La Petite

« Agir pour l’égalité des genres dans les arts et la culture »

Dans le cadre de notre projet universitaire sur les structures des musiques actuelles toulousaines, nous, des étudiants en troisième année de la licence Musicologie parcours Musique & Arts à l’université Jean Jaurès, avons travaillé sur La Petite. Pour cela, nous avons rencontré leur responsable communication et relations médias, Margaux Graule. Grâce à cet entretien et nos recherches, nous sommes aujourd’hui en mesure de vous présenter dignement cette association.


La Petite est une institution artistique, fondée en 2004, engagée en faveur de l’égalité des genres dans le domaine culturel. Elle œuvre à travers divers moyens pour favoriser le développement de carrières dans les arts et la culture tout en s’opposant aux diverses formes de violences sexistes et sexuelles présentes dans le milieu professionnel. La Petite c’est un organisme de formations et d’accompagnements qui permet d’agir sur une carrière ou sur une structure grâce à différents types d’intervention : en équipe ou individuellement. 

La Petite c’est aussi un média qui a été créé dans le but de soutenir les femmes en tant qu’artistes cherchant à accroître leur visibilité. Actuellement, cette initiative s’est transformée en un concept inclusif visant à remettre en question les normes et les mentalités. La Petite organise divers événements notamment le festival Girls Don’t Cry mais propose aussi des podcasts, ainsi que des produits dérivés. 

Un autre aspect notable de La Petite, c’est son programme Main Forte, conçu pour lutter contre les violences de genre dans les environnements festifs. Ce programme implique une équipe de bénévoles bénéficiant d’une formation de cinq jours afin de tenir un stand lors de festivals, d’engager des dialogues avec le public, et de prendre en charge les victimes de ces violences.


Entretien avec Margaux Graule

Un entretien avec Margaux Graule, responsable communication à La Petite. Un entretien préparé et mené par Milène Gapihan, Inès Hariscain, Shelby Hemery, Grégoire Huppe et Elina Pech.

Retranscription de l’entretien

Le Centre National de la Musique (CNM), est une structure publique française dépendante du Ministère de la Culture dont le but est de soutenir la musique et la création musicale de tous les secteurs. Afin d’atteindre cet objectif, ils ont développé tout un système de soutien aux artistes, associations et professionnels de la musique basé sur un fond monétaire pour les subventions et les aides et un grand catalogue de formations diverses. Leurs différentes missions comportent la valorisation du patrimoine musical, la réalisation d’études ou de collecte de données, la diffusion de l’éducation artistique et culturelle, le développement du rayonnement international, mais celle qui nous intéresse est la diversité et l’égalité femmes-hommes. Dans ce domaine, le site de la CNM propose plusieurs contenus: une fiche pratique sur les violences sexistes et sexuelles et un kit de communication à ce sujet destiné aux structures, l’accès à des études et dossiers de presse sur l’égalité femmes-hommes, un webinaire de prévention, etc. Une autre de leurs propositions est la formation sur la responsabilité des employeurs dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui est dispensée entre autres par le sujet de cet article, La Petite. Comme nous avons pu l’aborder dans notre entretien avec Margaux Graule, le CNM est une structure essentielle pour des organisations à but non-lucratif comme La Petite, servant à la fois de soutien financier et de vitrine pour proposer leurs services à un panel de potentiels intéressés plus vastes.



