B. PETIT, Hypothèse : Religion variable de l’appartenance religieuse et la mobilité et discrimination
Hyp1. L’appartenance religieuse freine l’exode, les déplacements
Hyp. 2 A l’inverse accélère pcq’elle encourage, encadre
Hypo 3. Il n’y a pas de corrélation : d’autres variables sont déterminantes : âge, profession, diplôme ?
Donc il faut étudier au cas par cas
RDA : cela dépend du lieu, des époques, pas d’essentialisme ni de nominalisme
JAC et MRJC France ? ou Hte Garonne ou Aveyron Tarn
Le criminologue Christian Pfeiffer étudie « le lien entre immigration, religion et violence». L’enquête réalisée auprès de quelque 45.000 élèves des deux sexes, dans 61 villes d’Allemagne, se demande quels effets peuvent avoir l’appartenance à une religion et le degré de religiosité personnelle sur les attitudes et les comportements. L’appartenance à une communauté religieuse a, pour un jeune issu d’une famille d’origine étrangère, résidant depuis longtemps en Allemagne ou ayant migré depuis peu1, parfois un effet d’enfermement communautaire, parfois un effet émancipateur. Elle incite l’un à se mouvoir plutôt à l’intérieur des réseaux sociaux de sa propre ethnie et, en général, de moins s’ouvrir à l’environnement allemand quand elle développe chez l’autre un espritd’ouverture. Chez les jeunes migrants, en général, la part des auteurs de violence serait plus élevée pour les « non-pratiquants », et plus faible pour ceux qui sont « très pratiquants » ; mais, selon l’échantillon sélectionné, la tendance est inverse chez les chrétiens et chez les jeunes des « autres religions » (bouddhisme, judaïsme etc.), comparativement, aux jeunes d’origine turque. L’éducation religieuse des jeunes musulmans que pratiquent les imams « renforce plutôt le repli communautaire au sein d’un islam conservateur et au sein de sa propre ethnie. Une des raisons viendrait de la prédication d’une partie des imams, venus de Turquie et employés uniquement pour un temps limité en Allemagne. Faute de connaissances en langue allemande, ils ne peuvent pas développer assez d’attitude constructive et positive à l’égard de la culture d’accueil. Ils renforceraient alors chez les jeunes musulmans de familles turques l’intériorisation de normes machistes et la préférence donnée aux médias à contenus violents.
1 Institut de recherche en criminologie de Basse-saxe, travail réalisé au cours des années 2007/2008 et présenté comme représentatif des élèves de 14 à 16 ans, à la fin du premier cycle du secondaire. Cf l’interwiev sur ARTE, 5 juillet 2010, Christian Pfeiffer et Dirk Baier et “Der Anstieg der Jugendgewalt in Hessen”, http://www.kfn.de/versions/kfn/assets/anstiegjugendgewalthessen.pdf
2 « L’Allemagne se défait »,
Selon A. Merkel, le modèle multiculturel en Allemagne a « totalement échoué », Le Monde, 17.10.10, La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé samedi que le modèle d’une Allemagne multiculturelle, où cohabiteraient harmonieusement différentes cultures, avait « totalement échoué ». Le débat sur l’immigration divise l’Allemagne depuis la publication d’un pamphlet d’un haut fonctionnaire, Thilo Sarrazin, 2affirme que son pays « s’abrutit » sous le poids des immigrés musulmans L’Allemagne manque de main d’oeuvre qualifiée et ne peut pas se passer d’immigrants, mais ceux-ci doivent s’intégrer et adopter la culture et les valeurs allemandes, a insisté Angela Merkel dans un discours devant les Jeunesses de sa formation conservatrice. Le credo « Multikulti » (multiculturel) – « Nous vivons maintenant côte à côte et nous nous en réjouissons » – a échoué, selon elle. « Cette approche a échoué, totalement échoué », a martelé la chancelière.
