L’escape game : des missions et des intrigues au cœur de l’école

samantha

Un escape game (ou jeu d’évasion) est un jeu, où l’objectif est de résoudre des énigmes, trouver des indices, débloquer des cadenas…, afin de s’échapper d’un lieu, dans un temps fixé. La majorité des jeux d’évasions sont construits autour d’une histoire ou d’un thème précis, avec une suite de casse-têtes amenant les joueurs à répondre à une problématique principale. L’escape game est également un jeu de groupe, où la collaboration et la mutualisation des logiques font la force de l’ensemble. 

Escape n’Games, une plateforme permettant aux élèves de s’évader de l’école

« Escape n’Games » est une plateforme collaborative dédiée aux jeux d’évasion.  La plateforme est alimentée par tous les professionnels, désireux de partager leurs travaux. Cette mutualisation d’idées est possible très simplement, grâce à la rubrique contact. Les membres du collectif Escape n’Games, gèrent l’aspect organisationnel : ils mettent en page le site, grâce aux apports des auteurs, testent, valident et facilitent l’accès aux différentes ressources. Escape n’Games recense actuellement plus de 400 jeux d’évasion toutes disciplines et niveaux confondus (primaire, collège, lycée, et au-delà : il y en a pour tous).  Les créateurs de la plateforme ne cachent pas leur objectif principal : permettre de valider des connaissances et des compétences de façon ludique. « Escape n’Games » présente plusieurs fonctionnalités intéressantes : 

  • Il est possible d’accéder à des escape games directement sur le site ou bien, de télécharger toutes les ressources et informations nécessaires pour mener un escape game grandeur nature, dans une classe ou sur les temps de vie scolaire.
  • En parcourant la plateforme, à la manière d’un escape game, on découvre d’autres sites valorisant les jeux d’évasion.
  • Si vous ne trouvez toujours pas votre bonheur dans ce qui est mis à disposition, les membres du collectif ont recensé différents outils, afin de vous guider dans la réalisation de votre propre jeu d’évasion, ou d’amener un groupe d’élèves à le créer.
  • Enfin, les membres du collectif ont pour désir de mettre en commun les idées et les travaux des professionnels. Afin d’encourager cette collaboration, et permettre de trouver des idées originales, une communauté facebook a été ouverte.

Apprendre en jouant, un outil intéressant dans la pratique du CPE

D’après la typologie des jeux de Nicole De Grandmont (cité dans Duquesnoy, M., 2019), l’escape game est à la fois un jeu éducatif et pédagogique. La différence entre les deux se situe dans l’objectif recherché. Ainsi, pour le CPE, l’escape game est un jeu éducatif intéressant, car est une forme de jeu coopératif permettant de comprendre des notions et de s’approprier des concepts et des mécanismes. En tant que conseiller de la communauté éducative, le CPE peut également valoriser les jeux d’évasion comme support de la pratique pédagogique, afin de varier les apprentissages, vérifier et tester les connaissances, sous une forme moins académique, dont les élèves pourront se saisir. Les jeux d’évasion présentent ainsi différents intérêts, tels que :

Apprendre à se connaitre par le travail en groupe et développer un sentiment d’appartenance

« L’amélioration du climat scolaire est devenue un enjeu de politique publique en matière d’éducation » (Debarbieux, 2015). Il est admis qu’un climat scolaire serein favorise le bien-être, l’épanouissement des élèves et leur réussite scolaire. Notion multifonctionnelle, le climat scolaire questionne également le sentiment d’appartenance des élèves à leur établissement. Or, selon l’enquête Pisa (Avvisati, 2019), le sentiment de solitude et le pourcentage d’élève se considérant étranger à leur établissement ont augmenté de 10% entre 2003 et 2015. Le Conseiller Principal d’Éducation a pour mission de favoriser un climat scolaire de qualité, et les jeux coopératifs peuvent être des outils intéressants, car contribuent  à encourager la cohésion de groupe, l’écoute, et le respect mutuel. Il y a par exemple, la possibilité de faire des groupes de travail, formé par les élèves, et encadré par des AED ou des professeurs volontaires, dans l’objectif de préparer un escape game. Celui-ci pourra être mis en place à l’échelle de l’établissement, lors de la fête de la science et créer une émulation. Les jeux d’évasion peuvent aussi être utilisés en début d’année, pour les 6ème/2nde, avec pour objectif la (re)-découverte du règlement intérieur d’une façon innovante ou, qu’ils puissent s’approprier les lieux (comme proposé ici ou.)

