Vincent Duché

Doctorant contractuel en arts plastiques et photographie à l’ université Paris VIII Vincennes/ St Denis  au sein du laboratoire Arts des images et Art Contemporain (EA 4010), Vincent Duché prépare une thèse en esthétique et sciences de l’art sur le sujet du visage et de son  indicialité.
vincentduche@gmail.com

Pour citer cet article : Duché, Vincent, « Visage numérique et masque mortuaire », Literr@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°8 « Entre-deux : Rupture, passage, altérité », automne 2017, mis en ligne le 19/10/2017, disponible sur https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2017/09/17/visage-numerique…masque-mortuaire/


Résumé

Seront traités dans cet article des enjeux esthétiques et théoriques du « visage numérique » – compris ici comme la simulation du visage en images de synthèse 3D réalisée à partir d’un scan numérique sur modèle vivant – dans les pratiques artistiques contemporaines. Nous nous fonderons sur des spécificités esthétiques et techniques du masque mortuaire dont l’analogie avec le visage numérique ouvre une réflexion sur l’indicialité (l’empreinte, le contact) d’où découle la question de l’ « entre-deux » qui sous-tend notre recherche. Le masque mortuaire, dont la morphogenèse peut être résumée en « effigie par contact » (empreinte) nous servira de « modèle » ou de « grille de lecture » pour penser le visage numérique à travers des notions qui leurs sont spécifiques, parfois contraires, mais dont nous entendons révéler toute la porosité : masque-visage ; moulage-modélisation ; représentation-simulation ; vivant-mort. Comment penser le visage numérique comme matière de l’entre-deux ?

Mots-clés : visage – masque  – altérité  – simulation  – représentation  – indicialité  – moulage  – modélisation  – matrice  – morphogenèse  – archive  – ressemblance  – vraisemblance  – apparence  – réel  – hyperréel  – passage  – hybridation –  rupture – entre-deux

Abstract

This paper deals with esthetical and theoretical issues of the « digital face » – 3D simulation produced from a digital scan of a human model – in contemporary artistic practices. We based our analysis on esthetical and technical specificities of the death mask. The analogy opens up a thinking on indexicality (trace of reality) from which arises the idea of « in between ». We used the death mask as a paradigm to think the process of 3D face simulation through concepts that are specifics to each of them, even sometimes contrary : mask–face ; moulding–modeling ; representation–simulation ; living–death. How to think the digital face as an « in between » trace/material ?

Keywords: face  – mask  – alterity  – simulation  – representation  – indiciality  – molding  – modeling  – matrix – morphogenesis  – archive  – resemblance  – verisimilitude  – appearance  – real  – hyperreal  – passage  – hybridization rupture  – in –  between


Sommaire

Introduction
1. Masque-visage : le « prosopon numérique »
2. Représentation–simulation : la rupture indicielle
3. Moulage-modélisation : l’empreinte numérique
4. Vivant–Mort : matières de l’entre-deux
Conclusion
Notes
Bibliographie

Introduction

Seront traités dans cet article des enjeux esthétiques et théoriques du « visage numérique » –compris ici comme la simulation du visage en images de synthèse 3D réalisée à partir d’un scan numérique sur modèle vivant – dans les pratiques artistiques contemporaines. Nous nous fonderons sur des spécificités esthétiques et techniques du masque mortuaire dont l’analogie avec le visage numérique ouvre une réflexion sur l’indicialité (l’empreinte, le contact) d’où découle la question de l’ « entre-deux » qui sous-tend notre recherche. Il ne s’agira pas de dresser une histoire du masque mortuaire, ni même de faire le portrait exhaustif des pratiques dont il fait l’objet tant celles-ci sont éclatées entre diverses époques, ethnies et croyances. Le masque mortuaire, dont la morphogenèse peut être résumée en « effigie par contact » (empreinte) nous servira de « modèle » ou de « grille de lecture » pour penser le visage numérique à travers des notions qui leurs sont spécifiques, parfois contraires, mais dont nous entendons révéler toute la porosité : masque-visage ; moulage-modélisation ; représentation-simulation ; vivant-mort. Ainsi avons-nous choisi d’emprunter au masque mortuaire ses caractéristiques générales ou universelles (si cela était possible), afin de les « mettre à l’épreuve » du numérique. Comment penser le visage numérique comme matière de l’entre-deux ?

1. Masque-visage : le « prosopon numérique »

Il convient dans un premier temps d’esquisser les contours de deux concepts sur lesquels se fondent notre analyse : le masque et le visage. Aujourd’hui largement distincts, voire opposés, ils appartenaient en Grèce ancienne à la même dénomination : le prosopon. Nous entendons alors démontrer comment le visage numérique hybride les concepts de masque et de visage pour former ce que nous nous proposons de nommer le « prosopon numérique ».

