Présentation

La notion de vulnérabilité est souvent placée au cœur de la recherche sur l’éthique et les humanités en santé, mais il s’agit d’un élément théorique rarement approfondi. Elle est généralement mobilisée pour évoquer le statut du malade en perte d’autonomie et pour souligner l’importance d’une posture bienveillante de la part du soignant. Cependant, l’approche théorique qui tend à tirer de cette notion une morale spontanée, une bonté simplement intrinsèque au soin, ne semble pas satisfaire à un examen rigoureux. 

Qu’il s’agisse du grand prématuré, du malade chronique, de la personne réanimée ou en fin de vie, la vulnérabilité se présente comme le signe de la précarité de la vitalité, de la proximité de la mort et donne toute sa signification à la dimension technique du geste soignant. La notion de vulnérabilité ouvre une réflexion sur la temporalité subjective et sur le regard porté sur l’extériorité du corps douloureux. Et à travers ces thèmes la situation du soignant, soumis quotidiennement à la détresse et à l’angoisse des patients et de leurs proches, et dont la pratique est soumise aux attentes et aux exigences de l’institution, peut être interrogée. 

Non seulement il paraît impossible de former un savoir sur la souffrance de l’autre, mais il est du même coup impossible d’accéder au vécu de cette douleur vécue dans le temps, dans l’espace et dans les interactions sociales. La relation de soin ne consiste ainsi ni dans une relation univoque reposant sur le savoir technique, ni sur une composition relevant exclusivement du ressenti. L’engagement dans le soin apparaît comme un mixte du neutre et du personnel qui donne de la place du soignant une vision oxymorique, à la fois technicienne et enveloppante, experte et vulnérable. 

À l’occasion de ce colloque pluridisciplinaire, nous souhaitons mobiliser des chercheurs de différents pays et de différents horizons culturels en sciences humaines et sociales (droit, bioéthique, philosophie, sociologie, sciences de l’éducation et de la formation…) et des professionnels de la santé pour porter un regard nouveau sur la notion de vulnérabilité, la confronter à des situations cliniques actuelles et, plus généralement, donner à entendre des perspectives sur la vulnérabilité issues de l’observation et de l’analyse dans le champ du soin et de l’accompagnement. La vulnérabilité est-elle l’expression d’une faiblesse, d’une défaillance ou bien une tension fondamentale qui traverse toute relation ? Entre l’incidence du contact de l’autre et la maîtrise technique, la scène de soin apparaît comme un dépassement des limites sociales et des limites individuelles notamment parce qu’il s’appuie sur la vulnérabilité et sur la nécessité de lui répondre. Qu’on la décrive comme une passivité, une mise à disposition de soi ou encore une profondeur intime de la relation humaine, la notion de vulnérabilité invite à plonger dans le sens de l’expérience clinique.

Nous proposons aux contributeurs de placer leurs analyses dans les axes suivants (sans s’y limiter) :

  1. Comment penser la temporalité de la vulnérabilité dans la maladie, dans la relation de soin pour les proches aidants et les professionnels de santé ?
  2. Qu’est-ce qu’un corps vulnérable dans le soin et dans l’institution ?
  3. Qui est destinataire du soin dans un service de santé ? 
  4. Comment interviennent la vulnérabilité et l’incapacité dans la prise de décisions médicales ?
  5. Comment penser les injonctions contradictoires qui traversent la pratique clinique comme un facteur de vulnérabilité des professionnels du soin ?
  6. Quelle place donner à l’expérience du patient face aux soignants, entre vulnérabilité et expertise ?

Langues du colloque : anglais et français

Comité d’organisation : Flora Bastiani, Charlotte Piarulli, Elisa Calvet et Michèle Saint-Jean

Comité Scientifique : Flora Bastiani, Eimantas Peičius, Charlotte Piarulli, Elisa Calvet et Gvidas Urbonas.

Presentation

The concept of vulnerability is theoretically complex and rarely explored in depth. However, it often serves as a foundation for research in healthcare ethics and the humanities. Typically, vulnerability is used to characterize a patient’s diminished autonomy and to stress the importance of a compassionate approach on the part of the caregiver. A closer look, nevertheless, reveals a lack of support for the theoretical perspective that is deriving from the idea of an innate and impulsive morality, a kindness that seems to be fundamentally linked to care. 

Whether we are talking about an extremely premature baby, a chronic patient, a person undergoing resuscitation, or a person at the end of life, vulnerability is a sign of the precariousness of vitality and the proximity of death, and it gives full meaning to the technical dimension of the caring gesture. It provides significance to the technical aspects of caregiving. The concept of vulnerability helps to consider subjective temporality and to perceive the exteriority of the painful body. The caregiver’s role is challenged by daily exposure to the distress and anxiety of patients and their families, coupled with institutional expectations and demands. 

Access to knowledge about the suffering of others and their experience of pain is difficult both in terms of time, space and social interaction. The caring relationship is not, therefore, a clear-cut link based on technical knowledge, nor is it based on feelings alone. It manifests as a combination of impersonal and personal elements, resulting in a paradoxical perception for the caregiver, who occupies a position that is both specialized and supportive, skilled and vulnerable. 

This interdisciplinary conference aims to mobilize researchers from different countries and cultural contexts in the fields of humanities and social sciences (bioethics, philosophy, sociology, education and training sciences…) and health professionals to re-examine the concept of vulnerability, to analyze it in the context of current clinical situations, and to provide insights into vulnerability from observation and analysis in the field of care and support. Does vulnerability indicate weakness or failure? Is it a fundamental tension that permeates all interactions? The field of healthcare appears to transcend social and individual boundaries, thought, interpersonal interaction, and technical competence, mainly because it is rooted in vulnerability and the obligation to deal with it. Whether vulnerability is defined as inactivity, self-sacrifice, or the profound depth of human relationships, the concept of vulnerability requires an examination of the very nature of the clinical experience.

We suggest to the contributors to focus their analysis on the following lines (but not only):

  1. How can we think about the temporality of vulnerability in illness and in the care relationship for family caregivers and health professionals?
  2. What is a vulnerable body in care and in the institution?
  3. Who is the recipient of care in a health service? 
  4. How do vulnerability and incapacity affect medical decision making?
  5. How can we consider the conflicting imperatives that permeate clinical practice as a factor in the vulnerability of health professionals?
  6. What is the place of the patient’s own experience of care in relation to professional caregivers, between vulnerability and expertise?

Conference languages: English and French.

Organization Committee : Flora Bastiani, Charlotte Piarulli, Elisa Calvet et Michèle Saint-Jean

Scientific Committee : Flora Bastiani, Eimantas Peičius, Charlotte Piarulli, Elisa Calvet et Gvidas Urbonas.