Tiphaine Larroque
Docteur en histoire de l’art contemporain, laboratoires ARCHE (Arts, civilisation et histoire de l’Europe) et ACCRA (Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques), Université de Strasbourg
tiphaine.larroque0@laposte.net

Pour citer cet article : Larroque, Tiphaine, « Déterritorialisation d’une expédition en Antarctique : A Journey That Wasn’t (2005-06) de Pierre Huyghe. », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°7 « Territoire et intermédialité », automne 2016, mis en ligne en 2016, disponible sur <https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2018/01/09/la-ville-contemp…ite-au-generique/>.

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Résumé

Au moyen de la mise en œuvre de protocoles de création, l’artiste Pierre Huyghe travaille sur la double nature – l’effectif et le potentiel – des fictions réalisées ou des réalités fictionnalisées. Il insère des paramètres au sein de conjonctures sociales ou artistiques pour intensifier la réalité qui engendre alors des développements intermédiaux. Ainsi, l’œuvre A Journey That Wasn’t est relative à une rumeur portant sur l’existence d’une créature unique vivant sur une île non cartographiée. Pierre Huyghe, qui en est peut-être à l’origine, a décidé d’entreprendre une expédition en Antarctique afin de vérifier sa véracité. L’œuvre se déroule en trois étapes en 2005 et 2006 : un voyage de sept artistes en Antarctique dont témoignent notamment des photographies et un récit collectif, un spectacle musical à New York puis un film et une installation qui ont été présentés dans l’exposition Celebration Park. Ces réalisations narrent le même scénario qui ne donne jamais lieu à une histoire conclue selon le modèle du roman inachevé Les aventures d’Arthur Gordon Pym (1838) d’Edgar Allan Poe. Pour ce faire, Pierre Huyghe a déterritorialisé son expédition au pôle Sud afin d’en créer des équivalents au sein d’autres contextes. Néanmoins, le principe d’équivalence induit, à la différence des déplacements et des décontextualisations, une adaptation des éléments à leur nouvel environnement. Les différences et les variations de l’idée initiale, lorsqu’elle se déploie dans le réel selon diverses modalités de visibilité et d’énonciation, sont ainsi révélées. En outre, l’œuvre temporalisée A Journey That Wasn’t donne lieu à des créations périphériques non nécessairement réalisées par l’artiste et interpelle ou intègre des réalités qui lui sont préexistantes. Elle est donc intermédiale, temporalisée et rhizomatique. L’examen de cette œuvre et de ses filiations internes et externes permet de l’envisager comme une forme renouvelée du carnet de voyage.

Mots-clés : intermédialité – scénario – déterritorialisation – équivalents – zone de non-savoir – voyage – collaboration

Abstract

Through the implementation of creation’s protocols, the artist Pierre Huyghe works on the double nature – actual and potential – of fictions realized or reality fictionnalized. He inserts some parameters into social or artistic circumstances in order to intensify the reality, which then beget intermedial developments. In this way, the work of art “A Journey That Wasn’t” is related to a rumour on the existence of an unique creature living on an uncharted island. Pierre Huyghe, who is possibly at the origin of the rumour, decided to undertake an expedition to Antartic in order to verify its veracity. The work takes place in three stages between 2005 and 2006 : the journey of seven artists to Antartic whose testify by some photographs and a collective story written, a musical show in New York, then an installation produced by architects and a film presented in the exhibition titled “Celebration Park”. Those achievements narrate the same scenario which never leads to a story concluded according to the pattern of the Edgar Allan Poe’s unfinished novel “The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket” (1838). To do this, Pierre Huyghe has deterritorialized his expedition to South Pole in order to create equivalents into other contexts. Nevertheless, the equivalent’s principle leads to an adaptation of the elements to their new environment, unlike the displacements and the decontextualizations. When they deploy in the reality according to various terms of visibility and enunciation’s stuctures, the differences and variations from the initial idea are revealed. In addition, the temporal work “A Journey That Wasn’t”, results in not necessarily devices creations by the artist, and it calls out or incorporates pre-existing realities. This work of art is therefore intermedial, temporal and rhizomatic. The examination of the work and of its internal and external filiations allows to consider it as a new form of travel book.

Keywords: intermediality – scenario – deterritorialization – equivalent – unknown zone – journey – collaboration


Sommaire

Œuvre intermédiale : processus de déterritorialisation pour créer des équivalents et des zones de non-savoir
Œuvre rhizomatique : généalogie de l’œuvre et créations connexes pour une forme collective de carnet de voyage
Notes
Bibliographie

 

L’œuvre A Journey That Wasn’t (2005-6) de Pierre Huyghe consiste à créer des équivalents d’un même scénario, pouvant être qualifié d’hypothèse et de rumeur, au sein de plusieurs systèmes de visibilité ou modes d’intelligibilité. Ces derniers ne sont pas clos mais ils ouvrent sur d’autres réalités connexes appartenant à la sphère artistique et culturelle notamment au moyen de la production de zones de non-savoir.