Selon l’historienne Françoise Frontisi-Ducroux, « le prosopon n’est pas senti comme une unité distincte, définie par sa situation dans la totalité du corps mais comme un ensemble d’éléments qui s’offrent à la vue1 ». Indissociable de la vision, le prosopon n’existerait qu’en situation de réciprocité du regard. Contrairement à l’opposition sémantique que nous lui connaissons aujourd’hui (dessus-dessous ; devant-derrière ; convexe-concave), le masque grec n’est pas « masquant ». Il est une surface plane, sans revers, qui ne dissimule rien. Il est pure extériorité ; surface de projection, et pour le « porteur » – qui s’exprime avec le visage par la production de masques –, et pour le « regardeur » – pour qui le visage-masque fait toujours « image ».

L’étude des masques mortuaires nous révèle que ces derniers seraient à l’origine du portrait2. De leurs mises en scènes dans les rituels funéraires de l’antiquité au privilège bourgeois du XIXe siècle en passant par l’objet de fascination morbide du moyen-âge, le masque mortuaire traverse les époques, les traditions et les usages tout en restant « lié à son modèle par un contrat de ressemblance3 ». Dès son origine, l’empreinte sur le vif sous-tend déjà les enjeux du portrait que nous connaissons aujourd’hui : la ressemblance et le réalisme, le modèle et le sujet, l’absence et la mémoire. Comme le souligne Jean-Luc Nancy à propos du masque mortuaire :

La reconnaissance, l’identification sont essentielles au masque. Elles lui confèrent sa puissance : c’est parce que nous savons parfaitement ce qui est simulé […] que nous pouvons éprouver une fascination – apeurée ou amusée – pour ce qui vient ainsi se présenter fixé, figé et impénétrable4.

Paradigmatique de l’entre-deux, le masque mortuaire capture le passage de la vie à la mort en une trace qui se fait à la fois l’indice et l’icône d’un visage qui entre dans le monde des masques. Même lorsqu’il se superpose au visage du défunt dont il procède techniquement, l’objet n’a pas ici vocation à dissimuler. Il préserve l’apparence du visage avant que celui-ci ne soit « dévisagé » par le temps et prolonge ainsi son expérience visuelle. Finalement, il « dissimule moins qu’il ne révèle, il est moins posé par dessus qu’il ne surgit d’un dessous5 ».

À partir des sociétés de contrôle décrites par Michel Foucault, masque et visage se voient arrachés l’un à l’autre. Dans un contexte de surveillance généralisé, le visage contemporain se construit politiquement comme étant le support d’une identité civile, devenant antinomique du masque, compris comme « anonymisant ». Principalement envisagé dans sa fonction dissimulatrice, le masque recouvre le visage dont les traits constituent dorénavant une carte biométrique permettant l’identification de l’individu. Si quelques artistes-chercheurs tels qu’Adam Harvey, Leo Selvaggio et Zach Blas créent des systèmes de camouflage numérique qui agissent en masques anonymisants, d’autres propositions artistiques tentent de rendre au visage–masque sa porosité, notamment à travers la simulation en images de synthèse 3D.

En contraste avec les installations pour la plupart interactives de l’artiste numérique Catherine Ikam, sa série de portraits réel/virtuel (2016), « fixe » la matière numérique du visage dans des impressions en grand format. Réalisées à partir de scans volumétriques qui traduisent le visage réel en un fichier numérique, les mises en scène de l’artiste sont résolument photographiques et s’inscrivent dans une tradition du portrait que son travail ne cesse d’interroger. L’usage du clair-obscur qui souligne la morphologie des visages accentue l’impression d’ « écran » qui se dégage du support, noir, brillant, nous laissant un instant dans l’attente d’un cillement. Néanmoins, le « visage » s’estompe par son aspect résolument mortifère, figé dans un aspect cireux – entre le terne d’une chair désincarnée et le brillant d’un corps embaumé –. Certains d’entre eux esquissent des « mimiques », sans que ces dernières ne suffisent à nous faire outrepasser l’impression de vide abyssal qui se dégage de ces rictus pétrifiés en masques. Par ailleurs, remonter à l’étymologie de « mimique », du latin mimicus, qui signifie « simulé », « feint », « faux » ne fait que nous rapprocher de cette ambivalence sémantique du prosopon. Tout comme le masque mortuaire, les créatures artificielles de Catherine Ikam ne recèlent de rien. Techniquement, leurs structures filaires tridimensionnelles (à l’image des sculptures de Plensma) attestent qu’il n’y a rien d’autre que ce qui nous est offert au regard. Du visage réel soumis au scanner, il ne nous reste que la coquille vide dont le support bidimensionnel du papier ne fait que renforcer l’impression de surface. Ainsi, malgré son réalisme analogique et la frontalité des regards simulés jusque dans leurs éclats, les portraits ne suffisent pas à nous faire entrer dans l’altérité – condition de la rencontre avec le visage selon le philosophe Emmanuel Levinas –. « Figure soustraite à la mobilité6 », le masque n’engage que partiellement le spectateur en ce qu’il agit comme une « façade » (une autre signification du  prosopon), édifice qui se présente au spectateur, mais aussi : une apparence qui trompe sur la réalité. À l’intersection du réalisme du visage qui nous fait entrevoir la possibilité de sa rencontre et du mutisme du masque artificiel, pure extériorité prise dans le passé de son enregistrement, peut être serait-il alors plus juste de parler de prosopon pour qualifier les « faces » numériques de Catherine Ikam. Dans Milles Plateaux II, Capitalisme et schizophrénie, Gilles Deleuze et Félix Guattari annoncent que « le masque ne cache pas le visage, il l’est7 ». Ils soulignent ainsi la porosité des frontières de deux concepts qui se fondent sur la « tête ».

