Oasis de Masafi (Fujairah – Emirats Arabes Unis) – Topographie d’une palmeraie

(Auteurs du billet : C. Calastrenc, E. Regagnon, Th. Sagory)

Depuis 2014, nous collaborons à la campagne de fouille et de prospection dirigée par Anne Benoist du laboratoire Archéorient de la MOM sur le site de l’oasis de Masafi dans l’Emirats de Fujairah (Emirats Arabes Unis). Ce chantier s’inscrit dans le cadre du programme de recherches mené par la mission archéologique française aux Emirats Arabes Unis (sous la direction de Sophie Méry, du laboratoire ArScAan à Nanterre) financée par le Ministère des Affaires Étrangères.

Cette collaboration a porté sur la réalisation d’une Modèle Numérique de Terrain de la palmeraie de Masafi (partie Emirat de Fujairah). La zone d’étude s’étend sur 144 hectares. L’objectif de ces trois missions était de donner à voir la structuration en terrasse de la palmeraie de Masafi et, en collaboration avec Louise Purdue et Julien Charbonnier, la réalisation d’une modélisation du relief à T0 soit avant l’installation humaine. Ce travail, réalisé par Emmanuelle Regagnon d’Archéorient de la MOM, Carine Calastrenc de l’équipe Terrae du laboratoire TRACES et  Thomas Sagory (photo cervoliste), a nécessité l’emploi de plusieurs outils : le DGPS, la station totale, la photo aérienne par cerf-volant et la photogrammétrie.

Oasis de Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

Oasis de Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

Une partie du programme de recherches de la mission archéologique française aux EAU, (dir. par Sophie Méry, ArScAn, Nanterre), est consacrée à l’étude de l’oasis de Masafi dans l’émirat de Fujaïrah. Bénéficiant d’importantes sources d’eau souterraines et située au carrefour de plusieurs voies de communications, l’oasis est également en bordure d’une région riche en cuivre, ce qui en fît une zone propice à une implantation durable, dès les périodes anciennes.

Les campagnes archéologiques sont menées sur cette zone d’étude depuis 2006, sous la direction de Anne Benoist, CNRS Archéorient – Lyon, ont permis de mettre au jour des sites d’habitat datant pour les plus anciens de la fin de l’âge du Bronze, qui démontrent  une occupation et une aménagement pensée du territoire (Benoist, 2013), dont l’un des volets importants de la valorisation de ce territoire passe par l’exploitation des ressources en eau pour l’agriculture.

Cette question fait l’objet de travaux ciblés, réalisés par Louise Purdue (CEPAM – CNRS) et Julien Charbonnier (Freie Universität Berlin,), qui cherchent à circonscrire l’emprise des cultures  au cours de ces différentes périodes d’exploitation et à identifier les systèmes d’irrigation qui ont pu y  être développés.  Ces recherches sont menées en concomitance avec les opérations de fouille et de prospection, illustrées par des photos aériennes réalisées au cerf-volant par Thomas Sagory (ministère de la culture et de la communication/du-ciel.com)

Sondages géoarchéologique - Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

Sondages géoarchéologique – Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

 

Prise de vue par cerf-volant - Thomas Sagory (Photographie Cariine Calastrenc)

Prise de vue par cerf-volant – Thomas Sagory (Photographie Cariine Calastrenc)

Cette problématique de recherche à l’échelle d’un territoire se prête particulièrement bien à une structuration sous SIG, aussi bien dans un but de conservation des données  que pour le potentiel d’exploration et d’affichage de celles-ci qu’offrent les outils SIG (Barge Régagnon, 2013). C’est pourquoi Carine Calastrenc Traces-CNRS et Emmanuelle Régagnon, CNRS-Archéorient sont rejoint l’équipe en 2014, afin de jeter les premières bases du système spatial d’information de Masafi.

La première tâche en matière d’acquisition de données de terrain passait par la réalisation d’un MNT montrant le contexte topographique de l’oasis ; à l’échelle de la région (contexte zone de montagne/wadi principaux) le SRTM était suffisant. A partir de cette base de donnés l’ensemble du réseau hydrographique classé par rang ainsi que les crêtes majeures ont été digitalisés.

contexte hydrographique de l'oasis de Masafi (Réalisation Emmanuelle Regagnon, Carine Calastrenc)

contexte hydrographique de l’oasis de Masafi (Réalisation Emmanuelle Regagnon, Carine Calastrenc)

A l’échelle de l’ensemble de la palmeraie, il fallait garder l’aspect topographique au sens strict du terme (description du lieu) mais l’intégrer dans la problématique de recherche ; ainsi certains phénomènes devaient être mis en évidence, tels les incisions de terrain dues au passage de l’eau,  ou le profil étagé de la palmeraie. Le MNT devait être également valide à une échelle plus fine encore, afin de placer les différents chantiers de fouille dans leur contexte immédiat.

