Entretien avec des étudiants en Mobilité Internationale de Crédits à l’UT2J – 2016/2017
Jovana Marković, Jovana Milovanović, Dušica Terzić et Igor Ilić sont 4 étudiants qui se sont inscrits dans des cours de Sciences du langage et de Lettres modernes, qui correspondent à leurs cours au Département de français, dans la Faculté de Philologie à l’Université de Belgrade.
Quelles sont vos impressions jusqu’à présent sur cette expérience internationale ?
C’est une très belle expérience. C’est assez différent de ce que nous connaissons de Belgrade, il a fallu s’adapter. Mais ce que nous avons trouvé correspond plus ou moins à ce à quoi nous nous attendions. Nous avons eu quelques difficultés, avec les changements de maquettes cette année par exemple, il y a eu quelques modifications à prendre en compte, il a fallu adapter notre projet, mais nous avons pu suivre tous les cours que nous voulions.
En littérature par exemple la méthodologie est vraiment très différente. Mais c’est exactement ce que nous souhaitions : découvrir une autre manière de travailler. Si tout avait été pareil qu’en Serbie, il n’y aurait aucun intérêt à venir !
Les professeurs ont vraiment été ouverts et nous ont proposé de l’aide, de travailler avec nous, de nous faciliter la tâche, et même d’adapter les évaluations à nos habitudes. Il y a également des étudiants qui ont voulu nous aider ; par exemple dans les tutorats de littérature, où nous avons travaillé avec des personnes qui étaient vraiment prêtes à nous aider. Il n’y a pas de tutorat en Serbie, donc c’est quelque chose que l’on pourrait introduire.
Les enseignants de littérature ont vraiment été gentils. Ils étaient prêts à ralentir le rythme du cours, et nous demandaient fréquemment si nous comprenions de quoi il s’agissait. La méthodologie proposée ici est importante, elle nous permet d’avoir un guide, une direction à suivre. Il n’y a aucun reproche à faire sur l’accueil et l’accompagnement des enseignants.
Au niveau de la linguistique (à part les analyses de corpus dont nous n’avons pas l’habitude en LLCE chez nous), c’est assez proche de ce que nous avons l’habitude de faire. Ce n’est pas très difficile pour nous, car nous avons déjà eu des enseignements semblables. Parfois même, en syntaxe, nous sommes meilleurs que les Français ! Mais c’est bien, car nous n’avons pas la base, les cours qui nous expliquent tous les termes techniques et procédés, c’est donc bien d’avoir un peu d’avance ! Ce qui nous permet de comprendre différemment ce que nous avons déjà fait. Cela nous permet aussi de construire notre projet professionnel. C’est une piste que nous n’avions pas prise en considération. Maintenant nous savons que ça existe, nous pouvons essayer de l’appliquer en Serbie.
Comment s’est passée l’adaptation à la langue et culture, à la vie universitaire et au système
d’enseignement ?
Nous avons rencontré des difficultés : avec la banque [Les étudiants, restant 10 mois, ont choisi d’ouvrir un compte bancaire en France.], au supermarché, où il faut toujours veiller à tout. Avec la banque par exemple nous ne maitrisions pas certains aspects de notre contrat, ce qui a généré des tarifs auxquels nous ne nous attentions pas… Mais d’un autre côté, j’ai l’impression qu’ici, les gens sont prêts à accepter les erreurs (même si en l’occurrence c’était plutôt les nôtres), mais ils sont prêts à nous aider, ou au moins à nous écouter, donc nous n’avons pas eu de difficultés à résoudre nos problèmes quand nous en avons rencontré.
Par rapport à la langue, le séjour nous a bien sûr aidé à améliorer notre niveau, dans des contextes de vie quotidienne. Chez nous, en contexte scolaire, on apprend la langue standard, qui ne correspond pas toujours à la réalité de la langue. Ici, nous apprenons de nouvelles expressions, auxquelles nous n’avons pas accès lorsqu’on travaille seulement dans les manuels, ou avec nos professeurs serbes.
Ce qui nous a paru difficile, c’est la durée des cours. Pour moi (J.Mark.) il y a aussi la difficulté des
cours. En Serbie, les cours durent 1h30. Au début nous avions du mal à se concentrer si longtemps : les professeurs parlent vite, c’était difficile de comprendre, il fallait vraiment se concentrer sur la matière, et c’était vraiment difficile. Pour moi (J.Mil.), j’arrivais à comprendre mais c’était vraiment la méthodologie qui était compliquée… mais c’est vrai que deux heures de cours, c’est long. Comme c’est organisé en Serbie, c’est mieux, 1h30 est une bonne durée… ou alors 2 heures avec une pause de 10 min. Il n’y a pas toujours de pause. Pour les cours de langues (nous avons tous choisi de prendre des cours d’une autre langue vivante en niveau débutant) j’aurais préféré avoir 2 cours d’une heure réparties dans la semaine, pour être obligée de travailler régulièrement.
