Olympie

« Pendant la nuit, le Sénégal est sorti fort tranquillement du golfe de Corinthe et, contournant le nord-ouest du Péloponnèse, il est arrivé à Katakolo. Ce petit port, tout neuf, aurait, dans l’antiquité, élevé un autel au phylloxéra ; car il lui doit sa naissance et sa fortune. L’exportation des raisins secs est son commerce principal et important. Aussi est-il relié à la capitale par un chemin de fer qu’on a prolongé jusqu’à Pyrgos et Olympie. A Pyrgos il y a une solution de continuité, les deux gares sont aux extrémités du bourg, que nous sommes ainsi obligés de traverser à pied. Rien de notable, d’ailleurs, dans cette localité.»

« Les Sénégalais en gare d’Olympie, 12. » 1896

« Quand nous arrivons les cataractes du ciel sont ouvertes ! d’eau. Nous ne rions plus ; nous échangeons des regards navrés. Un moment entassés dans la gare, nous restons immobiles, anxieux. Mais une poussée des derniers rangs nous met dehors ; et nous voilà partis en file lamentable pour le musée d’Olympie, à un petit kilomètre de distance à moitié chemin des ruines. »

« Nous y circulons à l’aise, et comme nous sommes en présence des deux frontons du temple de Zeus et des merveilleuses statues, la Victoire que Paeonios avait sculptée pour les Messéniens au retour de leur incursion en Laconie, et l’Hermès de Praxitèle, un des joyaux de l’Héraion, nous oublions nos petites misères, nous sommes tout yeux et tout oreilles.
Notre seul ennui est de ne pouvoir entendre à la fois les deux savants qui ont divisé notre groupe et nous guident, MM. Monceaux et Salomon Reinach. J’ai entendu le premier devant les frontons, tous deux devant la messagère des batailles heureuses ; et nous nous sommes tous réunis autour de Reinach lorsqu’il fait une magistrale histoire de l’Hermès. »

 

 L’Hermès, de la fin du quatrième siècle, est une des plus admirables statues qui soit sortie de la main des hommes. La beauté du modelé est idéale ; on sent partout la vie et son frémissement ; le marbre de Paros a été poli avec un soin inaccoutumé et le temps lui a donné une teinte indéfinissable. Le bras droit a disparu. Le jeune dieu, porte sur son bras gauche un petit enfant, Bacchus. Ce bras gauche a été restauré déjà dans l’antiquité. L’attitude de l’enfant qui veut se jeter au cou de son protecteur a-t-elle été faussée ! …

En tous cas, les regards des deux visages ne se croisent pas ; que regarde l’enfant, que regarde Hermès ? Comment restituer le bras absent ? que tenait Hermès à la main ? En vain cherche-t-on les imitations de ce marbre célèbre, les répliques selon l’expression consacrée, qui devaient circuler dans le monde antique et qu’on aurait pu découvrir. On ne trouve rien de sûr, on propose des hypothèses.
Autre chose : Voici sur les pieds des traces de couleur ; un clou de bronze est planté dans la pierre et retenait sans doute une applique de métal. Peut-on croire que l’art consommé qui a poli merveilleusement ce marbre l’a voilé sous une couche de peinture ? »

 

 

 

 

 

« Les Sénégalais sur le site d’Olympie. 4 » 1896

« Que nous reste-t-il des monuments près desquels, sous le couvert de la religion, avaient lieu ces luttes héroïques ? Comme à Delphes, des ruines au ras du sol, mais grandioses quand même.
Voici des pans bien conservés de la grande muraille protectrice de l’Altis (du mot Alsos, bois sacré) ; la terrasse des trésors, les tribunes, l’agora tout encombré jadis de statues, d’autels, de trépieds, d’ex-votos, de trophées dressés à l’ombre des grands platanes. »
« Les fouilles d’Olympie, dont les ruines gisaient sous d’épaisses couches d’alluvions, furent commencées en 1829, lors de l’expédition française de Morée, sous la direction du capitaine d’artillerie Trutat. Au bout de quelques semaines, on avait pu envoyer au Louvre de très beaux morceaux, mais la fièvre et la mort avaient fait de tels vides parmi nos soldats que M. Trutat dut abandonner la place. (1)»

« (1) Ce renseignement ignoré de M. Monceaux, l’historien des découvertes d’Olympie, qui ne s’expliquait pas l’interruption des fouilles françaises, est donnée par la notice sur le sous-intendant Trutat, lue en 1866 à la Société d’agriculture de Toulouse, à laquelle appartenait depuis sa mise à la retraite cet officier supérieur. Il m’a été confirmé avec précision par M. Trutat fils, directeur du Musée d’histoire naturelle de notre ville. »

 

 

 

« Olympie, muraille de l’Altis. 2 ». 1896 (La plaque de verre est abîmée).
« Olympie, la palestre. 7 ». 1896

 

 

 

 

 

 

 

« Olympie, entrée du stade. 8 ». 1896

« Lorsque le progrès de nos connaissances eut démontré l’intérêt capital qu’il y aurait à exhumer Olympie de son linceul, c’est l’Allemagne qui eut le bon esprit et l’honneur d’effectuer cette longue et dispendieuse besogne. Le déblaiement fut accompli de 1876 à 1881 par une commission d’architectes et d’archéologues allemands, sous la direction d’Ernest Curtius, qui vient de mourir estimé hautement des savants de tous les pays. Un jeune conservateur du musée de Berlin, – je ne peux mieux le louer qu’en disant de lui qu’il est le Salomon Reinach de l’Allemagne, – M. Furtwaengler, a publié les bronzes d’Olympie. La presse allemande a fait sans cesse le plus éclatant éloge de ces travaux, tandis que la France ignore généralement l’œuvre égale exécutée à Delphes par l’École française d’Athènes. »

« Les jeunes bergers que la curiosité avait rassemblés, excités par l’appât de menues pièces d’argent, ont fait des courses de 100 mètres et des sauts simples ou compliqués. A remarquer l’absence de scrupule avec lequel ils éludaient les conditions du concours et cherchaient à toucher le prix au détriment du véritable vainqueur. Il paraît que jadis dans Olympie les fraudes étaient fréquentes et que les amendes dont on frappait les coupables atteignaient des totaux importants. L’homme est toujours l’homme. »

« Nous partons enfin avec le regret de n’avoir pas su que nous avions tout le loisir de monter au sommet du Kronios, d’où l’on jouit d’une vue magnifique. Le soleil donne à la route que nous avons suivie ce matin un tout autre aspect. Il couvre de ses feux mourants le triste et banal rivage de Katakolo, la rade que le Sénégal abandonne bientôt en toute hâte, car nous devons faire le périple du Péloponnèse et débarquer de bonne heure dans l’Argolide. »

 

« La cuisine du Sénégal à Olympie. 11 ». 1896

 

Ticket Excursion Olympie (Archives Bégouën)