On dit souvent que l’archéologie se place à l’interface des sciences de la nature et de la société, comme en témoignent son champ éditorial, la distribution de ses équipes de chercheurs, ainsi que diverses propositions théoriques. En réexaminant ces dernières et en proposant un nouvel objet pour cette science, il devient possible de trouver une nouvelle unité et une singularité manifeste à l’archéologie. À partir de la notion d’agrégat, puis en reprenant l’ontologie minimaliste du philosophe F. Wolff (choses, événements, personnes), il est suggéré que c’est à un monde à notre échelle et à notre mesure sémantique auquel il est fait référence, mais pensé avec des concepts élaborés par les autres sciences sociales. Si les recours aux analyses (physico-chimiques, biologiques) sont de plus en plus fréquents, ils ne constituent en rien la part déterminante du discours archéologique, lequel ne peut exhiber ses entités consistantes indépendamment de tout point de vue, à la différence du projet des sciences de la nature.
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Boissinot P., 2017 – Pourquoi l’archéologie, dans toutes ses composantes, est une science sociale, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 87-96.
Cet article est une réflexion comparative sur les régimes d’enquête qu’offrent deux disciplines ou pratiques d’investigation du passé, à savoir l’archéologie et la psychanalyse. Ces deux voies d’enquête régressive partent des indices (matériels ou psychiques) présents pour recouvrer le passé. Cependant, au-delà d’une similitude de façade, archéologie et psychanalyse ne proposent pas la même heuristique. Non pas parce qu’elles n’ont pas les mêmes objets, mais parce qu’elles n’ont pas la même représentation et la même pratique des modalités d’enfouissement et de recouvrement de leurs objets respectifs. Discutant l’herméneutique « hyperarchéologique » proposée par Jean Laplanche, cet article plaide en faveur d’une histoire mosaïque permettant de saisir dans la même intrigue le devenir d’un objet et chacun de ses vestiges et de ses souvenirs.
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Fauvelle F.-X., 2017 – Archéologie et psychanalyse : de quoi l’enquête est-elle la quête ?, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 76-86.
Au-delà des points de convergence évidents, ces deux domaines disciplinaires ont souvent suivi des parcours parallèles sinon divergents. Ainsi, les premiers grands récits sur l’économie des sociétés anciennes se construisent dans l’oubli presque total des données archéologiques. Cette indifférence est même parfois ouvertement admise par des historiens pourtant attentifs à une approche globale des sociétés anciennes (M. Finley, E. Will). Ce cadre semble changer dans les années 1980, lorsque plusieurs thématiques communes à l’enquête historique et archéologique sont abordées : par exemple les recherches sur le paysage dans plusieurs régions méditerranéennes (Grèce, Italie, Afrique du Nord). Aujourd’hui, la tendance à la modélisation propre à l’histoire économique amène à sélectionner les indicateurs matériels sur la base de critères (la croissance) qui adhèrent plutôt aux comportements économiques actuels. Des terrains de convergence pluridisciplinaire restent toutefois ouverts.
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D’Ercole C., 2017 – Archéologie et histoire économique : entre complicités et mésentente, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 63-75.
Autant que le concept d’espace, celui de temps semble avoir régi les relations entre archéologie du paysage et géographie depuis la fin du XIXe siècle. On peut dégager une première période qui lie géographie et sciences historiques dans une perception cyclique de la dynamique des formes. À partir des années 1960, les complémentarités théoriques apparaissent plus difficiles car le modèle explicatif change en géographie, favorisant la vision d’un présent qui n’est plus lié dynamiquement au passé. Depuis les années 1990, la théorie de l’auto-organisation et le concept de la résilience, en introduisant le temps comme agent à part entière des organisations, rendent à nouveau propices les co-constructions théoriques.
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Robert S., 2017 – Archéologie du paysage et géographie : entre observation, transferts et co-constructions, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 53-62.
La présence divine sur terre constitue une aporie. Elle répond cependant, dans le même temps, à une nécessité puisque ce que nous appelons « la religion » n’est rien d’autre qu’une série de pratiques sociales visant à établir une communication, si possible bienfaisante, entre des êtres supérieurs et les hommes. Ontologiquement parlant, les puissances divines sont « sur-humaines », ce qui signifie qu’elles échappent aux paramètres usuels. Cette contribution s’intéresse au « Premier Temple » de Jérusalem à travers deux dossiers : les éléments textuels et les éléments archéologiques. On procède ainsi à une comparaison entre des données théologiques et archéologiques pour questionner les interactions entre ces deux disciplines. Le lieu de culte apparaît, en effet, comme un laboratoire idéal au sein duquel plusieurs disciplines, méthodes et questionnements peuvent se rencontrer pour cerner les représentations du divin. En d’autres termes, on se demandera en quoi la prise en compte des « discours sur les dieux » (théo-logie) peut enrichir le travail des archéologues et soulever des questions inédites ; à l’inverse, on soulignera ce que l’archéologue apporte à ceux qui travaillent sur la représentation du divin dans les textes.