Pierre Huyghe manipule divers supports de création (affiches, photographies, interventions publiques, réseau télévisé, images en mouvement, installations vidéo, enregistrements sonores, expositions, association, etc.) selon une optique qui s’écarte de la perspective moderniste car il ne cherche pas à explorer les spécificités des médiums. Il s’intéresse différemment aux processus d’interprétation en intervenant au niveau des formes de visibilité et des modes d’intelligibilité qui déterminent ses œuvres et leurs effets dans le réel. Pour la réalisation de A Journey That Wasn’t, un même scénario, inspiré du roman inachevé Les aventures d’Arthur Gordon Pym (1838) d’Edgar Allan Poe, est matérialisé sous trois formats1 différents que l’on peut comprendre comme des contextes circonstanciels régis par des ordonnancements singuliers dans lesquels les objets et les événements prennent place. Ainsi, l’histoire2 d’une expédition maritime en Antarctique – dont le but est de découvrir le territoire d’une île non cartographiée et non nommée sur lequel vivrait une créature blanche, unique et solitaire qui s’avère être un pingouin albinos – se développe dans trois lieux, à trois moments distincts, et par voie de conséquence selon différents protocoles : un voyage au pôle Sud, étayé par des témoignages3, a été entrepris en février-mars 2005 par Pierre Huyghe et six autres artistes4 ; un spectacle musical, Double Negative, s’est tenu en octobre 2005 dans la patinoire de Central Park à New York ; et une installation5 accompagnée d’un film a été présentée dans le cadre de l’exposition Celebration Park accueillie en 2006 au Musée d’art moderne de la ville de Paris puis à la Tate Modern de Londres. Le processus de création de cette œuvre intermédiale et temporalisée trouve une connivence avec la déterritorialisation repérée par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans le capitalisme. Selon un système de relations horizontales, il opère des connexions discursives non seulement entre les trois concrétisations du scénario mais aussi avec des productions parallèles ainsi qu’avec des réalités culturelles et artistiques préexistantes. L’examen des trois matérialisations du scénario, en tant qu’équivalents, puis de leurs relations avec leur extériorité permettra de saisir le processus de déterritorialisation, mis en œuvre par Pierre Huyghe et ses collaborateurs, comme étant « capable de créer (…) une nouvelle terre »6 et d’envisager A Journey That Wasn’t comme l’esquisse d’une forme inédite de carnet de voyage collectif, intermédial et rhizomatique.

Œuvre intermédiale : processus de déterritorialisation pour créer des équivalents et des zones de non-savoir7

L’équation entre les trois matérialisations du scénario implique un développement commun qui est toutefois adapté aux différents formats. Si les mêmes éléments se retrouvent d’un site à l’autre, leurs manifestations se traduisent par des révisions. Par exemple, la topographie de l’île non cartographiée recherchée par Pierre Huyghe a été relevée pendant l’expédition en Antarctique. Puis, elle a fait l’objet d’une modélisation et a été transcrite en séquences de sons et de lumières grâce à une machine spécialement conçue à cet effet. Lors du spectacle dans la patinoire de Central Park, une partition instrumentale, composée par Joshua Cody à partir des marquages de données correspondant au relief, a été jouée en direct par un orchestre symphonique. La formule verbale « l’orchestre “joue” la forme de l’île » 8 employée par Pierre Huyghe accrédite l’équivalence entre la morphologie de l’île et la composition musicale. Pour autant, la partition n’est pas une transcription mais une transposition de la topographie. Le compositeur ne s’est pas borné à suivre rigoureusement un système codifié de notation qui aurait certes reproduit la forme de l’île mais qui aurait, en contrepartie, perdu en pertinence au sein de son contexte new-yorkais. Conformément à la démarche de Pierre Huyghe qui souhaite produire « des contes capitalistes avec des moyens ludiques et durs, directs et poétiques »9, il a cherché à créer un équivalent en procédant à un ajustement devant permettre à la résonance de l’île, existant positivement en Antarctique, de prendre place dans la patinoire de New-York10. La fonction de ce nouvel environnement s’avère être analogue à celle d’une axiomatique telle qu’elle est conçue par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans la mesure où le processus de transposition relève d’un mouvement de déterritorialisation et de reterritorialisation que le capitalisme ne cesse d’opérer. Les philosophes expliquent que la reterritorialisation s’effectue au moyen d’une axiomatique11 c’est-à-dire d’un « système de rapports qui représentent une activité subjective en tant que telle, une activité fondamentalement déterritorialisée. »12 Dans le processus de création de A Journey That Wasn’t, les données objectives de la topographie de l’île, codée par les relevés sur le terrain, sont décodées et déterritorialisés pour être saisie temporairement par une axiomatique, en l’occurrence par une interprétation subjective de l’organisation du divertissement qu’est la patinoire de New-York. Si Pierre Huyghe a investi Central Park en tant qu’équivalent local du site polaire car cet endroit a été conçu au XIXe siècle par Frederick Law Olmsted et Calvert Vaux comme une évocation du sauvage américain au sein de Manhattan, il a conçu le spectacle comme un double négatif du voyage13 : la piste de la patinoire a été obscurcie par une bâche en plastique noire puis recouverte d’eau ; l’usage de projecteurs a permis de transposer l’atmosphère blanc bleuté du site naturel et sublime du pôle Sud en une ambiance artificielle jaune orangé d’un emplacement théâtral ; et le déploiement de moyens techniques inscrit la représentation musicale dans le registre du spectaculaire et du divertissement couramment mis en œuvre aux États-Unis et caractéristique de la culture de masse. Dans ce contexte, la topographie de l’île devient un rocher brillant en mousse de polystyrène fabriqué dans un atelier du chantier naval de New-York. De façon analogue, en 2006, lors de la troisième matérialisation du scénario de A Journey That Wasn’t, la topographie de l’île a été muséifiée sous la forme de l’installation Terra Incognita / Isla Ociosidad (2006) dans l’exposition Celebration Park. Conçue par les architectes de la société R&Sie(ⁿ) et Julien Blervaque, celle-ci est une structure métallique qui « reprend le principe d’émergence de l’île, en évoquant son relief »14. Au côté d’un pingouin blanc légèrement animé, son graphique rythmique correspond aux fréquences de sons des marquages de la topographie de l’île et par conséquent à la partition de la musique orchestrale interprétée à New-York. Dans le film A Journey That Wasn’t diffusé dans la même salle, le territoire non cartographié apparaît sous ses deux aspects : celui en Antarctique et celui de New York. À la fin de l’œuvre audiovisuelle, une lumière émane de derrière le rocher artificiel disposé sur la patinoire. Celui-ci entame une rotation alors que ses contours deviennent des traits lumineux. Ce visuel s’apparente à un diagramme, à un schéma et l’île tend à devenir l’image d’elle-même. Passant d’une matérialisation à l’autre, c’est-à-dire d’un équivalent à l’autre, l’île se fait flux décodé et le mouvement de déterritorialisation tend lui-même à créer un nouveau territoire. Ce dernier se définit, non plus par l’établissement de frontières fixes, mais par les cohésions et les différentiels entre les équivalents ainsi que par son aptitude à se connecter à des réalités qui lui sont extérieures. Dans cette optique, l’œuvre A Journey That Wasn’t semble plaider en faveur d’une réponse positive à la question que pose Gilles Deleuze à savoir :

