Elise 2004 – Formation en ligne des enseignants

Auteurs : Maarten Cannaerts (département d’éducation/Institut De Nayer), Luc Vandeput (K.H.Leuven/K.U.Leuven), Gabriëlle Erlingen (P.H.Limburg), Leen Vandeven (K.H.Leuven), Fred Truyen (K.U.Leuven), Michaël Goethals (K.U.Leuven) et Ludo Mateusen (K.U.Leuven)

Nous décrivons ici l’exécution d’un programme intensif de formation continue, qui se déroule sur huit semaines entièrement en ligne. Ce programme de cours (dont le titre intégral est : « e-Learning : Aspects méthodologiques et éducatifs des processus et des applications d’enseignement en ligne un cours en ligne pour lecteurs/formateurs dans l’enseignement supérieur ») a été développé dans le cadre d’un projet européen Minerva « ELISE ». La portée du programme de formation était la traduction d’un modèle de didactique constructiviste dans l’enseignement et la formation en ligne. Vingt professeurs ont participé à la première phase ; le cours a été proposé à trois autres instituts de Flandre d’un niveau d’enseignement plus élevé. La deuxième phase du programme s’adressera à plus de 60 lecteurs/formateurs.

L’enseignement en ligne pour les enseignants

La formation continue relève deux défis significatifs alors que nous entrons dans le XXIe siècle. Les techniques nouvelles d’enseignement, telles que l’enseignement des technologies appliquées, l’utilisation d’un tableau de bord électronique pour suivre le cheminement des étudiants, ou de l’enseignement des problèmes de base, sont présentés et mis en application par des corps d’enseignants (pour une vue générale des effets d’Internet sur l’éducation, voir, par exemple, [Brown 2002] ou [Siemens 2004]. Le second défi concerne le processus de formation en ligne lui-même. Dans le but d’atteindre une large audience, l’enseignement « à tout moment-en tout lieu » s’est investi dans des techniques et des pratiques d’enseignement collaboratif en ligne avec des résultats variables. [Zemsky 2004]

Cet article décrit la conception et l’exécution d’un programme intensif d’enseignement à distance de 8 semaines, en se focalisant sur la didactique de l’enseignement à distance (a), et les leçons enseignées (b). Le cours fonctionne entièrement en ligne, avec une option facultative de réunion en « face à face ».

Le principal défi quant à l’utilisation de l’enseignement à distance dans le processus éducatif, est d’assurer la transition méthodologique et pédagogique. « Si nous allons dans la mauvaise direction, la technologie nous distancera » [Haddad, 2002]. Si l’enseignant n’adopte pas une nouvelle façon de transmettre son savoir, et n’utilise pas simplement la technologie comme un outil complémentaire au cours traditionnel, la technologie aura des effets bénéfiques moindres. Ceci explique la connotation péjorative que l’enseignement à distance subit auprès des enseignants et des étudiants [Massy, 2002, Young, 2004].

La valeur ajoutée de l’enseignement basé sur une pratique de formation en ligne provient de l’expérimentation par les enseignants eux-mêmes d’un environnement de travail en groupe et d’apprentissage en ligne. La plupart des professeurs n’ont jamais testé cette méthode d’enseignement, et n’en ont donc pas pleinement apprécié les avantages, les risques ou les problèmes.

Elise, une femme aimable avec des intérêts Européens

E-Learning en formation continue en Europe – ELISE – est un projet fondé par EU-Minerva (09/2002 – 09/2005). Les partenaires associés à ce projet sont Vliebergh-Senciecentrum (Université catholique de Leuven) (Belgique), Fontys Hogescholen Tilburg (Pays-Bas), Université de Lodz (Pologne), Université d’Aberdeen (Royaume-Uni) et l’Université de Toulouse-Le Mirail (France) [ELISE 2004]. Les cours en ligne du projet ELISE autour de l’E-learning sont destinés aux enseignants de formation continue souhaitant acquérir la maîtrise des procédés pédagogiques et méthodologiques de l’e-Learning dans leurs pratiques quotidiennes d’enseignement.

Mundus Operandi – Essais

Le premier essai de cours en ligne ELISE a lieu en mars 2004 en Flandre. Les choix esthétiques retenus pour la conception du cours en ligne ont pour objectif de capter l’attention du public visé. Cet objectif a exigé l’utilisation d’un vocabulaire simple et informel, de fonctionnalités simples et d’une interface agréable et facile à utiliser (exemple : les pages aux contenus courts n’exigent pas le défilement, d’où une navigation facile). Le résultat est un cours en ligne d’environ 40 pages Web, composé d’un module d’introduction et de sept modules principaux. Chaque module est organisé en unités qui sont composées d’une Question Phare, d’une Unité d’Information et d’une activité d’apprentissage. Le cadre technique du programme de formation continue est volontairement simplifié. Un environnement d’apprentissage en ligne existant, Galatea, a été employé pour le contenu des modules. Nous utilisons une solution Forum en open-source (PHPBB) pour compléter cet environnement. Cet environnement simple et fléché a libéré l’expérience de mise en ligne des choix technologiques et d’une formation technique additionnelle destinée aux participants, concentrant exclusivement ces derniers sur le contenu éducatif, les réflexions sur la pédagogie, et la discussion. D’un autre côté, l’utilisation d’un système de gestion d’apprentissage plus avancé permettrait une plus grande sélection d’outils à inclure et d’un système de cheminement plus complet.