Là les devoirs sont faits au dernier moment le dimanche soir… mais je comprends que pour des raisons de cohérence d’emploi du temps du LANSAD, on ne puisse pas faire autrement. De manière générale, c’est difficile lorsqu’on a deux cours d’affilé. Il faut changer de bâtiment. Un cours finit alors que l’autre commence, sans prendre en compte le temps du déplacement. C’est un reproche que l’on peut faire au système ici.
Ce qui est intéressant, c’est qu’en tant qu’étudiant ERASMUS, on a pu choisir des enseignements dans différents départements et on peut avoir une vue globale et voir comment les différents départements de l’université fonctionnent. A Belgrade, nous ne fréquentons qu’une seule faculté, la Faculté de philologie, où nous avons tous nos cours, on ne bouge pas autant. Sur le campus, on peut rencontrer des gens différents, alors que chez nous, nous sommes plus isolés des étudiants des autres départements. Ici, les enseignants aussi doivent bouger d’un bâtiment à l’autre ! Nous avons également pu expérimenter des cours dans les trois années de licence, L1, L2, L3, donc nous avons vraiment une image globale.
Quels sont les avantages et inconvénients du système français par rapport au système serbe ?
Les avantages, plus particulièrement d’ERASMUS, c’est qu’on est plus mobiles que les étudiants inscrits ici : on passe facilement d’un département à l’autre, d’une année à l’autre, et on voit comment tout le système fonctionne. L’inconvénient en conséquence, c’est qu’au début c’était un peu difficile de faire connaissance avec les gens avec qui on suit les cours. Avec EIMA, on a pu faire des connaissances avec des Français… mais au début, comme on suit différents cours dans différentes années, c’était difficile de rencontrer des gens puisque dès que le cours est terminé, il faut partir ailleurs !
Il y a des gens qui nous reconnaissent, qui veulent nous parler, mais pas trop. Nous avions des préjugés par rapport aux Français, qui sont fermés et ne veulent pas parler, ce n’est pas toujours vrai. C’est comme partout, on ne va pas voir quelqu’un qu’on ne connait pas et parler des heures avec lui ! Il faut du temps pour tisser des liens avec les gens. Nous nous sommes fait des connaissances, mais pas d’ami pour le moment, car il faut du temps. En ce qui concerne mon expérience (D.T.), ce qui m’a permis de rencontrer des Français, ce sont les cours de sport. Le SUAPS propose différentes activités, j’ai choisi le cirque, et cela m’a permis de rencontrer des gens ouverts, qui ont envie de rencontrer quelqu’un qui vient de l’étranger. Cela m’a permis de rencontrer des gens, et de sortir du « milieu » ERASMUS. Quand vous êtes toujours entourés des autres Serbes ou d’autres étudiants étrangers, ce n’est pas forcément le meilleur milieu pour améliorer sa langue (ce qui est notre objectif). Les gens ont un cercle d’ami déjà structuré, c’est difficile d’accepter quelqu’un d’étranger en plus, ce n’est pas toujours facile, et je comprends. Chacun a ses habitudes, son quotidien, et c’est difficile de le changer pour quelqu’un qui vient là seulement pour quelques mois. Ces cours de cirque m’ont permis de rencontrer des gens qui ont envie de passer du temps avec moi.
Un des avantages pour moi ici est que les profs sont très ouverts, ils ont voulu nous aider, y compris de manière générale. Quand ils se rendent compte qu’il y a quelque chose qui ne marche pas, quand au fil du semestre il y a de moins en moins d’étudiants, ils demandent pourquoi, essayent de comprendre, de demander l’avis des étudiants. Ce n’est pas facile de changer les choses mais ils font l’effort, et ça on apprécie beaucoup. Ils veulent être là pour les étudiants.
Ce que j’apprécie moins, c’est que pour le système des notes, les français cherchent les imperfections, les fautes. Ils partent de l’idée d’un commentaire composé parfait par exemple, et ils retirent des points, pour arriver à la note. Alors que chez nous j’ai l’impression qu’on part de zéro, et on voit ce qui est bien. Donc ici l’avis est plus négatif que positif. Ce n’est pas une question d’enseignants, c’est une manière d’envisager les choses, en France. On a l’impression d’être toujours jugé, et que le bon côté de notre travail n’est pas valorisé, les mauvais côtés sont toujours soulignés, mais jamais les bons. Et ça c’est dommage, car quand vous faites un effort, vous vous attendez à ce que ce soit reconnu, alors que ce n’est pas le cas, même si les notes sont bonnes, il n’y a que des commentaires négatifs. L’évaluation est plus négative que chez nous. Ça nous semble propre à la France. Nous avons une professeure d’allemand, Allemande, et elle est plus proche de notre manière d’envisager l’évaluation. C’est une différence que nous avons notée.
