Atelier 1 / Séance d’ateliers 5

Décision et probabilité : prévenir et prévoir : (salle E411)

  • Kawtare Rziki, Les aidants familiaux des personnes âgées en perte d’autonomie :

Notre étude empirique se base sur une enquête ethnographique dialoguée avec des entretiens  semi-directifs. Elle cible le quotidien des aidants familiaux de séniors dépendants. Étant donnée la montée ascendante du nombre des personnes âgées parmi la population marocaine et  l’importance du rôle assuré par les aidants, qui épargnent à l’État un engagement onéreux.  Supposer la vulnérabilité des aidés dont l’altération des capacités nécessite la mise en place de  la relation d’aide, semblait plausible dans ce contexte. Sauf que le terrain a dévoilé une autre  facette à cette réalité. Une vulnérabilité tramée d’assignation genrée. Il s’est avéré que les  aidantes constituent en fait, la majorité des proches assumant cette responsabilité. Elles sont  celles qui se préoccupent, celles qui soignent et prennent soin. Il faut dire que la nature du lien  aidant-aidé et de l’acte d’aide lui-même constituent les motifs premiers de cette implication  sexuée. L’éthique du care est le mot d’ordre. Il faut dire que le besoin protecteur envers autrui  et la volonté de couronner l’affection ressentie à l’égard du parent dépendant par un acte de  solidarité interrelationnelle et intergénérationnelle, font en sorte que cette mission soit souvent  une affaire de femmes. Dans une logique qui sexualise l’acte lui-même. Par ailleurs, le  rapprochement entre l’aide pratique et les tâches domestiques, enveloppe cette attribution de  l’invisibilité et la naturalité du devoir normatif. Première conséquence, un effort dépourvu de  reconnaissance, dont le poids émotionnel persécute le quotidien de l’aidante, la livrant bien  souvent à l’isolement sociale. Au bout du compte, ce sont les projets et les aspirations de toute  une vie qui se mettent en instance. À la disposition d’un réel engagement.

  • Noémie Larbi Kopf, Camille Lepingle, Yves Rossetti et Omar Zanna, Le corps des professionnel·le·s de la rééducation – un outil au service de la relation de soin ?

Cette recherche transdisciplinaire porte sur le vécu corporel des  professionnel·le·s de santé de la rééducation : kinésithérapeutes, ergothérapeutes et  psychomotricien·ne·s : des groupes professionnels en lien direct avec le corps des  patient·e·s. L’objectif est de comprendre la place que prennent les perceptions  corporelles et les communications non verbales de ces professionnel·le·s. 

Dans la Grèce antique, les textes hippocratiques font du corps du médecin le  témoignage de sa compétence ainsi que son premier outil de connaissance du corps  de ses patients : le thérapeute doit non seulement savoir prendre soin de son propre  corps mais aussi savoir en user à bon escient pour soigner autrui (Hippocrates, 2018). 

Depuis, les apports en sciences humaines et sociales ont permis de mettre en  avant la place du corps dans la relation (Zanna, 2015) comme une intelligence en acte  (Le Breton, 2015). Dans les interactions où les éléments non-verbaux font référence à  des caractéristiques corporelles (Corraze, 1996), (Hall, 1971), (Bachollet & Marcelli,  2010). Pour Cosnier, la notion de corps analyseur (Cosnier, 2015) indique que  l’empathie est facilité si des homologies corporelles sont présentes. A ces éléments  s’ajoutent l’attitude corporelle ainsi que le genre et les stéréotypes associés (Grün et  al., 2022). 

Par ailleurs, la phénoménologie nous apprend que le corps du thérapeute est vécu à la première personne comme ouverture vers l’extérieur dont les contours  changeants sont déterminés par l’histoire du sujet lui-même (Merleau-Ponty, 1945).  Dès lors, réduire le corps du thérapeute au statut d’outil de soin signifie courir le risque  de manquer la vulnérabilité de celui ou celle qui, y compris avec ses propres blessures  (Löyttyniemi, 2005), est entièrement soi-même au contact du patient. 

Les sciences cognitives quant à elles, remettent en question la notion  polysémique d’empathie en se basant sur des concepts tels que la théorie de l’esprit,  (Shamay-Tsoory et al., 2009) et les prises de perspectives (Quesque & Rossetti,  2020). 

Après une phase exploratoire, notre démarche inductive et transdisciplinaire nous conduit à suivre une méthodologie qualitative en réalisant une série d’entretiens compréhensifs semi-dirigés. Au total, 45 professionnel·le·s participent en faisant état  de leurs vécus corporels subjectifs dans leurs vies professionnelles.Pour cette présentation, nous adopterons une approche phénoménologique pour questionner les premiers résultats de l’enquête où le corps est décrit comme un  outil indispensable.

  • Matthieu Laville et Anne Pellissier, Prendre soin de son enfant en situation de dépendance extrême : un travail inlassable de care dans un présent épais :

Les éthiques du care reposent sur le constat d’une vulnérabilité ontologique (Tronto, 2009), ciment  d’un travail de l’ombre tissé au fil de relations humaines faites d’ajustements permanents entre des  individus pouvant être tour à tour pourvoyeurs ou bénéficiaires du care. Eva Kittay (2015), en prenant appui sur sa fille Sesha, en situation de handicap cognitif sévère, invite cependant à nuancer cette  réversibilité des rôles en matière de care. En effet, selon elle, « la situation de dépendance extrême […]  est différente de la commune interdépendance parce qu’elle ordonne de penser la responsabilité  envers autrui sans réciprocité, dans un sens unilatéral » (Ibos, 2019). Plus encore, la prise en compte  de cette dépendance extrême suppose, en retour, une prise en compte des besoins des pourvoyeurs  de care qui se retrouvent souvent en situation de « vulnérabilité seconde » (Kittay, 1999).  

En cohérence avec les éthiques du care, cette proposition de communication s’intéresse donc aux  vulnérabilités en miroir (Gaucher, Ribes et Ploton, 2003), entre des mères et leurs enfants en situation  de dépendance extrême. À partir d’un corpus d’une dizaine d’entretiens approfondis, notre analyse  invite à questionner la temporalité de ces vulnérabilités et leur impact dans les relations de soin pour  ces mères. La survenue du handicap engendre en effet une temporalité troublée (Korff-Sausse, 2016) :  ces mères déploient un travail inlassable de care, marqué par la construction d’arrangements  quotidiens toujours précaires, pour essayer de maintenir « une vie bonne » (Kittay, 2015) pour leur  enfant. Ce travail se déroule par ailleurs dans un « présent épais » (Haraway, 2020), attentif à la fragilité  du mode d’existence de ces enfants.