Célestine Dibor Sarr
SARR Célestine Dibor est docteur en littérature française, plus précisément sur l’esthétique de Nathalie Sarraute. Elle est l’auteur de plusieurs publications scientifiques dont les plus récentes sont : « Le récit d’enfance : un dialogisme entre réalité et fiction dans Enfance (1983) de Nathalie Sarraute », Revue de la Faculté des Sciences et Technologie de l’éducation et de la formation, Liens, Nouvelle série, n°29- volume 2, juillet 2020, pp. 302-316 et « La prégnance de l’objet dans Le Planétarium (1959) de Nathalie Sarraute, entre réflexion et projection existentielle », Poétiques de l’objet, Travaux de littérature XXXIII, publiés par l’ADIREL, Genève, 2020, pp. 253-265.
Pour citer cet article : SARR Célestine Dibor, « L’indétermination du temps dans le Nouveau Roman : du temps chronologique à l’instantanéité de l’écriture dans Portrait d’un inconnu (1948) de Nathalie Sarraute », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse-Jean Jaurès, n°13, « Temps à l’oeuvre, temps des oeuvres », saison automne 2023, mis en ligne le 13 octobre 2023, disponible sur https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2023/05/31/lindetermination-du-temps-dans-le-nouveau-roman-du-temps-chronologique-a-linstantaneite-de-lecriture-dans-portrait-dun-inconnu-1948-de-nathalie-sarraute//
Résumé
Après les deux guerres, l’homme moderne s’est vu assailli par un doute existentiel. Le passé a été désastreux, le présent est angoissant et l’avenir incertain. Dans ces conditions, comment s’orienter ou s’identifier par rapport à une quelconque temporalité ? Dans le Nouveau Roman, nul ne s’intéresse alors à une quelconque évolution du personnage et de la narration, seuls importent l’Ici et le Maintenant. Ces derniers, chez Nathalie Sarraute en particulier dans son roman Portrait d’un inconnu, voient naître, se développer ou disparaitre le tropisme et la sensation sous-jacente. La représentation de cet instant présent, à travers l’écriture de la sensation, participe, dès lors, à une transcription de la simultanéité. Et c’est par le présent que Sarraute tente et cherche à rendre compte de ce qui ne se perçoit qu’au présent. Ce présent se joue à trois niveaux : présent de la parole pour le personnage, présent de l’écriture pour le romancier et présent de la lecture pour le lecteur.
Mots clés : temps – représentation – durée – indétermination – présent – tropisme– instantanéité – écriture.
Abstract
After the two wars, modern man was facing an existential doubt. The past is disastrous, the present is distressing and the future is uncertain. In these conditions, how to guide or identify oneself towards any temporality? In the New Novel, no one is interested in any evolution of both character and the narration, only the Here and the Now matter. Nathalie Sarraute’s novel, Portrait d’un inconnu, the latter see the tropism and the underlying sensation coming to life, growing and disappearing. Since then, the representation of this current moment contributes to the transcription of simultaneity. And it is with the present that Sarraute tries to make people realize what is only perceived in the present. The present is perceived on three levels: the present of word for the character, the present of writing for the novelist and the present of reading for the reader.
Key-words : time– representation – duration – interdetermination – present – tropism – instantaneity – writing.
Sommaire
Introduction
1. Une dilatation du temps chronologique
2. L’Ici et le Maintenant
3. L’instantanéité de l’écriture
Notes
Bibliographie
Introduction
Les bouleversements socio-historiques du début du XXe siècle ont favorisé l’avènement d’une nouvelle esthétique qui se fonde essentiellement sur la négation des structures du roman traditionnel. Toutefois, ce procédé de déconstruction va de pair avec une reconstruction de tout ce qui pouvait être considéré comme les fondements du roman. Ainsi, à la désarticulation des structures du roman dont font montre les néo-romanciers, sera opposée une nouvelle esthétique qui accorde une place de choix aux mutations chronologiques et stylistiques. Cette révision remet en question tout le système énonciatif du roman et avec lui tout ce qui faisait sa stabilité.
Avec Sarraute, ces mutations apparaissent dans la déconstruction de la chronologie du récit. Dès lors, créant une simultanéité plus qu’un écoulement du temps, la juxtaposition, la contiguïté et le parallélisme participent de l’errance du personnage dans un espace mal défini qui correspond à un temps mal reconnu. Une méconnaissance qui inscrit Portrait d’un inconnu[1] dans une temporalité qui brille par son indétermination. Aussi, le lecteur est-il mis en présence d’un récit qui passe du temps chronologique à l’instantanéité de l’écriture. Cette présente étude permettra d’analyser, d’une part, les facteurs qui favorisent une dilatation du temps chronologique chez Nathalie Sarraute. D’autre part, considérant son premier roman, nous montrerons comment elle cherche à représenter l’Ici et le Maintenant. Par ailleurs, il s’agira de montrer comment l’instantanéité de l’écriture participe de la saisie du tropisme, caractéristique de l’écriture sarrautienne.
