Jasmina JOVANOVIĆ
Jasmina Jovanović est poétesse et doctorante en philosophie au laboratoire ERRAPHIS (École doctorale Allph@) à l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès. Ses recherches de thèse intitulée « Henri Maldiney. Une philosophie de l’expression antithéâtrale ? » se situent à la croisée de l’esthétique et de la phénoménologie française contemporaine. Ses articles et poésie ont été publiés dans différentes revues, notamment en Serbie, France et Colombie.
animajaso@gmail.com

Pour citer cet article : Jovanović, Jasmina, « D’une rencontre de la poésie et de la philosophie à l’histoire d’une mise en scène : Le projet “Jasmintime” », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°11 « L’œuvre comme enquête/l’enquête dans l’œuvre : création et réception », automne 2019, mis en ligne le 1er novembre 2019, disponible sur <https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2019/05/21/dune-rencontre-de-la-poesie-et-de-la-philosophie-a-lhistoire-dune-mise-en-scene-le-projet-jasmintime/?preview_id=3612&preview_nonce=156257eede&preview=true/>.

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Résumé

Dans le présent article, je témoigne des échanges que j’ai eus au sujet de ma production poétique avec le philosophe Jean-Luc Nancy. L’expérience même de l’écriture y est problématisée à la lumière des notions clés du texte de Jean-Luc Nancy « Jasmintime », mais aussi en écho des quelques paragraphes issus de l’œuvre philosophique d’Henri Maldiney. Je retrace également, par-là, un chemin qui m’a amenée à un projet de mise en scène des poèmes et je l’analyse.

Mots-clés : langue – main – voix – poésie – intimité – Jasmintime.

Abstract

This article springs from the discussion I had with philosopher Jean-Luc Nancy about my poetic output. The very experience of writing is questioned in the light of Jean-Luc Nancy’s key notions in his text, « Jasmintime », and in resonance with a few paragraphs taken from the philosophical work of Henri Maldiney. In the process, I query what has led me to envisage the staging of the poems and I analyse it.

Keywords: language – hand – voice – poetry – intimacy – Jasmintime.


Sommaire

Introduction
1. « Man que trema »
2. Vers « Jasmintime » … Les quatre points cardinaux d’une boussole
3. Les quatre clés de « Jasmintime »
En guise de conclusion
Notes
Bibliographie

Introduction

Henri Maldiney, philosophe français dont la pensée est l’une des plus remarquables au sujet de l’art du XXème siècle, rappelle dans le premier texte de son tout dernier livre Ouvrir le rien, l’art nu :

Dante l’a dit inoubliablement : l’artiste est celui : « qui a l’abito del Arte

E man que trema »,

qui a l’habitus de l’art et la main qui tremble[1].

Dans le présent travail, cette idée de « l’habitus de l’art » sera abordée en résonance avec l’habitus de la langue ou des langues, parlées et écrites. Je souhaiterais, en effet, ramener « la main qui tremble » de la citation en question à une analyse de mon expérience de l’écriture de la poésie, avec un accent porté sur les poèmes composés en français. S’il faut préciser que le français n’est pas ma langue maternelle, il convient également de souligner que j’écris des poèmes depuis mon plus jeune âge.

Cette réflexion s’appuie sur le témoignage de mon expérience relative à l’écriture de la poésie, mais aussi et surtout sur une rencontre féconde pour interroger la réception. La rencontre entre la philosophie et la poésie que j’analyserai se centrera davantage sur cette rencontre que sur une mise en perspective de ma production poétique et de mon expérience de doctorante en philosophie. Celle-ci consiste en une série d’échanges que j’ai pu avoir au sujet de mes poèmes avec le philosophe Jean-Luc Nancy. Il les a, d’ailleurs, présentés et commentés dans deux revues différentes, l’une dédiée à la poésie[2], l’autre dédiée à la philosophie[3].

Dans la mesure où la notion d’« enquête[4] » rejoint celle d’« analyse », la publication d’une sélection de poèmes suivis d’un texte de commentaire peut constituer une voie intermédiaire pour faire entendre les poèmes en question. Plus encore, ce type de considération sur la poésie permet à l’auteur à la fois une prise de recul par rapport à sa production et un certain retour à la source de celle-ci. En fournissant les clés pour une analyse approfondie des poèmes, les éléments pour une problématisation théorique, un commentaire est d’autant plus réussi et marquant qu’il est délivré à partir d’une réception sensible. C’était mon impression par rapport à la réception de Jean-Luc Nancy de ma poésie. Certes, nos deux publications ont apporté une visibilité importante et une reconnaissance des poèmes commentés, mais elles ont surtout été un moteur d’inspiration et de conception de nouveaux projets artistiques.

Jean-Luc Nancy a construit son deuxième texte dédié à ma poésie, intitulé « Et Jasmina[5] » comme un enchaînement de scènes. Ainsi, il a commenté une sélection de cinq poèmes comme un ensemble composé de cinq scènes. Cela m’a amenée à penser une présentation de la poésie dans laquelle les poèmes se succèderaient telles des scènes qui défilent les unes après les autres. J’ai voulu, en effet, explorer ces formes de présentation de la poésie, aptes à construire tout un univers scénique à l’image des poèmes en mobilisant différents médiums artistiques. Mon propre commentaire des commentaires de Jean-Luc Nancy s’est alors concrétisé sous une nouvelle forme artistique, à savoir un projet de mise en scène de ma poésie, intitulé d’après son premier texte consacré à mes poèmes. Interprété par deux acteurs et cinq actrices dont moi-même, « Jasmintime[6] » a eu, jusqu’au présent, trois représentations :

  • En octobre 2017 à la Maison des Initiatives Étudiantes (MIE) de l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès, dans le cadre de la Semaine de l’Étudiant ;

Figure 1 : Malaury Goutule, Johanna Médina, Raimundo Villalba et Maëlla Blanchard, Première représentation de « Jasmintime » dans le cadre de « La Semaine de l’Étudiant », Maison des Initiatives Étudiante de l’UT2J, le 17 octobre 2017, © Daeseung Park.

  • En novembre 2017 à la Cave Poésie[7], dans le cadre des chantiers d’art provisoire à l’invitation du poète Serge Pey ;

Figure 2 : Maëlla Blanchard, Deuxième représentation de « Jasmintime », Cave Poésie, le 27 novembre 2017, © Karen Diaz Lizarazo.

  • En mars 2018 à la Mac Chapou, dans le cadre du festival étudiant international de théâtre « Universcènes [8]».

Figure 3 : Jasmina Jovanović, Troisième représentation de « Jasmintime » dans le cadre du festival de théâtre Universcènes, MAC Chapou, le 6 mars 2018, © Jovanka Milić.