est-ce que le processus de déterritorialisation comme tel, et pas en tant qu’il se fait reterritorialiser de manière factice ou artificielle dans le capitalisme, est capable de créer soit une nouvelle terre, soit quelque chose d’équivalent à une nouvelle terre ?15

Les propos de l’artiste viennent soutenir cette interprétation de l’œuvre comme phénomène de déterritorialisation : « C’est moins l’objet qui m’intéresse que ses conditions et sa réception, son trajet, son carnet de bord, la chaîne des événements qu’il traverse. »16

Selon cet intérêt pour les trajectoires, Pierre Huyghe et ses collaborateurs mettent en œuvre une déterritorialisation de signes. Par exemple, le signe du territoire qu’est l’île du pôle Sud passe sous la domination de ses différents signifiants. Il est non codifié, déterritorialisé, et donc non identifiables en lui-même, c’est-à-dire de façon fixe et définitive, mais différemment il est saisissable par ses flux différentiels : il subit des variations en s’assimilant à un paysage d’ailleurs, à une topographie lointaine, à une séquence de lumière, à une musique orchestrale, à un relief artificiel, à une structure métallique ou à un diagramme. Dans A Journey That Wasn’t, la créature unique recherchée s’avère elle aussi être un signe déterritorialisé indiquant, pour sa part, l’identité. À l’instar de cette créature, un personnage non individualisé et donc non codé avait déjà fait l’objet d’une œuvre évolutive et collective. Acheté en 1999 par l’artiste et Philippe Parreno à une société japonaise de dessin de manga, le personnage d’Ann Lee ne possède pas d’identité. Il est mis à la disposition d’artistes qui ont imaginé, pour lui, plusieurs récits et environnements17, c’est-à-dire des axiomatiques. Similairement, le pingouin albinos demeure non identifiable et relève, en cela, d’un terrain inconnu de façon analogue à l’île inexplorée. Ces zones de non-savoir autorisent l’éventualité d’une coexistence de faits et de spéculations. Elles sont aptes à recueillir des réalités créées, des signifiants fluctuants et aussi à les propager dans d’autres milieux. En 2002, Pierre Huyghe commente sa démarche relative au personnage de manga :

Les personnages ont des droits. Snoopy a des droits. Parce qu’ils sont identifiables : ils ont un corps et une personnalité, ils prennent vie, si on peut dire. S’ils veulent conserver leur statut, ils sont enfermés dans une forme. Cette forme définit un territoire que l’auteur protège ; ce sont des icônes vouées à la répétition. Ann Lee, ce personnage, a dit “non”, et n’a donc pas d’identification spécifique. Ce n’est pas tant la forme mais le signe qui importe, et c’est notamment ce déplacement qui nous intéresse.18