2. Représentation–simulation : la rupture indicielle

Le terme latin imago – qui désigne le masque mortuaire réalisé en cire – nous apprend que l’histoire des représentations est indéniablement liée à la mort et aux apparences qu’il s’agissait de sauver des dégradations du temps. Dans son texte Ontologie de l’image photographique, André Bazin revient sur la naissance des arts plastiques dont il nous apprend que la fonction première est de « fixer artificiellement les apparences charnelles de l’être » afin de « l’arracher au fleuve de la durée8 », comme en attestent les pratiques égyptiennes de momification. Ce dernier poursuit son analyse psychologique de l’image avec la photographie, attestant que sa genèse automatique – à l’instar du moulage –, procède « (…) d’un transfert de réalité de la chose sur sa reproduction9 ». Publié pour la première fois en 1945, son texte pose finalement les fondements théoriques d’une ambivalence sémiotique de l’image photographique, comprise entre icône et index, qui seront développés à partir du milieu des années 70, et que le numérique nous donne à repenser.

C’est à l’appui du travail de Charles S. Peirce, structuraliste américain qui introduit la trichotomie icône-index-symbole, que la théoricienne Rosalind Krauss définit la photographie comme étant « le résultat d’une empreinte physique qui a été transférée sur une surface sensible par les réflexions de la lumière10 ». Si notre ambition n’est pas de vérifier la validité de la thèse de Krauss et de toutes celles qui lui ont succédé jusque dans les années 90, il nous importe de souligner que ces effets de discours ont contribué à construire une prétendue objectivité du médium photographique, moins due à son réalisme figuratif qu’à son statut d’empreinte. Selon Georges Didi-Huberman, l’empreinte est avant tout « l’expérience d’une relation, le rapport d’émergence d’une forme à un substrat ‘empreinté’11 ». Ainsi, l’analogie du masque mortuaire – empreinte qui fixe le sujet sur un support pour en reproduire l’apparence – traverse les théories de la photographie, dès lors envisagée comme trace (index) qui fait image (icône), résidu d’une contiguïté physique chose-support. Si ces textes nous ont permis de penser certaines spécificités du médium – son indicialité et son réalisme analogique – il convient toutefois de rappeler que l’image photographique est un processus d’abstraction, « de réduction des quatre dimensions de l’espace-temps aux deux dimensions de la surface12 » ; un médium artistique dont les pictorialistes ont su très tôt révéler toute la plasticité. Loin du relevé anthropométrique du moulage en plâtre, l’image photographique du visage serait donc une empreinte infra-mince, sans épaisseur, qui dissimule plus qu’elle ne révèle, qui égare plus qu’elle ne rapproche…

Le passage de l’analogique au numérique opère une véritable mise à mal théorique de l’indicialité, faisant de l’image du visage (image référentielle) un visage-image (image auto-référentielle). En effet, l’image du visage ne s’engendre plus par une quelconque empreinte (physique, photochimique), mais par sa conversion au langage symbolique de l’informatique. Ce qui précède le visage numérique, ce n’est plus son modèle physique mais bien son modèle logico-mathématique. Ainsi, notre réflexion porte sur ce changement d’ordre figuratif qui rompt le cordon ombilical – théorique et esthétique – unissant image et réel (représentation) pour faire entrer le visage dans le champ de la simulation numérique (hyperréel).