1. Une dilatation du temps chronologique
Livré à lui-même, l’homme moderne a perdu tous ses repères quant à la perception du temps. En effet, la désagrégation du monde au lendemain des deux guerres transparaît dans l’univers néo-romanesque par une remise en question des piliers du roman. À l’instar du personnage et de l’intrigue, le temps s’est désarticulé pour suggérer les méandres de la réalité. Aussi, dans ces conditions, comment s’orienter ou s’identifier par rapport à une quelconque temporalité ? Ou comme s’interroge Robbe-Grillet, « pourquoi chercher à reconstituer le temps des horloges dans un récit qui ne s’inquiète que de temps humain ? N’est-il pas plus sage de penser à notre mémoire qui n’est « jamais » chronologique ?[2] ».
L’absence de chronologie est telle que le lecteur lui-même se perd. Il n’y a plus de passé mais un présent actualisé par la lecture ou encore par l’écriture. Michel Butor, dans La Modification, met en scène un personnage qui évoque, dans le train qui le ramène de Paris, ses autres parcours du même itinéraire. Il explore ainsi le passé et y trouve des raisons de décider de son avenir. Sous une géométrie méticuleuse, Butor veut reconquérir, dans l’enchevêtrement des souvenirs, les cheminements linéaires de la pensée et dominer ainsi le temps. Comme pour rappeler le « temps humain » dont parle Robbe-Grillet, cette linéarité des souvenirs du personnage de Butor participe, à plus d’un égard, à l’indétermination du temps qui se dilate.
Heureusement, le lendemain, hier jeudi, cela s’était apaisé, et les repas se sont passés calmement, par ce temps froid désespérant qui continue et qui s’aggrave, en cette journée de hâte et d’énervement où il vous fallait avoir réglé, pour ces courtes vacances que vous avez eu l’audace de vous octroyer jusqu’à Mercredi[3].
Le lecteur non averti se voit, dans cet extrait, confondu par les déictiques temporels qui se caractérisent par leur incohérence. La succession des jours de la semaine n’entre pas en adéquation avec le récit qu’en donne le narrateur. Ce bouleversement témoigne de l’indétermination du temps dans le Nouveau Roman.
Car pour les écrivains d’alors, « l’effort consistait à remplacer le temps conceptuel du récit par la suggestion d’une durée vécue[4]». Cette ambition oriente les personnages vers un avenir incertain qu’ils découvriront peu à peu et en même temps que le lecteur. Aussi, Jean-Paul Sartre a-t-il raison lorsqu’il constate qu’avec le Nouveau Roman, « le roman se déroule au présent comme la vie[5] ». La temporalité ne souffre plus de la cohésion et de la cohérence d’un processus narratif qui évolue. Au contraire, il annihile toute progression vers un objectif donné. C’est dans cette logique que des critiques, analysant l’évolution de la littérature au XXe siècle, défendront l’idée selon laquelle, « créé par le récit lui-même, le temps n’est plus linéaire, […] il n’accomplit plus rien[6] ». Ce temps, chez Sarraute, est devenu subjectif car ne se souciant plus du référentiel. Le récit n’est plus axé sur une réalité historique situable et datable, mais sur une réalité subjective.
Le temps n’est plus le temps universel mesurable sur le méridien e Greenwich, mais il a été personnalisé. C’est de cette personnalisation que découle toute l’indétermination du temps chronologique dans le Nouveau Roman. C’est ainsi que Claude Simon, dans Le Vent, fait dire à son narrateur qu’il recherchait son personnage dans « l’épaisseur du temps », ce temps « semblable à une sorte d’épais magma où l’instant serait comme le coup de bêche dans la sombre terre, mettant à nu l’indénombrable grouillement des vers[7] ». Chez Sarraute, la subjectivité du temps semble passer par la personnification de ce temps qui jouit d’une pluralité de conception selon le personnage-narrateur en prise avec lui. Dans Le Planétarium, on est mis en présence d’un « temps oublié, délivré, [qui] a fait un bond…[8] », ou encore dans Portrait d’un inconnu, où l’on est en présence d’« un temps qui se replie sur lui-même et guette[9] ».
Ces états du temps sont tributaires de la naissance ou de la disparition d’un tropisme[10]. Dès lors, sous la pression ou encore la tension du tropisme, « le temps plein de déférence s’écarte[11] ». L’indétermination du temps chronologique dépend, à plus d’un égard, de la personnalisation du temps selon le personnage en puissance. En effet, le temps est perçu selon les rapports que le personnage entretient avec lui mais aussi avec les autres. D’où la conception que le personnage-narrateur de Portrait d’un inconnu en donne : « le temps, comme l’eau qui se fend sous la proue d’un navire, s’ouvrait docilement, s’élargissait sans fin sous la poussée de mes espoirs, de mes désirs[12] ». Alors, le temps n’est plus un temps universel, il s’est métamorphosé pour devenir illimité puisque n’ayant pas de quantifiant. Il est devenu un temps capricieux, tributaire des sentiments et des sensations de ceux qui en font l’expérience.