Le relief non cartographié et le pingouin albinos trouvent donc une affinité avec les signes déterritorialisés car, tels des flux non codifiables, ils ne sont pas durablement et objectivement reterritorialisés grâce à la création de zones de non-savoir qui empêchent l’interruption de leur migration et qui contiennent leur prochaine matérialisation. Le public du spectacle, par exemple, a été filmé afin d’être ultérieurement inclus dans le montage du film19 destiné à être présenté dans l’exposition Celebration Park. Pierre Huyghe explique à ce propos que le spectacle musical était moins un événement que la visibilité ou l’exposition du tournage d’un événement20. Les spectateurs ont donc simultanément pris part à la matérialisation new-yorkaise du scénario et, de façon prospective, au film. En accord avec le principe d’équivalence, le mouvement inverse à cette structure par étapes chronologiques peut être observé. En effet, les témoignages du public de New-York, qui participent à l’œuvre tels des échos de l’événement, rejoignent la rumeur autour de l’existence incertaine de la créature unique et l’expérience du voyage en Antarctique : les spectateurs se sont demandés s’ils ont vu ou non l’animal sur la piste largement voilée par des fumigènes21. Ce phénomène opère une réversion du développement de A Journey That Wasn’t puisque la rumeur a occasionné l’expédition polaire et une hypothétique rencontre avec un pingouin qui redeviennent elles-mêmes une rumeur. Non seulement la progression de l’œuvre suit l’écoulement du temps mais elle remonte aussi les étapes vers l’hypothèse. Cette observation correspond à l’intérêt de Pierre Huyghe pour les projets sans résolution, les objets présentant une idée de retour et de recommencement22, pour les connexions, voire les interférences, entre les différents systèmes de visibilité. L’artiste le formulait déjà en 2002 :

C’est un décadrage qui s’opère autour de l’objet et de ses modes d’énonciation. Ainsi ce qui est en amont de l’œuvre achevée va devenir un enjeu. Cela induit d’autres formes de relations sociales et une redéfinition du terme “exposition”.23

Les sortes de décadrages qu’opèrent les trois matérialisations du scénario (voyage, spectacle, exposition) relèvent d’un processus de déterritorialisation plutôt que de représentation24, de remplacement25 ou encore de déplacement. Pierre Huyghe affirme d’ailleurs son incrédulité vis-à-vis de la possibilité de déplacer tel quel l’ailleurs :

Je suis intéressé par la traduction et le mouvement et la subversion d’un monde à l’autre. J’ai des doutes sur l’exotisme, sur la fascination de ramener un “ailleurs” ici, croyant que le “là-bas” est l’“ici”. L’ailleurs reste toujours une histoire : pour la rapporter, tu dois créer un équivalent.26

Les équivalents doivent aussi être distingués des décontextualisations qui sont des déplacements d’objets ou d’idées d’un endroit à un autre sans être acclimatés à leur nouveau milieu c’est-à-dire sans entretenir de liaison avec lui. Dans ce cas de figure, ce serait l’inadéquation entre l’objet déplacé et son contexte qui produit de nouvelles significations et de la pensée. Or, pour Pierre Huyghe, ramener quelque chose d’un ailleurs est vain puisque ce dernier perd sa nature une fois retiré de son contexte. Dès 2002, l’artiste s’était exprimé à ce sujet :

Il y a une histoire de la conquête de l’ailleurs, de ce qui nous est étranger, et il y a une domestication au moment où on enlève cette chose du territoire auquel elle appartient, ou plutôt du paysage, le territoire étant un concept plus juridique ou philosophique. Ça se retrouve aussi dans la question du savoir. (…) Il y a des intensités et différents états de perception qui sont contraints par des formes de langage. Les formes de langage sont souvent autoritaires, on ne peut pas échapper à ce pouvoir en produisant un autre langage parce que très vite, il devient lui-même une langue de pouvoir. Il faut jouer avec la langue, subvertir les récits. Le savoir sauvage est toujours ailleurs, il est trop diffus pour en faire une image, donc incadrable, hors d’atteinte des appareils de perception.27

Pour ne pas enfermer l’ailleurs et l’histoire de l’expédition maritime en Antarctique au sein d’un code ou même d’une axiomatique, Pierre Huyghe semble activer un processus de déterritorialisation au moyen de la création de zones de non-savoir qui sont du savoir non domestiqué apte à générer de l’inconnu c’est-à-dire des réalités inexplorées et non codées. Chacun des équivalents reste ouvert à des possibles, potentiellement impulsés par d’autres personnalités que l’artiste, selon le modèle du roman inachevé d’Edgar Allan Poe qui a donné lieu à un nouveau récit, Le Sphinx des glaces (1897), rédigé par Jules Verne.

