la réalité est plus complexe et que des premiers pas ont été faits auparavant (du vivant même de Staline ? A l’initiative des Frères musulmans ?).

[146] E. T., idem.

[147] Rapport de l’ambassade de France à Moscou du 15 janvier 1950, adressé par W. d’O à E. T. le 25 février 1950. Les relations sont plus difficiles semble-t-il avec le Patriarche de Constantinople, par exemple lorsque, selon E. Tisserant, à la demande des Soviétiques, les Bulgares envisagent la création d’un nouveau patriarcat. Cf. E.T., 13 juillet 1953.

[148] W. d’O., 2 mai 1950.

[149] W. d’O., 28 juillet 1951.

[150] E. T., 18 octobre 1954.

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