Les caprices du temps transparaissent dans l’esthétique sarrautienne dans les anachronies assez fréquentes dans les romans de Sarraute. En effet, la fréquence des anticipations et des retours en arrière transgresse la durée de la narration. Le temps du récit est ponctué de souvenirs et n’est qu’un tissu de moments et d’instants relatifs à un événement ayant concouru à la naissance d’un tropisme. Une personnalisation du temps qui varie d’un personnage à un autre. Dans Portrait d’un inconnu, le personnage-narrateur partage au lecteur sa perception du temps et surtout la crainte voire l’angoisse qui l’accompagne :
Il y a au début des après-midis, je l’ai déjà dit, des moments dangereux. […] C’est l’heure de la sieste, du repos ; le moment, après l’excitation du déjeuner, où ceux qui restent seuls dans les appartements silencieux éprouvent tout à coup comme une sensation de froid, une crampe au cœur, un vertige, l’impression que le sol se dérobe soudain sous eux et qu’ils glissent, sans pouvoir se retenir, dans le vide[13].
La comparaison dans la perception de ce temps permet au lecteur de saisir la sensation éprouvée par le personnage et de comprendre son impact sur son imaginaire. Ainsi, à cause de son incidence sur le personnage, le temps, chez Sarraute, est un temps éclaté qui semble se répéter dans la pensée. Cette répétition est accentuée par l’absence de repères temporels, la décomposition de la durée qui donne une impression de dilatation du temps chronologique.
La dilatation du temps chronologique transparait également dans les « anachronies narratives[14] » qui brouillent l’évolution du récit pour le lecteur traditionnel. À cet effet, on peut déceler, dans Portrait d’un inconnu, deux types majeurs : les anachronies par anticipation et les anachronies par rétrospection. Celles par anticipation, encore appelées prolepses, consistant « à raconter ou à évoquer un événement avant le moment où il se situe normalement dans la fiction[15] », peuvent être considérées comme une constituante majeure de l’esthétique sarrautienne. Dans cette optique, nous nous appesantirons sur deux exemples tirés du roman et qui semblent être illustratifs à cet égard sans pour autant être les seuls. Ainsi, les tourments du « vieux », la nuit où il a découvert « la barre de savon fraîchement coupée[16] », sont annoncés par les ragots des vieilles femmes tout au début de l’œuvre : « On m’a dit que le vieux se lève la nuit… il ne dort jamais la nuit… il l’a fait venir… il la soupçonne toujours[17] ».
Ce même procédé est notable dans la scène de la dispute entre le « vieux » et sa fille. Ce passage peut être mis en corrélation avec la prolepse suivante : « Elle se tient dans la porte… et cela commence presque tout de suite entre eux (…) Cela porte sûrement sur des questions d’argent…[18] ». Cette dispute, qui n’était qu’ébauchée avec l’anachronie par anticipation, se développera pour donner plus d’une trentaine de pages. Tout compte fait, il est indispensable de souligner que ces « anachronies narratives » témoignent de l’évolution du personnage-narrateur entre deux états : la phase de novice dans cette exploration du monde intérieur (avant la visite au musée) et la phase d’expert en la matière car mis en état de grâce par le Portrait d’un Inconnu[19].
À l’instar de ces cataphores qui parsèment le récit sarrautien, les anachronies par rétrospection sont fréquentes bien que Nathalie Sarraute ait en aversion les souvenirs sous toutes leurs formes. En effet, son personnage, à l’image de l’homme moderne, est un corps sans âme, ballotté par des forces hostiles et n’est rien d’autre que ce qu’il paraît au dehors. Ce n’est ainsi qu’un personnage de surface car il n’y a plus de réminiscence : « On sent partout des enfances mortes. Aucun souvenir d’enfance ici. Personne n’en a. Ils se flétrissent à peine formés et meurent[20]». Toutefois, ces souvenirs peuvent subsister et ceux-ci n’existent que pour perdre davantage le lecteur déjà brouillé par l’absence de repères chronologiques. Ainsi, cette anachronie narrative, encore appelée analepse, peut, dans une certaine mesure, trouver sa validité dans les souvenirs du personnage-narrateur : « comme autrefois dans mon enfance, quand j’avais peur (c’était un sentiment d’angoisse, de désarroi), lorsque des étrangers prenaient mon parti contre mes parents, cherchaient à me consoler d’avoir été injustement grondé, […][21]».
Ces anachronies, étant des perturbations dans l’ordre préétabli, peuvent aussi mimer les tribulations d’un parcours psychique au gré des réminiscences ou contester l’objectivité du réel et la chronologie du roman. Pour Nathalie Sarraute, l’indétermination du temps constitue une démarche logique. Etant donné qu’elle s’est détournée de l’intrigue et du personnage conventionnels, le temps ne lui est d’aucune utilité pratique. Puisqu’elle travaille dans le tréfonds de l’être humain, dans cette zone ombreuse, anonyme, sans nom ni contours où notre vie psychologique prend sa source, le temps chronologique même dans son indétermination n’entame en rien la visée de l’écriture sarrautienne : saisir le tropisme et le faire ressentir au lecteur à l’instant présent.
