« Un drone pour la prospection thermique aéroportée à basse altitude »
Nicolas Poirier, CNRS UMR 5608 TRACES, Université Toulouse 2 – Le Mirail
Présentation du programme Archéodrone à l’occasion du séminaire « Imagerie à haute résolution – applications en archéologie et archéosciences » organisé par le réseau ISA à la MSH de Clermont-Ferrand les 19 et 20 novembre 2012.
L’Archéodrone s’est déplacé en Afrique du Sud, au cœur d’un des principaux berceaux de l’Humanité, pour réaliser une campagne de prospection thermique et de relevés photogrammétrique.
L’objectif principal était d’utiliser le potentiel du couplage drone/caméra thermique pour la détection de cavités souterraine par l’identification de résurgences d’air.
Avant un compte-rendu plus détaillé de cette mission, voici un premier avant-goût sous la forme d’une courte vidéo
Dans le cadre des travaux menés par le projet collectif de recherches sur l’abbaye de Lagrasse (11), deux vols ont été réalisés aux alentours de l’abbaye, pour évaluer le potentiel archéologique des parcelles attenantes, et réaliser un modèle 3D des bâtiments.
Un vol de prospection thermique a été réalisé dans la parcelle appartenant à l’enclos de l’abbaye située au sud de celle-ci, occupée actuellement en luzerne.
Aucune anomalie thermique n’a pu être identifiée, à part peut-être une trace froide légèrement quadrangulaire à hauteur du WP n°20 (IR_1517).
Un vol en photographie classique a ensuite été réalisé tout autour de l’abbaye dans l’objectif d’en réaliser un modèle 3D par photogrammétrie en corrélation dense. Pour cela, un plan de vol circulaire autour des bâtiments avait été programmé. Il nécessite tout de même d’orienter en permanence l’avant de l’appareil en direction des bâtiments visés.
La couverture photographique obtenue a permis de réaliser le modèle 3D souhaité.
Nous avons souhaité tester le protocole d’utilisation du couplage drone/caméra thermique sur un contexte différent des précédents, essentiellement constitués de parcelles mises en culture (labourées, ou porteuses de céréales). Il nous a paru utile d’expérimenter ce protocole sur un terrain de prairie ou pelouse, présentant une végétation moins haute que les céréales, donc susceptible de moins masquer les écarts de température à la surface du sol.
Le site de Saint-Bertrand-de-Comminges a été choisi. Ce village médiéval aujourd’hui resserré autour d’une colline trouve son origine dans une ville ouverte et étendue de la période romaine, connue par des fouilles anciennes, des prospections aériennes et géophysiques. Elle présente une trame urbaine, des édifices civils et religieux, des habitations dont l’emprise globale est assez bien documentée.
Nous avons donc défini des plans de vol sur des secteurs périphériques de la ville antique où la présence de vestiges est attestée par des prospections aériennes. Ces vols ont été réalisés entre 10H30 et 11H45 pour les 3 premiers, et à 13H30 pour le dernier.
Les vols réalisés au-dessus d’îlots d’habitation attestés de la ville antique n’ont pas livré de résultats spectaculaires, contre toute attente. Le contexte de prairie, dont l’herbe était parfois haute, confère un aspect « moutonneux » aux clichés thermiques. L’ensemble apparaît très bruité, sans toutefois la régularité du bruit en contexte cultivé. Les quelques anomalies détectables le sont donc sur les secteurs où l’herbe est la plus rase.
Les anomalies les plus nettes ont été observées dans une parcelle cultivée en céréales, dans un secteur Est de l’agglomération antique où est supposée la localisation du mausolée de Héranne. Des anomalies chaudes aux contours nets et réguliers dessinent assez sûrement l’emprise de substructions.
Enfin, un vol a été réalisé au plus près des vestiges antiques apparents suite aux fouilles réalisées au cœur de l’agglomération antique, entre le marché et la basilique paléochrétienne. Les parcelles visées n’ont été que peu touchées par ces fouilles et sont aujourd’hui occupées par des pâturages. Les images thermiques réalisées livrent des anomalies dont la géométrie et l’orientation correspondent bien à la trame urbaine révélée par les fouilles.
