Suite à l’adoption récente du projet IDEX par l’université de Toulouse, les élus doctorants ont pris l’initiative d’organiser deux AG au mois de mars (le 8 et le 15) afin d’informer les doctorants et de débattre sur le sujet. De nombreuses remarques et problèmes ont été soulignés lors de ces assemblées. Voici donc le premier compte-rendu, celui de l’AG du 8 mars :
Idefi, Idex, Labex, Equipex, Comex… la novlangue technocratique débarque en force dans nos universités. Que cachent donc ces nouveaux néologismes ? C’est pour répondre à cette question et informer les doctorants de la restructuration profonde des universités toulousaines que les élus doctorants ont souhaité rassembler une Assemblée Générale.
- Qu’est-ce que l’IDEX ?
Dans le cadre du Grand Emprunt national, le gouvernement a décidé d’attribuer des financements supplémentaires à huit universités sur l’ensemble du territoire dont le projet IDEX a été retenu. Le but est de créer en France huit campus de rayonnement international selon les critères du classement de Shanghai. En réponse aux mauvais résultats des universités françaises dans ce classement, le gouvernement a développé une sorte d’obsession (une Idefix ?) : placer huit universités françaises en tête du classement. Toutefois, les paramètres retenus par le classement de Shangaï sont hautement discutables. Il privilégie la quantité (des publications) à la qualité et survalorise les productions anglo-saxonnes. D’autre part, il ne prend pas en compte les conditions de vie des étudiants (seuil de précarité par exemple).
Les établissements toulousains (UT1, UT2, UT3, INSA, ISAE, INPT, INSERM, INRA, IRD, CNRS, CHU) ont déposé deux projets IDEX (« Toulouse-IDEX »). Le premier projet, visant à créer une « Université Fédérale de Toulouse », a été refusé. Le deuxième projet, visant la fusion des universités toulousaines pour créer un Grand Etablissement, a été accepté et est en cours de ratification.
Sept autres campus ont été choisis : Aix-Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Paris 7, la Sorbonne Nouvelle, ainsi que les établissements du plateau de Saclay. Beaucoup d’universités françaises ne bénéficient donc pas des financements IDEX, qui sont concentrés sur huit sites prioritaires.
- L’IDEX à Toulouse
L’objectif du projet Toulouse-IDEX est la fusion des différentes structures au sein d’un Grand Etablissement d’ici huit ans. Un “Grand Etablissement” est une entité administrative qui diffère grandement des Univesités que nous connaissons. Un GE a plus de latitude et peut par exemple fixer le montant des frais d’inscription.
Le projet Toulouse-IDEX comporte trois étapes :
● jusque 2014 : faire évoluer le PRES toulousain en Université de Toulouse
● jusque 2016 : les différentes universités actuelles (UT1, UT2, etc.) doivent devenir des Collèges thématiques. Ceci correspond à un changement de gouvernance (c’est le Grand Etablissement qui gérera les budgets tandis qu’aujourd’hui ce sont les conseils d’élus qui en ont la charge)
● jusque 2021 : abandon de la personnalité juridique des universités qui deviennent définitivement des Collèges. Tous les diplômes seront délivrés par l’Université de Toulouse.
- Quelques problèmes soulevés par l’Idex.
● L’IDEX correspond à un financement par projet et non structurel, comme c’était le cas précédemment (même insuffisamment). Il s’agit d’un fléchage très direct qui peut nuire à la recherche fondamentale.
● Dans le Grand Emprunt de 35 milliards d’euros, 11 milliards d’euros vont être alloués à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche. Si cette somme semble élevée, rappelons qu’elle correspond à une période de 10 ans. De plus, les universités ne recevront dans un premier temps que l’argent des intérêts des 35 milliards d’euros du Grand Emprunt (placés en banque), soit 1 milliard d’euros au niveau national (4 % du budget de l’Enseignement Supérieur) et seulement 20 millions pour l’IDEX Toulousain. Cette faible augmentation correspond à peine à l’augmentation annuelle du PIB. En d’autres termes les structures de l’Enseignement Supérieur resteront quasiment à budget constant, en dépit de ce que nous fait miroiter le gouvernement… Mais le pire est que cet « argent » va obliger les universités à transformer à marche forcée leurs structures, afin d’entrer dans les clous du classement de Shangaï et de la mise en concurrence internationale des universités sur des critères purement quantitatifs ( i.e. volume des publications).