2. L’Ici et le Maintenant
Dans l’écriture néo-romanesque, le temps des horloges est remis en question. Aucune chronologie ne semble régir les récits. Et à l’instar de la réalité historique qui brille par son incohérence suite au traumatisme de la guerre, le narrateur ne s’intéresse qu’au présent, un hic et nunc qui ralentit la narration afin de rendre compte au mieux de la sensation qui sous-tend l’avènement ou la disparition d’un tropisme. Une quête dans l’écriture sarrautienne qui rappelle, à plus d’un égard, le point de vue de Minkowski qui soutient qu’avec le roman moderne, « il n’y a que le maintenant qui existe[22]». Dans Portrait d’un inconnu, Sarraute s’attache à rendre compte de l’immédiat dans une narration qui ralentit au gré des comparaisons. Le ralentissement de la narration n’est pertinent qu’à partir du moment où le lecteur arrive à s’approprier la sensation que le personnage-narrateur cherche à lui communiquer. C’est, dès lors, « une sorte de sens spécial, pareil au sien, qui lui permettait de percevoir immédiatement, dissimulée partout, cette menace connue d’eux seuls, ce danger niché dans chaque objet en apparence inoffensif, comme une guêpe au cœur d’un fruit[23]».
Ainsi, le personnage-narrateur ne s’inscrit plus dans une logique de progression mais bien de pertinence. Il cherche à rendre perceptibles au lecteur les sensations qu’il a vécues. Aussi n’hésite-t-il pas à se répéter, à revenir sur des moments propices au tropisme. À sa suite, le lecteur doit se défaire de sa quiétude traditionnelle devant un roman pour faire sienne l’écriture qui en appelle à sa participation active. Pour arriver à ses fins, le narrateur ralentit le récit à sa guise, hésite, avance par à coup comme pour s’assurer que le lecteur arrive à le suivre. Et tant que la sensation ne sera pas rendue communicable, tout sera à refaire. « Du coup, perdant son universalité, il [le temps] se laisse apprivoiser par chacun des personnages qui, en fonction de sa compréhension des choses, le manipule : il se suspend dans un éternel présent qui nie toute progression[24]». Le narrateur suspend lui-même le récit pour s’intéresser au ressenti du personnage ou même au sien.
La suspension de la narration est le lieu pour Nathalie Sarraute d’œuvrer à rendre communicable la sensation dans l’immédiateté de l’écriture et de la lecture. Et à chaque fois, elle cherche un référent dans l’imaginaire du lecteur qui lui permettrait de faire un rapprochement entre la réalité décrite et une réalité familière. Par le recours aux analogies, la sensation est rendue communicable, au risque de ralentir le récit. La narration apparait dans un ralenti qui est, par ailleurs, suggéré par la répétition de scènes dans l’attente du tropisme. Les anachronies, au-delà de la dilatation du temps chronologique, participent à l’enlisement de la narration. Loin de favoriser une quelconque progression de l’action, le récit se répète afin de mieux saisir l’instant présent. Ce qui importe c’est alors le hic et nunc où se déploie le tropisme.
Aussi, le personnage-narrateur, dans son ambition de saisir la naissance du tropisme entre le « vieux » et sa fille, met en garde le lecteur et suggère toute la patience requise pour atteindre son objectif : « Prudence. Ils sont prudents. Ils ne se risquent jamais bien loin. Il faut les épier longtemps avant de percevoir en eux ces faibles tressaillements, ces mouvements toujours sur place comme le flux et le reflux d’une mer sans marées qui avance et recule à peine par petites vagues lécheuses[25] ». L’image de la mer stagnante favorise une analogie dans l’imaginaire du lecteur. Il est mis en présence d’un référent actualisable. À travers elle, il peut découvrir l’importance de l’instant présent qui ne se soucie plus de chronologie ou encore d’évolution. L’emploi de la comparaison est d’une grande importance dans la mesure où il permet le rapprochement avec une réalité connue du lecteur. Ce dernier est donc en mesure de saisir le lien entre ce qui est dit par le narrateur et ce qu’il a déjà vu ou vécu. L’analogie devient un canal privilégié afin de faire saisir au lecteur une sensation dans le présent de la lecture. Il cherche ainsi à rendre communicable une sensation en le rapprochant d’une réalité connue du lecteur.
À chaque lecture, la réalité est actualisée : passé, présent ou futur importent peu. Seul compte l’instant présent que tente de représenter l’écriture. Aussi, l’interruption de l’action est suivie de séquences descriptives qui tendent à se rapprocher de la réalité suggérée. Dans ces séquences, le présent est utilisé pour rendre compte au mieux de la suggestion. La description est actualisée à chaque fois que le lecteur se prête au récit et fait sienne la suggestion du personnage-narrateur. Car si « en écrivant au présent de l’indicatif, les auteurs du Nouveau Roman ont choisi sans se tromper le temps qui, dans la conjugaison, n’est chargé naturellement que de présence, mais qui est vide de signification[26] », c’est pour que le lecteur ajoute du sens au récit et participe ainsi à la construction de l’œuvre. Une construction qui passe par une pluralité d’analogie appelée à être actualisée en dehors de toute référence chronologique. Tout est à découvrir Ici et Maintenant : le sens, le tropisme comme la sensation qui l’a vu naître. La chronologie perd de son importance dans le récit et le temps est indéterminé. On ne se soucie plus de début ou de fin, encore moins de jour ou de mois, seul importe l’instant présent appelé à être actualisé par le lecteur afin de saisir le sens et de faire l’expérience de la sensation à l’origine de l’avènement ou de la disparition d’un tropisme.
