Ikbel Charfi Ayadi
Enseignante universitaire à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers de Sfax, ISAMS, Université de Sfax (Tunisie)
ikbelcharfi@yahoo.fr

Pour citer cet article : Charfi Ayadi, Ikbel, « Le design intermédial est-il anti-territorial ? », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°7 « Territoire et intermédialité », automne 2016, mis en ligne en 2016, disponible sur <https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2018/01/09/la-ville-contemp…ite-au-generique/>.

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Résumé

Pour approcher la question du « territoire et intermédialité » à travers le design, nous avons supposé au début de notre réflexion qu’il y a émergence d’un modèle dialectique local/global qui fait que la conception à une échelle territoriale prédéfinie s’oppose à une démarche d’unification du système de production dite globale. Nous sommes arrivés à dire que le design territorial largement appréhendé aujourd’hui tend à devenir un projet intégrant les paramètres de mondialisation au processus de conception dépassant ainsi les limitrophes géographiques mais surtout culturelles de différentes nations.

De ce fait, penser l’intermédialité en design revient à dire cette large panoplie de domaine d’action allouée au design jadis pratique étroitement liée aux besoins et attentes d’une société prédéfinie. Nous proposons de questionner des exemples de transfert nord-sud ou sud-nord de processus de création, de produit design et de savoir-faire, qui pourront nous dire largement sur le mouvement intermédial du design aujourd’hui.

Entre ouverture internationale (perception de design global) et renferment culturel (de production artisanale locale), l’intermédial ne veut-il pas dire, en terme de design, le global et ne revient-il pas à dire un design anti-territorial ? N’ouvre-t-il pas à la construction d’un « design intermédial » proprement dit ?

Mots-clés : territoire – intermédialité – design – global – local – frontière – globalisme – transversalité – mouvement – transfert – cloisonnement – identité – typologie – juxtaposition – coexistence

Abstract

To approach the question of « territory and intermediality » through design, we assumed at the beginning of our thinking that there is an emergence of a local / global dialectic model. This model designs a predefined territory that opposes a process of unification of the so-called global production system. We arrived to say that the territorial design, largely apprehended today, tends to become a project integrating globalization parameters into the design process. The latter exceeds, thus, the geographical borders, but above all, the cultural boarders of different nations.

Therefore, thinking about intermediality in design is meant to say this broad range of action area allocated to design practice once closely linked to the needs and expectations of a predefined society. We propose to question examples of North-South transfer or south / north-creation process, product design, and know-how. These examples will tell us much more about the intermedial design movement today.

Between deep knowledge of the existing (perception of global design) and cultural restraints (opening on local production), does the intermedial meant to be, in terms of design, the global or an anti-territorial design? Does it reflect the construction of an “Intermedial Design” by itself?

Keywords: intermediality – territorial design – transfer – Globalization – production system – identity


Sommaire

Introduction
1. Design territorial entre production locale et système d’innovation
2. Intermédialité et design global
3. Vers une définition d’un design intermedial
Conclusion
Notes
Bibliographie

Introduction

Il est convenu qu’aujourd’hui le design est pluri-, trans- et inter- disciplinaire. Il conjugue plusieurs pratiques recoupant avec sa fonction primaire de création d’objet beau et utile à la fois. La typologie design a connu son apogée ces dernières années avec la multiplication et succession d’associations aux divers champs d’action et de réflexion comme la sociologie, la psychologie, la politique, l’ingénierie, etc. Design sensoriel, design social, design thinking et autres, ont évolué le potentiel communicationnel du design associé parallèlement aux progrès technologiques et à l’invasion médiatique.