Un premier test de couverture photographique aérienne dans un but de modélisation photogrammétrique a été réalisé sur le village de Flaugnac (46), installé sur un surplomb rocheux et offrant un relief remarquable.
Un vol à vue (sans programmation préalable de waypoints) a été réalisé à environ 80m d’altitude, tout autour du site, de manière à enregistrer un maximum d’images obliques centrées sur le village.
Parcours du drone autour du village
Le grand nombre de clichés et leur recouvrement important a permis la réalisation d’un modèle 3D par photogrammétrie, livrant une vision du site tout à fait inédite, et difficilement possible avec tout autre moyen de prise de vue.
Image visible - bosquet marquant l'emplacement de l'église Saint-Cernin
Un survol a été réalisé dans le Lot, sur la commune de Castelnau-Montratier, au lieu-dit Saint-Aureil qui présente une église emmottée non loin d’une église Saint-Cernin, détruite aujourd’hui, dont l’emplacement est matérialisé par un petit bois. Les recherches menées ont montré que cette église devait être entourée d’un cimetière paroissial et qu’elle était probablement implantée sur le lieu d’un site antique. Le survol visait donc à tester le potentiel thermique de ce secteur.
Le vol a été réalisé en fin de matinée, à une altitude de 100m, par une température atmosphérique d’environ 9°C.
Ce vol n’a pas permis de reconnaître d’anomalies thermiques localisées ou linéaires pouvant témoigner de la présence de vestiges ou structures enfouies, à l’exception peut-être d’une anomalie chaude à proximité immédiate du bosquet où se trouve l’ancienne église. Cette tâche chaude se distingue dans un environnement relativement plus froid. Mais il n’est pas possible d’en proposer une quelconque interprétation.
Image thermique - Anomalie chaude en bas du bosquet
Paysage d'Odars au lever du jour (cliché depuis le drone au sol)
Deux autres vols ont été réalisés sur la même parcelle-test déjà survolée précédemment, mais dans des conditions atmosphériques différentes. Les vols (l’un à 150m d’altitude, l’autre à 100m) ont été réalisés juste avant le lever du soleil, par une température atmosphérique d’environ 6°C, dans des conditions réputées « idéales » d’après la littérature concernant la prospection thermique aéroportée.
Il nous faut toutefois constater de bien moins bons résultats que ceux obtenus à l’occasion du vol précédent réalisé en fin d’après midi. Ici, on remarque beaucoup moins d’anomalies thermiques susceptibles de révéler des structures enfouies. En particulier, les anomalies repérées précédemment ne sont plus clairement repérables.
Peut-être est-il possible d’identifier l’emprise de la ferme détruite sous la forme d’une zone plus chaude présentant des bords assez réguliers et grossièrement quadrangulaire sur 2 clichés pris à 150m d’altitude.
De même, le tracé du chemin peut peut-être être repéré sous forme d’une anomalie linéaire chaude sur un cliché pris à 100m d’altitude, mais sa reconnaissance est bien moins aisée qu’à l’occasion du vol précédent où il se manifestait d’ailleurs sous forme d’une anomalie linéaire froide en fin de journée, ce qui témoigne bien de la différence d’inertie thermique qui caractérise ces structures enfouies.
Anomalie chaude en bas à droite (ancien corps de ferme ?)
Anomalie linéaire chaude en diagonale (ancien chemin ?)
Un premier vol a été réalisé le 15/03/12 à Odars, sur la parcelle dénommée « le communal », où l’observation des photos aériennes a permis de repérer une ferme, mentionnée au cadastre napoléonien et les plans antérieurs, qui figure sur les photos aériennes jusque dans les années 1970.
La présence de ces vestiges fournit un cadre expérimental intéressant pour tester le protocole d’utilisation de la caméra thermique embarquée par drone, par la possibilité de répéter les vols en faisant varier les conditions d’intervention (température, ensoleillement, heure de vol, altitude, couverture du sol).
