Atelier 3 / Séance d’ateliers 3

La dénomination en santé et les conséquences pratiques : (salle E412)

  • Anaïs Fromentèze, Vulnérabilité partagée, forces et ressources :

Dans l’accompagnement de personnes en situation de vulnérabilité, la difficulté tient à l’appréciation des  ressources mobilisables par les individus, ne les mettant pas à mal et permettant leur épanouissement. La  vulnérabilité est en lien avec les capacités de la personne mais aussi avec un entourage et un environnement  parfois défaillants dans l’émergence des compétences (Zucman 2021 [1e éd. 2010], 61-62) (Moyse 2021 [1e  éd. 2010], 30). Elle est à contextualiser (Laporte-Daube 2019, 237) afin de ne pas limiter l’individu à cette  situation (Beauchamp 2020 [2008], 112). Malgré la fragilité, les personnes possèdent des forces et des  aptitudes pour surmonter les épreuves (Laporte-Daube 2019, 134, 237). 

Dans ce rapport asymétrique avec autrui vulnérable, « le plus difficile n’est pas de considérer ce qu’il y a de  différent mais […] d’appréhender ce qu’il y a de semblable à soi. […] une humanité commune et partagée. » (Scelles 2021 [1e éd. 2010], 79) Qu’il soit lourdement handicapé, ou non, autrui nous ressemble (Zucman  2021 [1e éd. 2010], 76) ; ses différences nous renvoient à notre propre vulnérabilité, celle de tout être humain (Rouillard 2021 [1e éd. 2010], 155). Cette égalité appelle une entraide possible (Berthon 2021 [1e éd. 2010],  146-147). Doué de force et de sensibilité, autrui vulnérable peut vouloir préserver son entourage (Gruat 2014  [1e éd. 2010], 303) (Zucman 2021 [1e éd. 2010], 68) (Trier 2011). Il pourrait nous inviter à nous recentrer sur  l’essentiel : la présence humaine, où « un retour à la socialité personnelle […] apparaît comme la seule manière  de ne pas laisser souffrir. » (Bastiani 2014, 989) La considération de l’individu fragilisé ne se réduit pas à  l’accompagnement de ses incapacités ; la reconnaissance de la présence de la personne et de ses liens sociaux est essentielle à son bien-être. 

« Passée l’évidence de la fragilité du malade, se révèle donc la vulnérabilité du soignant ou de  l’accompagnant. » (Zielinski 2011, 90) Face à la détresse et la souffrance répétées, l’épuisement des  professionnels (Gruat 2014 [1e éd. 2010], 308) (Zucman 2021 [1e éd. 2010], 74) semble presque inévitable. La préoccupation éthique oblige à une certaine dynamique de régulation et de réflexion, avec une acceptation des idées et des limites de chacun (Scelles 2021 [1e éd. 2010], 82). Ce travail s’accompagne d’une écoute de  soi et de l’autre et d’une prise de distance (Gruat 2014 [1e éd. 2010], 304-305) (Zucman 2021 [1e éd. 2010],  69) lors de groupes de réflexion éthique et d’analyse de pratiques. La libre parole s’avère un véritable outil  (Rouillard 2021 [1e éd. 2010], 162), permettant l’expression des émotions et d’une vulnérabilité commune  (Scelles 2021 [1e éd. 2010], 88) (Rouillard 2021 [1e éd. 2010], 156) humanisante. 

Les institutions développent une approche globale, portant une attention bienveillante à l’individu vulnérable  et aux personnes qui l’accompagnent (Scelles 2021 [1e éd. 2010], 81). Les modifications de la loi (Zucman  2021 [1e éd. 2010], 62-63) et les questionnements éthiques nous renvoient à notre responsabilité individuelle  et collective. Ils reflètent la volonté de prendre en compte dignement autrui vulnérable.

Contrastant avec son apparente vulnérabilité et l’image que nous avions de sa difficile existence en tant que soignants, la patiente en question a fait preuve tout au long de son histoire d’un remarquable élan vital. A l’inverse, l’équipe soignante s’est souvent retrouvée en position de vulnérabilité face à cette personne si marquante par sa force vitale. Cela sera donc l’occasion de questionner la vulnérabilité du patient et du soignant dans la relation de soin, à travers les représentations de chacun. Pour analyser cette situation Nous mobiliserons les notions d’éthique du soin issues de la philosophie, dans le champ des soins palliatifs, du handicap et de la vulnérabilité. 

  • Régis Tomas, Vulnérabilité dans la philosophie antique :

Quand on pense à la vulnérabilité en philosophie antique, l’image du sage stoïcien, indifférent aux souffrances du corps et de l’esprit vient comme l’illustration spontanée du philosophe ayant vaincu la vulnérabilité. De nos jours, les philosophies stoïcienne et épicurienne sont ainsi vues comme ces modèles de vie heureuse et de thérapeutiques dans lesquelles on pioche à l’envi des préceptes comme autant de recettes contre la souffrance, recettes dont l’abondante littérature du développement personnel fait son miel. Mais dans quelle mesure pouvons-nous aujourd’hui nous réapproprier les leçons d’hier ? Si la philosophie antique peut nous apporter quelque chose, c’est avant tout dans ce miroir qu’elle nous tend par rapport à notre conception de la vulnérabilité et à la réflexion éthique renouvelée qu’elle engage.

  • Stéphanie Mauclair, Vulnérabilité, santé et droit : De l’incidence de la consécration juridique de la vulnérabilité sur les droits de la personne vulnérable :

Les personnes vulnérables sont « celles qui sont menacées dans leur autonomie, leur dignité  ou leur intégrité, physique ou psychique. La vulnérabilité peut résulter de l’âge, la maladie,  une infirmité, une déficience physique ou psychique ou un état de grossesse. » (Lantéro,  2019). « La vulnérabilité est plurielle, individuelle, collecve, (…) durable ou passagère » (Puig,  2019). Tout semble affaire d’espèce. Juridiquement, la vulnérabilité existe : sous-jacente dans  de nombreuses considéraons ou parfois complètement assumée, elle est porteuse de droits.  A cet égard, la reconnaissance d’une vulnérabilité intrinsèque, liée à l’état de santé, entraine  des mesures de protecons parculières visant, non pas à réparer le mal subi (le législateur  n’est pas le médecin), mais à rétablir un équilibre entre les personnes vulnérables et les autres.  Bien que cee protecon existe, la queson de la vulnérabilité en maère de santé, demeure,  d’une part, parce qu’il est parfois difficile d’assurer l’équilibre entre protecon nécessairement  incapacitante et autonomie de la personne. Comment, en praque, concilier les besoins  secondaires d’un individu, fumer, par exemple, avec une mesure qui coupe tout accès à ses  revenus, en laissant à un ers le pouvoir de décider si fumer est un besoin à sasfaire ? D’autre  part, parce que les évoluons médicales ou législaves (fin de vie notamment), les crises  sanitaires interrogent sur la place accordée à la personne vulnérable et à sa volonté.  L’arculaon et la tension entre protecon offerte par le droit et droits de la personne  vulnérable seront l’objet de cette contribution.