Même pour un territoire supérieur à 68 hectares, l’acquisition d’un MNT est en général rapide lorsqu’elle est réalisée au GPS. Mais c’est sans compter sur les palmiers de l’oasis qui, malgré leur feuillage clairsemé forment un écran empêchant le captage des signaux satellites par notre antenne. La réalisation du relevé a été  possible en combinant les trois méthodes dont nous disposions sur place, à savoir le GPS différentiel, la station totale et la photogrammétrie. Le GPS fournissait une couverture fiable dans les zones dégagées (mesures sub centimétriques). Il permettait également un relevé classé par types de caractéristiques (routes, limites de parcelles, calages des sondages…), qui, s’il était moins précis, permettait d’illustrer en plan la physionomie actuelle de la palmeraie. Enfin, le dictionnaire d’attributs permettait le relevé d’autres éléments plus ciblés pour un travail à une autre échelle (point alti de fouilles par exemple). La station totale permettait d’obtenir des mesures précises sous la végétation, malgré une acquisition plus lente. Etablie selon un rayonnement depuis chaque station, la distribution des points formaient une grille relativement serrée permettant d’établir le transect de la palmeraie pour L. Purdue et J. Charbonnier, mais aussi, en espaçant chaque point, pour fournir une grille plus large (20m) pour un MNT de l’ensemble de l’oasis. L’acquisition plus lente à la station totale a pu être rattrapée par le gain de temps pris sur les parties moins cruciales du MNT (village moderne), ou en bordure de la zone à renseigner. En effet, l’intégralité de la palmeraie a été couverte  en photos par cerf-volant, donnant ainsi une image à haute résolution de l’ensemble. Leur traitement photogrammétrique a permis non seulement d’en générer une orthophoto géométriquement fiable, mais également un MNS de 144 hectares, dont les valeurs pouvaient atteindre une exactitude supérieure à 6 cm. La récupération de valeurs d’altitudes devenait ainsi possible à partir des photos aériennes. Le MNS s’est avéré précieux également pour documenter un wadi au profil abrupte :  le tracé de la rupture a été relevé au GPS, et les valeurs d’altitudes récupérées depuis le modèle photogrammétrique.

Topographie de l'oasis de Masafi (Réalisation Emmanuelle Regagnon, Carine Calastrenc, Thomas Sagory)

Topographie de l’oasis de Masafi (Réalisation Emmanuelle Regagnon, Carine Calastrenc, Thomas Sagory)

C’est grâce à ce travail ainsi qu’aux résultats des différents sondages géoarchéologique réalisés par Louise Purdue et Julien Charbonnier qu’à pu être réalisé un travail de modélisation de T0, soit le niveau premier de la palmeraie, avant l’installation humaine et la transformation du paysage. Cette modélisation s’est faite suivant deux méthodes :

  • La réalisation de 5 profils sur lesquels ont été figurés la surface et les différents points de T0 dans les sondages reliés par un trait. Ils permettent non seulement d’avoir un aperçu de la géographie de T0, mais également donne une image du remplissage.
  • La réalisation d’une modélisation raster via un outil d’ArcGis. Le résultat est un MNT qui fait l’interpolation des différentes altitudes de T0.
Profil de T0 (Est -Ouest n°1) (Réalisation Emmanuelle Regagnon)

Profil de T0 (Est -Ouest n°1) (Réalisation Emmanuelle Regagnon)

Modélisation Raster de T0 (Réalisation Carine Calastrenc et Emmanuelle Regagnon)

Modélisation Raster de T0 (Réalisation Carine Calastrenc et Emmanuelle Regagnon)

L’élaboration d’un tel SIG (conçu pour l’usage de l’ensemble des membres de la mission et permettant des analyses de l’échelle du chantier à celui de la région) est un travail long et collaboratif.  Pour y arriver, il aura fallut 3 campagnes d’acquisition et une attention particulière portée à la structuration de l’information. Toutefois, maintenant, il permet de réaliser les premiers traitements et de véritablement croiser des données à la fois paléoenvironnementales et archéologiques.

Biblio

A. Benoist.2013. Fouilles et prospections dans l’oasis de Masafi (Fujairah, Émirat Arabes Unis), ArchéOrient-Le Blog (Hypotheses.org), 26 avril 2013. http://archeorient.hypotheses.org/814

A. Benoist, V. Bernard, J. Charbonnier, J. Goy, A. Hamel et T. Sagory, 2012, Une occupation de l’âge du Fer à Masafi. Travaux récents de la Mission archéologique française aux Emirats Arabes Unis dans l’Emirat de Fujairah, Chroniques Yéménites 17. http://cy.revues.org/1803

O. Barge, E. Régagnon, 2013, Penser le plan archéologique comme un système d’information, l’exemple du site médiéval de Qalhat (Oman), Revue internationale de Géomatique. http://rig.revuesonline.com/article.jsp?articleId=17826

 

Palmeraie de Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

Palmeraie de Masafi (Photographie Carine Calastrenc)

 

Analyse spatiale, DGPS, Fouille archéologique, Multi-méthode, Photogrammétrie, Photographie aérienne, prospection, SIG, Topographie , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Comments are closed.