L’usage des comparaisons dans Portrait d’un inconnu participe de cette construction du sens et surtout de la saisie de la sensation. Tout doit concourir à faire l’expérience du tropisme qui ne peut se dire et se faire ressentir que dans l’instant présent. Le passé et le futur sont considérés comme futiles car seuls l’Ici et le Maintenant sont dignes d’être pris en charge. Face à cette gageure du roman moderne, Pozzo, un personnage de Beckett, clame l’importance du présent de la parole qui seul importe : « Vous n’avez pas fini de m’empoisonner avec vos histoires de temps ? […] un jour nous sommes nés, un jour nous mourrons, le même jour, le même instant[27]». Ce présent se joue à trois niveaux : présent de la parole pour le personnage, présent de l’écriture pour le romancier et présent de la lecture pour le lecteur. Dans ces trois niveaux du temps se retrouve une temporalité indéterminée à volonté.
Dans cette expérience du temps, le lecteur peut être confronté à un problème de concordance des indices, des témoignages et des souvenirs qui ne lui permettent plus de se mouvoir aisément dans l’œuvre sarrautienne. En une fraction de seconde, tout peut arriver. Comme on peut aussi attendre longtemps sans qu’il ne se passe rien. En effet, l’important ce n’est plus le temps où se déploie le tropisme mais bien sa force. C’est cette ampleur que cherche à annihiler l’être sarrautien à tout prix, même s’il faut s’affubler d’un masque. Aussi, les relations entre les personnages sont-elles biaisées par un jeu de simulation et de dissimulation afin d’éviter le déferlement du tropisme. Les vieux amis du père, dans Portrait d’un inconnu, « ne savaient jamais prévoir ses réactions, inattendues pour eux, inexplicables[28]». Le personnage-narrateur doit donc chercher à suivre ses personnages sans se soucier du temps de l’horloge.
En ce sens, il s’évertue à rendre compte du mieux possible de la sensation qui prévaut dans l’immédiat. Les comparaisons dont il use sont essentielles dans la saisie du tropisme comme dans la communicabilité de la sensation au lecteur. Elles témoignent de la chute des masques et surtout de la saisie du monde intérieur du personnage. Les dissensions entre le « vieux » et sa fille laissent transparaître leur vrai caractère au-delà de toutes références chronologiques et chaque analogie dans la description rapproche un peu plus le lecteur de la réalité de ces personnages : de là toute l’urgence et la pertinence de saisir leur monde dans le présent de l’écriture.
3. L’instantanéité de l’écriture
Avec le roman moderne, nul ne s’intéresse à une quelconque évolution du personnage et de la narration. Chez Nathalie Sarraute, seuls importent l’Ici et le Maintenant qui voient naître, se développer ou disparaître le tropisme et la sensation sous-jacente. La représentation de cet instant présent ne se soucie plus du temps chronologique ni de la cohérence du récit. Seul importe l’instant présent. C’est en ce sens que Zeltner Neukomm affirme : « Nathalie Sarraute ne peut plus raconter ce qui s’est passé, mais seulement ce qui est en train de survenir[29]». Ce qui explique l’emploi du présent de l’indicatif dans la narration de préférence au passé simple et à l’imparfait. L’usage de ce temps se justifie dans l’esthétique sarrautienne par le fait que la sensation est présente aussi bien pour le personnage que pour le narrateur et le lecteur. Et c’est par le présent que Sarraute cherche à rendre compte de ce qui ne se perçoit qu’au présent.
Ainsi, analysant son emploi par Sarraute, Wang Xiaoxia estime, avec justesse, qu’avec elle, « dans l’enchainement du récit, le passé n’existe pas. C’est le présent qui se déploie[30]». Cette écriture de la sensation, du tropisme au présent, se perçoit dans un enlisement descriptif très significatif de l’esthétique sarrautienne. En effet, dans le souci de rendre compte le mieux possible de la sensation, Sarraute n’hésite pas à reprendre une même scène tant que l’objectif n’est pas atteint. Aussi, suggère-t-elle une décomposition de la durée et une indétermination du temps par une foule de détails qui peuvent se répéter à foison. On assiste, de ce fait, à une dilatation du temps référentiel qui entraîne avec lui l’espace. Il se crée une impression d’étirement du temps par le récit tant que la sensation n’a pas été rendue communicable. Et si l’Ici et le Maintenant restent importants dans cette logique, c’est que tout se joue dans l’instant présent. L’écriture ne se préoccupe que du temps qui permet l’expérience du tropisme. Le personnage-narrateur ne cherche, alors, qu’à dire et à faire ressentir ce qui ne se laisse saisir que dans l’instant présent.