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’une image numérique n’est autre qu’une base de données interprétée par un programme informatique qui permet son affichage. Ces données peuvent être captées (image photographique), hybridées (avec un programme informatique de « retouche ») mais aussi générées (image de synthèse). Le visage numérique – synthétique, tridimensionnel – dont il est question dans la présente recherche est généré à partir des données captées dans le réel (scan 3D). Néanmoins, il ne s’agit pas de la simple conversion de l’image du réel en base de données, mais bien d’une synthèse d’informations aux statuts et sources multiples, comme les coordonnées spatiales. Par ailleurs, l’image de synthèse ne se fonde pas nécessairement sur le réel. L’objet à simuler peut être entièrement décrit, programmé informatiquement et ce, sans que nous puissions techniquement le vérifier, contrairement au « ça a été » de la photographie qui, de fait, engage qu’une chose ait été présente devant l’objectif. Sur ce constat technique d’une image fondée sur la « description mathématique » de l’apparence des choses, Edmond Couchot annonce un passage de l’image-trace à l’image-matrice :

L’image de synthèse n’est plus l’empreinte d’une gerbe de photons émis par l’objet à représenter qui s’inscrit sur un support chimique ou magnétique, c’est une matrice de nombres calculés par l’ordinateur à partir d’instructions programmées. A la lumière s’est substitué le calcul; au faisceau optique, la matrice mathématique13.

De par la véritable rupture indicielle dans la morphogenèse des images, nous pouvons dès lors avancer que le visage numérique n’est pas en « connexion physique » – pour reprendre la définition peircienne de l’index – avec son modèle ; son « apparence visuelle » est engendrée par la synthèse de données informatiques.

Selon Jean Baudrillard, la simulation – du latin simular qui signifie « faire semblant » – crée « (…) un hyperréel, produit de synthèse irradiant de modèles combinatoires dans un hyperespace sans atmosphère14 ». Il s’agit d’un « réel » produit à partir de matrices, de mémoires et de modèles pouvant reproduire ce dernier dans un nombre indéfini de fois. La production de l’image du visage ne s’opère plus à partir du réel, ni même à partir de son négatif (comme pour la photographie et le masque mortuaire) mais à partir de son code – génétique ou informatique –, déconnecté de toute référence. Baudrillard ajoute alors que « l’ère de la simulation s’ouvre donc par une liquidation de tous les référentiels », ces derniers étant non pas représentés (au sens d’un rapport d’équivalence du signe), mais bien « ressuscités artificiellement15 ». La simulation agit comme un « double opératoire », qui « substitue au réel des signes du réel16 ».

Malgré la rupture théorique fondamentale ici soulevée, il convient toutefois d’observer plus précisément les schèmes opératoires de la modélisation numérique du visage qui laisseraient entrevoir certaines similitudes avec l’empreinte physique du visage.

3. Moulage-modélisation : l’empreinte numérique

Dans un premier temps, de l’huile est appliquée sur le visage du modèle. La tête est ensuite enveloppée dans une large bande fixée sur un cercle en fer. C’est entre cette bande et le visage que le plâtre est coulé. Le creux ainsi obtenu est rempli de plâtre puis brisé pour dégager le moule (…)17.

Cette brève description écrite à l’aune de la Renaissance par le peintre toscan Cennino Cennini fait clairement état du rapport de contiguïté physique entre le support (visage) et la matière (plâtre) au sein du dispositif technique de moulage. Contrairement à l’imitation (réalisation d’une œuvre d’après modèle), l’empreinte implique la présence physique du corps dont le contact avec le matériau engendre le négatif. Michel Guiomar affirme à ce propos que « l’art funéraire tout entier est tributaire de la présence physique du mort », bien que ce dernier ne tente « (…) souvent qu’à dissimuler, qu’à enfermer sa réalité physique sous une structure qui l’efface (…)18 ». Entre le relevé indiciel qui double le visage, lui créant ainsi une nouvelle visibilité, et la fonction recouvrante du masque qui l’efface de la vision, l’empreinte du visage, si elle hybride les concepts de montrer-cacher, relève toujours de l’haptique – du grec haptomai, qui signifie « je touche » –. Sur ce constat épistémologique du moulage, il convient d’interroger les schèmes opératoires de la modélisation 3D du visage enfin d’analyser dans quelle mesure sa modélisation intègre de l’empreinte. Ainsi nous proposons-nous d’analyser le « moulage numérique » du visage.

Il convient dans un premier temps de définir la « modélisation » dans le champ de la simulation numérique. Selon Jacques Lafon dans son ouvrage Esthétique de l’image de synthèse,

La modélisation est la conception du modèle numérique, c’est-à-dire la description d’un objet, d’un groupe d’objets ou d’un espace, réel ou imaginé, comme un ensemble d’unités élémentaires et de leurs relations, repérées par des nombres algébriques de manière qu’un processeur logique puisse en représenter une image signifiante pour un observateur humain19.