L’essai du cours en ligne ELISE a duré trois semaines avec deux réunions en face à face (une réunion de sélection et une réunion d’évaluation). Environ 25 professeurs ont participé. Ces derniers devaient très librement prendre en charge le cours selon leurs choix personnels. Ils pouvaient passer d’un module à l’autre et ils n’ont pas été obligés d’accomplir toutes les tâches. Bien que cet essai pilote n’ait pas répondu aux exigences d’un cours en ligne supervisé par des formateurs à l’e-Learning (e-tuteurs), l’évaluation générale était assez positive. En particulier, l’occasion de partager des expériences par rapport au forum a été fortement appréciée.

Première phase du projet de cours en ligne

De ce premier essai, les points suivants ont été retenus :

  • le contenu des modules a été restructuré, sensiblement modifié et réécrit pour proposer des applications plus appropriées, des exemples et des apports théoriques ;
  • deux e-tuteurs vérifient les acquis et soutiennent les apprenants ;
  • le cours a été prolongé de trois à huit semaines, en s’assurant que chaque semaine, un module est soumis à une discussion entre les différents apprenants.
  • un cheminement strict a été imposé : chaque semaine, un module est traité, en fixant des limites hebdomadaires quant à leur évaluation individuelle et à leurs retours ;

En outre, les deux e-tuteurs de cette première phase étaient des participants à l’essai. Cette approche induit que ces derniers prennent conscience des limites et des opportunités du cours en ligne – de l’apprenant aux co-instructeurs et aux co-concepteurs, supervisée et encadrée étroitement par les partenaires du projet ELISE.

Le contenu des modules a été écrit par une équipe multidisciplinaire travaillant dans une perspective plus large que l’enseignement supérieur : des universités aux instituts de formation des enseignants, de la formation de sage-femmes aux formateurs-experts en nouvelles technologies, et des architectes aux étudiants en linguistique… Cette approche multidisciplinaire a donné lieu à des contenus de modules qui offrent une vision transversale de tous les aspects assimilant les méthodes et la philosophie de l’enseignement à distance moderne, mais a mis en évidence des rapports contradictoires entre chaque module, reflétant les commentaires personnels et les attentes des divers auteurs. Ceci n’est pas perçu comme une contradiction, mais a plutôt provoqué des échanges constructifs. Cette approche multidisciplinaire permet également aux participants d’appréhender ces expériences sous un angle différent, et par conséquent de discuter des applications plus génériques de l’e-Learning.

Au cours d’une première réunion sélective en face à face, les instructeurs et la plupart des participants se sont rencontrés, assurant un départ efficace du cours. Une telle rencontre en face à face permet aux étudiants de surmonter leur crainte naturelle de la signalisation dans un forum numérique peu familier [Lynch2002].

Expériences

Vingt professeurs ont participé à la première phase complète des cours (automne 2004). Comme il est mentionné plus haut, ce groupe est composé de personnes provenant d’une grande variété de secteurs et de milieux. Cette variété a rendu l’expérience beaucoup plus intéressante pour ces professeurs, parce qu’ils ont été confrontés à des points de vue contradictoires et des avis diamétralement différents quant à l’exécution de l’e-Learning (enseignements dans différentes perspectives). Le cours a fonctionné à partir d’octobre jusqu’à décembre 2004 (8+1 semaines). En semaine 4, une coupure à mi-parcours a été insérée. Pendant chaque module, il a été demandé aux participants d’étudier les outils d’apprentissage, de lire (une partie de) les textes correspondant aux retours, et de poser une réflexion sur les tâches à effectuer. Il leur a également été demandé de lire les textes de leurs collègues, et de fournir un bilan avant la fin de la semaine (apprentissages des acquis).

L’expérience, pour les deux e-tuteurs et pour les participants, a été une réussite. La participation des professeurs était remarquablement importante, ce qui était inattendue en raison de la grande variété de leurs milieux, de leurs intérêts et leurs qualifications en nouvelles technologies. Sur les 20 participants, 17 ont obtenu le certificat de participation réussie.

