Au début du XVIIIe siècle, si la révolution bourgeoise ratifie la toute nouvelle Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, elle oublie les femmes, grandes perdantes de la lutte pour l’émancipation. C’est le triomphe des valeurs bourgeoises, basées sur la famille, au centre de laquelle la femme, l’épouse, la mère. Appartenant à présent au cercle du privée, de l’intime, elle ne peut avoir accès aux lieux de la modernité, ceux du Peintre de la vie moderne de Baudelaire : la rue, les bars, les cabarets, les bordels. Comment, dès lors, évoquer la peinture de la modernité par des artistes femmes alors même que les valeurs bourgeoises les excluent des espaces de la modernité, fondamentalement masculins ?
Cependant, il est établi que les sphères masculines et féminines ne sont pas poreuses. Si les espaces de représentation d’une artiste femme de la bourgeoisie du XIXe se conforment en général à un certain regard et cadre, aux sujets et lieux dits « féminins », ils ne peuvent y être limités complètement. Ainsi, il s’agit pour moi de dégager ces espaces de porosité, de rupture où le masculin s’introduit dans l’œuvre des artistes femmes de la modernité, notamment au sein des avant-gardes. Y a-t-il eu des représentations d’espaces masculins par une artiste femme, malgré la nette séparation des « territoires » entre les genres ? Un thème de la modernité, perçu comme exclusivement masculin, a-t-il pu être abordé par une artiste femme ? Comment une femme parvient-elle à y accéder et quelles sont les particularités de son regard, de sa représentation, par-dessus tout de son espace physique, psychique et dialectique ?
Dirigé par Christian Mange, ce mémoire va tenter de faire émerger un nouveau corpus, celui de l’entre-deux-genres en termes d’espaces et de discours au moment où une ligne de partage entre sexes et sexualités clairement établie est interrogée et investie par le regard des artistes femmes.