« La chrétienté n’est pas une religion d’Etat, mais une affaire de conscience personnelle des citoyens » affirme également Christian Lindner, le secrétaire général du FDP, le parti libéral allié à la CDU, qui regrette que dans le débat actuel « les vertus religieuses apparaissent plus importantes que celles républicaines »
Le travail d’identification et d’intégration a été étudié par de multiples observations et approches théoriques ; il n’est pas propre aux seuls musulmans, mais concerne beaucoup d’autres minorités. Simonetta Tabboni précise les deux registres opposés de la réalité quotidienne qui constitue , l’ambivalence contenant le paradoxe complexe de l’identité des migrants, vivant, depuis plusieurs générations, dans un pays à la fois étranger par la culture dominante et cependant le leur, puis que c’est celui où ils sont nés. « Ambivalence sociale et ambivalence culturelle ». Être Allemand et en
même temps Turc signifie pour beaucoup de jeunes deux choses contradictoires : il s’agit d’assumer des identités culturelles et de répondre à des attentes socioculturelles opposées les unes aux autres. En tant que Turcs, ces garçons partagent certains stéréotypes anti-occidentaux bien connus, tandis que, en tant qu’Allemands, ils partagent les préoccupations économiques et la culture du pays dans lequel ils sont nés et où ils vivent, c’est un pays occidental et ils se rangent d’un côté ou de l’autre sur l’échiquier politique. Ces jeunes se sentaient allemands et Turcs, « mais pas totalement et organisaient leur vie de façon à répondre aux demandes, souvent opposées, des deux cultures. Ce qui est probablement la meilleure manière de créer de la communication interculturelle ».
Nilüfer Göle montre à l’inverse, ou en complément, comment certains refusent l’ambivalence culturelle est trouvent les gestes spectaculaires des terroristes islamistes. Elle lit le 11 Septembre à la lumière du refus de l’ambivalence culturelle : c’est l’expérience des pilotes ingénieurs et terroristes, qui ne peuvent en supporter le poids et en assumer les conséquences. Selon N. Göle « ces acteurs de l’islam ne sont pas uniquement religieux. Ils sont les produits mixtes de la modernité »3. Leur geste de destruction se retourne contre l’une des deux faces de leur ambivalence culturelle et veut la résoudre radicalement, dans une forme suicidaire, comme l’a aussi remarqué le sociologue D. Loch, dans la longue interview qu’il a réalisée du terroriste lyonnais Khaled Kelkhal4. Ben Laden et les ingénieurs islamistes ont reçu une éducation moderne de premier ordre, ils ont fréquenté d’excellentes universités anglaises et allemandes », ils ont mis leurs compétences d’hommes modernes au service de leur haine pour le capitalisme occidental, et de leur phobie du monde corrompu de l’usure généralisée, incarnée par le système bancaire ». La rationalité et la foi, la formation scientifique et l’horreur de la modernité cohabitent dans ces croyants convaincus, jusqu’à ce qu’elles se séparent pour orienter le choix de frapper l’un des deux mondes entre lesquels ils vivent. Beaucoup d’entre eux vivent, comme citoyen moderne, une double ambivalence, envers l’appartenance culturelle et religieuse, l’adhésion à une nation ou à plusieurs territoires, opérant un travail d’intégration sociale et une émancipation; celle-ci contribue à générer des changements culturels qui se réalisent lentement et sans violence. Tout amalgame et généralisation portée par le regard de l’autre supposant la généralisation de comportements liés à la naissance freinent le processus d’intégration. Les néo-fondamentalistes se considèrent à la fois comme Français et comme membre d’une communauté universelle, la oumma : les croyants vivent en tension leur identité, au sein de la famille, et sont partagés aussi entre les valeurs « républicaines » enseignées à l’école et celles vécues dans la famille, dans la (dans les) communauté(s), donnant, selon l’âge, le genre et l’éducation, une place différente et une importance relative à la famille (parents, grands ou petits frères) dans des relations en interactions incessantes. Les réseaux d’appartenance, professionnels ou sportifs ne sont pas que religieux, et les références au concept de « communauté » peuvent s’éloigner de l’assignation à un type d’identité spécifique. Ainsi en est-il de même de l’homogénéité d’un quartier en termes de « race », d’origine ethnique (après une ou plusieurs générations d’implantation) et de classe sociale, dans la ville fragmentée, où s’accélère la mobilité géographique, professionnelle et sociale. La liberté de conscience est confrontée à la recherche de normes objectives de la vérité; elle rencontre l’idée de tolérance qui est parfois condescendance et se confronte à la liberté de culte qui est aussi la liberté de changer de religion ou de ne pas en avoir5 : mais l’idée laïque peut aussi charrier un rêve d’unité du pays, et être parfois tentée par sa caricature (jacobine), celle d’uniformité.
3 Nilufer Göle, Interpénétrations. L’islam et l’Europe, Paris, Galaade Éditions, 2005, p. 41
4 Dietmar LOCH, « Moi, Khaled Kelkal, Le Monde, 7 octobre 1995, interviewé par Dietmar Loch ; voir aussi l’enquête menée lors de l’explosion d’AZF, à Toulouse le 21 septembre 2006, un moment soupçonnée d’avoir été commis par des réseaux européens d’Al Quaïda.
5 Patrick CABANEL, « Les mots de la laïcité », Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2005, 128 pages.