De ce fait, penser le design aujourd’hui revient à dire cette large panoplie de domaine d’activité liée aux besoins et attentes d’une société en évolution permanente. Le design suppose essentiellement l’expression et la traduction des codes d’une communauté bien précise en transcrivant les propriétés intrinsèques de sa culture. Le designer se trouve engagé dans la vie quotidienne, ne faisant que valoriser la culture du territoire, d’où la définition même du « design territorial ». Or, selon Olivia Verger- Lisicki :

le designer utilise les contraintes du contexte des réalités du monde. Et il n’est plus possible aujourd’hui de concevoir de nouveaux services et de nouveaux objets sans une prise de conscience et un engagement responsable devant les difficultés actuelles1

Nous partons donc dans cette réflexion de l’hypothèse disant que le design territorial favorise une certaine production locale maintenant le développement durable d’une région en particulier, à l’opposé d’un design global reposant sur l’intermédialité, favorisant le transfert culturel et la circulation des savoirs et savoir-faire. Nous nous demandons : pouvons-nous définir au juste un « design intermédial » et serait-il « anti-territorial » ?

1. Design territorial, entre production locale et système d’innovation

Le design territorial consiste à générer une certaine conception innovante d’un territoire tout en revitalisant ses potentiels de création et de créativité locaux. C’est un design qui est généralement au service des « politiques publiques », il vise à explorer et renforcer l’identité nationale propre à chaque territoire. Dans un premier temps, le design territorial se voit associé à une appellation plus au moins synonyme de « design local » reposant sur la conception, la production et l’usage de produits et services à une échelle réduite. Généralement, le design local se ressource des richesses territoriales spécifiques à chaque région (matériaux potentiels, mais aussi savoirs et savoir-faire) pour donner à voir une production imprégnée d’une identité distinguée dont l’usage est aussi assigné à une population bien définie. Pour faciliter aux citoyens de Marrakech la circulation et le shopping, le designer Younes Duret a crée ce tricycle approprié au Souk marocain :

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Le tricyle Belek de Younes Duret, 2006

Ce type de création rencontre généralement de réelles difficultés liées à son écoulement sur les marchés car, ne pouvant pas conquérir des productions dites universelles valables de tout temps et espace, il nécessite souvent un recours à une stratégie de vente bien élaborée, voire difficile dans certaines conditions. Le design local est un design assez clos, son champ est assez limité, ce qui s’oppose à sa vocation primaire de processus évolutif et créatif offrant des solutions appropriées pour un meilleur mode de vie.

Le design territorial, tel qu’appréhendé aujourd’hui, dépasse le fait de penser production locale, pour parler de projet universel. Il s’agit de développer plutôt une relation entre les processus culturels, sociaux, et économiques, les références dans divers domaines comme l’urbanisme, l’anthropologie et l’ingénierie de la conception pour fédérer ou paramétrer une action complète, seule garante de l’innovation territoriale. Dans ce sens, Philippe Destatte, explique que :

les Systèmes de l’Innovation Territoriale sont de plus en plus connus comme modèles : ils sont constitués de tous les acteurs et les ressources qui interagissent efficacement pour stimuler l’innovation dans une région donnée, et ils permettent d’optimiser l’apprentissage collectif et les partenariats entre les différents acteurs du développement2

L’auteur dresse un schéma conceptuel de TIS comme suit :

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Cette conception allie parfaitement le concept de territoire à la créativité et à l’innovation via des savoirs, des compétitivités locales moyennant des interactions et un dynamisme de plusieurs médiateurs (environnement, technologie, sciences, etc.). Opérer un système d’interaction entre les acteurs et leurs réseaux favorisent ainsi l’efficacité du dynamisme local, et jouera un rôle majeur dans le développement territorial à long terme. C’est là justement où nous pouvons parler d’intermédialité favorisant une « approche par projet » (conception stratégique, élaboration de scénarios et modélisation) permettant de faire face aux aspects d’innovation et de développement durable dans un territoire. À travers l’intermédialité, le design territorial se procure une certaine vision large qui lui attribue la fonction de l’universel.

Une universalité telle que l’entend Baudrillard quand il précise :

Mondialisation et universalité ne vont pas de pair, elles seraient plutôt exclusives l’une de l’autre. La mondialisation est celle des techniques, du marché, du tourisme, de l’information. L’universalité est celle des valeurs, des droits de l’homme, des libertés, de la culture, de la démocratie3

Nous sommes donc aussi dans le discours de mondialisation quand nous parlons de design global. C’est ce que nous démontrons en parlant de transfert.