Œuvre rhizomatique : généalogie de l’œuvre et créations connexes pour une forme collective de carnet de voyage

S’étalant sur plus d’un an et demi et exploitant subjectivement plusieurs systèmes de visibilité, l’œuvre A Journey That Wasn’t renvoie à des réalités préexistantes ou contemporaines qui appartiennent au monde culturel et artistique. Le voyage en Antarctique, qui est la première concrétisation de l’hypothèse de l’existence d’une île non cartographiée et d’une créature unique, établit d’emblée un rapport de causalité avec le réel. Bien que Pierre Huyghe en soit peut-être à l’origine, la rumeur est étayée par un constat qui la rend plausible, à savoir le réchauffement de la planète qui modifie le paysage polaire et engendre de nouveaux écosystèmes. Les conditions d’apparition de narrations ainsi installées dans le réel28, il s’agissait alors d’aller vérifier leurs existences sur place et de produire des témoignages de l’expédition. Pour ce faire, Pierre Huyghe a sollicité des collaborations temporaires qu’il distingue d’une union durable de personnalités. Il s’est tourné vers la société Ado SARL qui met à disposition un bateau historique, le Tara, dans l’optique de susciter une prise de conscience des dangers écologiques encourus par la planète. Il a encore fait appel au groupe d’artistes new-yorkais AKAirways29 pour réaliser un dispositif expérimental, une « station d’interview pour pingouin »30 destinée à attirer la créature mystérieuse. Parallèlement à ces connexions avec la réalité culturelle et artistique, A Journey That Wasn’t s’affilie aux créations de Pierre Huyghe. Ce dernier fait remonter la généalogie en 1995 lors de la création de l’A.T.L (Association des temps libérés)31 dont la vocation était d’« ouvrir sur d’autres formats les protocoles de l’exposition »32. « L’aspect exploratoire et collectif de l’Association »33 caractérise aussi l’exposition Extended Holidays à l’École Municipale des Beaux-arts de Châteauroux en 1996. À cette occasion, Pierre Huyghe a emmené les visiteurs en voyage dans le but de « suspendre la résolution d’une idée »34 et de déplacer les spectateurs d’une exposition en amont dans la chaîne de production. Ainsi, ce procédé rejoint A Journey That Wasn’t non seulement sur le plan de la déstabilisation des formats mais aussi au niveau du caractère révolutif de l’intervention artistique. A Journey That Wasn’t trouve encore un lien étroit avec une autre des expositions de l’artiste intitulée L’expédition scintillante. A Musical qui s’est tenue en 2002 au Kunsthaus de Bregenz en Autriche. Les analogies sont assez nombreuses pour que cette dernière puisse être perçue comme une première version possible, bien qu’autonome, de l’œuvre ici examinée35. Pour l’exposition de Bergenz, le scénario, d’ores et déjà conçu à partir du roman Les aventures d’Arthur Gordon Pym, s’appréhendait dans la durée de la visite. Les trois étages du bâtiment étaient à la fois des équivalents et des étapes du scénario à l’instar des matérialisations de A journey That Wasn’t. Correspondant à l’hypothèse d’un ailleurs et au déplacement, le premier étage accueillait un bateau de glace, un documentaire sur les pingouins quasi abstrait et une reproduction des changements climatiques décrits par Edgar Allan Poe, changements qui correspondent aussi à ceux éprouvés lors de l’expédition en Antarctique de 2005 dont le but était de découvrir une créature fabuleuse. Le deuxième palier figurait la rencontre au moyen de fumigènes, de jeux de lumières et de la diffusion d’une réorchestration par Claude Debussy des morceaux Gnossiennes n°1 et Gymnopédies n°1 d’Erik Satie. Ces éléments s’apparentent au spectacle musical de New-York. Le dernier étage, accueillant une patinoire noire et un libretto, proposait à la fois une ouverture sur un futur développement du scénario et un résumé du cheminement de l’exposition et du voyage. Il rappelle alors le film qui combine des images des deux équivalents précédents (voyage et spectacle) et qui donne lieu à une installation.

Simultanément, ce réseau omnidirectionnel est déployé par le développement de l’œuvre temporalisée et intermédiale A Journey That Wasn’t grâce à ses connexions à d’autres réalisations non nécessairement signées par l’artiste. Par exemple, l’équipée initiée par Pierre Huyghe, en tant que matérialisation du scénario, visait à insérer des paramètres au sein de conjonctures sociales et du monde de l’art non seulement pour créer des équivalents du scénario dans des formats différents mais aussi pour favoriser d’autres productions collectives et individuelles. En cela, elle se distingue de la pratique du voyage qui permet à un artiste de s’immerger dans un environnement spécifique et d’y puiser des motifs, des couleurs et des lumières. Différemment, les réalisations collectives et individuelles découlant de l’expédition polaire l’éclairent sous des angles différents et la font exister dans plusieurs systèmes de visibilité. Non seulement elles se réfèrent au voyage en Antarctique, mais elles créent, dans le même temps et à la manière d’un rhizome, des intersections avec A Journey That Wans’t ou, indifféremment, avec des réalités qui lui sont extérieures. De la sorte, les photographies, envoyées au centre Tara Expéditions puis mises en ligne sur le site de l’organisme, témoignent du voyage et du film de Pierre Huyghe en train de se faire. Non signées et certainement prises par plusieurs artistes de l’équipage, elles entretiennent trois liens de nature différente : celui avec le centre Tara Expéditions en tant que documents pédagogiques prévus dans la mission assignée au bateau, celui avec le film en tant que making off et celui avec l’expédition polaire en tant qu’empreintes ou souvenirs. Elles accréditent le voyage dans plusieurs milieux à savoir dans le domaine scientifique et écologique du centre Tara Expéditions, dans la sphère de l’art et dans le champ plus intime, mais rendu public, de l’expérience du voyage. Ces photographies contribuent à composer un réseau de réalités connectées entre elles mais cependant dispersées dans différents systèmes de visibilité. Dans cette optique, le fonctionnement de ce réseau se présente comme une sorte de carnet de voyage intermédial et collectif qui trouve une affinité avec la notion de rhizome employée par Gilles Deleuze et Félix Guattari pour la rédaction de leur essai Mille plateaux :