Autre différence, le resto U, on en vient… on est heureux du resto U, on en est vraiment très contents, chez nous c’est moins bon. Pour nous c’est une recommandation pour la Serbie ! Il faudrait que les Français qui ne sont pas contents de leur resto U aillent en Serbie pour voir comment c’est. Mais les Français ne sont jamais contents : par exemple avec les prix des abonnements du métro, Toulouse a les abonnements les moins chers de toute la France. Ici l’abonnement coute comme à Belgrade, alors que les salaires sont beaucoup plus élevés. Et maintenant que Tisséo a voulu un peu augmenter les prix, 15€, ce n’est pas une grosse augmentation par rapport aux autres abonnements qui sont nettement plus chers, et les Français se sont déjà mis à protester ! La différence avec l’abonnement supérieur était conséquente, nous avons donc trouvé ça étonnant : nous sommes contents, mais les français se plaignent.
Avez-vous eu l’impression de profiter de tout ce qui vous est proposé ? tout essayé ?
Moi non (D.T.), j’ai toujours envie d’essayer tout. Il nous reste encore du temps. On essaie de profiter, mais au cours de l’avancement du semestre c’est de plus en plus difficile, car il faut travailler pour les partiels, et avec les travaux sur le campus, c’est parfois difficile d’être à temps au cours, avec tout ce qui se passe sur le campus. Mais les travaux avancent bien, on est content.
Notamment on a pu bénéficier des activités organisées par EIMA, ils proposent plein de choses, avec eux on a pu bouger un peu, on a pu visiter un peu la région : Albi ou Carcassonne, du bowling… On pourra réfléchir quand nous rentrerons en Serbie à ces organisations d’étudiants. Chez nous il n’y a pas de structure équivalente. S’il y a chez nous une organisation pour les étudiants étrangers, elle n’est pas comme ici, on ne la connaît pas. En Serbie, il n’y avait pas trop d’ERASMUS jusqu’à présent. D’habitude les gens partent plutôt qu’ils ne viennent, en tout cas, nous sommes certains qu’il n’y a pas autant d’activités.
Nous sommes également très content, car souvent, les organisations étudiantes ne font que des fêtes… Ici, ils organisent cela aussi, et c’est une bonne occasion de parler avec les gens, mais ils organisent aussi des activités sportives et culturelles (visites de musées). Ils couvrent beaucoup de choses, et si quelqu’un vient seul, il peut profiter de nombreuses activités. Nous n’avons pas fréquenté d’autres associations étudiantes qu’EIMA. Nous avons remarqué les foyers étudiants, ce qui n’existe pas en Serbie, qui sont intéressants, mais nous ne les avons pas encore fréquentés. Au second semestre, nous pourrons faire plus de choses, maintenant nous connaissons des gens, ce sera plus facile.
Moi (D.T.) qui aime faire beaucoup de choses, je ne suis jamais satisfaite, je voudrais toujours faire plus. Beaucoup de choses nous sont proposées, ce sont des opportunités qu’il ne faut pas laisser passer. Par exemple le tutorat, ou un cours de russe qui est proposé par un étudiant… mais c’est difficile car c’est le jour où nous avons le plus d’obligations. Il s’agit d’un cours qui se passe entre étudiants : c’est plus décontracté, il n’y a pas de notes, c’est juste pour les gens qui ont envie d‘apprendre. D’une part l’étudiant qui enseigne profite de cette expérience d’entrainement, de l’autre on rencontre des gens qui ont les mêmes intérêts.
Ce qui nous manque en Serbie, c’est la pratique de la langue, cet échange est une occasion riche pour nous ! Nous sommes également contents de voir les échanges entre enseignants, les professeurs de Belgrade qui viennent ici (et inversement). On se rend compte qu’ils sont très contents après leur séjour, parce que tout le monde a une occasion d’apprendre !
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui envisagent de faire une mobilité internationale ?
Il ne faut pas hésiter ! Venez, venez, et profitez de tout ce qui se présente à vous, par exemple les cours de sport, les ateliers de théâtre, où vous pourriez rencontrer les étudiants qui ne sont pas forcément d’ERASMUS, car ça aidera mieux à l’apprentissage de la langue, et aussi fréquentez EIMA ! Pour les Serbes en tout cas, on leur recommande de partir. Les bons étudiants ont souvent peur des devoirs qui les attendent au retour (de ce qui ne sera pas validé…), on (D.T. J. Mil.) a prolongé nos études pour venir ici, et ça vaut vraiment la peine ! C’est une excellente occasion, c’est une expérience particulière, il faut en profiter.
(J.Mark.) Moi je suis très timide, donc c’était un défi pour moi… et comme j’ai réussi à dépasser cette timidité, tout le monde peut y arriver !
Nous espérons que ces bourses vont se poursuivre dans l’avenir. Ce sont vraiment des expériences exceptionnelles. Côté serbe, ce sont de bons étudiants qui ont candidaté, il y a encore des étudiants qui souhaitent venir. On apprend beaucoup, ce n’est pas un voyage touristique, c’est vraiment très précieux pour nous ! Et nous espérons pouvoir changer des choses en rentrant, et on appréciera mieux d’autres choses en rentrant !
décembre 2016, propos recueillis par V. Sanchou
Lien vers la page du POPEI (Pôle projets européens et internationaux) sur l’échange