Un teaser « Jasmintime », mis en ligne le 21 novembre 2017, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=-ZKQ7dtmcv8

Une nouvelle contribution de Jean-Luc Nancy a eu lieu sous la forme de sa participation à la représentation elle-même à travers ses lectures qui ont été enregistrées parfois seulement de manière audio, parfois également en vidéo. À la sélection de poèmes déjà présentés dans son texte « Jasmintime », j’ai ajouté quelques autres poèmes pour les mettre en scène, dont l’un s’intitule « Le sang de Bois-ange[9] ». Il s’agit d’un dialogue poétique entre moi et la voix de mon père disparu. Le choix d’intégrer ce poème ayant été écrit peu après son décès est d’une importance cruciale : en effet, il clôt la représentation de « Jasmintime » et l’inscrit dans une autre idée motrice de ce projet, celle de rendre hommage à mon père. Jean-Luc Nancy et moi sommes tous les deux acteurs de cette scène du dialogue : moi, sur la scène ; lui, présent juste par sa voix, incarnant ces parties du poème où j’ai imaginé que mon père me parlait.

Si son texte de présentation de mes poèmes a pu contribuer à les faire connaître, sa participation à la représentation scénique de « Jasmintime » est telle qu’elle contribue à faire vivre mes poèmes. Il ne s’agit plus tant de sa réception d’une sélection de ma poésie que de sa contribution de vive voix à la réception d’une poésie. Dans sa double contribution à ce projet de mise en scène se cristallise, plus qu’ailleurs, la dimension sensible de son approche de la poésie.

Enrichie de ces nouvelles expériences en lien avec les trois représentations de « Jasmintime », j’ai choisi quand même d’entamer cette première problématisation de mon expérience artistique par le début : les poèmes.

1. « Man que trema »

La question de « l’habitus de l’art » et celle des circonstances de la vie qui sous-entendent l’habitus de parler – dans une langue, dans une autre ou, tour à tour, dans plusieurs langues, sont au cœur de mon interprétation de « man que trema » de la citation de Dante. La main peut déjà être tremblante dans ce contexte, car elle est émue de toutes les mues d’une langue. Plus encore, quand des mues naviguent d’une langue à l’autre, l’écriture poétique vibre sous le signe d’une expérience particulière à la fois de la langue et de l’acte créatif du poète. Il semble que le poète[10] renaît dans et avec chaque langue qu’il connaît.

« La main qui tremble » ne tremble pas ici à l’image d’une expérience troublante, mais à celle d’une expérience vibrante de tous les souffles coupés car traversés par des élans d’inspiration et de création, de tous les souffles repris par les surgissements du son et du sens sur un même cheminement d’expression. « La main qui tremble » est une main en acte, sous le rythme de la respiration et d’une libre circulation des sons et sens qui nous saisissent. Si la main du poète tremble, c’est parce qu’il est saisi, lui-même, dans son acte dont la trace est celle que la main laisse, la voix incarne et l’écoute garde.

Les mots qui viennent sont imagés par le même mouvement – pour ne pas dire le même tremblement, par lequel les images sont mises en mots. La question sur ce qui vient d’abord dans l’écriture de la poésie – image ou mot – ressemble à celle sur l’ancienneté de l’œuf ou de la poule. Les images et mots s’y articulent de telle manière que les plusieurs voies s’ouvrent à la compréhension du rôle de la voix pour la poésie. « La main qui tremble » sous le spectre de mon expérience de l’écriture est indissociablement liée à la voix. La voix est la main intérieure du poète. La voix est une matière invisible que travaille le poète. Elle porte au plus profond d’elle l’empreinte de tous ses souffles qui réclament et accompagnent l’émergence d’un poème. Autrement dit, un poème se déroule en partant de la voix poussée de l’intérieur du poète avant de parvenir à un écrit. De la langue dans laquelle vibre cette dimension-là de la voix dépend la langue des mots qui vont donner lieu à un poème. C’est la langue dans laquelle se forgent les « tremblements » de la main qui l’écrit. Puis, nous pouvons également penser au timbre de la voix par laquelle un poème se dit, une fois écrit, c’est-à-dire à la spécificité de la voix qui l’interprète. À la place de la « main qui tremble » vient ici « la voix qui tremble » pour, à la fois, réentendre un poème et le faire entendre. Quand Henri Maldiney définit la poésie comme « dialogue de voix à voix », il explicite une chose très importante par rapport à la lecture à voix haute d’un poème, de la manière suivante :

Là où il y a voix, il y a d’autre part écoute. Tout particulièrement dans une séquence poétique : elle s’entend mais, bien plus, elle s’écoute. Nulle part l’ouïr n’est aussi sensible et conscient de soi qu’à l’audition ou à la lecture d’un poème. Chaque mot demeure assez pour déployer sa présence hors d’attente dans l’espace accordé au ton des mots précédents. En ce sens la poésie est dialogue de voix à voix[11].

Toute analyse de la voix en lien avec la poésie deviendrait automatiquement, dans la perspective de Henri Maldiney, une certaine analyse de l’écoute, voire l’analyse d’une certaine écoute. Je dirais en effet qu’il y a déjà une écoute dans l’attention portée à ce qui cherche à se dire en poème. Ceci dit, je ne cherche comment dire qu’en étant à l’écoute de ce qui cherche à se dire. Cela ne veut pas dire que le poème naît tout simplement d’une écoute – ce n’est pas une dictée. Un poème naît plutôt du contact avec une certaine écoute, qui ouvre aussitôt une voie pour la voix. Est-ce que dans ce sens-là Henri Maldiney pense la poésie comme « dialogue de voix à voix » ? Pas exactement. Il précise, dans un autre paragraphe qui vient peu après celui déjà cité, la chose suivante :

Le monde est en dialogue avec lui-même, à travers la voix poétique. Cela signifie que la parole poétique n’est pas d’homme à homme mais d’homme au monde – comme est originairement la parole humaine qui fonde le langage et, en lui, la langue[12].

De même que « la main qui tremble » de la citation de Dante ne fait pas penser au tremblement ressemblant à celui d’un coupable pris en flagrant délit, l’écoute dont il s’agit dans le dialogue dont parle Henri Maldiney n’est pas celle qui fait littéralement penser aux échanges vocaux d’une personne à l’autre. Il s’agit plutôt d’une touche sensible de la langue au plus profond du poète et par la langue au plus profond de ses lecteurs. D’où ce rappel à l’origine de la parole humaine. Nulle part, peut-être, une main émue de l’acte ardent de la création n’est plus alliée à la voix que dans la poésie. Comme le feu qui, en traversant l’air du bas vers le haut, bifurque en plusieurs flambants, la flamme d’inspiration qui impulse l’écriture d’un poème s’élève du plus profond d’une écoute spécifique de ce qui me touche, ce qui m’interpelle et me fait vibrer en bifurquant en plusieurs sens. Ensuite, il y a une autre écoute, une écoute à être entendue de deux manières. D’un côté, elle est incarnée, non plus dans la conception, mais dans la réception, au sens de l’entendement, d’un poème. D’un autre côté, elle demeure dans une manière d’entendre « la voix poétique » qui est différente de celle que nous retrouvons dans le passage de Henri Maldiney, cité plus haut. La voix qui met en espace un poème de telle manière qu’il peut nous faire trembler, n’est-elle pas également une voix poétique ? Les liens entre l’audition d’un poème et l’action de celui ou de celle qui le dit font qu’ici l’écoute est plus marquée par la voix que la voix ne l’est par l’écoute. La question de la voix par laquelle la poésie s’interprète et la question de la voix du poète par laquelle le poème se fait, font de « la voix poétique » une question à double sens. D’ailleurs, même la question de la voix, tout court, de la voix en elle-même, devient facilement une question poétique à la lumière de ce que la voix exprime au fond.

