Corps et espace entretiennent depuis toujours des relations très étroites, ainsi qu’en témoignent la philosophie, les sciences physiques et/ou humaines ou encore les arts. Ces deux “entités” sont envisagées comme intrinsèquement et inextricablement liées. Liées par le seul fait que c’est à travers le corps tout d’abord que se perçoit l’espace : vu, senti, touché, le corps est le premier siège de notre appréhension de l’espace, et c’est en premier lieu à travers ce ressenti qu’il nous est donné à penser.
Si l’espace tout comme le corps sont au cœur des préoccupations de l’homme depuis la nuit des temps, ces unions et/ou tensions entre corps et espace prennent aujourd’hui de nouveaux visages : l’avènement récent des technologies numériques a contribué à la naissance d’espaces, “espaces sans lieu” (Anne Cauquelin) tantôt synonymes de liberté, tantôt jugés comme désincarnants. Le lieu peut alors être envisagé aussi à travers la figure du non-lieu et/ou de l’utopie, c’est-à-dire de lieu qui n’est nulle part.
Toute pratique artistique entretient un lien au corps mais aussi au lieu au sens d’un espace habité, investi par une corporalité. Cependant, les dispositifs artistiques contemporains jouent aujourd’hui de la question du lieu comme non-lieu : pratique performatives qui s’inscrivent dans l’éphémère, le transitoire, dispositifs au sein desquels le corps du spectateur est immergé, ou encore productions qui témoignent des rapports contemporains que corps et espaces entretiennent, autant de pistes de réflexions qui sont abordées ici à travers le prisme de la création plastique.
Ce numéro 9 de Littera Incognita, publié en 2018, fait suite aux 12èmes Journées d’Études des Doctorants de LLA-CRÉATIS, intitulées « Lieux et non-lieux : liens au corps » organisées à l’Université Toulouse – Jean Jaurès, les 20 et 21 avril 2017. Il s’agissait d’y nourrir une réflexion autour des possibles articulations du corps aux lieux et non-lieux à travers différentes formes d’expression contemporaines. Prenant appui sur une démarche de recherche-création, ces journées s’accompagnaient d’un parcours d’exposition des œuvres des intervenants, certaines ayant été créées à la faveur de ces journées et constituant l’objet même de la réflexion des auteurs (Tous les chemins mènent à Ambre de Carolle Nosella et Irène Dunyach). Ce numéro réunit les contributions des doctorant/e/s et docteur/e/s en arts plastiques ayant participé à ces journées d’études. Le dossier artistique qui le complète rend compte des œuvres présentées lors de cette manifestation.
Nous vous souhaitons une bonne lecture.
Alessia Nizovtseva et Aurélie Fatin