Tout le monde a déjà entendu au moins une fois l’argument que nous appellerons « de la recherche fainéante » : « c’est compliqué de trouver des musiciennes femmes », « je ne trouve pas d’artistes appartenant à des minorités de genre », « il n’y a pas de femmes dans ce genre/domaine ». Pour un résultat plus concret, essayons d’appliquer les statistiques existantes sur la présence des femmes dans le milieu musical sur l’échantillon que représente notre propre classe. Sur les 20 étudiant.es assistant à nos cours cette année, nous pouvons compter 11 femmes, ce qui représente 55% de la classe. Pourtant, selon les statistiques de l’étude du SADC citée dans l’article « Réduire les inégalités genrées dans la musique : Faut‑il repenser les pratiques de programmation ? » par la sociologue Myrtille Picaud, une fois entrées dans la sphère professionnelle seulement deux d’entre elles (très exactement 2,53) seraient embauchées comme instrumentistes1, alors que la plupart le sont déjà. Aucune des femmes de notre classe ne serait cheffe d’orchestre (0,44)2 ou compositrice (0,11)3. Pourtant, elles représentaient la majorité dans la classe. Ce n’est donc pas que les femmes ne sont pas présentes dans le milieu de la musique, mais bien qu’elles ne sont pas employées. Il en va de même pour toutes les autres minorités de genre : elles souffrent du manque de programmation, de ne pas être mises en avant dans les réseaux traditionnels, ou de discrimination de genre pure et simple. Ce triste constat est en plus à additionner à celui procuré par les statistiques de l’Enquête exploratoire sur la santé & le bien-être dans l’industrie musicale, qui établit que 39% des artistes femmes ont subit du harcèlement sexuel durant leur carrière, ce qui à l’échelle de notre classe représenterait 4,29 femmes sur les 11, soit plus du tiers. C’est à la suite de telles réalisations, pour se battre contre de telles injustices, que des structures comme la Petite furent créés.



La structure La Petite bénéficie depuis maintenant deux ans, d’aides de la part du CNM. L’une d’entre elles concerne leurs créations de contenu sur les réseaux sociaux, Girls Don’t Cry. Le projet a vu le jour en 2016, sur Facebook, et s’est aujourd’hui étendu sur deux autres réseaux, Tik Tok et Instagram. Autoproclamé comme un « média artistique féministe et intersectionnel », ces comptes visibilisent des artistes issus de minorités de genre et de race, et pas seulement des artistes musicaux. La Petite s’applique à véhiculer ses engagements via leurs réseaux, apportant une influence non négligeable auprès des communautés concernées.

… jusqu’aux évènements !

 Extension de la création de contenu, le festival Girls Don’t Cry est devenu une activité qui prend de plus en plus de place au sein de La Petite. Une fois par an, au Metronum, le festival Girls Don’t Cry programme dix artistes de musique électronique de niche, allant du post-club à l’expérimental, en passant par l’hyperpop. Si à ses débuts la programmation tentait déjà de s’approcher d’une forme de parité, elle a vite basculé sur un total contre-pied par rapport à la norme. Le festival n’accueille donc plus que des artistes racisés et/ou en minorité de genre. Cela permet aux artistes qui sont trop souvent mis de côté, de se produire dans un festival, avec un public et une équipe sensibilisée à toutes les problématiques qui les entourent. La sensibilisation et l’identification du public, dans ce type d’évènements, passe notamment par la communication. Les codes et éléments de langages des personnes à qui on s’adresse, ici des personnes queers adeptes de musique électronique, sont la base de la communication du festival. Après avoir discuté avec Margaux Graule, responsable communication chez La Petite, il a paru évident que la communauté de Girls Don’t Cry est connaisseuse, voire concernée par les causes défendues, et que cela la rendait soudée et agréable pour les équipes. L’énergie positive que le public de Girls Don’t Cry dégage peut elle-même amener les personnes dans la « zone grise » à se questionner et se sensibiliser par la suite.

Affiche Festival Girls Don’t Cry 2023

           Girls Don’t Cry représente également une vitrine dans le monde de l’événementiel musical. Récemment, Camille Mathon, directrice artistique chez La Petite, a été invitée au MaMA Festival, un évènement pour les professionnels de la musique. Elle a pu participer à une discussion autour de la programmation d’événements musicaux. Camille y a exposé les actions de La Petite par le biais du festival Girls Don’t Cry, permettant de montrer que c’est possible et que ça fonctionne. Le but étant encore une fois, de sensibiliser, d’ouvrir de nouvelles perspectives aux personnes qui l’ont écouté.

De l’action pour la protection     

         Une action particulière que la directrice artistique a pu mettre en avant lors de cette table ronde, c’est l’équipe de bénévoles « Main Forte » qui accompagne le festival sur des stands, comme dit plus haut. Face aux violences trop régulièrement commises en milieu festif, cinq festivals (dont Les Siestes Electroniques et Women Metronum Academy) ont collaboré pour faire naître ce projet. Des bénévoles sont formés sur cinq jours pour qu’ils puissent prévenir et réagir face aux agressions, ainsi qu’agir et être à l’écoute des victimes. En présence de Main Forte, le public des festivals qui peuvent bénéficier de leurs services se sentent plus en sécurité, plus libre. 