Dans un entretien datant de l’année 2000, Matthieu Guillot pose à Henri Maldiney la question suivante :

Dans votre ouvrage L’art, l’éclair de l’être, dans un chapitre consacré à la poésie, vous parlez du ton d’un poème. Vous avez cette phrase : « Nulle part l’ouïr n’est aussi sensible et conscient de soi qu’à l’audition ou à la lecture d’un poème ». Est-ce que le poème est effectivement capable de vous faire entendre une voix, silencieuse, mais enfin vous entendez une voix, comme on peut entendre le timbre d’une voix dans la pièce d’à côté ou à la radio[13] ?

La réponse d’Henri Maldiney débute ainsi :

Non, je veux dire une voix, je ne veux pas dire telle ou telle voix. Dans la prose, je n’entends pas de voix. Si vous lisez un poème sur le ton où nous lisons un article de journal ou un article scientifique, le poème est ridiculisé, il n’en reste rien. Mais ce que je veux dire, voix, c’est ce qui s’élève du fond : qu’est-ce que c’est qu’au fond la voix, qu’exprime-t-elle de l’existence et de l’existant ? Il passe tout entier dans sa voix, pas seulement dans son timbre, mais dans ce que son timbre a de spécifique, ou d’individuel, et qui est lié à toutes les autres dimensions de sa voix[14].

Henri Maldiney ne répond pas ici depuis la perspective d’un poète. Réceptif à la poésie, attentif au ton d’un poème aussi bien qu’au rythme d’une lecture à voix haute, il réfléchit à la question de « la voix dans la poésie » en tant que penseur du « Sentir[15] ». Autrement dit, il réfléchit sur ce dont est capable le sentir spécifiquement humain dans et par la poésie et développe la question de la voix et celle de l’ouïr à la lumière de ses considérations sur la dimension pathique de l’existence[16].

Victor Von Weizsäcker, cité par Maldiney, définit le « pathique » en disant que « le pathique a deux caractères principaux : il est de l’ordre du subir et il est personnel[17] ». Nous pouvons dire que la voix humaine se caractérise par ces deux mêmes qualités ; elle est de l’ordre du subir et elle est personnelle. L’ouïr est du même ordre, et l’atmosphère relative à une écoute concerne de plus près la personne qui écoute. La dimension pathique de la voix humaine est précisément celle qui exprime « ce que son timbre a de spécifique, ou d’individuel[18] ». « La main qui tremble » de Dante retrouve un écho profond dans la voix qui vibre au rythme des tremblements inhérents au Sentir dans l’écriture poétique.

L’une des idées motrices de mon projet de mise en scène « Jasmintime » a été d’écouter mes poèmes, de les entendre de l’extérieur. J’ai voulu me séparer d’eux afin de créer une distance et une écoute autre que celle de ma propre voix. J’ai voulu les séparer de moi et les travailler comme une matière première, les mettre en mouvement, en sons, en images. L’univers de « Jasmintime » s’est tissé aux abords de ma propre introspection ; il est composé de situations vécues, de leurs ambiances et de leurs échos dans mes souvenirs. Les scènes défilent les unes après les autres comme des images vivifiées, sorties du texte pour accompagner le « dire ». Outre la mise en scène, j’interprète quelques poèmes dont le nombre total diffère d’une représentation à l’autre. Chaque fois, pourtant, j’interprète le poème inaugural : « Taka[19] » et le poème final : « Le sang de Bois-ange ». Ce dernier est, en effet, un dialogue poétique interprété par la voix enregistrée de Jean-Luc Nancy et par moi-même, en personne.

Figure 4 : Vidéo projection de la lecture du poème « J comme S » par Jean-Luc Nancy, captation vidéo : Jasmina Jovanović, photo prise lors de la première représentation de « Jasmintime » le 17 octobre 2017, © Thomas Choplair pour « Jasmintime ».

Figure 5 : Jasmina Jovanovic, Franck Van Halfteren [en vidéo], captation vidéo : Pascal Lombard, photo prise lors de la deuxième représentation de « Jasmintime » le 27 novembre 2017, © Karen Diaz Lizarazo.

Figure 6 : Johanna Médina, Raimundo Villalba et Erika Natalia Milina Garcia en guitare, Première représentation de « Jasmintime », le 17 octobre 2017, © Thomas Choplair pour « Jasmintime ».

Figure 7 : Johanna Médina, Raimundo Villalba et Erika Natalia Molina Garcia en guitare, Première représentation de « Jasmintime », le 17 octobre 2017, © Thomas Choplair pour « Jasmintime ».

2. Vers « Jasmintime » … Les quatre points cardinaux d’une boussole

L’augmentation du nombre de mes poèmes composés en français m’a amenée à interroger plusieurs points de mon rapport à l’écriture et à ces poèmes.

Dans un premier temps, je me suis demandé si ces poèmes provenaient d’une familiarisation avec le français. Si la familiarisation avec une langue étrangère dépend d’une maîtrise assez solide de cette langue, toute pratique relative à la langue – celle de composition de poèmes incluse –, ne se retrouve-t-elle pas automatiquement sous l’influence de cette maîtrise ? Il s’agit d’un même « habitus de l’art » qui se réaffirme dans une autre langue. Cependant, le fait de pouvoir m’exprimer de manière spontanée et intime pour composer des poèmes en français, fut une grande nouveauté pour moi. En essayant à comprendre en quoi le ton et le style de mon écriture en français différaient du ton et du style de ma poésie en serbe, encore une autre question m’est venue : celle de la différence entre la langue en tant que substance, la langue en tant que matière et la langue en tant que médium.

Dans un deuxième temps, donc, je me suis demandée si mes poèmes, composés en français, ne tenaient pas encore à une autre source qui saurait éluder toute scission stricte entre la langue maternelle et la langue étrangère. Même mes tous premiers poèmes en français n’ont pas été issus d’un exercice volontaire de ma maîtrise de la langue française. Ils me sont plutôt venus pour témoigner sur ce que j’étais en train de vivre, sentir et penser. Sous ce prisme-là, mes poèmes m’ont paru comme ce en quoi la familiarisation avec le français s’est déroulée et comme ce en quoi ma maîtrise d’une langue étrangère s’est renforcée.  Dans la mesure où mes relations amicales, amoureuses, etc., se déroulaient de plus en plus en français, mon habitus de l’art a intégré cette langue comme une nouvelle ancre-encrier.