Favoriser l’acquisition de savoirs-être et savoirs-faire (écouter l’autre, prendre des décisions collectives, respecter les règles du jeu, savoir perdre, développer un esprit de recherche, etc.)

Employer les jeux d’évasion peut également concourir à renforcer les liens dans le groupe classe. En effet, les énigmes et casse-tête rencontrés au cours de la partie, fédèrent les joueurs face aux difficultés, motivent les élèves à se parler et s’entraider afin de réussir à atteindre ensemble, l’objectif fixé. Ainsi, les jeux d’évasions peuvent favoriser la création d’un groupe classe « suffisamment bon»,  selon les termes de  Winnicott empruntés par Jeanne Moll. Un groupe qui grâce au jeu, pourra rencontrer l’autre, favoriser les échanges et amorcer un travail de confiance en soi et de confiance en l’autre. Selon Jeanne Moll, la création d’une atmosphère positive au sein d’un groupe, fait naître un sentiment de sécurité chez les élèves, leur octroyant alors la possibilité d’être disponible pour les apprentissages. 

Varier les apprentissages afin de permettre aux élèves de s’approprier des faits, des concepts, des mécanismes.

Dans leur livre « Les conseillers principaux d’éducation », Rémy, R., Sérazin, P., et Vitali, C. (2015) [1] rappellent que les CPE ont un rôle pédagogique. Cette fonction se situe dans l’attention portée par le CPE au rapport qu’entretiennent les élèves avec le savoir. Cette posture vise à accompagner les élèves les plus en difficulté, vers la voie menant à la connaissance. Selon Serge Boimare (2005), les apprentissages peuvent être une véritable source d’angoisse pour certains élèves, car leurs échecs provoquent des « remises en cause excessives », les amenant à se dévaloriser continuellement. Le rapport aux savoirs, pour ces jeunes, est donc empreint de souffrance psychique. Serge Boimare voit dans la médiation culturelle, une pédagogie novatrice pertinente pour accompagner ces élèves, si elle répond à trois critères. La médiation culturelle doit :

  • « Offrir une métaphore qui permettra d’approcher ce qui préoccupe, ce qui inquiète »
  • « Offrir les moyens de le [ce qui préoccupe] mettre en forme pour continuer l’exercice de penser »
  • « Rendre possible l’énigme qui permettra d’amener les savoirs que nous souhaitons faire passer »

Le médiateur doit ainsi pouvoir rendre l’énigme assez intéressante, pour que l’élève puisse prendre conscience, au travers de cette médiation, que ce qui lui est demandé de manière ordinaire, lui est accessible. L’escape game est une activité culturelle qui répond à ces critères, car sous l’apparence du jeu, il offre un contact avec les apprentissages. La part de hasard, atténue la crainte de l’erreur et la coopération permet de surmonter ce qui, habituellement, pourrait être une difficulté. Ainsi, selon Maryse Métra (2013), le jeu est un médiateur offrant la possibilité de réconcilier les élèves avec les apprentissages.

Faciliter la compréhension et la mémorisation en rendant l’élève acteur

L’escape game permet également aux élèves de donner du sens à leurs connaissances, grâce à l’utilisation concrète qu’ils en font. Une étude analysant l’apport des jeux pédagogiques chez des étudiants, menée par Nicolas Eber (2003) a montré leurs avantages dans l’amélioration de la compréhension des cours. Par le jeu, les élèves sont acteurs et peuvent mettre leurs savoirs en action. Cette étude a aussi mis en exergue l’impact du jeu sur la durée : les élèves retiennent plus longtemps ce qu’ils ont pu mettre en pratique.

Valider différentes compétences du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture

Enfin, au collège, les jeux d’évasions peuvent être un outil supplémentaire dans la validation du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Par exemple, le domaine 1 « Comprendre, s’exprimer en utilisant les langages mathématiques, scientifiques et informatiques  » est évalué lors de la lecture des codes et des cadenas ; les domaines 2 « Coopération et réalisation de projets » et 5 « Invention, élaboration, production » par la participation à cette activité au sein d’un groupe  ; ou encore le domaine 3 « la formation de la personne et du citoyen » par le respect des règles, la réflexion, l’écoute et la prise de décisions qu’exige le jeu.

Les points de vigilance

Bien que l’escape game soit un outil intéressant dans la pratique du CPE, il n’en demeure pas moins certains points de vigilance à prendre en considération.

