Sans même attendre la remise du rapport des assises de l’ESR au Président de la République, J. Y. Le Déaut (futur rapporteur pour le parlement de la loi pour l’ESR) a ouvert les portes de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), pour assurer « la courroie de transmission » (propos de Claude Bartolone) entre les assises et les parlementaires.
Dix heures durant, 4 tables rondes (- gouvernance et autonomie des établissements ; – l’enseignement supérieur, la recherche, les territoires ; – la réussite des étudiants ; – acteurs de l’enseignement supérieur, financement, évaluation) se sont enchaînées, clôturées par les interventions de la ministre de l’ESR et du président de l’assemblée nationale. Se sont succédé de nombreuses interventions savamment orchestrées et minutées dans un temps particulièrement contraint (2 mn par intervenant), ne tenant pas compte de la représentativité des organisations syndicales et des intervenants de la salle, elle-même peu à l’image de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans des conditions tendues, la délégation du SNESUP (Heidi Charvin, Michelle Lauton, Marc Neveu, Stéphane Tassel) a porté ses revendications pour le service public d’ESR et pour ses acteurs. Malgré les inerties et le cadre contraint des thèmes parmi lesquels se sont imposés ceux de la précarité, les carrières des EC ou la reconnaissance de la thèse, les lignes bougent. Le rôle du CNESER a été explicitement réaffirmé. Dans le prolongement des positions exprimées lors des assises, les réformes qui se sont abattues depuis une dizaine d’années ont fait l’objet de critiques appuyées (AERES, ANR, IDEX, Licence déconnectée de la recherche, précarité galopante…).
Dans ce cadre, la rénovation de la licence avec une première année dite « pluridisciplinaire » au nombre très limité de noms d’intitulés, reste défendue par les organisations étudiantes. Le SNESUP rappelle son opposition, comme l’ensemble des personnels, au décret licence et aux risques qu’il sous-tend (portant sur la qualité, le cadrage national, la sélection en master). Pour l’accueil des bacs technologiques et professionnels, la seule solution envisagée semble être de les flécher a priori respectivement vers les IUT et des STS. L’articulation entre le secondaire et le supérieur, hormis l’allusion à un « continuum Bac -3, Bac +3» n’a pas fait l’objet de proposition concrète, notamment quant à une responsabilité des régions que nous contestons. Avec précaution, le rôle actuel des régions en matière de financement de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou d’innovation, de formations (développement de nouvelles filières, apprentissage, FTLV, etc.), ou de développement de la culture scientifique et technique, demeure même si l’idée d’une régulation nationale et de la cohésion de l’offre de formation nationale ré-émerge.
Si certains ont noté l’importance d’articuler la future loi
d’orientation de l’ESR avec la loi sur l’École, notamment sur les
questions de la formation des enseignants de la maternelle à l’enseignement supérieur, cette question n’a pas été approfondie.
Dans sa conclusion, J. Y. Le Déaut a retranscrit une critique de la loi LRU à «l’efficacité douteuse» et la manière dont les précédentes réformes cherchent à singer des modèles d’ESR anglo-saxon. Cela rejoint nos critiques formulées à maintes reprises. Les propositions de J. Y. Le Déaut, même si elles sont présentées pour favoriser collégialité et démocratie (réduction de la prime majoritaire, désignation de certaines personnalités par le CESER), ne remettent en cause la loi LRU que marginalement et rien n’indique qu’on pourrait revenir sur les RCE, alors que la situation budgétaire difficile des établissements a plusieurs fois été pointée. Des « bombes à retardement », tels ont été qualifiés les effets des politiques en matière de précarité. « 1000 postes ne suffiront pas », c’est le constat sans appel du rapporteur de la loi. Enfin, l’idée que nous défendons de voir des moyens programmés peut s’inscrire dans l’annonce d’un livre blanc de l’ESR pour réfléchir sur le temps long.
De son côté, la ministre de l’ESR a confirmé les points sur lesquels le gouvernement serait amené à prendre ses responsabilités (vote des personnalités extérieures pour l’élection des présidents d’université, maintien des CEVU, CS ou création de sénat académique, rôle accru dévolu aux régions…). La recherche fondamentale retrouve une place depuis trop longtemps ignorée. Pour autant, la recherche de liens public/ privé, au cœur de trop de confusions en la matière, demeure. Le président de l’Assemblée nationale a repris cette proposition en vantant la création de « grandes universités soutenues par les régions », en appui avec les pôles de compétitivité. Ce dernier a fait la proposition d’extension du rôle de l’OPECST à un processus de dialogue sciences-société sur des thèmes comme l’énergie, l’environnement … Cette proposition, si elle fait écho à notre proposition de conseil national de la Science…, pose la question des représentations permanentes des organisations syndicales, etc.
Comparant les interventions de la journée avec celles formulées pendant les assises, la ministre de l’ESR a dû constater que « ce sont les mêmes questions qui animent [les participants] ». Alors que l’audition n’était pas encore terminée, le SNESUP recevait une convocation pour « la première réunion de concertation [qui] se tiendra le 19 décembre prochain, à partir de 8h30 et tout au long de la journée » pour laquelle il nous est demandé « de restreindre au maximum [notre] représentation ».
Pour les changements qu’attendent les personnels, il nous faut agir sur le contenu du prochain texte législatif devant se substituer à la loi Pacte pour la Recherche et LRU. Cela exige l’implication de tous pour faire pression sur le gouvernement et les parlementaires. Rien n’est définitivement arrêté.