Projet « recherche & sociétés » financé par la région Occitanie (01/01/22-31/12/24)

Le projet PAACTe, transdisciplinaire (géographes, historiens, écologues, économistes, cartographes) et participatif s’attache à faire le diagnostic des premières formes de résiliences de la filière pastorale déjà apparues au sein des montagnes d’Occitanie, en réponse au changement global lié, en particulier, au dérèglement climatique. Au-delà des formes il s’agit ici d’identifier et d’évaluer leurs impacts sociétal, environnemental et économique sur le territoire occitan en premier lieu mais aussi en national et international afin de mieux connaître la portée des activités pastorales occitanes et, d’accompagner à la mise en place de solutions alternatives (aux modèles actuels). Tous les maillons de la chaîne (filière) pastorale sont ici pris en compte : des estives à la valorisation des produits issus de l’activité pastorale. L’échelle d’action est celle des montagnes occitanes avec cependant une zone atelier privilégiée qui dessine les contours du futur Parc Naturel régional Comminges Barousse Pyrénées au sein duquel le consortium se réunira pour y réaliser une analyse territoriale fine et répondre de manière précise aux objectifs du projet. Le diagnostic permettra de proposer une innovation de gouvernance territoriale et d’accompagnement repensant collectivement et institutionnellement de façon concrète une coviabilité socio-écologique à l’image du pacte pastoral de solidarité réalisé dans les Cévennes.

DESCRIPTIF

La montagne occupe une grande partie du territoire régional d’Occitanie soit 54,8 % de sa superficie  répartie sur deux massifs : 75 % pour les Pyrénées françaises et 25 % en Massif central. Ce véritable socio-écosystème possède une grande variété et richesse de ressources et de savoir-faire spécifiques qui participent à son attractivité, au développement local durable et à sa dynamique territoriale. La filière pastorale représente une des activités créatrice d’emplois attachés au territoire et à ces produits (lait, viande, laine, cuir, textile) et contribue également à l’entretien des milieux ouverts par la pression du bétail et/ou par le brûlage dirigé[1], à la préservation de la biodiversité et participe ainsi au maintien de l’hétérogénéité des paysages de montagne. Preuve de l’intérêt porté à cette activité est le classement au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2011, des paysages culturels de l’agro-pastoralisme méditerranéen des Causses et des Cévennes. Les montagnes offrent de nombreuses aménités (matérielles et immatérielles[2]) et génèrent aussi des opportunités à saisir en particulier pour la filière pastorale telles que le potentiel fourrager, de vastes espaces, des productions agricoles de qualité, des traditions qui marquent une identité, un artisanat local, une industrie de proximité, une qualité de vie, de bonnes conditions d’exercice du métier d’éleveur et son accompagnement, etc.

Cependant, les montagnes en continuelle mutation sont aussi fragiles et menacées par le changement global et en particulier le dérèglement climatique[3] (Leclerc et al., 2020 ; Pacifici et al., 2015). L’activité pastorale et sa filière subissent déjà les conséquences directes ou indirectes des interactions entre l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, la variation de la durée de la saison d’estivage et les modifications dans la disponibilité de la ressource en eau ou encore la prolifération de maladies. A celles-ci s’ajoute la fermeture des espaces générés en partie par la déprise des activités agro-pastorales et le vieillissement de la population[4], mais aussi la réforme actuelle de la Politique Agricole Commune sur la question du pastoralisme et les modalités de l’aménagement des espaces montagnards (manque de foncier ou ensauvagement). Les fonctions écologiques des écosystèmes et les habitants (20,8 % de la population régionale) des montagnes occitanes sont ainsi particulièrement vulnérables face à ces perturbations.