Du latin modulus, diminutif de modus (« manière » ou « mode »), le modèle est, dans l’histoire de l’art, l’objet référent dont il s’agit de représenter ou de reproduire l’apparence. Or, il peut être, sous ses formes les plus abstraites, un concept ou une réduction de l’objet à exécuter (prototype). Dans notre cas, il s’agit du langage symbolique (modèles logico-mathématiques). Ce déplacement sémantique de la notion de modèle, du réel vers son signe, est constitutif de la morphogenèse du visage numérique ; la modélisation numérique du visage consiste alors en sa réduction symbolique au langage des données informatiques.

Comme en atteste le Light Stage, gigantesque scanner 3D haute-définition conçu par Paul Debevec, les outils de modélisation 3D de modèles vivants se sont largement perfectionnés depuis leur création dans les années 90. En effet, la plupart des systèmes actuels utilisent la photogrammétrie, technique qui consiste en la modélisation volumique d’un objet à partir d’une série de vues photographiques de ce dernier. Le programme identifie des repères et des correspondances entre chacune des images afin de procéder à la modélisation du sujet et de former sa structure tridimensionnelle. Dans le prolongement d’une conception dite « objective » de la photographie, envisagée à sa naissance par certains chercheurs comme instrument d’observation et de découverte scientifique, le médium se fait, dans le cadre de la photogrammétrie, outil de mesure du réel, utilisé pour sa matérialité même : une base de données numérique pouvant être analysée jusqu’au plus petit élément. Le processus de modélisation du visage ne procède donc pas du calcul du réel lui-même mais bien de l’analyse de ses traces photographiques. Or, la photographie étant considérée, d’une part, par Vilèm Flusser comme « processus d’abstraction » et, d’autre part, par Roland Barthes comme « émanation du référent », nous pouvons dès lors supposer que son usage dans la modélisation 3D intégrerait de la subjectivité dans ce qui s’apparente à une copie fidèle du réel (analogon).

En effet, selon Flusser, la photographie est caractérisée par sa faculté « d’encoder les phénomènes en des symboles bidimensionnels20 », produisant une image aux conventions déterminées par le programme de l’appareil et son dispositif photographique. De plus, le cadrage, inhérent à l’acte photographique, découpe une partie du champ, intégrant inévitablement le sujet-opérateur (sa subjectivité) dans la construction de l’image. De son côté, Barthes indique une référentialité de la photographie qui « ne se distingue jamais de son référent » résultant qu’on ne puisse « jamais nier que la chose a été là21 ». Bien que le numérique nous amène à tempérer la thèse de Barthes, la modélisation 3D à partir de la technique photogrammétrique, incorporerait dans une certaine mesure du « ça a été » dans une image qui n’aurait théoriquement aucune adhérence au réel.

Plus encore, les dispositifs de scan 3D les plus récents s’accompagnent d’un système dit de « lumière structurée » qui envoie des motifs lumineux sur le sujet de la captation afin d’en retirer des données géométriques. À l’instar de la technique du moulage sur le vif décrite par Cennini, il s’agit d’une projection de « matière » sur le visage pour en mesurer et en dégager le volume. Néanmoins, dans notre cas, la matière n’engendre pas physiquement la forme numérique ; elle se fait, l’espace d’un instant, l’interface entre le réel et le programme, et élabore le véritable matériau de la modélisation : ses modèles logico-mathématiques, empreintes chiffrées du visage numérique.

Finalement, bien que la photographie soit « dissoute » au cours de la synthèse de l’image et que la projection de lumière ne produise pas un moule physique, la modélisation 3D intègre une part d’indicialité dans ses schèmes opératoires, faisant d’une certaine manière l’empreinte numérique du visage.

Le travail de l’artiste américaine Sophie Khan interroge frontalement la relation qui s’opère entre le visage numérique et le dispositif de l’« empreinte » en expérimentant les schèmes opératoires de la modélisation 3D.

Dans une vidéo intitulée 04302011, l’artiste met en rotation 38 visages « capturés » dans les rues de New York. La modélisation, généralement réalisée en studio, se fait ici dans des conditions relativement précaires : les paramètres lumineux ne sont pas maîtrisables et le contexte urbain, caractérisé par le mouvement et les flux, nuit à l’immobilité nécessaire à une captation optimale. Dès lors, l’image du visage apparaît inévitablement déconstruite, son morcellement n’étant que la représentation d’un individu que l’on ne fait que croiser et que la mémoire efface systématiquement. Les visages se succèdent sur un fond noir avec un aspect en commun : les yeux clos. En effet, le dispositif force l’individu à se protéger de la lumière émise, tout comme le sujet d’un moulage en plâtre doit se protéger de la matière qu’il s’apprête à recevoir sur le visage. À la fois serein et défiguré, le visage du citadin prend inévitablement l’apparence d’un masque mortuaire dont le procédé numérique recoupe des enjeux du moulage. En effet, le procédé technique du moulage en plâtre requiert une immobilité totale du visage qui le contraint dans son expressivité. L’espace des trente secondes nécessaires au durcissement du plâtre, la tête et la matière se figent mutuellement en masques, immobilisés par le dispositif de l’empreinte. Néanmoins, selon Georges Didi-Huberman dans une phénoménologie du moulage, cette immobilité n’est que partielle car le durcissement de la matière sur le visage subit l’inévitable frémissement du corps : « L’objet devient bifurcation inapaisable de l’organique (peau réactive fixée dans l’instant vivant de sa réaction) et de l’inorganique (plâtre inerte fixé dans le temps mort de son absence de réaction)22. » En réunissant volontairement les conditions de l’échec technique de la modélisation d’un portrait analogue au visage réel, Sophie Kahn matérialise finalement un geste – celui du corps de l’artiste qui doit graviter autour du visage pour le scanner – et une temporalité – peut-être les trente secondes qui suffisent au durcissement d’un plâtre.