Quant à ma famille, personne ne parle la langue française. La langue serbe est, ainsi, pour moi, une langue familiale par excellence, une langue littéralement de la famille. De plus, peu importe à quel point n’importe quelle autre langue nous devient familière, la langue maternelle revient toujours. Parfois, discrètement, quasi silencieusement et même d’une manière trop distante. Quelques fois, elle revient de manière explosive, ressort en tonalités qui colorent d’un seul coup ce qui est difficile à exprimer et peut devenir alors trop présente. De toute façon, reste l’impression que la langue maternelle est toujours déjà là, même si on ne la voit pas apparaître. Comme une nourricière, bien nourrie, elle ne délaisse pas.

Dans un troisième temps, je me suis rendu compte que mes poèmes composés en français m’ont libéré à l’égard de la mobilisation de tous les mots qui me touchaient, m’interpellaient, peu importe la langue d’où ils provenaient. Comme si la liberté et la confiance de m’exprimer en français – et la liberté est toujours une affaire de confiance –, me rendait plus attentive à la sonorité elle-même, plus réceptive à la résonance des paroles d’une langue à l’autre et même plus sensible à la forme plastique des mots. Je n’ai plus pensé qu’il me fallait bien maîtriser une langue pour me sentir libre d’employer ses mots, par-ci, par-là, dans un poème en français. Par exemple, le poème « Taka » démontre très bien cette dimension de ma poésie. Étant donné qu’il est long, j’ai choisi de n’en commenter qu’un extrait :

[…]

Versprochen[20] !

Vers prochain arrêt du Sang,

Sans ambulance, Bitte[21] !

Parce que,

Parce que

Lui,

Il croit en l’autorégulation

De toutes les choses –

De todas as coisas do mundo[22]

Depuis la poésie il accède à la prose,

Depuis la prose à l’arrêt-forêt.

Tik-tak, tik-tak, tik-tak,

Tika-Taka, tik-tako !

[…]

On dirait que les deux mots en allemand se jettent dans les bras de la langue française avant qu’elle ne retrouve le portugais du Brésil par un simple plaisir de l’entendre dire quasiment la même chose que ce qui a été prononcé juste avant. Ensuite, comme s’il y avait un temps de deux différentes transitions – « depuis la poésie, il accède à la prose, depuis la prose à l’arrêt-forêt » –, avant que le temps ne devienne pure sonorité d’aiguilles qui battent depuis une horloge. On y voit bien une libération des sonorités de telle sorte que la poésie retrouve ses alliances les plus profondes avec la musique. Les formes des mots qui se succèdent – « Versprochain » et « Vers prochain » –, aussi bien que la tonalité de ces sons qui amènent une atmosphère particulière – « de todas as coisas do mundo », permettent une expérience quasiment plastique de ce poème. Je l’ai écrit au cours d’une année d’étude en Allemagne (2015), durant laquelle j’ai fréquenté une amie brésilienne.

Le choix qu’un mot soit employé en une langue autre que française, vient parfois d’autres choses, plus relatives à une signification fixe. Il peut provenir d’un simple besoin de garder ensemble et transmettre à la fois le son et le sens d’un mot en lien avec un souvenir concret ou une actualité permanente. Le poème « Tata[23] » a un titre en serbe, même si je l’ai écrit en français. « Tata » veut dire « papa » en serbe. Je l’ai écrit en étant en Serbie, aux côtés de mon père, qui est décédé quelques jours plus tard (2013). Il était hors de question pour moi de nommer ce poème « Papa ». Je n’ai jamais dit à mon père « papa ». Je l’ai depuis toujours appelé « tata ». Dans un autre poème « J comme S », j’emploie un seul mot en serbe qui réunit bien une certaine sonorité que je trouve très belle, une particularité par rapport à la langue française et une signification correspondant à ce que j’ai voulu exprimer en français. Il s’agit de vers situés à la fin du poème où je dis : « Il te faudrait de la Živa Joie[24] ». « Živa » en serbe, veut dire : vivante, vive. La lettre « Ž » de l’alphabet serbe se prononce de la même manière que la consonne « J » dans les mots français tels que « jasmin » ou « jeu » [ʒ].  « Živa Joie » est l’un de ces moments de ma poésie où le sens embrasse le son en deux mots qu’on ne s’attendait pas à voir ensemble.

Un quatrième point que j’aimerais aborder concerne les mots valises[25]. Ils sont assez présents et parfois portés, eux aussi, par la fusion de mots en différentes langues. Dans le poème déjà mentionné « J comme S », nous retrouvons le mot espagnol « ojo » (l’œil) et le nom du philosophe Baruch de Spinoza dans le mot valise : « SpinoJo ». Un autre poème intitulé « Intimide » a été également publié sous le titre « Intimidité[26] ». Dans cette fusion d’« intime » et de « timide » et surtout dans celle de « intimité » et de « timidité », nous retrouvons encore l’écho d’un autre mot-valise mis en place dans le poème « Lettre ouverte à Derrida » qui finit ainsi :

[…]

Avec toute mon inTimitié,

Chaleureusement,

Animajaso[27].

On pourrait facilement ne pas remarquer un clin d’œil à la « timidité » dans cette fusion des mots « amitié » et « intimité ». Il est vrai, pourtant, que le poème « Intimide » est plus ancien que celui dédié à Derrida et que cet aspect de la timidité a été très important dans mon adresse à ce dernier.

D’où et comment me viennent ces mots valises ?

S’il fallait imaginer une boussole qui me guide dans l’écriture de poèmes en français, elle ne devrait pas être moins sonore que bien remplie d’images, de notions silencieuses et d’idées. Elle serait multilingue et émettrait également différents bruits. Elle serait aussi fort marquée par mon parcours en philosophie pour ne pas dire bien équipée, dans certaines de ses fonctionnalités, d’outils du travail conceptuel. Il me semble que l’émergence de tant de mots valises tient à ce dernier, y trouve un appui ou une sorte du courage.

L’écriture de la poésie dans ma langue maternelle devenait une pratique de moins en moins vive et constante à mesure qu’un travail intellectuel dans le cadre de mes études en philosophie devenait de plus en plus actuel. Le moment où je continue à poursuivre des formations académiques en philosophie, mais dans une langue étrangère est celui à partir duquel s’ouvre un nouveau chapitre. C’est là où se rencontrent à nouveau, mais aussi d’une nouvelle façon, la poésie et la philosophie dans mon expérience d’écriture. La question qui s’est posée, dans ce dernier temps, a été justement relative à la production. J’ai senti un plaisir immense dans ce retour de la poésie – ou à la poésie –, mais le fait qu’il se déroulait en français m’a rendue perplexe devant ma production poétique, elle-même. Tout en étant de moins en moins surprise par mes poèmes composés en français, il y avait de plus en plus en eux quelque chose qui m’a dépassée. J’ai voulu comprendre cela. Comme si j’avais voulu entendre ces poèmes par les oreilles des francophones natifs.  Pour le plaisir de partager, mais également en quête d’un recul critique sur ma production poétique en français, j’ai commencé à présenter mes poèmes aux autres. Régulièrement à l’occasion des soirées amicales, souvent dans le cadre des scènes ouvertes à Toulouse, je l’ai également fait pour un projet nommé « Philo-performance », mené à l’époque par mon directeur de thèse Jean-Christophe Goddard à l’Université Toulouse 2. Après avoir éprouvé une réception plutôt favorable de mes poèmes, je ne comprenais toujours pas complètement leurs effets. J’ai eu envie de plus. J’ai eu envie d’un avis extérieur à mon entourage. J’ai eu envie d’un avis aussi exigeant que juste, aussi enclin à la philosophie que réceptif à l’art et enfin, aussi sensible que respectueux à « l’habitus de l’art ». Ma main s’est mise à trembler, mais j’ai réalisé l’idée qui m’est venue clairement à ce propos. J’ai écrit à Jean-Luc Nancy et lui ai demandé de lire mes poèmes pour me faire un retour.