Ce contexte de crises et d’incertitude pousse les territoires (acteurs et décideurs) à être  résilients et à innover en proposant des initiatives d’adaptations en s’appuyant sur les forces et les potentialités locales (Tanguy et Charreyron-Perchet, 2013). C’est ce que réalise la filière pastorale en Occitanie, à tous les maillons de sa chaîne (production, transformation, commercialisation et distribution) avec par exemple : la redynamisation et la reconsidération des estives (implantation/installation de berger et production de fromages en altitude ou la réouverture de certaines estives pour activer la ressource pastorale) ; les changements de pratiques d’élevage en altitude (modifications des parcours, cohabitation entre pastoralisme et grands prédateurs, etc.) ; les adaptations dans la gestion des brûlages dirigés (réponse à l’embroussaillement, risque de conflits avec le tourisme) et du risque  d’incendies ; l’adaptation des espèces domestiques par le développement des races rustiques locales, ou espèces adaptées à la diversification des activités économiques ; la qualité des produits issus de l’élevage en montagne (viande, lait, laine) et artisanats associés, les initiatives face au problème du foncier et l’accès aux subventions ou encore les nouveaux modes de développement économiquement viables (redynamisation de la filière laine). Les questions d’identité seront également associées à celle de la résilience du territoire, autrement dit à l’identification des processus qui ont conduits les territoires à anticiper, réagir et s’adapter aux diverses perturbations (lentes ou brutales) sur la longue durée, et les initiatives qui promeuvent les produits locaux (circuits courts) tout en soutenant le lien social (la Goulotte Occitane par ex) sur les marchés locaux en espaces de montagne (échelle spatiale de diffusion et cartographie).  

Ce projet de territoire transdisciplinaire (géographes, historiens, écologues, économistes, cartographes) et participatif se focalise sur le diagnostic des premières formes de résiliences de la filière pastorale déjà apparues en montagnes occitanes, en réponse au changement global lié, en particulier, au dérèglement climatique. Au-delà des formes il s’agit ici d’identifier et d’évaluer leurs impacts sociétal, environnemental et économique sur le territoire occitan en premier lieu mais aussi en national et international afin de mieux connaître la portée des activités pastorales occitanes et, d’accompagner à la mise en place de solutions alternatives (aux modèles actuels). L’étude des premières formes de réponses déjà mises en place en Occitanie permettront d’envisager comment les sociétés et les environnements montagnards résisteront au changement global. L’adaptation aux changements globaux étant aujourd’hui devenue inéluctable, l’effet des activités et évolutions des écosystèmes de montagne sur nos vies est de plus en plus visible et conscient. La crise sanitaire que nous traversons en est une preuve.

L’échelle d’action du projet est celle des montagnes occitanes avec une focale sur une zone atelier qui dessine les contours du futur Parc Naturel Régional Comminges Barousse Pyrénées – PNRCBP), frontière avec le val d’Aran et l’Aragon au sud, les hautes Pyrénées à l’ouest, le PNR Pyrénées Ariègeoises à l’est, et la zone des pré-coteaux du Gers (Astarac) au nord. Sur les 170 000 hectares du PNRCBP, on compte 51 % de forêt, et 40 % de SAU dont 10 % de grandes cultures et 30 % de prairies, landes et estives. Le PNRCBP constitue un choix d’excellence car ce PNR est encore en voie de constitution (préfiguration et diagnostics territoriaux), qu’il dispose de zones d’estives d’altitude (zone du Luchonnais, Oueil Barousse, Arbas, Gar Cagire) et de zones intermédiaires situées en piémont, ainsi que de zones en reconquête (Petites Pyrénées et projet Asso Fonciere Pastorale de St Martory). La part de SAU utilisée par les grandes cultures ne représente que 10 % du territoire, contre 30 % pour les zones disponibles pour un élevage extensif. La création d’un PNR est le moment où tous les acteurs se concertent en vue d’établir une charte qui servira de feuille de route pour les 15 ans à venir ; le monde agropastoral présent sur le périmètre du PNR (ovin viande, bovin viande, jeune bovins, production laitière ovin, caprin et bovin) est transhumant sur la partie sud du périmètre, les autres secteurs étant beaucoup plus tournés sur la polyculture élevage. On trouve des transhumants dynamiques très au nord des vallées (ex : les Bessous à Cassagne). Dans ce paysage qui montre un vieillissement des exploitants et des difficultés dans la transmission et la reprise, de jeunes exploitants tentent des initiatives et se convertissent au bio, y compris sur le nord de la zone traditionnellement plus « intensif », ainsi qu’aux pratiques agro environnementales (pâturages tournants dynamiques, lait de foin). Un lycée agricole très actif et compétent (production de lait bio et yaourts), un CFA en lien avec l’Ariège pour la formation des bergers viennent compléter le tableau. Les productions fromagères sont encore présentes (tomme des Pyrénées en Barousse) soutenues par des fromagers affineurs de grand talent (Dominique Bouchait, meilleur ouvrier de France fromage et animateur des marchés locaux).