à la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. (…) Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. Il constitue des multiplicités (…)36

Une autre de ces créations connectées à l’œuvre A Journey That Wasn’t de Pierre Huyghe consiste en un écrit, sous forme de récit de voyage collectif Intitulé El Diario Del Fin Del Mundo. A Journey That Wasn’t et signé par l’A.T.L. Publié dans la revue d’art Artforum en 2005, ce texte retrace les aventures de l’équipage. Il rejoint de façon évidente l’œuvre temporisée A Journey That Wasn’t en énonçant verbalement le principe de sa création :

Leur périple des artistes devait mener à la rencontre d’une île et les faire disparaître, produisant des zones de non-savoir qui auraient émergé partout où la capacité du langage à saisir la réalité s’achèverait. L’ailleurs reste une histoire, et le reste est de l’exotisme. Si le langage échoue à relater l’expérience, un équivalent, topographiquement identique à l’événement, doit être inventé.37

La connivence entre ces deux productions est également observable au niveau de l’intégration de références littéraires et de l’entrelacement de la fiction et du réel. Au cours du récit par exemple, les courants marins ont contraint les membres de l’équipage à laisser le bateau à la dérive. Les événements ont alors pris une tournure étrange : le trajet du voilier s’est avéré être un déplacement sur place et, à l’inverse, son immobilité a engendré un mouvement. Ce temps de l’expédition qui s’apparentait à un labyrinthe est rapporté par les auteurs au moyen d’une citation, morcelée et non référencée, extraite d’une œuvre littéraire préexistante à savoir Le jardin aux sentiers qui bifurquent (1944) de Jorge Luis Borges :

J’ai pensé à un labyrinthe de labyrinthes, à un sinueux labyrinthe grandissant qui se comprendrait dans le passé et le futur et qui impliquerait d’une certaine façon les étoiles… Le jardin aux sentiers qui bifurquent est un énorme jeu de devinettes, ou une parabole, dans laquelle le sujet est le temps… C’est une image incomplète qui n’est pourtant pas fausse.38

En dépit de ce caractère fantastique, le texte de l’A.T.L adopte une rhétorique de l’authenticité, un « topos de la transparence du discours de dire vrai »39. Comme la plupart des récits de voyages et notamment ceux de l’époque Romantique, il adhère au « principe de la vérité »40. L’introduction s’engage dans des réflexions liées à la narration d’une expérience et aux moyens d’obtenir un récit crédible. Le récit collectif renforce ainsi son lien avec le voyage effectivement réalisé, qui est un équivalent du scénario, depuis un organe de presse et parallèlement aux photographies fournies au centre Tara Expéditions. Les auteurs livrent deux possibilités pour rendre le récit véridique qu’ils affirment ne pas exploiter. La première voie passerait par la suppression de certains faits exceptionnels afin de rendre une histoire extraordinaire plus vraisemblable. La seconde solution consisterait à déguiser la vérité en fiction41. L’ambiguïté entre ce qui relève du fait (l’approche documentaire) et ce qui est relatif à la fiction (l’approche romanesque) est un problème auquel les récits de voyages ont été et sont encore confrontés42. Ces questions du témoignage et de la crédibilité sont d’ailleurs ouvertement mises en jeu dans Les aventures d’Arthur Gordon Pym dont l’introduction consiste en un avertissement signé par le héros de la fiction qui explique que son histoire est racontée en son nom par Edgard Allan Poe. Par ailleurs, elles établissent une connexion avec le journal de bord de l’artiste polonaise Aleksandra Mir43 qui, lui-aussi, entretient la confusion entre le réel et l’imaginaire, entre ses natures de document et d’invention artistique. Si le journal de bord, structuré chronologiquement et rédigé dans un style sommaire, mentionne bien les dimensions et les capacités du navire, la liste des passagers et des membres de l’équipage ainsi que l’itinéraire sous forme de courts chapitres, il se compose principalement de dessins, d’un glossaire des termes utilisés pour dénommer les différents aspects que peut prendre la glace ainsi que d’extraits de conversations subjectives, prosaïques ou extravagantes. Ainsi, les créations connexes à l’œuvre A Journey That Wasn’t composent une constellation de témoignages sous formes de photographies, de dessins et d’écrits dispersés dans le système de diffusion de la culture et de l’art contemporain. Bien qu’éparses et autonomes, elles se croisent, s’interpellent, se rejoignent. Étayées par les nombreuses références à la réalité culturelle et artistique, elles peuvent être envisagées comme une forme originale de carnet de voyage puisqu’elles se présentent comme autant de traces ou de preuves (factices ou falsifiées ?) du voyage en Antarctique.