Le temps indéterminé dans le Nouveau Roman peut être mis en relation avec les doutes de l’homme moderne face à son destin. Aussi, à la suite de Gérard Genette, pouvons-nous soutenir que « l’homme d’aujourd’hui éprouve sa durée comme « une angoisse », son intériorité comme une hantise, une nausée ; livré à l’« absurde » et au déchirement, il se rassure en projetant sa pensée sur les choses […][31]». Une telle projection est suggérée, dans Portrait d’un inconnu, dans la relation que le père entretient avec sa fille en lien étroit avec le matériel. La barre de savon qui s’épuise sans raison, les problèmes de santé nécessitant un traitement de la fille, la fuite d’eau qui coule sur le mur sont autant d’exemples pour montrer le « vieux » et sa fille sans les masques de l’apparence. Le présent dans la narration permet alors au lecteur d’actualiser la quête du narrateur dans la saisie du tropisme et d’éprouver la même sensation. La fugacité de l’instant est pertinente dans la quête du personnage-narrateur, d’autant plus que selon Rachel Boué « saisir la sensation au vol détermine donc deux orientations non contradictoires de l’écriture sarrautienne : le brouillage des distinctions temporelles entre le passé et le futur – visant un effet d’éternelle atemporalité – et l’affirmation d’un présent sensoriel fugitif[32]».
Ce présent dans la narration justifie, à plus d’un égard, une narration au présent. En effet, l’écriture, en niant toute chronologie, s’inscrit dans une certaine actualité voire une actualisation du tropisme afin de le garder vivant et de communiquer la sensation sous-jacente. Les déictiques temporels perdent de leur importance et participent à l’indétermination du temps chronologique. Car, si avec Nathalie Sarraute, nous faisons l’expérience du « temps de l’éternel possible, le temps du non définitif[33] », c’est que la chronologie traditionnelle a perdu de son ampleur pour céder la place à la subjectivité, à la sensation. Ce temps, pour indéterminé qu’il soit, présente parfois un décalage assez sensible entre les souvenirs des personnages sarrautiens et ce qu’ils voudraient avoir vécu.
Certains d’entre eux sont, de ce fait, incités à refuser toute remémoration. Seul le narrateur peut se permettre de naviguer dans le courant de ses pensées si cela peut lui permettre d’appréhender un tropisme ou la sensation qui l’a fait naitre. Ainsi, en narrant une situation donnée, il ne se préoccupe pas de la logique humaine. C’est sans doute pourquoi il se permet de revenir sur une scène plusieurs fois, l’important résidant dans la saisie de la sensation prise à sa source. Ayant fait l’expérience de la naissance ou de la disparition d’un tropisme avec tel ou tel autre personnage, le narrateur cherche à partager cette trouvaille avec le lecteur. C’est dans cette perspective qu’il ne se lasse pas de répéter une même scène tant qu’il n’aura pas fait ressentir la même sensation. Aussi, chez Sarraute se retrouve-t-il une nouvelle temporalité : celle du tropisme qui semble être personnel car étant une temporalité de situation où « l’expérience esthétique se fait ainsi trouver hors du temps utile, productif, pour une découverte d’une temporalité plus proche d’une durée subjective[34] ».
La subjectivité de cette durée transparaît, dans une large mesure, sur l’évolution du récit et sur la représentation du temps. Elle est aussi liée à l’avènement du tropisme qui influe sur le temps et de l’écriture et de la lecture. Car la durée et le temps sont dispersés par une secrète catastrophe intérieure en relation étroite avec les craintes et les angoisses de ces personnages qui évitent à tout prix le surgissement du tropisme. Marie Auclair soutient en ce sens qu’avec Sarraute,« un temps est ainsi rendu visible, audible qui présentifie le temps de la naissance du tropisme et en fait une durée sensible, un repère dramatique : il répond donc à une nécessité réelle et logique en ce qu’il décrit l’ordre du surgissement, intégré au temps de l’écriture[35] ». C’est ce caractère sensible de la durée sarrautienne qui favorise l’indétermination du temps. Cette dernière va participer sensiblement aux mutations chronologiques et stylistiques que l’on retrouve dans l’écriture sarrautienne.
Il n’existe plus une quelconque évolution dans l’action pouvant permettre de saisir le parcours d’un personnage. Seule importe la pertinence de la saisie de l’instant propice à l’avènement du tropisme. Aussi, le personnage-narrateur se complait-il dans des retours et des répétitions qui en disent long sur sa quête du tropisme. Sa recherche est, dès lors, motivée par son désir de découvrir ce qui se cache derrière les silences, les paroles et même les gestes des protagonistes du récit. Loin de se limiter aux « racontars[36] », il se construit lui-même sa pensée et tente de découvrir les personnages sans les masques de l’apparence. Chaque rencontre peut-être le lieu d’une découverte majeure malgré les jeux de simulation et de dissimulation. L’avarice du père dans Portrait d’un inconnu est ainsi mise en exergue par les conflits qui l’opposent à sa fille. Plusieurs épisodes dans le roman peuvent permettre de découvrir ce personnage sans masque. Au-delà du vol du savon, du traitement médical de la fille, de son voyage à venir et même de son projet de mariage, la scène au restaurant où Dumontet présente au « vieux » leur projet de réhabilitation d’une maison laisse transparaitre toute l’avarice de ce personnage :
Dumontet parle : Hé oui… Et vous savez, quand on y réfléchit, 150000 francs à 3%, ça ne fait guère qu’un loyer annuel de 4500 francs. » Il a un petit rire malicieux : « C’est encore mieux, vous ne pensez pas, que de manger son argent dans certaines affaires… »
Le vieux plisse à son tour les paupières, il a l’air de calculer : « 4500 francs de loyer… Il faudrait dire 4500 francs de supplément de loyer. C’est un peu différent. Ce n’est tout de même pas négligeable… On peut toujours se tromper, c’est évident, mais ne dites pas ça, même par le temps qui court il y a encore moyen de faire des placements qui rapportent mieux que du 3% »[37]
Toutefois, il arrive à ce même personnage, qui brille par son avarice, de se livrer à des scènes d’altruisme quand il se trouve entouré de ses amis ou quand il se retrouve au restaurant. Et pourtant, le personnage-narrateur arrive à déceler en lui d’infimes réactions à des instants précis, après un mot, un ton, un geste ou un silence, révélateurs de son monde intérieur. L’important n’est plus alors l’action elle-même mais bien l’instant précis qui a favorisé cette réaction. L’indétermination du temps est donc liée à la nature de la quête du personnage-narrateur. Il ne se soucie plus de temps chronologique, seul importe l’instant présent en mesure de découvrir et de faire découvrir l’autre sans masques. On peut, dès lors, assister à une perturbation de la lecture par l’absence de déictiques temporels. Ainsi, dans l’esprit du lecteur, le récit piétine et s’embourbe, l’accent étant mis essentiellement sur la tension du tropisme.