De plus, la zone géographique du futur PNRCBP fut précisément l’échelle d’un programme interdisciplinaire sur l’élevage pyrénéen financé par la DGRST entre 1976 et 1982, associant INRA-ENSAT et ce qui était alors le CIMA, co-piloté par Jean-Claude Flament (+ 2012) et Georges Bertrand. Ce programme fondateur sur plusieurs aspects pour lequel de nombreux rapports (archivés à GEODE), de mémoires, de thèses et publications ont été publiés durant les années 70-80, représente un point de référence approfondi distant de 40 ans qui servira de point d’appui tant méthodologique qu’analytique et nourrira le projet. Le périmètre du projet du PNRCBP apparait une échelle adéquate pour mener à bien des travaux de diagnostic précis sur 3 ans dans l’objectif de réaliser un « pacte de solidarité pastoral » qui se co-construit par tous les acteurs de la filière et du territoire (Barrière et al., 2019).

OBJECTIFS

  • Analyser les résiliences (mécanismes écologiques et humains) de la filière pastorale aux perturbations citées, leur ancrage dans l’histoire et en lien avec le changement global sur les temps court et long.
  • Développer de nouveaux outils collaboratifs sur les notions de transition écologique et solidaire et de résilience appropriables par l’ensemble des acteurs du territoire.
  • Proposer une innovation de gouvernance territoriale et d’accompagnement repensant collectivement et institutionnellement de façon concrète une coviabilité socio-écologique à l’image du pacte pastoral de solidarité réalisé dans les Cévennes.
  • Repenser conjointement avec les acteurs du territoire et la Région, les filières de production et de mettre en place des initiatives d’aides aux éleveurs, aux propriétaires et aux artisans pour la valorisation de leurs produits et de l’identité patrimoniale de leurs territoires.
  • Consolider les liens inter-massifs (massif central et Pyrénées) en développant les actions communes et d’échange sur les résiliences.

LES LOTS

Lot 1 : Gouvernance du projet et communication 

Lot 2 : L’espace pastoral et ses résiliences – paysages d’hier, d’aujourd’hui et de demain

  • Sous lot 2.1 : évaluation et suivi de la biodiversité face aux changements globaux
  • Sous lot 2.2 : ancienneté des estives et leurs résiliences passées
  • Sous lot 2.3 : les résiliences pastorales face à l’arrivée des grands prédateurs
  • Sous lot 2.4 : L’adaptation de la gestion de l’environnement par le feu, brûlages dirigés, brûlages pastoraux

Lot 3 : Développement territorial et nouvelles formes d’économie pastorale – filière pastorale

  • Sous lot 3.1 : Etude des modes de développement territoriaux économiquement viable
  • Sous lot 3.2 : Redynamiser la filière laine en Occitanie : économie pastorale, ressources en laine et activités textiles de proximité
  • Sous lot 3.3 : Patrimoine matériel et immatériel des activités pastorales

Lot 4 : Transversalité : vers un pacte solidaire co-construit

  • Sous lot 4.1 : Cartographie des premières formes de résiliences de la filière pastorale à l’échelle des montagnes occitanes et gestion des données
  • Sous lot 4.2 : le pacte de solidarité pastorale : une façon de s’adapter à la transition écologique

[1] La région Occitanie est à l’échelle européenne une de celles ou la pratique est encore la plus répandue au niveau pastoral, et une de celles où la question de la gestion préventive des incendies (notamment par le brûlage dirigé) sera dans les prochaines décennies un enjeu majeur, et pas seulement en zone méditerranéenne.

[2] Réserve de biosphère des Cévennes et la future RB transfrontalière France (PNR PA en cours)-Andorre (Ordino, faite)-Espagne (en cours)

[3] Changements documentés par les programmes OPCC, Acclimatera, POCTEFA (forêts/écosystèmes d’altitude, GREEN, CLIMPY, REPLIM), IPBES 2020

[4] Les + de 70 ans = 14,6 % des Occitans contre 12,7 % des Français ; Hautes-Pyr. et Ariège font partis des 10 départements français les plus âgés