Soutenir ce type d’événements a un réel impact. Cela permet à l’industrie de changer de l’intérieur, de s’adapter aux exigences du public et de se montrer moins frileux face à l’engagement pour la cause.


Les Financements

Comme nous l’avons vu précédemment, La Petite forme et crée. Elle a une activité de formation et une activité de création, pour des projets notamment (“Girls Don’t Cry” et “Main Forte”). Autant l’activité de formation permet des revenus stables, autant l’organisation d’un festival est onéreux et ici déficitaire. Nous avons donc un premier plan de financement, interne à La petite. On compense le déficit par le profit généré des formations (Un principe de solidarité des actions revendiqué par La Petite). Bien-sûr cette compensation est possible grâce à des aides sur les projets en eux-mêmes. 

Nous pouvons noter que la plupart des aides touchées concernent leurs projets “Girls Don’t Cry” et “Main Forte”. Dans ces partenaires nous avons : La DRAC Occitanie (Direction générale des affaires culturelles), le conseil départemental de Haute-Garonne et le CNM. Sur ces trois partenaires, notons l’importance du CNM. C’est par sa charte sur les VSS qu’il participe activement aux activités de La Petite.

 L’association n’a pas la volonté de s’éparpiller en répondant à de nouveaux appels à projet subventionnés. Aussi l’une des principales aides qu’elle reçoit est une aide à la structuration, permettant des compléments financiers pour les salaires, l’achat de matériels, la communication.


Témoignages formation/éducation

Le pôle formation est né suite à l’intégration de Anne-Lise Vinviguerra directrice actuelle de La Petite suite au constat qu’il est difficile de s’intégrer dans le secteur culturel lorsque l’on est issu de minorité de genre. Les formations s’axent autour de l’empouvoirement : reconnaître les mécaniques sexistes, réagir, reprendre sa place et son pouvoir d’agir. Cela passe par des formations sur la communication inclusive, l’instauration de pratiques professionnelles inclusives dans le secteur culturel, une meilleure compréhension des identités LGBTQIAP+ et d’autres encore.

Ce pôle formation a connu un boost d’activité depuis que le CNM a instauré l’obligation pour les structures d’être formé à la prévention des violences. Lors de ces formations différentes réactions sont récurrentes il y a les personnes qui comprennent qu’elles ont vécu des violences et peuvent avoir le besoin d’en parler et il y a les personnes en résistance qui sont fermées à l’éducation et nient les propos. La confrontation de ses réactions peut-être compliquée à gérer pour les formateurices, cela crée de la charge mentale. Aussi les formations sont courtes. C’est pourquoi lors de celle-ci les formateurices travaillent à la construction d’un argumentaire avec les formé.e.s pour qu’ielles puissent faire de la transmission à leur tour.

L’éducation passe par différents biais autre que les formations évidemment. Premièrement le collectif Main Forte, en plus d’agir contre les violences en milieu festif, il éduque également en ayant un stand lors des festivals où il met à disposition des outils éducatifs. Le dialogue est également possible avec les personnes du collectif qui sont formé.e.s sur ces questions. L’éducation passe également avec les réseaux ou les artistes issu.e.s de minorités sont visibilisé.e.s.

Enfin, le festival Girls Don’t Cry éduque “passivement”. Le festival sert de “rôle modèle”, le fait qu’un tel projet puisse être mis en place véhicule le message que c’est possible et cela peut amener d’autres personnes à créer des projets portant des engagements similaires. Le festival donne une safe place aux minorités de genre pour faire la fête, visibilise ce public et apporte un pas dans la réflexion des gens en zone grise.


  1. En France entre 2013 et 2017, les femmes représentaient 23% des instrumentistes ↩︎
  2. En France entre 2013 et 2017, les femmes représentaient 4% des chef.es d’orchestre ↩︎
  3. En France entre 2013 et 2017, les femmes représentaient 1% des compositeurices ↩︎

Rédigé par Milène Gapihan, Inès Hariscain, Shelby Hemery, Grégoire Huppe et Elina Pech.