2. Intermédialité et design global

2.1. Le transfert : sens et manifestes

Nous désignons par transfert, la mimesis de tout processus de création, de production design et de savoir-faire spécifique. C’est un mouvement qui suppose un sens transférer de qui vers qui ? Historiquement, les transferts prennent souvent le sens du nord vers le sud (désignation géographique qui sépare les pays d’Europe et d’Amérique de ceux de l’Afrique et de l’Asie). C’est aussi une distinction héritière des logiques des ex-colonisations qui fait que les pays développés produisent souvent le savoir et la technique pour l’expérimenter au sud, d’où le transfert. Aujourd’hui, avec la démocratisation des savoirs, l’expansion des nouvelles valeurs de partage et la dominance du globalisme (selon la définition de Hans Belting) ; le transfert devient remarquable dans le sens sud-nord dans la perspective d’une recherche de l’ouverture culturelle et d’un élargissement des frontières physiques. Mais nous nous demandons, dans le cas précis du design, ce que le sud peut apprendre au nord.

Nous partons de notre expérience d’enseignement du module « Design maghrébin, pratiques et productions », dans le cadre du master professionnel Design transdisciplinaire/culture et territoires,  à l’université de Toulouse où nous avions pu développer une réflexion sur le transfert du design sud-nord.

Traçage d’expérience : le projet Design maghrébin

Réellement, l’insertion d’un module d’enseignement autour du design maghrébin, est une initiative qui vise à développer le dialogue interculturel chez les futurs designers de l’université de Toulouse pour les adapter aux différents territoires et à d’autres cultures. L’objectif majeur de la formation est de favoriser l’insertion professionnelle dans un cadre international grâce à la confrontation et à la maîtrise des pratiques interculturelles de la profession de designer.

Dans cette perspective, nous avons pensé le cours en deux volets : un premier volet, où il s’agit d’exposer ce qu’est le design maghrébin, dans une perspective de partage de connaissance et d’appréhension des différents enjeux de ce design lié à une culture spécifique mais surtout différente ; puis, en second lieu, de passer à l’exercice d’interprétation de ce design et de son exposé via un projet de création innovante. L’expérience est enrichissante dans la mesure où il s’agit de mesurer le degré de familiarité des occidentaux aux outils, méthodes et codes créatifs du Maghreb, mais aussi, de voir quels sont les possibilités de réfléchir un co-design.

Compte tenu de la richesse du secteur, de ses usages, de ses spécificités, et de son ancrage historique, nous ne pouvons imaginer un design maghrébin sans correspondances avec l’artisanat du grand Maghreb ! C’est justement de quoi témoigne Philippe Xerri qui ouvre un nouveau cap dans sa carrière avec cette collection Rock the Kasbah dans son atelier de la ville de Tunis4.

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Rock the Kasbah – Philippe Xerri

De tout temps, il a été clair que les jeunes designers maghrébins cherchent à voir grand à travers des projets de taille comme est le cas souvent des œuvres d’hôtel-design qui pourrait – à leur sens – leur ouvrir chemin vers la reconnaissance internationale. Une reconnaissance trouvée par des designers de renommée comme Younes, Hichem Lahlou, Mourabit, et autres.

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Exposition XPO Lip-Hicham Lahlou Designer around the world, 2009

Une transcription qui a permis non seulement d’ouvrir les horizons pour une connaissance élargie de nouveaux territoires du design mais de susciter l’attention des étudiants, jeunes designers du monde entier et de les emporter dans un « voyage en terre inconnue ».

Nouveaux territoires du design ?