- Problèmes spécifiques à l’IDEX toulousain :
● Le calendrier très serré imposé par l’IDEX toulousain laisse très peu de place à la concertation et à la collégialité. Pour l’instant le vote du projet n’a été fait qu’au CA, en décembre 2011. Les discussions sur l’application du projet sont en cours, mais le gouvernement tente d’imposer la date du 15 avril 2012 pour signer une convention à cet effet, ce qui laisse aux acteurs de l’université très peu de temps pour analyser le projet dans le détail et proposer des amendements.
● Problèmes concernant le projet d’un Grand Etablissement toulousain :
○ Il sera dirigé par plusieurs conseils non élus. À la tête de cette structure se trouvera le DGE (Directeur Général Exécutif), associé à un COmex (Comité exécutif), secondé par un CS (Conseil de Surveillance) qui est entièrement nommé. Les élus sont relégués aux organes consultatifs (n’ayant aucun pouvoir de décision) : le COS (Comité d’Orientation Stratégique), et le SA (Sénat Académique). Sont appelés à se présenter des chercheurs « à visibilité internationale » …
○ Dans cette refonte des organes décisionnels et consultatifs des universités toulousaines, les doctorants risquent fort de ne plus être représentés dans les conseils. De la même manière que les étudiants seront globalement sous-représentés.
● Les labels. Le projet Toulouse-IDEX prévoit la mise en place de labels pour les diplômes de doctorat (ingénierie dans l’entreprise, enseignement, etc). Cette nouvelle mesure pose deux problèmes.
○ Les labels ne seront pas délivrés par les écoles doctorales mais par un comité ad hoc. Les écoles doctorales ne maîtriseront pas l’attribution de ces labels. Nous allons donc vers l’instauration de doctorats qui ne se vaudront pas, et qui ne seront pas entièrement délivrés par les écoles doctorales.
○ Cette mesure soulève un second problème, pour les sciences humaines notamment. De nombreux doctorants vont devoir s’arranger pour entrer dans les cases prédéfinies des labels, et ceci au détriment du contenu de leurs recherches.
● La nouvelle politique de ressources humaines.
○ L’objectif d’ici à trois ans est de supprimer l’endo-recrutement. Un jeune docteur ne pourra pas être recruté comme Maître de Conférences dans l’université où il a réalisé son doctorat. Le but est de décloisonner le recrutement afin de faire venir les “meilleurs cerveaux” de partout. Toutefois, en supprimant purement et simplement l’endo-recrutement, cette mesure semble oublier que de très bons cerveaux peuvent très bien se trouver sur place également.
○ Le deuxième axe de cette nouvelle politique de ressources humaines est de recruter les jeunes docteurs sur des CDD de trois ans renouvelables une fois (un nouveau statut concurrençant le statut de Maître de Conférences), pouvant déboucher sur une éventuelle titularisation après une évaluation en fin de contrat (c’est-à-dire en cinquième année, car la titularisation se fera dans la plupart des cas à l’issue des deux périodes de trois ans). Cette procédure est déjà en cours à l’université de Strasbourg.
● En contrepartie de ces réformes de fond effectuées dans le cadre de Toulouse-IDEX, l’Université de Toulouse recevra une certaine somme d’argent. Mais il convient de dire un mot sur sa répartition. 80 % des structures de l’Université de Toulouse n’auront pas accès à cet argent. Seuls 20 % des structures considérées comme excellentes (celles qui ont un fort taux de publication) recevront l’essentiel de cet argent.
Aujourd’hui les discussions sur l’application du projet sont en cours. Un vote aura lieu le 15 avril, il y a donc urgence. CDD de 2×3 ans, labels, représentation des doctorants : voici les principaux axes sur lesquels nous devons nous mobiliser avant que ce texte ne soit ratifié. Car une fois qu’il sera signé, aucun retour en arrière ne sera possible. Une réorientation radicale est nécessaire.