INTRODUCTION
Nicolas VALDEYRON, François BON, Sandrine COSTAMAGNO
Les préhistoriens font nécessairement référence, bien que de façon plus ou moins implicite, à une certaine typologie des sites occupés par les groupes de chasseurs-cueilleurs qu’ils étudient. De fait, depuis 40 ans au moins, la notion de “fonction des sites” occupe une place cruciale en préhistoire, singulièrement lorsqu’il s’agit d’interpréter la variabilité des assemblages archéologiques (et l’on se souvient notamment à cet égard de la controverse qui opposa François Bordes et Lewis Binford à propos de la signification des faciès moustériens). C’est ainsi que des lieux ayant accueilli des activités jugées spécialisées sont, selon les cas, le type de vestiges ou de témoignages rencontrés – mais aussi bien sûr d’analyses mises en œuvre –, volontiers désignés sous les termes d’atelier de taille, de site d’art (et bien souvent de sanctuaire) ou encore de halte de chasse, tandis que des sites occupés apparemment plus durablement et sur lesquels une gamme d’activités plus variée semble s’être déroulée, sont fréquemment qualifiés de campement résidentiel, d’habitat saisonnier ou bien encore, lorsqu’il s’agit d’implantations ayant livré un mobilier jugé exceptionnel d’un point de vue quantitatif comme qualitatif, de site d’agrégation voire de super-site. Derrière ces termes, se dissimulent des notions lourdes de sens car, à travers eux, n’est-ce pas toute l’organisation territoriale mise en oeuvre par les groupes concernés qui est peu ou prou suggérée ? Et, derrière les règles mises en jeu dans cette organisation territoriale supposée, ne voit-on pas surgir des aspects étroitement liés à leur organisation sociale ? En effet, la segmentation des activités dans l’espace n’est pas seulement révélatrice du degré de planification économique développé par un groupe ; elle l’est aussi d’une certaine forme de fonctionnement social. Or, force est de constater que ces notions, comme les termes qui les désignent, demeurent flous. Si, à l’initiative notamment d’André Leroi-Gourhan, les structures d’habitat préhistoriques bénéficient d’un vocabulaire forgé à l’aide de critères de définition précis – dont il est, dès lors, possible de discuter de la pertinence sur des bases solides –, la typologie des sites à laquelle ces termes font allusion repose sur des bases beaucoup plus fragiles, tout du moins dans le contexte de l’archéologie préhistorique européenne. Lorsqu’elles existent, les définitions proposées varient souvent selon les contextes, parfois selon les auteurs, ce qui nuit à toute entreprise de comparaison dans l’espace comme à travers le temps.