Si nous cherchons spécifiquement dans des exemples de design « à l’occidental » ayant attrait au « style » de design maghrébin, nous retrouvons une large panoplie de créations innovantes dont nous citons l’exemple des nouvelles collections d’Yves Saint Laurent avec des « tons qui claquent, peaux foncées, lèvres feu, ceinture du Maroc […] ». Non loin de ces conceptions bien réputées, Les projets d’étudiants en master professionnel Design de Toulouse étaient plus que satisfaisants dans la mesure où l’investissement dans la recherche de matière, de ressources créatives a montré une grande rigueur mais a surtout reflété beaucoup d’amour de découverte chez les jeunes designers. Et puis, le processus de création clairement expliqué dans leur travail a démontré une certaine sensibilité, mais surtout une logique appuyée par le fait que nous proposons ensemble un nom au produit crée en partant de sa nomination maghrébine : l’exercice devient aussi une recherche phonétique, de vocable et terminologie, jeu de mot aussi. Le designer appelle son projet, justifie l’appellation et en fait une histoire. Le scénario design est ce qui importe réellement car il permet largement de retracer l’expérience de design.

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Projet de Benkert Charlotte, janvier 2015

Le projet de chaque jeune designer est ainsi témoin d’une capacité humaine à assimiler et intégrer les codes culturels de l’autre (le maghrébin dans ce cas-là) via une médiation culturelle et pédagogique réussie et de pousser l’imaginaire collectif aux limites de ses fertilités créatives. C’est le cas de ce projet appelé Zatop de la jeune Mlle. Gavalda :

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Maquette de conception Zatop – Gavalda, 2013

Le Zatop est une appellation qui conjugue le nom de cet objet en arabe appelé « zarbout » et en français nommé « toupie », ce métissage se distingue au niveau du nom mais encore au niveau de la forme. C’est en fait une toupie qui respecte les codes culturels français et revisite la toupie maghrébine. Le fil est remplacé par un cordon en cuir en lacet avec une trajectoire gravée sur l’objet, la bande en couleur verte ou rouge et les petits motifs tout autour se réfère à l’identité culturelle maghrébine. Le principe de la toupie est le même mais la forme est nouvelle, issue d’une rencontre interculturelle, elle se différencie et se singularise par des formes épurées et un traitement spécifique au niveau des couleurs et des matériaux.

En somme, le design peut représenter un ancrage identitaire et refléter la culture maghrébine d’une part comme il peut prouver l’aptitude du design à être un vecteur d’acculturation démontrant sa capacité de transmettre les valeurs d’échange et de partage.

Si nous regardons aujourd’hui les multiples commandes design du monde entier lancées aux designers maghrébins, si nous observons de près les lieux les plus luxueux rebaptisés aux styles du Maghreb, et de l’orient en général, si nous regardons ces designers de l’occident qui conquiert les souks à la recherche de leurs matériaux, sources, nous pouvons dire que, ces dernières années, le Maghreb, entre autres, est en vogue dans la production universelle en matière de design. En design, il y a de plus en plus une place à la diversité culturelle en reconnaissant l’importance des emprunts, des transferts et des échanges entre cultures, par la voie d’un dialogue implicite ou explicite de plusieurs facteurs intermédiaux qui soulignent l’interdépendance des cultures et des civilisations du monde ainsi que leur contribution au vrai progrès de l’humanité.

Le mode de transfert qui « transforme les sociétés fermées en sociétés ouvertes »5 s’applique parfaitement au domaine du design. Les valeurs et signes par lesquels les objets sont chargés peuvent migrer d’une société à une autre et d’une culture à une deuxième. Comme nous le regardons à travers les travaux d’eL Seed, jeune artiste créateur tunisien qui a grandi et vécu à Paris. Comme plusieurs immigrés, il voulait se construire une identité au sein d’un pays étranger et être accepté au sein de la société dans laquelle il vit sans pour autant nier son appartenance natale. EL Seed refuse alors le modèle d’immigré qui opte pour une « adoption des normes socioculturelles en vigueur dans la société d’accueil et donc une distanciation des codes culturels propres à l’immigré »6, et choisit de défendre le principe de la cohabitation de multiples cultures dans la même société et ceci à travers un art de la rue qui est le graffiti. Il commence alors à taguer dans la rue, à Paris en 1998 et en quête de ses origines culturelles, il exploite la calligraphie arabe qui marqua la suite de son parcours artistique. À partir de là, et de la même façon que plusieurs graffeurs européens se sont réappropriés l’écriture latine, eL Seed fait de même et donne une nouvelle dimension de design urbain à la calligraphie arabe, pour devenir un calligraffeur de renommée internationale.