Malgré son absence de contiguïté physique, la modélisation 3D du visage n’exclue pas pour autant l’opérateur du processus. C’est bien le geste humain et par extension le temps qui « façonnent » le visage, laissant l’empreinte de l’artiste dans la matière numérique de ses masques artificiels. Mais, lorsque cette matière s’anime et que le « visage-sculpture » s’articule en « visage-mouvement », notre perception de l’image s’en retrouve mise à l’épreuve.

4. Vivant-Mort : matières de l’entre-deux

Si l’empreinte du visage suppose une fixité « mortifère », l’image de synthèse 3D parviendrait à « rendre » la dynamique du vivant par la simulation et l’animation numérique du visage. Ce dernier adopte alors une grammaire d’expressions faciales et de « mimiques » oscillant entre la vraisemblance d’un acteur virtuel et le monstrueux de l’Uncanney Valley, théorie scientifique de Masahiro Mori sur le réalisme des robots androïdes. Nous nous proposons alors d’envisager le visage numérique comme « matière de l’entre-deux » (entre le vivant et le mort, entre le réel et l’artificiel) à partir d’une analyse de l’œuvre du jeune artiste anglais Ed Atkins qui positionne délibérément ses protagonistes virtuels à l’intersection de ces notions, déconstruisant les mécanismes esthétiques de la simulation numérique du visage.

Dans ses vidéos haute définition, Ed Atkins met en scène son double numérique animé à l’aide de techniques de motion capture. Articulé par les mouvements physiques de l’artiste, le visage simulé en images de synthèse 3D récite des textes et des poèmes traitant de sujets tels que la dépression, la mort et la maladie.

Dans une vidéo intitulée Hisser (2015), le double se retrouve à plusieurs reprises en gros plan, regard caméra, laissant deviner le mouvement saccadé des lèvres qui peinent à se synchroniser sur une voix tremblotante et teintée d’angoisse. Il n’est d’ailleurs pas anodin de souligner que la voix en question n’est pas « spatialisée » dans l’image tridimensionnelle, ce qui aurait pourtant renforcé l’illusion de la simulation. Au contraire, elle nous parvient directement, comme une voix intérieure qui dépasse la condition physique du personnage numérique.

Dans sa totalité, le corps ne se meut que rarement, montré dans un état léthargique, écroulé sur le sol ou sur le lit de la chambre adolescente qui constitue le seul décor de la vidéo. Tout comme la voix, il ne semble pas plus interagir avec son environnement. Lorsque nous remarquons que l’oreiller ne s’enfonce pas sous le poids de la tête, c’est la matérialité du sujet tout entière qui est questionnée, et par le spectateur qui devine les failles de la simulation, et par le sujet lui-même qui semble prendre conscience, sous nos yeux, de sa corporalité : immatérielle, simulée, hyperréelle, « sans atmosphère »…

René Descartes affirmait de son corps : « (…) je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé que je compose comme un seul tout avec lui23. ». À l’inverse, les doubles d’Ed Atkins marquent une rupture entre le corps et l’esprit pour finalement révéler le malaise ambiant d’un visage au réalisme saisissant que le sujet ne parvient pas à habiter. Le visage numérique est utilisé par l’artiste comme un masque qui « donne corps » au sentiment de vide intérieur, de dépression et de non-appartenance ; il ne s’agirait plus d’un personnage, mais de la dépouille de l’artiste, ou de son masque mortuaire sur lequel il projette ses angoisses et qu’il tente désespérément de mettre en mouvement, laissant volontairement visibles les marques de la construction de cette réalité artificielle.