Notes

1 – Terme couramment employé par Pierre Huyghe. Ex : « Je veux continuer à travailler à une certaine échelle ; et en ce sens-là je regarde vers des formats autres ». Pierre Huyghe, Richard Leydier, « Pierre Huyghe. A sentimental Journey », Art Press, n°322, avril 2006, p.30

2 – L’histoire désigne ici le « signifié ou contenu narratif ». Il s’agit de « la succession d’événements, réels ou fictifs, qui font l’objet du discours, et leur diverses relations d’enchaînement, d’opposition et de répétition, etc. » c’est-à-dire de l’« ensemble d’actions et de situations considérées en elles-mêmes, abstraction faite du médium, linguistique ou autre, qui nous en donne connaissance. » Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, « Poétique », 1972, p.7

3 – Des photographies et un récit de voyage collectifs Association des temps libérés (A.T.L), El Diario Del Fin Del Mundo. A Journey That Wasn’t, Artforum, vol.43, n°10, été 2005, p.297-301, le livre d’artiste de Xavier Veilhan Voyage en Antarctique, Paris, Bookstorming, 2006, le carnet de bord d’Alexandra Mir A Voyage Towards South Pole and Round The World, Ushuaia, Logbook, 2005, disponible en pdf sur le site de l’artiste.

4 – Jay Chung, Francesca Grassi, Q Takeki Maeda, Aleksandra Mir, Xavier Veilhan, Maryse Alberti.

5 – L’installation Terra Incognita / Isla Ociosidad a été réalisée par les architectes de la société R&Sie(ⁿ) (François Roche, Stéphanie Lavaux, Jean Navarro avec Camille Lacadee, Clarisse Labro) et le concepteur du script informatique Julien Blervaque.

6 – Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie 1 : L’Anti-Œdipe, Paris, Ed. de Minuit, « Critique », 1972, p.380

7 – Concept de Pierre Huyghe. Ex : Pierre Huyghe, Fabian Stech, « Pierre Huyghe ou l’artiste en tant qu’aventurier » (2002), dans Fabian Stech, J’ai parlé avec <Lavier, Annette Messager, Sylvie Fleury, Hirschhorn, Pierre Huyghe, Delvoye, D. G.-F., Hou Hanru, Sophie Calle, Ming, Sans, et Bourriaud, Dijon, Les Presses du réel, « Documents sur l’art », 2007, p.70

8 – Expression énoncée par la voix off du film A Journey That Wasn’t incluse dans l’œuvre éponyme ; reprise par Pierre Huyghe dans op. cit. Huyghe, Leydier, p.26

9 – Propos de Pierre Huyghe. op. cit. Huyghe, Leydier, p.28

10 – Joshua Cody parle d’impressions et de sa volonté de rendre compte de « l’esprit » de l’île. Joshua Cody, Pierre Huyghe, Elliott Sharp, « A Journey That Wasn’t : Pierre Huyghe and Joshua Cody » émission radiophonique en ligne, Art Radio, New York, PS1 Contemporary Art Center, Museum of Modern Art, 10 octobre 2005

11 – L’axiomatique se distingue du code notamment par sa nature subjective et par son système de saisie des flux, qui ne sont pas définis en eux-mêmes comme cela est le cas du code, mais qui sont rattachés les uns aux autres au moyen d’un système différentiel. Le code est une grille d’« objectivités sous-jacentes » alors que l’axiomatique « nous fait revenir sous forme de représentation subjective toutes les instances qui ont été détrônées comme objectités. ». Gilles Deleuze, cours à Vincennes sur L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux, 18/04/1972. La transcription du cours est consultable sur ce lien.

12Ibid.

13Pierre Huyghe, Cheryl Kaplan, « The Legend of Tow Islands: A conversation between Pierre Huyghe and Cheryl Kaplan », Deutsche Bank art-mag, n°31, octobre – novembre, 2005 consultable sur ce lien. La Deutsche Bank a participé au financement de A Journey That Wasn’t.

14 – Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, « Pierre Huyghe Celebration Park », Paris, [prospectus de l’exposition], 2006

15 – Gilles Deleuze, cours à Vincennes sur L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux, 25/01/1972. La transcription du cours est consultable sur ce lien.