L’indétermination du temps dépasse alors les mutations chronologiques pour bouleverser la syntaxe. En effet, la recherche de l’expression adéquate contraint le personnage-narrateur à donner une suite de mots, d’expressions et/ou de propositions dans une seule phrase afin de rendre compte au mieux d’une sensation, de la rendre communicable. Cela explique, un tant soit peu, la particularité voire la singularité de la ponctuation dans l’esthétique sarrautienne et la longueur des phrases. Comme le temps, qui est caractérisé par son indétermination, la syntaxe singulière chez Sarraute met en évidence une inaptitude des mots à dire le tropisme, à dire la sensation. Aussi, le récit est-il parsemé de séquences où le sens hésite à se faire jour. Une impuissance du langage à dire le monde mise en exergue par une particularité de la ponctuation. Car « ponctuer c’est insister. C’est marquer, tenir un instant le vif prisonnier. […] Ponctuer c’est faire une pause, temporiser[38]». Une temporisation qui, chez Sarraute, passe par une actualisation du tropisme qui n’est possible que dans l’instantanéité de l’écriture et de la lecture en dehors de repères temporels.
Ce que le langage n’arrive pas ou plus à nommer est pris en charge par la ponctuation. Cette ponctuation se métamorphose au gré de la sensation qu’elle cherche à traduire. Et c’est ainsi qu’elle se multiplie, se prolonge, marquant l’impossibilité d’un horizon pour l’écrivain et pour le lecteur. C’est en ce sens que l’esthétique sarrautienne s’est vue accompagnée d’une ponctuation connotée. Ainsi, le point habituel se métamorphose en points de suspension, devenant l’expression d’une sensation ou la suggestion d’un tropisme. Ce symbolisme peut être perçu comme un déplacement sémantique qui donne un autre sens voire un sens nouveau à une expression usuelle. Une chose exprimée dans une certaine neutralité avec le point se transforme et se charge d’une autre signification avec les points de suspension. On en veut pour preuve l’affrontement entre le « vieux » et la bonne sur la fuite d’eau du robinet :
Bien sûr… Mais ce n’est pas d’aujourd’hui… il se met à trépigner… ce n’est pas d’aujourd’hui que cela a commencé. Ce n’est pas en une demi-heure que cela a pu prendre de pareilles proportions… on ne lui avait pas dit, on lui avait caché… la fissure, le trou dans le mur… le plombier l’avait déjà expliqué la dernière fois… on est obligé, ici, de le faire venir tous les deux jours… le trou ne s’est pas fait tout seul… ce n’est pas dans la conduite d’eau…ce n’est pas vrai… il crie, la bonne effrayée, recule… ce n’est pas vrai, vous le savez, c’est le robinet qui n’est jamais bien fermé… toute la nuit, j’entends le tuyau de la douche qui coule… je suis obligé de me lever au milieu de la nuit pour le fermer derrière eux… leurs bains, leurs ablutions… le genre anglais, les douches froides… leurs théories absurdes sur l’hygiène… leur manie de la propreté… cette habitude – mais je la leur ferai passer – de tremper dans l’eau pendant des heures, étendus là comme des souches…[39]
Dans ce passage où, sur la moitié d’une page, le « vieux » de Portrait d’un inconnu se livre à une effusion de sentiments, Nathalie Sarraute par l’usage abusif des points de suspension[40] suggère une sous-conservation[41] où transparaissent les craintes et les appréhensions du personnage. Face à la fuite du robinet, il ressasse un bon nombre d’évènements qui participent à la saisie du tropisme sans se soucier de la chronologie des événements. On y retrouve ses propres paroles, ses pensées, les paroles des autres et même la présence du lecteur. Les points de suspension permettent ainsi à Sarraute de marquer des silences, de signaler des désaccords, de suggérer des angoisses et de laisser affleurer des sensations dans le présent de la narration. Le même passage repris sans la plupart des points de suspension ne serait pas chargé d’une certaine connotation et pourrait être lu de manière plus ou moins neutre.