3. Les quatre clés de « Jasmintime »

Le titre que Jean-Luc Nancy a donné à son texte, rédigé en 2016 et paru la même année en guise de présentation de mes six poèmes, publiés dans la Revue Po&sie n° 156, était fort marquant. En lui, déjà, se laissent bien résumer les quatre questions clés que cet écrit engendre.

Premièrement, Jean-Luc Nancy fait un clin d’œil au nom propre et un appel à l’acte de nommer. Il dégage des liens entre les caractéristiques propres à ma production poétique et ce en quoi il perçoit mes traits personnels. Il n’hésite même pas à parler d’une ouverture propre à ma personne. Il dit ainsi : « Un grand lointain, voilà vers quoi et depuis quoi s’ouvre l’ouverture jasminienne[28] ». Aussi abondante en traces de situations réellement vécues, aussi marquée par des expériences personnelles soit-elle, cette poésie reste ouverte. En elle se joue, s’exprime, se réfléchit, se déploie, se mesure le propre de la vie du poète, mais pas seulement. Dans son texte « Une phénoménologie à l’impossible : la poésie », Henri Maldiney se prononce au sujet de la poésie, de manière suivante :

Mais la chose qui est appelée en poésie n’est pas l’objet polaire intentionnel dont l’unité du sens est progressivement confirmée par la synthèse de l’expérience. Elle exige d’être rencontrée. L’impuissance à la dire atteste qu’elle transcende l’horizon de la signification. Cependant cette situation n’aurait rien de proprement poétique si la parole n’y apparaissait se déchirant elle-même, pour faire retour, à travers la rumeur, à la nomination[29].

Cette exigence de rencontrer « la chose qui est appelée en poésie » précède le poème et véhicule, en effet, l’appel auquel le poète répond en se faisant surprendre lui-même par ce qu’il va en ressortir. L’impuissance à dire « la chose qui est appelée en poésie » est, en effet, une impuissance à la dire de manière préalable à l’acte de l’écrire, lui-même d’autant plus puissant. Henri Maldiney s’en explique d’un point de vue phénoménologique, comme un penseur qui médite, ressent et analyse. Depuis la perspective d’un poète, il semble bien que la poésie ne fait pas seulement ressortir les expériences passées du poète, mais le fait sortir lui-même d’elles. Le nom propre du titre de Jean-Luc Nancy est bien là où il l’est justement comme ce rappel au propre de la poésie. Le nom propre n’y est pas seul, car il semble que Jean-Luc Nancy ne se satisfait ni de l’appel au propre, ni du rappel au nom. Il veut plus. Il nomme et fait renom d’un prénom. Dans « Jasmintime » s’articulent ainsi l’expérience d’une personne et l’acte propre à la poésie. D’un côté, Jean-Luc Nancy commence son texte de présentation de la manière suivante :

Ce que font les poèmes de Jasmina Jovanović relève d’abord de l’intimation. C’est-à-dire de la profération d’un ordre, d’un commandement impératif et exécutoire sans délais. Il y a un caractère public dans cet impératif ; ça s’adresse à tous[30].

En ce « commandement impératif » et ce « caractère public » qu’il détecte dans mes poèmes, résonne un écho spécifique de deux considérations d’Henri Maldiney en lien avec la poésie : « Nommer c’est appeler[31] » et « L’acte de nommer est universel[32] ». D’un autre côté, Jean-Luc Nancy insiste sur l’ouverture par où il s’agit de passer pour suivre ces poèmes. Voire par où il s’agit de se poursuivre soi-même pour s’ouvrir à une poésie.

Deuxièmement, Jean-Luc Nancy fait un clin d’œil au mot anglais « time » /’taim/ et pose ainsi la question de la temporalité. Il s’agit de ce en quoi les poèmes sont imprégnés de tout ce qui m’a interpellé dans des différents temps pour qu’ils aient lieu tels qu’ils sont. Apte à mettre en diapason les différentes étapes et épreuves de la vie, chaque poème composé marque également un point dans le temps qui est tout nouveau, frais. On peut entendre « Jasmintime » comme on entendrait l’eau bruissant depuis un puits gardien de différents temps vécus, depuis un puits auquel je reviens régulièrement pour me ressourcer et pour le ressourcer. Quand je vais m’y ressourcer, c’est moi qui décide. Quand je vais le ressourcer, c’est lui qui le réclame. Il est plus que moi et moi, je suis plus que lui. De même que « Jasmintime », sous le prisme du mot anglais « time », peut référer à un corpus de mes poèmes déjà composés, il peut également porter en lui une manière de lui revenir et de penser le rapport à la temporalité de l’écriture poétique. Plus encore, le temps relatif à « Jasmintime » fait également penser au temps des jasmins – de floraison du jasmin –, à une période de l’efflorescence et à un moment d’aboutissement. Si je considère la publication avec Jean-Luc Nancy comme un point dans le temps qui fut un événement pour moi – un événement autre que celui qui fait déjà chaque poème auquel je tiens –, je devrais penser notre publication à deux sous l’idée du « kairos ». « Jasmitime » y devient le nom d’un fruit du saisissement d’une opportunité au bon moment, aussi bien qu’une sorte d’aboutissement, d’une mise en valeur des fruits de ma pratique. Rendue visible, ma production poétique émet symboliquement des odeurs de la fleur dont je porte le prénom, parce qu’elle m’expose et se rend accessible aux autres, se fait sentir. Même si Jean-Luc Nancy parle beaucoup d’un accès et d’une ouverture en lien avec mes poèmes, il insiste surtout et sans cesse sur un aspect de l’intimation. Il dit :

L’intimation est puissante, elle veut être reconnue comme première. Elle ne tolère rien qui lui précède. Ni sans doute qui lui succède[33].

