Atelier 1 / Séance d’ateliers 3

Gynécologie et obstétrique, entre expérience et pratique clinique : (salle E411) 

  • Mathieu Azcué, La vulnérabilité des femmes dans la scène de l’accouchement, entre expertise et expérience :

La grossesse et l’accouchement sont des événements sociaux au cours desquels la société considère les femmes comme particulièrement vulnérable. Cet état transitoire de vulnérabilité est multidimensionnel. La femme enceinte est reconnue dans le code pénal comme relevant « d’une particulière vulnérabilité ». La vulnérabilité des femmes pendant la grossesse peut être également une vulnérabilité « sociale », i.e. une forte précarité identifiée comme un facteur de risque médical en particulier pour l’enfant à naitre. Enfin, les femmes enceintes et accouchées sont reconnues par les professionnels du psychisme comme vulnérable en matière de santé mentale. Le dernier rapport sur la mortalité maternelle en France rapporte ainsi que le suicide est la première cause de mortalité l’année qui suit une naissance.

Durant l’accouchement, cet état de vulnérabilité est exacerbé du fait des souffrances liées aux contractions du travail et à l’incertitude ontologique de la naissance. Comment les acteurs de la scène de l’accouchement interagissent entre expertise médicale et expérience des femmes ? Cette interrogation n’est pas nouvelle tant l’obstétrique moderne s’est construite sur le rejet et la mise à distance de l’expérience des femmes, femmes et sages-femmes. Néanmoins, la scène contemporaine de l’accouchement révèle une pluralité de posture de professionnels et d’usagères.

Nous présenterons un modèle ternaire de cette relation en tension issu de notre thèse de sociologie. La première posture est biomédicale. Face à la vulnérabilité, la rationalité technique vient effacer l’expérience. La deuxième posture est relationnelle. Les femmes souhaitent négocier les soins, devenir sujet de leur accouchement et non objet de la médecine. Enfin, la troisième posture est celle des représentations cosmiques du corps. Dans cet état particulier qu’est une naissance, les femmes affirment que l’accouchement est affaire de femme et non affaire de médecine. L’accouchement devient un rituel de passage nécessaire à un « devenir femme ». 

  • Myriam Lézin Richard, Gynécologie et obstétrique, le corps vulnérable et la place de l’autonomie :

Les personnes, lors de la prise en soin en gynécologie et obstétrique, sont  littéralement mises à nu. Si le corps du patient est souvent le médium principal en médecine,  entre le fait biologique (à analyser, étudier ou guérir) et le soignant ; en gynécologie et  obstétrique, ce corps est particulièrement dénudé, exposé. Ces disciplines ne touchent pas à  l’intime uniquement à travers la nudité, mais aussi car elles ont trait à la sexualité et la  reproduction. Les praticiens en gynécologie et obstétrique, peuvent à la fois pénétrer l’intimité  de la patiente au sens figuré, comme au sens propre. Il existe une vulnérabilité intrinsèque à ces  situations et ces relations de soin. 

En m’appuyant en partie sur mes travaux, je montrerai que lorsque la notion de vulnérabilité  est évoquée, celle de l’autonomie n’est jamais vraiment loin. Car la personne qui est vulnérable,  par essence, est moins autonome. Pour autant, je démontrerai qu’il est possible d’articuler  autonomie et vulnérabilité : que ces deux notions ne sont pas forcément exclusives l’une de  l’autre et peuvent cohabiter. 

Ma problématique est la suivante : le corps vulnérable en gynécologie et obstétrique est-il un  obstacle complet à l’autonomie ? 

Pour y répondre, j’articulerai les notions de vulnérabilité, de responsabilité, d’autonomie,  d’auto-soin et auto-gynécologie ; et ferai appel à des notions développées par des auteurs tels  que Ricoeur ou Kant. Parmi les différentes causes de la vulnérabilité en gynécologie et  obstétrique, nous pouvons retrouver la privation de la puissance d’agir et la perte d’autonomie,  qui peuvent aller jusqu’à se dire souffrance2. La privation de la puissance d’agir peut parfois constituer, dans une certaine mesure, une atteinte à la dignité. Mais ce n’est pas une fatalité, il 

est possible de ménager la place pour la vulnérabilité et l’autonomie dans le soin en gynécologie  et obstétrique. Le corps vulnérable dans le soin peut l’être à différents degrés et  l’accompagnement vers plus d’autonomie peut abaisser le degré de vulnérabilité ainsi  qu’améliorer l’adhésion thérapeutique. 

  • Sofia Zuccoli, « Une infinité de maux estranges et quasi insupportables ». La vulnérabilité du corps féminin entre savoirs et représentations :

Vers la moitié du XVIe siècle, les savoirs médicaux sur le corps féminin constituent un domaine d’étude à part entière, comme le montre l’essor exceptionnel de traités dédiés aux maladies des femmes et aux questions d’obstétrique qui caractérise cette période. Riches d’aspects qui sortent parfois de la sphère médicale, ces textes décrivent la femme comme sujette par nature à des états morbides aigus et à de profondes souffrances. Dans le sillage de la tradition antique, la cause privilégiée de ce mal qui s’empare du corps des femmes est l’organe féminin par excellence : l’utérus. Cette partie mystérieuse dont les praticiens modernes n’ont qu’une expérience indirecte fascine et intrigue par les pouvoirs qu’elle semble exercer sur le corps et sur l’esprit. La femme est ainsi considérée comme un sujet fragile et vulnérable surtout à cause du caractère instable et imprévisible de cet organe qui, comme un véritable « animal » sauvage, échappe trop souvent au contrôle de sa propriétaire. Un mélange paradoxal traverse ces écrits : d’une part, des préjugés culturels misogynes sont à l’œuvre dans les représentations du corps féminin comme structurellement malade et soumis aux caprices de son utérus. D’autre part, sincèrement soucieux de soulager leurs patientes, les médecins recherchent les causes de ces maux tout en développant un savoir spécialisé autour des maladies féminines.

La présente communication étudie les représentations que les médecins donnent des maladies liées à l’utérus tout en prêtant attention aux causes et aux symptômes de ces états morbides. L’objectif est de comprendre les différentes déclinaisons de la vulnérabilité de la nature féminine aux yeux des médecins de la fin de la Renaissance et les enjeux que ces visions soulèvent dans la construction du savoir médical autour du corps féminin.