Le forum de discussion a été employé intensivement par les participants. Ainsi, 70 messages de discussion ont été signalés chaque semaine, assurant un forum animé mais quelque peu agité. Les participants ont clairement évalué ce format, mais ils se sont par ailleurs plaints quant au facteur temps de consultation de cette méthode d’enseignement. L’attribution hebdomadaire de 2 heures n’a pas convenu, ils l’ont écrit dans leurs commentaires d’évaluation, pour surveiller superficiellement le forum. Les enseignants ont indiqué qu’ils avaient passé presque 4 heures chaque semaine pour lire les cours, pour signaler leur travail, et pour fournir les acquis à leurs collègues.

Sur le schéma 1, le nombre de messages individuels est indiqué pour chaque module. Le nombre de connections (idéalement une par semaine par participant), de messages de retours (idéalement deux par semaine par participant) et de messages de retours des e-tuteurs reflète clairement l’activité intensive du forum dans tout le cours. Les e-tuteurs ont assuré l’animation du cours en envoyant un nombre très élevé de messages et en fournissant la correction immédiate à la première activité de forum. Cet entraînement initial intensif a assuré un départ fluide du programme. On peut clairement observer que l’engagement au cours est graduel tout au long du programme intensif mais se poursuit au cours des huit modules. Il reste clair, cependant, que l’engagement minimum (c’est-à-dire au moins une tâche par semaine) est encore d’actualité, même après huit semaines. Les messages de retours des autres participants, diminuent toutefois de manière plus significative. En outre, le huitième module (qui est facultatif, et à caractère plus technique) n’est pas étudié et n’est pas discuté avec autant d’importance que les autres modules (obligatoires), bien qu’un grand nombre de participants ait néanmoins soumis un message de participation.

Schéma 1. Illustration du nombre (transfert, rétroaction, ou e-tuteurs) de connections pour chaque module traité, et temps associé que les deux e-tuteurs associés ont passé pour produire des messages de retour et finaliser le contenu.

Le temps que les deux e-tuteurs ont consacré au tutorat du cours en ligne, étaient entre 3 et 4 heures par semaine par instructeur, comme on peut l’observer dans la fig.1. Ce temps n’inclut pas les procédures administratives (l’inscription, par exemple.) mais prend en compte (certainement pendant les premières semaines) le soutien technique des étudiants (helpdesk, problèmes de log-on…). Les moments de pointe  avaient lieu en semaine 1, pendant le module 1, quand les deux tuteurs, au regard du manque de participation, ont assuré un débit important, en signalant une quantité probablement exagérée de retours, et pendant la semaine 4, quand les documents de cours pour les modules 5 à 8 ont été menés à terme.

Pas la technologie mais le peuple

Un équilibre entre objectifs, contenu, activités d’apprentissage, technologie, entraînement et réalisation de cours fait du cours en ligne ELISE un succès pour tous les participants. Le groupe d’apprenants, bien que très divers, a été étonnamment efficace en se soutenant et en partageant des pratiques intéressantes : les professeurs ont rapidement participé à tous les forum, et n’ont pas montré une quelconque gêne initiale significative. Nous n’avons pas observé la formation de sous-groupes dans les forums.

Le format du cours a été également très apprécié : bien qu’un chemin d’apprentissage strict ait été présenté (quant au temps et au contenu), les participants étaient libres – dans un délai d’une semaine – pour travailler à leur propre rythme. Le rythme strict n’a pas été considéré comme problématique, bien que plusieurs professeurs se soient plaints au sujet de l’intensité du cours et du travail hebdomadaire à fournir. Tous les participants ont convenu qu’un cours semblable, avec les mêmes objectifs, le même contenu et un partage comparable de pratiques individuelles intéressantes, dans un format face à face de salle de classe, exigerait une quantité de temps considérable qui ne peut être libérée sur une base hebdomadaire.

Nous attribuons le succès remarquable du programme de formation à plusieurs facteurs :

  • le cours a été sensiblement structuré quant au temps (périodes de départ et terminales claires pour chaque module, et dates-limites pour des messages de transfert et d’évaluation). Les participants et les e-tuteurs se rendaient à tout moment compte du « Quoi », « Quand », « Pourquoi » et les conséquences d’évaluation. La communication, les chargements et les procédures d’écriture faisaient partie du cours ;
  • l’évaluation de la participation des enseignants a été clairement transmise à ces derniers. Les participants ont reçu un certificat formel de réussite à leur formation continue, mais seulement quand ils avaient rempli les conditions ;
  • les auteurs et l’équipe de formateurs à l’e-Learning avaient déjà participé à l’essai du cours. Ces derniers se sont assurés ainsi que mes leçons avaient été apprises, et les mêmes erreurs n’ont pas été commises deux fois ;
  • la grande variété parmi les auteurs et les tuteurs a permis que les différents aspects de l’e-Learning aient été traités, et que les participants aient été confrontés à une grande variété de contenu, de transferts et de retours.