Comment le comprendre ? Peut-être, sous le prisme de deux temps qui se retrouvent par kairos –  un temps d’avant qui garde tout ce que je devais dire ainsi et pas autrement et un temps d’après où « pourquoi devoir dire ainsi et pas autrement ? » est devenu un objet de réflexion. L’écriture de la poésie, elle-même, a un côté extrêmement autoritaire au sens où elle pose ses propres règles, rythmes et seuils. D’ailleurs, les questions de savoir à qui je parle en écrivant un poème et d’où je parle, déterminent souvent le « comment ». C’est justement là, que le « time » de « Jasmintime » à travers « intimation » devient une question intime ou un clin d’œil à la notion d’« intimité », si présente dans mes poèmes.

Troisièmement, nous avons ce rapport à l’intime qui nous permet, par « Jasmintime » d’entendre « Intimement, signé Jasmina » ou « Jasmina intimement ». D’ailleurs, Jean-Luc Nancy l’exprime très bien quand il dit :

L’origine est ouverte : ce n’est pas un point, c’est une voix, une bouche, un souffle et tout ce qui bruisse et bruit comme les arbres et les bras.

C’est intime et intimidant comme tout ce qui est intime et parce que ça intime aussi : ça dit chut ! écoutez ! ne riez pas, même si moi, je ris ! ou bien souriez, mais discrets[34] !

Le ton impératif qu’il analyse comme propre à ma poésie s’explique, en effet, par cette importance attribuée à l’intimité. Tout ce que j’y investis de mon intimité, je le fais à la fois vivement et intimement. Il ne s’agit pas d’une sorte d’exil dans mes profondeurs les plus intimes, mais plutôt d’un regard posé non moins sur ce que j’ai vécu, vu, senti et pensé que depuis tout cela. Sur qui ? Sur quoi ? Surtout sur tout.

La fameuse formule d’Eschyle, tant de fois citée par Henri Maldiney : « πάθει μάθος » –  « Pathei Mathos » – « l’épreuve enseigne » (Eschyle, Agamemnon, vers 177)[35], m’a aidée ou plutôt, guidée pour mieux comprendre d’où venait ce ton d’« un commandement impératif et exécutoire sans délai » dans mes poèmes. L’enseignement en question s’éprouve intimement au sens où il se vit – il est vécu du plus près d’une situation, d’un contexte de la vie, d’une relation. L’intimité ne relève pas ici de quelque chose que nous faisons tout seuls – d’une expérience par laquelle nous nous abstenons de toute relation avec autrui. Il est vrai qu’elle est ce qui nous reste quand tout le monde part et que là, elle peut écrire de sa propre plume. Toute seule et pour autant, pas sans rien ni sans personne. La dimension intime de l’écriture de la poésie est celle qui parvient à faire d’un poème lui-même un intime : qui nous sauve ou, au moins, qui nous parle, nous écoute. J’ai trouvé que Jean-Luc Nancy a bien saisi ce sens de l’intimité qui est souvent en lien avec l’humour dans mes poèmes. L’humour vient comme un élément salutaire, car il vient faire rire là où la douleur paraît trop sérieuse, et la souffrance risque de devenir une suspension. Le poème « Hier[36] » qui ne figure pas parmi les poèmes que Jean-Luc Nancy a commentés est marqué d’une ambiance à l’image de ses mots : « ne riez pas, même si moi, je ris ! ou bien souriez, mais discrets[37] ! ».

Au moment où j’ai décidé de mettre en scène les six poèmes avec les extraits de son texte de présentation, j’ai eu beaucoup d’images et d’autres poèmes qui me sont venus pour appuyer cette démarche, compléter l’ambiance, contribuer de leur corps à la construction d’un univers scénique. Je n’ai pas su quel nom donner à ce projet. Je n’ai même pas su sous quel nom présenter ce à quoi ce projet tendait dans sa forme finale. Lors de la première représentation, il a été annoncé comme « work in progress » ; lors de la deuxième, comme « performance artistique », et enfin, lors de la troisième, dans le cadre d’un festival de théâtre, comme un « spectacle multilingue ». Chaque fois sous le nom de « Jasmintime ».

Au début ou mieux, avant le début, j’ai pensé à un tout autre titre, en lien direct avec l’idée de rendre hommage à mon père, mais aussi d’en annoncer un futur projet où je ferais le même pour ma mère. C’était : « Maman, Papa, Bonsoir ! ». Ce titre, en désignant mes parents comme mes destinataires, m’a paru, pourtant, tellement explicite que dérangeant. Une autre idée qui m’est venue était « Jasmintime ». Le titre n’était pas mien, mais il était pour moi. Il y avait également ici quelque chose qui m’a paru aussi explicite que dérangeant, mais d’une toute autre façon. J’ai écrit à Jean-Luc Nancy pour lui demander son avis. Un titre avec « Mama, papa » ne lui a pas du tout plu. Il m’a expliqué pourquoi en disant, entre autres choses, ceci :

C’est – littéralement – puéril et il y trop aujourd’hui de goût pour une certaine puérilité. Dans tes textes, il n’y a rien de tel – mais isolé comme titre c’est pour moi plutôt rebutant[38].

Le choix final du titre a été fait ! De plus, il y a une richesse sonore que « Jasmintime » engendre en ses multiples manières d’être prononcé en fonction de ce qui va être mis en avant. Ainsi, il résume à sa manière l’enjeu multiple de la sonorité dans mes poèmes. Le mot « jasmin » se prononce d’une autre manière en langue serbe qu’en langue française. La prononciation du « Jasmin » en Serbie correspond à celle du prénom « Yasmine » en France. Le son de la lettre « J » dans l’alphabet serbe est, en effet, celui de la semi-consonne [j] dans les mots français tels qu’« abeille », « travail », « bille » ou « œil ». Il s’agit également de se décider entre la prononciation du mot anglais « time » : /’taim/ et la prononciation de « intime » en français : /ɛ̃.tim/ en lien avec les mots « intimité » et « intimation ».

Selon la prononciation adaptée, intégrée à la mise en scène, nous disons « Jasmintime » en fusionnant la phonétique de « jasmin » en serbe avec la phonétique de « time » en anglais. Ici toujours, les sonorités relatives à la poésie naviguent entre « un acte de nommer » et « une pratique d’appeler » et déterminent la poésie comme une affaire de musique. La dimension sonore dans la composition de poèmes est, à mon sens, une dimension avide d’écriture et apte à charger l’écriture elle-même d’encore une autre avidité de quelque chose de plus, en terme de mouvement. C’est la quatrième clé qui ouvre plusieurs portes : la sonorité.  C’est de la poésie que proviennent, à mes yeux, la musique, la danse, la peinture, le cinéma… Et avant tout, peut-être, le chant. La voix. La voix nue et la main qui tremble. En enchaînant les différents mots qui paraissent d’un bout à l’autre de mes poèmes, Jean-Luc Nancy explicite la chose suivante :

Ce qui fait beaucoup dans ces poèmes où souffle tout toujours, humour, amour, et vous et foudre pour, rouge, sourd et coup se disputent la peau douce qui est celle de la vie. Cette glose est-elle admissible ? Pourquoi pas si la poésie plus que tout est affaire de sonorité. Si elle naît dans la résonnance d’une langue qu’il s’agit moins de parler que de faire entendre[39].