16Op. cit. Huyghe, Stech, p.64

17 – Deux prologes, Two Minutes out of Time (2000) de Pierre Huyghe et Anywhere Out of the World (2000) de Philippe Parreno, et dix-sept épisodes d’Henri Barande, Angela Bulloch & Inke Wagener, François Curlet, Lili Fleury, Liam Gillick, Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Joseph & Mehdi Belhaj-Kacem, M/M Paris, Mélik Ghanian, Richard Phillips, Joe Scanlan, Rirkrit Tiravanija, Anna-Lena Vaney.

18Op. cit. Huyghe, Stech, p.69

19 – Public Art Fund, Whitney Museum, « Pierre Huyghe. A Journey That Wasn’t. A Central Park musical based on an adventure in Antarctica », New York, [communiqué de presse], 2005, p.2, consultable sur ce lien.

20Op. cit. Art Radio

21 – Elizabeth Schambelan rapporte ses doutes et ceux des spectateurs dans « Murk of the Penguin » article en ligne, Artforum, 2005 consultable sur ce lien.

22Op. cit. Huyghe, Kaplan 2005, n.p.

23Op. cit. Huyghe, Stech, p.66

24 – L’artiste a commenté son exposition Celebration Park : « Je voulais faire éprouver une situation « venue d’ailleurs » sans passer par la représentation, c’est une équivalence qu’il fallait trouver. Ce qui s’est joué à Central Park est équivalent à ce qui s’est produit en Antarctique ». Pierre Huyghe, Hans Ulrich Obrist, « Entretien avec Pierre Huyghe », dans Celebration Park, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris-Musées, 2006, p.124

25 – À la question de Claude Closky « Considérez-vous que transférer des objets dans des contextes nouveaux revient à les remplacer ? », Pierre Huyghe répond négativement. En revanche, à la question « Votre œuvre questionne-t-elle la manière dont les divers langages peuvent s’appliquer à une même réalité ? », l’artiste répond positivement. Claude Closky, Pierre Huyghe, « Oui ou non », Trouble, n°2, 2002, p.14 et p.16

26Op. cit. Huyghe, Kaplan, n.p. « I’m interested in translation and movement and corruption from one world to another. I have doubts about exotism, the fascination for bringing an “elswhere” here, believing that “there” is “here”. Elsewhere always remains a story: to bring it back, you have to create an equivalent. »

27Op. cit. Huyghe, Stech, p.64-65

28 – Pierre Huyghe explique : « Au départ de ce projet, il y a la volonté de produire les conditions d’apparition d’une narration, d’inventer des fictions puis de se donner les moyens réels d’aller vérifier leur existence. » Op. cit. Huyghe, Leydier, p.26

29 – AKAirways (Anakin Koenig Airways) réalise des installations et environnements, notamment pneumatiques.

30 – Structure gonflable en tissu blanc à double épaisseur facile à déployer qui fournit un environnement sécurisé d’interaction pour les humains et les pingouins. Voir ce lien.

31 – Association loi de 1901 créée en 1995 par Pierre Huyghe lors de l’exposition Moral Maze au Consortium de Dijon. Elle regroupe tous les artistes qui ont participé à l’exposition collective : Angela Bulloch, Maurizio Cattelan, Liam Gillick, Dominique Gonzalez-Foerster, Douglas Gordon, Lothar Hempel, Carsten Höller, Paul Ramirez-Jonas, Jorge Pardo, Philippe Parreno, Rirkrit Tiravanija, Xavier Veilhan. Son objet : « pour le développement des temps improductifs, pour une réflexion sur les temps libres, et l’élaboration d’une société sans travail. Pour faire connaître ses idées, l’association organisera différentes réunions publiques, conférences, parutions, fêtes. » Déclaration parue au Journal Officiel du 5 juillet 1995.

32Op.cit. Huyghe, Leydier, p.28

33Ibid. p.28

34 – Terme de Pierre Huyghe. Ibid. p.28

35 – Cette idée rejoint les intentions de l’artiste. Ibid. p.28

36 – Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie 2 : Mille plateaux, Paris, Ed. de Minuit, « Critique », 1980, p. 31

37Op. cit. A.T.L, p.299. « They journey would encounter islands and make them disappear, producing no-knowledge zones that would emerge wherever the capacity of language to seize reality would end. The elsewhere remains a story, and the rest is exoticism. If language fails to recount the experience, an equivalence, topologically identical to the occurrence, has to be invented. »

38Ibid. p.299. « I thought of a maze of mazes, of a sinuous, ever growing maze which would take in both past and future and would somehow involve stars… The Garden of Forking Paths is an enormous guessing game, or parable, in which the subject is time… It is a picture, incomplete yet not false. »

39 – Roland Le Huenen, « Qu’est-ce qu’un récit de voyage ? », Littérales, « Les Modèles du récit de voyage », n°7, 1990, p.16

40Ibid. p.17

41Op. cit. A.T.L, p.297

42 – Roland Le Huenen résume l’ambiguïté des rapports que les récits de voyages entretiennent avec d’une part la visée scientifique et d’autre part le roman. Op.cit. Le Huenen, p.11-27 notamment p.13-14

43 – Le journal de bord d’Aleksandra Mir est consultable sur son site.



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