Nous les humains sommes des animaux qui savons que nous allons mourir. Cependant, rien logiquement ne nous empêche de douter de notre propre mort, ni d’entreprendre tout ce qui est en notre pouvoir pour échapper au trouble que cette idée nous cause. Les capacités cognitives qui nous permettent d’envisager notre propre mort sont aussi celles qui ont permis à nos prédécesseurs, de génération en génération, de construire notre société. Mais si cette immense activité est une réponse à la peur de mourir, elle nous conduit aujourd’hui dans un monde incompréhensible : personne n’en peut embrasser toute la complexité.
Non seulement nous n’avons pas réussi à devenir immortels, mais ce que nous avons fait du monde semble menacer à plus ou moins long terme tout ce qui y vit. Acceptons notre mortalité et consacrons-nous à la vie dont nous disposons ainsi qu’aux conditions de vie de ceux qui nous succèderont. Accepter notre mortalité, c’est refuser de fuir l’angoisse de mourir en lui opposant nos désirs de puissance.
Se goinfrer de pouvoir n’empêche pas de mourir mais rend dangereux. Je crois qu’un homme puissant qui fuit l’idée de sa finitude est dangereux pour son environnement parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait : il s’agite en ignorant les conséquences de ces actes, par innocence ou par cynisme. Moi aussi je m’agite, mais mon agitation est moins dangereuse parce que mon pouvoir est plutôt restreint. Les hyper-riches sont ceux qui ont les plus grands pouvoirs et le monde qu’ils façonnent pour apaiser leur propre angoisse va dans le mur d’après ce qu’on entend.
Il faut trouver comment faire pour restreindre leur pouvoir et revenir à la raison, une raison collective guidée par la justice, le respect, la sobriété et la responsabilité. La recherche universitaire peut être utile et légitime si elle sert à cela. Les gens qui ne sont pas avides de pouvoir doivent se doter du pouvoir de contrôler le pouvoir des gens qui cherchent le pouvoir. Un pas décisif dans cette direction est suggéré par Etienne Chouard : réapproprions-nous la Constitution.