À la tonalité diffusée à partir des sons et sens de mots s’ajoute toute une dimension sonore de la poésie qu’il s’agit moins d’intégrer par le biais de la langue que d’entendre comme une composition quasi musicale. Si « la poésie plus que tout est affaire de sonorité », la question de « la voix en poésie » se pose en terme de musicalité de la parole poétique et s’ajuste comme une question relative à la musique. Dans un de ses ouvrages récents, Jean-Luc Nancy rappelle ceci :

Seule la musique porte au singulier le nom pluriel des Muses. On n’y fait pas attention. Pas plus d’ailleurs qu’au nom du Musée. Quand on parle de « la Muse » (ce qui ne se fait presque plus), il s’agit toujours de celle du poète. La qualité muséique circule de manière mal déterminée, comme un fantôme qui hante un domaine lui-même aussi dispersé que distinct de tout autre[40].

C’est ainsi peut-être que j’ai eu parfois l’impression d’un redoublement par rapport à l’idée-même de rendre ma poésie sonore dans le travail de sa mise en scène. Il s’agissait plutôt de lui ouvrir – ou lui donner l’accès à – un espace scénique à l’image de son univers. Il s’agissait de rendre ses sonorités présentes dans l’air et d’en vivifier les images, de les faire jouer comme les scènes qui me venaient. Dans ce projet de faire vivre mes poèmes sur scène il y avait quelque chose à la fois muséale et musicale ; les fantômes et muses, ensemble. En tant qu’actrice, je me suis posée de nombreuses questions qui ont été cette fois-ci moins liées au « souffle coupé » et à la respiration de l’auteur qui écrit en poète qu’à la prononciation et à la diction de l’interprète. Dans le travail de la scénographie, je me suis beaucoup amusée et investie pour amener des éléments à faire entendre autrement que par dire.

Figure 8 : Erika Natalia Molina Garcia, Première représentation de « Jasmintime », le 17 octobre 2017, © Daeseung Park.

Figure 9 : Maëlla Blanchard, Première représentation de « Jasmintime », le 17 octobre 2017, © Daeseung Park.

Figure 10 : Malaury Goutule, Maëlla Blanchard, Première représentation de « Jasmintime », le 17 octobre 2017, © Daeseung Park.

Figure 11 : Malaury Goutule, Jasmina Jovanović et Maëlla Blanchard, Deuxième représentation de « Jasmintime », le 27 novembre 2017, © Karen Diaz Lizarazo.

Figure 12 : Maëlla Blanchard et Jasmina Jovanović, Deuxième représentation de « Jasmintime », le 27 novembre 2017, © Karen Diaz Lizarazo.

Figure 13 : Raimundo Villalba et Johanna Médina, Deuxième représentation de « Jasmintime », le 27 novembre 2017, © Karen Diaz Lizarazo.

Figure 14 : Jasmina Jovanović, Malaury Goutule et Maëlla Blanchard, Troisième représentation de « Jasmintime », captation d’écran à partir de la vidéo réalisée par Pascal Lombard, © Pascal Lombard.

Figure 15 : Jasmina Jovanović, Malaury Goutule et Thomas Niklos, Troisième représentation de « Jasmintime », captation d’écran à partir de la vidéo réalisée par Pascal Lombard, © Pascal Lombard.

Figure 16 : Jasmina Jovanović, Maëlla Blanchard et Malaury Goutule, Troisième représentation de « Jasmintime », © Jovanka Milić.

En guise de conclusion

Le travail de toute l’équipe[41] qui a accompagné et porté, voire incarné ce projet de m’aventurer avec la poésie dans les arts de la scène mérite une présentation à part entière et fera l’objet d’un futur article. Dans cette première problématisation délibérée de mon expérience artistique, je me suis concentrée sur les questions relative à la poésie comme à mon « habitus de l’art ». Les poèmes auxquels je me réfère sont disponibles en ligne et constituent un support indispensable à la lecture de cet article.

« Jasmintime » est, pour moi, le nom de ce point où s’articulent la rencontre entre la poésie et la philosophie et la conception d’une mise en scène. Les quatre questions dégagées à partir du texte « Jasmintime » – du rapport au nom propre, de l’intime, du temps, voir du rapport au temps et de la sonorité –, peuvent constituer, à mes yeux, un carrefour de défis pour tout auteur qui met en scène sa propre production. Il la (ex)pose à la lumière d’une production collective et l’investit comme le noyau d’un nouveau fruit. Ainsi, « la main qui tremble » dans la citation de Dante me revient à l’image d’une main émue de sa direction d’un spectacle vivant à partir de ses propres compositions.

Avec « Jasmintime », mon exploration du monde et de la vie par les vers s’est prolongée en une expérience d’exploration de la scène par la poésie. La porte derrière la scène – ou les scènes – de la composition de poèmes s’est ouverte, non comme un livre, mais comme l’espace d’un spectacle vivant qui démarre. La question envahissante d’espace s’est cristallisée en celles du jeu et de la scène. La performance est là. Le théâtre, aussi. Les visages de deuils et les cérémonies d’hommage, également. Il nous fallait jouer, en quelque sorte, des rôles délivrés à partir des poèmes, distribués par la poésie elle-même. Il nous fallait jouer des poèmes. Ainsi, je suis devenue une sorte de corpus pour ma propre poésie et la dirigeante d’un défilé de scènes à son rythme à elle. C’était difficile. C’était riche. Enfin, je rejoins Jean-Luc Nancy dans son témoignage sur son affinité au théâtre quand il précise la chose suivante :

Aussi le théâtre est-il pour moi plus à jouer qu’à regarder. J’ai toujours voulu jouer au théâtre. Je l’ai fait adolescent, je ne sais plus du tout comment j’y suis venu mais j’ai voulu monter une pièce avec des camarades, et nous l’avons fait. Ensuite j’ai tenu à me faufiler comme figurant dans les mises en scène de Hölderlin et Euripide par Lacoue-Labarthe et Deutsch. Je donne ces détails pour vous faire sentir ce qui m’a poussé, et qui me pousserait encore si j’avais l’occasion. C’est justement l’expérience d’entrer dans un rôle. Au cinéma, cette expérience est relativisée car on peut – ou on doit – reprendre la scène. Au théâtre, passé les répétitions, c’est sans appel : il faut y aller, il faut soudain paraître à la vue du public[42].

Je me suis plongée dans l’expérience de mise en scène comme si je voulais entrer dans le rôle de mes poèmes. C’était riche. C’était difficile. Il est vrai pour autant que j’ai toujours voulu, moi aussi, jouer au théâtre. D’ailleurs, l’idée a été que Jean-Luc Nancy soit avec nous au jour de la représentation. En raison de quelques empêchements pour ce faire, nous ne l’avons vu qu’en vidéo et entendu en audio, mais il y a du jeu, il y a de la performance dans toute contribution volontaire à un spectacle vivant. De même que Jérôme Lèbre rappelle l’étymologie du mot « performance » – « mais, c’est un vieux mot français, parformer, qui signifie parfaire une forme[43] » –, Jean-Luc Nancy souligne à propos de ce même terme la chose suivante :

Il y a de la performance dans tous les arts : chaque fois vient un sens immanent à une forme sensible, conformé en elle, infusé en elle[44].