En définitive, l’indétermination du temps dans le Nouveau Roman sape toute cohésion dans l’univers romanesque pour se poser comme une remise en cause des piliers du roman traditionnel. Chez Sarraute, cette remise en question valorise une écriture qui tente de saisir l’instant considéré comme seul référent dans la volonté de rendre communicable la sensation à l’origine du tropisme. Portrait d’un inconnu se détourne donc du temps chronologique pour mettre l’accent sur la pertinence du présent dans la saisie du tropisme. Ce présent est perceptible dans l’écriture quand la romancière s’attache à rendre compte de la sensation et de la transmettre à travers des répétitions, des analogies et de la ponctuation. Le personnage fait l’expérience de ce présent dans la parole avec ces silences et ces gestes qui permettent de dire l’être sans les masques de l’apparence. La perception du présent se vit aussi chez le lecteur dans l’actualisation même la sensation puisque ce qui importe c’est l’Ici et le Maintenant afin de s’approprier la quête de Nathalie Sarraute : saisir le tropisme en dehors toute référence temporelle voire chronologique.
Notes
[1]Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, Paris, Minuit, 1948.
[2] Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Minuit, 1963, p. 119.
[3] Butor Michel, La Modification, Paris, Minuit, 1957, p. 40.
[4] Raimond Michel, Le roman depuis la Révolution, Paris, Armand Colin, 1981, p. 232.
[5] Sartre Jean-Paul, Situations I, Paris, Gallimard, 1947, p. 16.
[6] Toursel Nadine et Vassevière Jacques, Littérature : Textes théoriques et critiques, Paris, Nathan, 2001, p. 166.
[7] Simon Claude, Le Vent, tentative de restitution d’un retable baroque, Paris, Minuit, p. 163.
[8] Sarraute Nathalie, Le Planétarium, Paris, Minuit, 1959, p. 77.
[9] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 138.
[10] Essentiels dans l’écriture sarrautienne, les tropismes sont définis comme « ces mouvements subtils, à peine perceptibles, fugitifs, contradictoires, évanescents de faibles tremblements, des ébauches d’appels timides et de reculs des ombres légères qui glissent, et dont le jeu incessant constitue la trame invisible de tous les rapports humains et la substance même de notre vie » (Sarraute Nathalie, L’Ere du soupçon, Paris, Gallimard, 1956, p. 29).
[11] Sarraute Nathalie, Entre la vie et la mort, Paris, Minuit, 1968, p. 87.
[12] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 85.
[13]Idem, p. 141-142.
[14] Reuter Yves, L’analyse du récit, Paris, Nathan, 2000, pp. 63-64.
[15] Ibidem.
[16] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., pp. 120-123.
[17] Idem, p. 24.
[18] Idem, p. 35.
[19] Idem, p. 81.
[20] Idem, p. 27.
[21] Ibidem.
[22] Minkowski Eugène, Le temps vécu, Paris, PUF, 1965, p. 31.
[23] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 170.
[24] Coly Augustin, Poétique du Nouveau Roman : Les Gommes et La jalousie d’Alain Robbe-Grillet, Berlin, Editions universitaires européennes, 2011, p. 143.
[25] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 136.
[26] Bloch-Michel Jean, Le présent de l’indicatif. Essai sur le Nouveau Roman, Paris, Gallimard, 1963, p. 56.
[27] Beckett Samuel, En attendant Godot, Paris, Minuit, 1952, p. 126.
[28] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 91.
[29] Neukomm Zeltner , « Nathalie Sarraute, une nouvelle expérience de l’intime », in Médiations n°3, 1961, p. 52.
[30] Xiaoxia Wang, « Instant présent dans Vous les entendez ? – La nouvelle réalité de Nathalie Sarraute », Synergies Chine N°4, 2009, p. 105.
[31] Genette Gérard, Figures I, Paris, Seuil, 1966, p. 101.
[32] Boué Rachel, Nathalie Sarraute, la sensation en quête de parole, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 24.
[33] Idem, p. 40
[34] Auclerc Benoit, « Arracher toute la toile peinte » : peinture et écriture du tropisme chez Nathalie Sarraute », in Gaubert, Serge, et Toma, Radu (dir.), Littérature et peinture, Bucarest, Editura Babel, 2003, p. 110.
[35] Auclair Marie, « Ultima Verba ou les silences du tropisme », Protée, vol 28, n0 2, 2000, p. 82.
[36] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit., p. 24.
[37] Idem, p. 204.
[38] Servière Michel, « Ponctuation de Nietzsche », Motifs et figures, Centre d’Art, Esthétique et Littérature, Paris, PUF, 1974, p. 275.
[39] Sarraute Nathalie, Portrait d’un inconnu, op. cit. p. 150.
[40] 22 points de suspension pour un seul point sur plus de 15 lignes.
[41] Nous faisons ici référence à l’essai de Nathalie Sarraute paru à la NRF en Janvier-février 1950 et repris dans L’Ere du Soupçon, op. cit.
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