Nous pouvons sans risque conclure que le facteur principal de succès du cours en ligne n’était pas le contenu (qui peut être facilement étudié individuellement à son propre rythme), ni la technologie ou le format, mais plutôt le groupe d’apprenants lui-même, qui était étonnamment motivé et dont les participants se soutenaient mutuellement.

Leçons retenues

Deux experts externes (Stijn Van Achter et Koen Vanmeerbeek, Onderwijs Service Centrum (V.U.Brussel)) ont été contactés pour être les experts critiques externes du cours en ligne. Basé sur leurs résultats, et l’évaluation des participants, plusieurs changements mineurs seront faits au format et au cours pour la prochaine phase ce printemps (Février-Mars 2005) :

  • le temps d’apprentissage hebdomadaire suggéré pour les participants a été augmenté de deux à quatre heures, afin de donner une évaluation plus réaliste de la charge de travail exigée ;
  • le nombre de participants par groupe d’apprenants sera limité à 15. Nous avons observé que l’«agitation» du forum initial était attribué en grande partie attribué au groupe important en nombre (20 participants initiaux), chaque participant signalant un ou plusieurs messages d’introduction – rendant la phase du « finir par se faire connaître » problématique pour certains ;
  • la nature des tâches hebdomadaires sera transformée afin de contenir plus de variation. Le travail d’équipe et la conception d’instruction deviendront plus importants ;
  • une session de « chat » à mi-parcours sera présentée afin de renforcer plus encore le groupe d’apprenants.

Conclusions et perspectives

En raison de l’évaluation remarquablement positive de ce cours en ligne sur l’e-Learning, par les e-tuteurs, les enseignants participants et les partenaires du projet d’ELISE, il a été décidé de le poursuivre en augmentant graduellement la portée du programme. Une campagne plus élaborée de publicité a eu pour conséquence la participation de plus de 60 professeurs dans le prochain cours (au printemps 2005). En outre, le cours en ligne a été mis en relation (actuellement) avec trois instituts pour un enseignement supérieur en Flandre souhaitant adopter le cours dans leurs propres programmes de formation de conférencier.

Nous pouvons conclure que le projet ELISE a eu comme conséquence la formation d’un réseau interdisciplinaire pour les spécialistes et les formateurs à l’e-Learning en Flandre. Nous étudions actuellement les possibilités pour augmenter ce réseau à un groupe d’-Learning plus formel de soutien dans l’ensemble de la Flandre. Nous pouvons également conclure que le cours en ligne d’ELISE est parvenu à trouver un équilibre entre un contenu d’intérêt, professionnel et expérimenté intéressant dans le tutorat, et un forum actif et riche en contenu de discussion.

Les auteurs souhaitent remercier les professeurs de cours en ligne (e-professeurs) pour leur participation enthousiaste, les auteurs de module de contenu pour leur expérience didactique, et Stijn Van Achter et Koen Vanmeerbeek (Onderwijs Service Centrum, V.U.Brussel) pour leur évaluation critique remarquable.

References

[Brown2002] J.S. BROWN (2002) Growing up digital, USDLA Journal 16 (2)

http://www.usdla.org/html/journal/FEB02_Issue/article01.html

[Siemens2004] G. SIEMENS (2004) Connectivism – a learning theory for the digital age

http://www.elearnspace.org/Articles/connectivism.htm

[Zemsky2004] R. ZEMSKY AND W.F. MASSY (2004) Thwarted Innovation – what happened to e-learning and why

http://www.irhe.upenn.edu/WeatherStation.html

[Haddad2002] W. HADDAD AND A. DRAXLER (2002) Technologies for education: potentials, parameters and prospects,

UNESCO – education sector

http://www.eldis.org/static/DOC10460.htm

[Massy2002] J. MASSY (2002) Quality and eLearning in Europe survey report, Bizmedia

http://www.elearningage.co.uk/docs/qualitysummary.pdf

[Young2004] G. YOUNG (2004) When good technology means bad teaching, The Chronicle of Higher Education

http://www.furl.net/

[Elise2004] E-learning for in-service teacher training; http://www.elise-edu.org

[Galatea] http://www.galatea.be/about.htm

[Lynch2002] M. LYNCH (2002) The online educator : a guide to creating the virtual classroom, Falmer Press

Résumé : L’introduction des nouvelles technologies et des nouveaux systèmes d’information et de communication, combinée à des environnements d’enseignement et d’apprentissage plus actifs et plus sociaux, a eu des influences significatives sur les pratiques traditionnelles d’enseignement. La formation continue relève le défi de l’adaptation à ces nouvelles tendances, et de la transformation des cours traditionnels en « face à face », pour se diriger vers un apprentissage plus interactif utilisant des technologies d’enseignement novatrices (rendre possible la formation continue « à tout moment-en tout   lieu »).

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