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Design urbain, Pont des amoureux, eL Seed, Paris, juin 2015

Nous finissons par dire que tout territoire peut devenir une assise de créations universelles qui font preuve d’une intermédialité culturelle par excellence. Universalisme, mondialisme, globalisme et cosmopolitisme même, sont autant de concepts qui jaillissent une réflexion sur ces nouveaux systèmes connectés.

2.2. Le global est intermédial ou du « système connecté »

Dans les nouvelles théories de design, le « design global » a une double connotation :

Une première, reliée au concept du globalisation (le fait d’entrer dans une même échelle). C’est un processus qui génère des fonctions de base qui peuvent être facilement modifiées et reproduits, au besoin, dans d’autres territoires. Il peut impliquer l’adaptation des aspects techniques du produit le rendant approprié à un contexte local particulier d’où son aspect global. Dans ce sens, nous citons l’exemple de ce Sketchnote de design global démontrant justement les liens possibles entre local et mondial :

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Global Design Research : Sketchnotes from UXLX – 18 mai 2015

À travers cet exemple, nous pouvons dire que l’intermédialité prend place quant aux rapports de l’individu à sa localité, à sa culture et à son univers propre. Le global est forcément intermédial car il se crée justement à travers les liens possibles entre l’homme et sa conception du monde.

La seconde connotation du design global focalise davantage sur une approche transversale, car elle concerne le cycle même de la conception /production design : « Le design est global, à la condition que l’entreprise veuille bien assurer une cohérence aux signes qu’elle émet : identités de ses marques, produits, packagings, sites internet, éditions diverses, architecture de son siège, de ses magasins. On peut y ajouter, même, le langage des collaborateurs, les identités sonores et les tenues de travail […] »7 Dans ce sens nous présentons un exemple de travail d’une entreprise de design global baptisée Hellopro qui essaie de simplifier l’apprentissage du design comme processus qui a accès sur la vision générale et non pas sur un produit en particulier.

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Que ce soit approche transversale ou approche collaborative, il est inévitable de parler de processus design global sans qu’il y a des médiateurs, voir une certaine intermédialité accrue provoquée à chaque fois différemment par divers acteurs. C’est justement cette considération qui est souvent ignorée. À notre sens, l’approche du design global est restée jusque-là, incomplète pour prétendre à une innovation territoriale car il n’y a pas déclaration claire de la prise en considération des facteurs de transmission, de partage et de publication en design. Pour l’ajuster aux objectifs du projet, il fallait souvent paramétrer le design global suivant une certaine médialité voir intermédialité dans le sens qu’avance Rémy Besson, chercheur LLA-CRÉATIS en disant :

Il n’est plus question de mettre en relation des éléments étant potentiellement séparés, mais d’appréhender des agencements, des systèmes complexes de relations, qui sont constitutifs d’un ensemble : d’un intermédia8

3. Vers une définition d’un design intermédial

L’intermédialité se définit comme un champ à la croisée de plusieurs domaines puisqu’elle propose à la fois les liens ou corrélations entre différentes parties et organise ces ensembles dans une sphère interconnectée. Schématiquement, dans le cas du design, nous pouvons aisément définir la place de l’intermédialité comme une approche qui s’intéresse aux relations et aux interactions entre les processus de création, les objets créés, comme aux pratiques multimédias faisant ainsi usage des spécificités de l’environnement immédiat.