L’œuvre d’Ed Atkins illustre d’une certaine manière la pensée de Maurice Blanchot pour qui « L’image, à première vue, ne ressemble pas au cadavre, mais il se pourrait que l’étrangeté cadavérique fût aussi celle de l’image24. ». Il s’agit pour Blanchot de souligner le malaise que l’image peut susciter dans son statut d’entre-deux : entre le réel qu’elle représente et l’imaginaire de la représentation, entre la présence de l’objet représenté et son absence de la représentation… Le cadavre se fait effectivement source de cette « inquiétante étrangeté » freudienne qui indique une rupture dans la rationalité de la vie quotidienne. Le cadavre rend l’image du vivant dans une extrême ressemblance, tout en nous proposant l’expérience physique de son absence. À ce propos, Ernst Jentrich, psychiatre allemand, décrit le concept de Freud comme étant : « (…) le doute suscité soit par un objet apparemment animé dont on se demande s’il s’agit d’un être vivant, soit par un objet sans vie dont on se demande s’il ne pourrait pas s’animer25. »

Le visage numérique, matière inerte qui revêt l’apparence du vivant suscite ce malaise de l’image-cadavre.

En 1970, le célèbre roboticien Masahiro Mori publie le texte The Uncanny Valley (traduit en Vallée de l’étrange), théorie selon laquelle : si un robot adopte une apparence humaine, le moindre écart avec le réel nous apparaîtra dérangeant, voire monstrueux26. Clairement fondé sur la thèse de Freud, le texte de Mori trouve un fort écho dans l’œuvre d’Ed Atkins dont toute la réflexion se déploie dans le trouble suscité par l’hyperréalisme de la simulation. Ses vidéos creusent et explorent l’abîme qui sépare sujet, corps et image.

Si la métaphore du cadavre suppose un état figé d’entre-deux – entre la vie et la mort –, Jacques Lafon annonce que l’image de synthèse serait plutôt dans une dynamique de « passage » en ce qu’elle dialogue perpétuellement entre le monde sensible et le monde intelligible (monde des modèles logico-mathématiques). Pour soutenir son propos, Lagon utilise la figure de l’ange pour analyser son « va-et-vient entre les deux mondes ». Elle serait le « messager angélique », l’« empreinte révélatrice qui se substitue à l’objet pour le révéler et à mon contrôle pour m’affirmer en tant que sujet sensible27 ». Avec l’image de synthèse, nous avons le contrôle sur un « au-delà » qui simule une réalité qui nous est inaccessible matériellement : nous ne pouvons ni l’habiter, ni la toucher, mais nous pouvons cependant la construire et interagir avec elle.

Conclusion

Si le visage numérique est constamment en tension théorique et esthétique avec le masque mortuaire, son épiderme numérique (son « moi-peau28 » ?), lui offre ce que l’empreinte physique ne peut obtenir du visage : l’altérité. D’une part, il est effectivement « autre » (alter) en ce qu’il procède techniquement d’une « rupture ontologique » avec son référent. D’autre part, il se fait lieu de « passage », interface virtuelle dynamique entre l’artiste et le spectateur. Émancipé – bien que partiellement – du réel, il est perpétuellement en devenir.


Notes

1 – Frontisi-Ducroux Françoise, Du masque au visage. Aspects de l’identité en Grèce ancienne (1995), Paris, Flammarion, coll. « Champs arts », 2012, p. 41.

2 – Le premier exemple de masque réalisé sur modèle vivant fut rapporté par Pline l’Ancien dans son oeuvre encyclopédique Histoire Naturelle, publiée pour la première fois en 77. Au IVe siècle avant J.C, Lysistrate de Sicyone fit couler de la cire dans un moule en plâtre réalisé à-même le visage. Ce dernier pose la question de la ressemblance et du réalisme à une époque qui s’attachait exclusivement à reproduire des types et des canons de beauté. Cf. l’Ancien Pline, Histoire Naturelle, Folio, coll. « Folio Classique », 1999.

3 – Nancy Jean-Luc, « Masqué-démasqué », in cat. expo Masques, de Carpeaux à Picasso, Paris, Musée d’Orsay, 2009, p. 14.

4 – Ibid.

5 – Ibid., p. 13.

6 – Ibid., p. 14.

7 – Deleuze Gilles, Guattari Felix, Capitalisme et schizophrénie 2 – Mille Plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 145.

8 – Bazin André, « Ontologie de l’image photographique », in Qu’est-ce que le cinéma ? (1945), Paris, Cerf, coll. « 7e Art », p. 10.

9 – Ibid., p. 14.

10 – Krauss Rosalind, « Notes sur l’index. L’art des années 1970 aux États-Unis », trad. de l’anglais par P. Michaud, Macula, no 5/6, 1979, p. 165-175.

11 – Didi-Huberman Georges, cat. expo. L’empreinte, Centre Georges Pompidou, 1997, p. 26.

12 – Flusser Vilém, Pour une philosophie de la photographie, Circé, 1996, p. 7.

13 – Couchot Edmond, Images, de l’optique au numérique. Ed. Hermès, Paris, Londres, Lausanne, 1988, p.17.