Ce premier vol a été réalisé en fin d’après-midi d’une journée ensoleillée, par une température extérieure d’environ 23°. Le plan de vol comprend 12 points de passage à 30 m d’intervalle, à une altitude de 100 m.
On y distingue plusieurs anomalies froides très localisées, mais surtout une anomalie froide linéaire que l’on peut suivre sur 3 clichés successifs. Cette anomalie pourrait correspondre à la trace du chemin d’accès à l’ancienne ferme, que l’on peut repérer sur les photographies aériennes.
3 vols ont été réalisés sur la commune de Baillargues (34), sur le tracé du doublement de l’autoroute A9 (Montpelier – Nîmes), à l’invitation de l’INRAP (L. Bruxelle), et un vol sur un site qui sera concerné par la future LGV.
Le premier vol, réalisé sur la partie centrale des travaux en cours, au-dessus d’une zone karstique, avait pour but de repérer des sorties d’air issues de cavités sous-jacentes. Le plan de vol comprenait 15 points de passage espacés de 30 m à une altitude de 120 m. Les clichés permettent aisément de repérer plusieurs anomalies froides pouvant être interprétées comme les résurgences recherchées.
Image visible
Les anomalies froides ponctuelles correspondent à des résurgences d'air souterrain
Le deuxième vol a été réalisé à proximité immédiate des tranchées de diagnostic ouvertes, et sur l’ensemble de la parcelle concernée, cultivées en céréales déjà hautes et denses. L’altitude de vol était de 120 m et l’espacement entre les points de passage de 30 m. Ils confirment nos précédentes observations réalisées sur des chantiers de diagnostics INRAP qui avaient montré la difficulté à intervenir sur des terrains déjà en cours de fouille. Le passage des engins, la présence de terre remuée, des tas de déblais, etc. provoque une « pollution » très importante des clichés thermiques qui sont de ce fait inexploitables, la méthode ne permettant en fait que de détecter la dernière perturbation occasionnée. Ainsi, si les maçonneries assez massives observées dans les tranchées sont visibles sur les clichés thermiques sous la forme de tâches froides, le tracé des murs qu’elles forment ne peut être suivi au delà de l’emprise des tranchées, sans doute en grande partie du fait de la pollution induite par les passages des engins de chantier. Les images ne permettent en réalité que de discerner les sillons de la parcelle exploitée. Aucune autre anomalie thermique ne peut être clairement identifiée. La voie Domitienne, sensée traverser la parcelle en question, n’est pas repérable. Il faut invoquer ici le stade de croissance déjà relativement avancé des cultures plantées sur la parcelle.
image visible avec tranchées de diagnostic (en bas)
thermographie : les maçonneries observées en fond de tranchée ne peuvent pas être suivies au-delà
Le troisième vol a été réalisé sur la parcelle voisine immédiatement à l’est de la précédente, seulement séparée par un rideau d’arbre et un petit cours d’eau. La voie Domitienne traverse la parcelle en question, et a été sans doute observée dans l’une des tranchées de diagnostic. Le sol de la parcelle était nu au moment du vol, mais les conditions atmosphériques n’étaient pas nécessairement optimales (toute fin de matinée et ensoleillement prononcé au moment du vol). Les clichés, réalisés à une centaine de mètres d’altitude, montrent une anomalie linéaire froide aux contours très lâches, dans l’axe des vestiges mis au jour dans la tranchée et correspondant probablement à la Voie Domitienne. Cette anomalie linéaire peut être quasiment suivie jusqu’en limite de parcelle, au niveau du rideau d’arbre et du cours d’eau la séparant de la parcelle précédente. A ce niveau, une autre anomalie froide, de forme quadrangulaire, peut être identifiée. Elle ne correspond à aucune anomalie sur l’image visible. Elle correspond peut-être à une concentration de mobilier repérée en prospection pédestre (à confirmer).
Image visible
Anomalie linéaire froide dans l'axe des vestiges découverts dans la tranchée
Image visible
Anomalie quadrangulaire invisible sur la photo classique