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Cette sphère de l’intermédialité a pour vocation principale d’opérer un mode d’action ouvert entre les différentes composantes du design. Mais réellement, à travers l’intermédial la pratique même du design est remise en question. Universalité du message, partage d’information, communication élargie, vision humanitaire, effacement des frontières, sont toutes des possibilités qu’offre l’intermédialité au design pour élargir à son tour son champ d’action. Nous avons comme une volonté de passer du concept intermédialité vers un « design intermédial » dans le sens d’une pratique ouverte et communicative. Dans cette focale, l’idée de ce nouveau design est non seulement solvable mais opportune, puisqu’elle pourrait combiner déjà deux approches, comme nous l’avons démontré, celle d’une action locale et celle d’une vision globale. Cette nouvelle filiale que nous pouvons aisément intégrer à la typologie commune du design peut être schématisée comme suit :

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Typologie « design intermédial »

Cette forme est délibérément ouverte pouvant ainsi muter vers d’autres bifurcations et correspondances qui seraient susceptibles de donner naissance à une forme plus évoluée du « design intermédial » nécessitant des recherches beaucoup plus approfondies. Si nous nous référons par exemple au fameux slogan « Penser global, agir local » pour discuter un design intermédial, des exemples d’étude comme les affiches de l’UNESCO pour les droits de l’homme peuvent nous renseigner énormément sur ce type de problématique de recherche :

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L’intermédialité aide à articuler plusieurs possibilités de recherche en design, elle permet d’abolir les frontières locales/globales pour produire un discours et générer une pratique profondément réfléchie.

Conclusion

En interrogeant le territoire et l’intermédialité par le design, nous nous sommes référés à une certaine typologie de la création et un ensemble de définitions et concepts novateur dans le domaine du design pour cerner au plus juste les rapports possibles entre une production territoriale et une approche globale. L’étude de manifeste d’expérience de transfert design nous a permis d’ouvrir les perspectives de recherche et de revoir les apports même du design au concept intermédialité. Ce dernier, peut délibérément quitter son statut théorique pour devenir pivot d’une action élargie visant un développement durable canalisé pour un ensemble indéfini de territoires. Nous instaurons ainsi peu à peu un champ de recherche innovateur pour le design et l’intermédialité à la fois.


Notes

1 – VERGER-LISICKI Olivia. « Le design ou l’innovation pensée par et pour tous! ». L’express [en ligne], 22/02/2013.

2 – DESTATTE Philippe. « Territorial Innovation Systems for the benefit of business ». WordPress [en ligne], 9 mai 2014.

3 – BAUDRILLARD Jean. « Le mondial et l’universel », Libération [en ligne], 18 mars 1996.

4 – XERRI Philippe. « Rock the Kasbah » [en ligne], le 26 août 2011.

5 – ABOU Sélim. L’identité culturelle : relations interethniques et problèmes d’acculturation. Paris, éd. Anthropos, 1981, p.197.

6 – DAUDE Raphaelle. « Regards d’artistes issus de l’immigration et culture française ». Calenda [en ligne], 17 janvier 2008.
7 – URVOY Jean-Jacques, SÁNCHEZ Sophie. Le designer : De la conception à la mise en place du projet. Paris : Éditions Eyrolles, 2011, p. 29.

8 – BESSON Rémy. « Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité ». Cinémadoc [en ligne], avril 2014.


Bibliographie sommaire

ABDELMOULA CHENNOUFI Donia. Design et interculturalité : la dimension ethnique comme outil de différenciation, étude de quelques expériences franco- maghrébines. Thèse – Tunis- Tunisie-16 octobre 2010. 296p.

ABOU Selim. L’identité culturelle, relations interethniques et problèmes d’acculturation. Paris, 1981, éd. Anthrops, 235p.

LANDEL Pierre-Antoine. L’exportation du  » développement territorial  » vers le Maghreb : Du transfert à la capitalisation des expériences. Paris, 2011, Armand Colin, 120p.

MARINIELLO Silvestra. « Médiation et responsabilité ». Enjeux interculturels des médias. éd. Ottawa: Les Presses de l’Université d’Ottawa. 2011, p.111–143.

MARINIELLO Silvestra. « L’intermédialité : un concept polymorphe ». Intermedia-Études en intermédialité. Paris, L’Harmattan, 2010, p11-29.

URVOY Jean-Jacques, SANCHEZ Sophie. Le designer : De la conception à la mise en place du projet. Paris : Éditions Eyrolles, 2011