14 – Baudrillard Jean, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 11.

15 – Ibid.

16 – Ibid.

17 – Cennini Cennino, Le livre de l’art ou traité de la peinture (1437), Ressouvenances, 2014, p. 144.

18 – Guiomar Michel, Principes d’une esthétique de la mort (1967), Paris, José Corti Editions, 1989, p. 50.

19 – Lafon Jacques, Esthétique de l’image de synthèse : la trace de l’ange, Paris, L’harmattan, coll. « Arts, esthétique, vie culturelle », 1999, p. 11.

20 – Flusser Vilèm, op. cit.

21 – Barthes Roland, La Chambre claire, Note sur la photographie, Paris, Gallimard, coll. « Cahiers du cinéma », 1980, p. 119.

22 – Didi-Huberman Georges, « L’air et l’empreinte », in À fleur de peau, le moulage sur nature au XIXe siècle, (s.l.d) Édouard Papet, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 55.

23 – Descartes René, Méditations métaphysiques (1641), Sixième méditation, in Oeuvres et lettres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », p. 326.

24 – Blanchot Maurice, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 344.

25 – « (…) doubt as to whether an apparently living being really is animate and, conversely, doubt as to whether a lifeless object may not in fact be animate », traduit de l’allemand par Roy Sellars. Cf. Jentrich Ernst, « On the Psychology of the Uncanny » (1906), in Angelaki 2.1, journal of the theoretical humanities, 1995.

26 – The Uncanny Valley de Masahiro Mori a été premièrement publié dans le journal japonais Energy en 1970. Cf. La première traduction en anglais validée par l’artiste, par Karl F. MacDorman et Norri Kageki. URL : http://spectrum.ieee.org/automaton/robotics/humanoids/the-uncanny-valley

27 – Lafon Jacques, Esthétique de l’image de synthèse : la trace de l’ange, op. cit., p. 15.

28 – Le « Moi-Peau » est un concept du psychanalyste Didier Anzieu apparu pour la première fois en 1974 dans un article de la Nouvelle Revue de Psychanalyse. Il désigne la constitution du « moi » chez l’enfant à partir de l’expérience de la surface du corps. Cf. Le Moi Peau, Paris, Dunod, 1985.

Ouvrages

BAQUÉ Dominique, Visages : du masque grec à la greffe de visage, Paris, Éditions du regard, coll. « arts plastiques », 2007, 224 p.

Baudrillard Jean, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, coll. « débats », 1981, 233 p.

BELTING Hans, Faces : une histoire du visage, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2017, 432 p.

COUCHOT Edmond, La technologie dans l’art : de la photographie à la réalité virtuelle, Paris, Éditions Jacqueline Chambon, coll. « Rayon Photo », 270 p.

Couchot Edmond, Images, de l’optique au numérique, Paris, Éditions Hermès, 1988, 242 p.

Deleuze Gilles, Guattari Felix, Capitalisme et schizophrénie 2 – Mille Plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, 648 p.

DIDI-HUBERMAN Georges, La ressemblance par contact, Paris, Les Éditions de Minuit, 2008, 384 p.

Frontisi-Ducroux Françoise, Du masque au visage. Aspects de l’identité en Grèce ancienne (1995), Paris, Flammarion, coll. « Champs arts », 2012, 340 p.

Guiomar Michel, Principes d’une esthétique de la mort (1967), Paris, José Corti Editions, 1989, 494 p.

KRAUSS Rosalind, L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Éditions Macula, coll. « Vues », 1993, 358 p.

Lafon Jacques, Esthétique de l’image de synthèse : la trace de l’ange, Paris, L’harmattan, coll. « Arts, esthétique, vie culturelle », 1999, 230 p.

PAPET Édouard (s.l.d), À fleur de peau, le moulage sur nature au XIXe siècle, Réunion des musées nationaux, 2001, 189 p.

QUÉAU Philippe, Le virtuel : vertus et vertiges, Éditions Champ Vallon, coll. « Milieux », 1993, 215p.

SCHLOSSER Julius von, Histoire du portrait en cire, Paris, Macula, 1997, 235 p.

Catalogues d’exposition

DIDI-HUBERMAN Georges (s.l.d.), L’empreinte, Éditions du Centre Georges Pompidou, coll. « Procédures », 1997, 336 p.

Edouard Papet (s.l.d.), Masques, de Carpeaux à Picasso, Musée d’Orsay, Paris, Éditions Hazan, coll. « Beaux arts », 2008, 254 p.

HÉRAN Emmanuelle (s.l.d.), Le dernier portrait, Musée d’Orsay, Réunion des musées nationaux, coll. « Lire en filigrane », 2002, 239 p.

cat. expo, Catherine Ikam, Centre des Arts Enghien Les Bains, SCALA, 2016, 156 p.