Tutti, tranne me

Tous, sauf moi. Rome, 2010. En rentrant chez elle, Ilaria trouve sur le pas de sa porte un jeune homme, un Éthiopien. Il lui dit être à la recherche de son grand-père, Attilio Profeti, qui n’est autre que le père de la jeune femme. Quels secrets le patriarche de la famille Profeti cache-t-il ? Troublée, Ilaria décide d’enquêter. Derrière le passé officiel de son père – deux mariages, quatre enfants et une réussite sociale qui s’avère éclatante –, elle découvrira le parcours sombre et fascinant d’un homme sans scrupule.
À mesure que le voile se lève sur la jeunesse d’Attilio Profeti apparaît tout un pan de l’histoire italienne qui a été occulté : la colonisation de l’Éthiopie sous Mussolini, dont les traces bouleversantes subsistent encore dans l’Italie contemporaine.
Scénariste pour le cinéma et la télévision, Francesca Melandri est également réalisatrice. Son documentaire Vera (2010) a été présenté dans de nombreux festivals à travers le monde. Eva dort (Eva dorme), son premier roman, publié chez Mondadori en 2012, avait été plébiscité par la critique et les lecteurs en Italie. Son œuvre romanesque est fondée sur ce qu’elle intitule sa «trilogie des pères» (Eva dort ; Plus haut que la mer (2015) ; Tous, sauf moi), parus en France chez Gallimard.

De Tous sauf moi, elle dit : «Mon livre réfléchit au temps : le temps historique, le temps intime, le temps volé des migrants. Car le temps est la matière de nos vies. Et c’est certainement la vraie matière des romans. […] Le thème de mon livre n’est pas le passé mais le présent. C’est par exemple la relation entre les lois raciales fascistes, appliquées dans les colonies, et une certaine mentalité coloniale, fasciste et raciste dans l’Italie d’aujourd’hui. En Italie, on observe ce volcan de racisme ces dernières années, et comme on n’a pas réfléchi à ces lois raciales, on n’a pas vu, sous nos pieds, ce fleuve obscur tracer son sillon. Quand les migrants sont arrivés, il a jailli de son lit d’un coup sous la forme de ce discours brutal.»

Et à propos de l’Éthiopie : «La campagne d’Abyssinie a été le moment de la plus grande adhésion populaire à Mussolini. La déclaration de l’Empire depuis le balcon de la piazza Venezia avec cette foule qui l’acclame, en mai 1936, a constitué un nœud historique dans le fascisme italien. L’autre raison, c’est qu’aujourd’hui une grande partie du flux des migrants qui arrivent en Italie viennent de la Corne de l’Afrique. Pour les Éthiopiens, l’Italie est un pays vers lequel il est normal d’émigrer. Mais la contrepartie n’est pas vraie : les Italiens semblent ne rien savoir de cette histoire. Et les médias ne font jamais le lien entre les bateaux de migrants et la colonisation.»