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Porzia F., Bonnet C., 2017 – Le temple de Jérusalem entre « théologie » et archéologie : quels enjeux, quel dialogue ?, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 32-52.
La notion de culture matérielle utilisée dans diverses disciplines historiques et anthropologiques a été principalement introduite en France par plusieurs articles de Jean-Marie Pesez à la fin des années 1970 pour son application dans le domaine de l’archéologie médiévale. Ces travaux ont fait le point sur les origines et les conditions d’émergence de ce champ de réflexion et de recherche, et établi un premier canevas pour une mise en application, dans le domaine archéologique, aux données matérielles comme source de la démarche historique. Revenir sur ces propositions et le contexte de leur mise en œuvre peut être utile pour examiner l’acception de la notion à l’heure actuelle, son potentiel heuristique qui apparaît encore trop limité, et le rôle qu’elle peut jouer dans la conjonction de plusieurs sciences sociales.
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Poisson J.-M., 2017 – Archéologie médiévale et histoire de la culture matérielle : quarante ans après, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 22-31.
Le problème de la définition et de la situation disciplinaires de l’archéologie est abordé à partir de la controverse ayant opposé, entre 1980 et 2009, l’archéologue Jean-Claude Gardin et le sociologue Jean-Claude Passeron. Ce cas permet d’étudier les rapports conceptuels effectifs (et non ceux souhaités ou prescrits) entre l’archéologie et les autres sciences. Les contrastes entre les positionnements déclarés par les deux acteurs et l’ancrage disciplinaire de leurs arguments sont examinés : là où le sociologue tire parti de sa formation philosophique, l’archéologue s’appuie avant tout sur ses travaux menés en sémiologie et en informatique. L’archéologie joue un rôle finalement mineur dans les arguments engagés. Cette controverse ne constitue donc pas un cas positif de circulation conceptuelle entre l’archéologie et les sciences sociales. Un angle mort du débat, relatif aux spécificités ontologiques des objets de l’archéologie, apparaît néanmoins comme une voie possible pour rendre effective cette circulation.
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Plutniak S., 2017 – Une contribution archéologique à la théorie des sciences sociales est-elle possible ? Faits et concepts archéologiques dans la controverse entre Jean-Claude Gardin et Jean-Claude Passeron, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 7-21.
Voilà plus d’une décennie que l’archéologie a obtenu une certaine autonomie disciplinaire en France. Détachée de la tutelle de l’histoire, mais sans rejoindre les départements d’anthropologie, comme cela est souvent le cas aux États-Unis par exemple, elle a en outre bénéficié d’une loi favorable au sauvetage du patrimoine (archéologie préventive) et un intérêt croissant des collectivités territoriales. Si bien qu’aujourd’hui, les chercheurs et les divers acteurs qui s’en réclament constituent une population numériquement jamais égalée – sans oublier également le succès rencontré par les expositions et les émissions qui lui sont consacrées. À l’interface des sciences de l’homme et de la nature – avec la dégradation de nos écosystèmes, les questions environnementales sont plus que jamais d’actualité –, cette discipline est devenue une grande productrice factuelle, divisée en de nombreuses sous-disciplines, chacune développant les technologies les plus pointues.
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Boissinot P., 2017 – Introduction, dans Boissinot P. (dir.), Archéologie et sciences sociales, Université Toulouse Jean Jaurès, P@lethnologie, 9, 4-6.
Au cours de cet exposé, seront présentés plusieurs modèles de maisons néolithiques et chalcolithiques de l’espace méditerranéen. À Chypre, le modèle de la maison ronde, apparu dès le PPNA, connaîtra une forte longévité au cours du PPNB, du Khirokitien et du Chalcolithique. En Italie du Sud-Est, les modèles sub-rectangulaires des débuts du Néolithique cèderont parfois la place à des plans circulaires ou oblongs lors du Chalcolithique (culture de Laterza : Trasano). Dans le Midi de la France, les maisons à infrastructure de pierre du Néolithique final-Chalcolithique autorisent, grâce à une analyse spatiale permise par la conservation des sols originels, d’esquisser une approche de « l’habiter ».
Dans chaque ère culturelle considérée, on observe des processus de continuité ou de rupture dans les architectures adoptées. En revanche, la notion de « maisonnée » est plus délicate à approcher car elle implique de cerner, dans le contexte villageois, le contenu humain de chaque unité domestique, un sujet largement spéculatif compte tenu des données archéologiques disponibles.
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Guilaine J., 2016 – Maisons néolithiques : exemples méditerranéens, dans Chapdelaine C., Burke A., Gernigon K. (dir.), L’archéologie des maisonnées – pour une approche comparative transatlantique, Actes du colloque international, 24 et 25 octobre 2014, Université de Montréal, P@lethnologie, 8, 189-216.