Préalablement, il est important de s’assurer que le niveau de l’escape game est en adéquation avec celui des élèves, pour ne pas rendre la résolution de l’enquête trop ardue, voire impossible pour eux. Ainsi, il est nécessaire de tester soi-même l’escape game qui leur sera proposé. Cela permettra également de venir en aide aux joueurs, grâce au rôle de maître du jeu, en cas de blocage.

Ensuite, l’une des attentions les plus importantes à porter est lors de la constitution des groupes.

Différentes typologies de groupes sont possibles (homogène, hétérogène, par affinité, imposé), cependant si l’objectif de l’escape game est de favoriser la rencontre de l’autre, les groupes hétérogènes sont à privilégier. De plus, le principe de l’escape game étant la mutualisation des savoirs divers pour parvenir à une complémentarité, une hétérogénéité peut faire la force du groupe. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré les effets bénéfiques de la mixité des élèves au sein du groupe classe. Pour appuyer ces propos, la recherche menée par Bruno Suchaut (2007) montre que la mixité permet « aux élèves en difficulté de mieux progresser sans que les élèves les plus avancés soient réellement pénalisés.». Le tirage au sort, pour la composition des équipes, peut être un moyen de favoriser cette mixité de genre et de niveau. Toutefois, il ne faut pas oublier que travailler ensemble ne va pas de soi, et tandis que le temps est limité l’implication de tous est nécessaire. « Faire ensemble » pour Philippe Meirieu (2015), demande de prendre conscience que l’altérité peut leur permettre d’oeuvrer pour un même objectif : gagner ! Il est important que chacun des joueurs comprenne conscience de sa place au sein de cette formation, afin que tous puissent s’affirmer et proposer des idées. Ainsi, il peut être pertinent, avant de lancer le chronomètre, de mettre en place différents rôles au sein du groupe (maître du temps, régulateur de parole, etc.)

Enfin, il est important de penser à un debriefing après le jeu, pour répondre aux incompréhensions qui ont pu être au cours de la partie et faire le lien avec les savoirs. 

Pour finir ce propos, il pourrait être mis en avant la richesse du site Escape n’Games. Cela est dû à la participation et à l’investissement de professionnels désireux de mettre leurs idées au profit de tous. Il se peut alors que certaines disciplines ou niveaux soient plus enrichis que d’autres … Ces derniers mots seront donc un appel à la mutualisation et à la collaboration en tant que professionnels, car  « Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous ensemble » – Euripide.

Bibliographie

[1] Rémy, R., Sérazin, P., & Vitali, C. (2015). Les conseillers principaux d’éducation. Presses universitaires de France.

Sitographie

Avvisati, F. (2019), « Have students’ feelings of belonging at school waned over time? », PISA in Focus, n° 100, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/bdde89fb-en

Boimare, S. (2005). Peur d’apprendre et échec scolaire. Enfances & Psy, no28(3), 69-77. doi:10.3917/ep.028.0069.

Debarbieux, É., & Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. (2015). Du «climat scolaire»: définitions, effets et politiques publiques. Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Climat scolaire et bien-être à l’école. Éducation & Formation, 88-89. https://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_88-89/62/8/depp-2015-EF-88-89-climat-scolaire-definitions-effets-politiques-publiques_510628.pdf

 Duquesnoy, M. (2019). La pédagogie du jeu. PortailEduc. http://portaileduc.net/website/la-pedagogie-du-jeu-2/

Eber, N. (2003). Jeux pédagogiques: Vers un nouvel enseignement de la science économique. Revue d’économie politique, vol. 113(4), 485-521. doi:10.3917/redp.134.0485.

Meirieu, P. (2015). L’urgence de la construction du collectif à l’École. Le café pédagogique. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/03/06032015Article635612227789504403.aspx

Métra, M. (2013). À l’école du jeu. L’école des parents, 605(6), 32-33. doi:10.3917/epar.605.0032.

Moll, J. (2002). Les phénomènes de groupe et leur influence sur les apprentissages. Il fait moins noir quand quelqu’un parle, Éducation et psychanalyse, 105-116. http://www.cndp.fr/crdp-dijon/IMG/pdf/09_moll_Il_fait_moins__noir.pdf

Suchaut, B. (2007). Le meilleur compromis pour tous. Cahiers Pedagogiques, 2007, pp.18-19. ffhalshs00170204

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