La scène ne permet-elle pas d’explorer précisément ce caractère performatif existant dans tous les arts ? De même qu’il y a de poèmes que j’ai composés en chantant[45], j’ai réalisé pour de vrai une série de dessins dont je dis un mot dans le poème « Le sang du Bois-ange ». L’idée selon laquelle il peut y avoir plusieurs arts articulés dans une même performance artistique ou dans une seule pièce de théâtre[46], est une idée fort séduisante et suggestive pour penser la création et la réception. Je dirais que c’est ainsi qu’une rencontre entre la philosophie et la poésie m’a amené à la conception d’un projet de mise en scène, situé lui-même à la croisée d’un projet de théâtre et d’un projet de performance.


Notes

[1] Henri Maldiney, Ouvrir le rien, l’art nu, Éditions Les Belles Lettres, Collection « encre marine », 2010, p. 11.

[2] Jasmina Jovanović, « Six poèmes présentés par Jean-Luc Nancy « Jasmintime » », Revue Po&sie n°156, Paris, Éditions Belin, 2016, pp. 67-72.

[3] Jasmina Jovanović, Jean-Luc Nancy, « Cinq poèmes de Jasmina Jovanović. Commentés par Jean-Luc Nancy « Et Jasmina » », Eikasia Revista de filosofia n°77 [en ligne], Ovidio, Eikasia Ediciones, 2017, pp. 461-467, disponible sur http://revistadefilosofia.com/77-17.pdf

[4] Ce travail est issu de ma contribution à la 13ème Journée d’étude interdisciplinaire des doctorant.e.s du laboratoire LLA-CRÉATIS « L’œuvre comme enquête/l’enquête dans l’œuvre : création et réception » (Panel 4 « L’enquête de soi et d’autrui), qui a eu lieu le 30 novembre 2018 à l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès.

[5] Jean-Luc Nancy, « Et Jasmina » in Jasmina Jovanović, Jean-Luc Nancy, « Cinq poèmes de Jasmina Jovanović. Commentés par Jean-Luc Nancy « Et Jasmina » », op.cit., p. 465-467, texte disponible sur http://revistadefilosofia.com/77-17.pdf

[6] Un teaser « Jasmintime », mis en ligne le 21 novembre 2017, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=-ZKQ7dtmcv8

[7] Annonce disponible sur :  http://www.cave-poesie.com/jasmintime/

[8] Annonce disponible sur : http://www.crous-toulouse.fr/actualite/jasmintime-mise-scene-de-poemes/

[9] D’abord paru in Jasmina Jovanović, « Poemas. El comienzo eterno », trad. Àngel Alvarado Cabellos, Revista Reflexiones Marginales n°41 Hojer el siglo XX : revistas culturales latinoamericanas, [en ligne], p.75-77,  Coyoacán, Universidad Nacional Autónoma de México, Ciudad Universitaria, México, disponible sur : http://reflexionesmarginales.com/3.0/wp-content/uploads/2017/10/JOVANOVIC_Jasmina_El-comienzo-eterno-1.pdf, ce poème a été repris in Jasmina Jovanović, « Poesia », Maestros & Pedagogía Revista Facultad de Ciencias de la Educación, [en ligne], Florencia Caquetá, Éd. Universidad de la Amazonia (Colombie), 2019, p. 89, disponible sur : https://www.udla.edu.co/revistas/index.php/maestros-pedagogia/issue/view/101/showToc

[10] Pour simplifier l’écriture et faciliter la lecture, j’ai choisi d’employer les mots « poète » et « auteur » pour en référer également à « poétesse » et « auteure ». Je dois avouer que j’adhère également, par-là, à une pensée de la grande écrivaine brésilienne, Clarice Lispector, selon laquelle : « Aussi féminine que soit la femme, celle-ci n’était pas une écrivaine mais un écrivain. Un écrivain n’a pas de sexe ou mieux, il en a deux, en doses différentes bien sûr. » (Citée par Claire Varin, Clarice Lispector-Rencontres brésiliennes, Éditions Trois, Laval Québec, 1987, p. 50).

[11] Henri Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, Paris, Les Éditions du Cerf, 2012, p. 61.

[12] Idem., p. 62.

[13] Matthieu Guillot, « Entretien avec Henri Maldiney », Revue Henri Maldiney L’Ouvert N° 5, Lyon, Association Internationale Henri Maldiney, 2012, p. 88.

[14] Ibidem.

[15] En suivant l’exemple d’Erwin Straus (1891-1975), neuropsychiatre et chercheur allemand installé aux États-Unis, Henri Maldiney emploie le verbe « sentir » en substantif – Le Sentir (Cf. Erwin Straus, Du sens des sens Contribution à l’étude des fondements de la psychologie, traduit de l’allemand par Georges Thinès et Jean-Pierre Legrand, Grenoble, Éditions Jérôme Million, 2000). Cet infinitif substantivé – « Le Sentir » – est une de ses notions clés. Erwin Straus considère « le sentir » comme mode de communication avec le monde (Cf. Erwin Straus, Du sens des sens, op.cit.). Henri Maldiney reprend cette détermination du sentir et la développe sous les différentes formes d’un bout à l’autre de toute son œuvre philosophique. Par exemple : « Le Sentir est la communication avec le monde » (cité selon Henri Maldiney, Art et existence, Paris, Éd. Klincksieck, 2003, pp. 29-30) ; « Le sentir est communication symbiotique avec le monde » (Cf. Penser l’homme et la folie, Grenoble, Jérôme Millon, 2007, p. 276.) ou « Le sentir est communication sym-pathique avec le monde » (Ouvrir le rien, l’art nu, op.cit., p. 139).

[16] Henri Maldiney emploie le terme du « pathique » en écho du verbe grec « patein » (« subir ») de la parole d’Eschyle : « Pathei Mathos » (« πάθει μάθος ») : « l’épreuve enseigne », « apprendre par l’épreuve » (Cf. Eschyle, Agamemnon, vers 177). Il considère « la dimension pathique » d’abord en résonnance avec l’œuvre de Viktor Von Weizsäcker (1886-1957), médecin et philosophe allemand, qui oppose « le pathique » à « l’ontique » et problématise « le mode pathique d’existence » d’un point de vue de la vie (Cf. Victor Von Weizsäcker, Anonyma, Bern, A. Franck, 1946). Cependant, c’est surtout à partir de la distinction faite par Erwin Straus entre « le moment pathique » et « le moment gnosique » de la sensation (Cf. Erwin Straus, « Les formes du spatial », Figures de la subjectivité, sous la direction de Jean-François Courtine, Paris, CNRS Éditions, 1992, pp. 14-49) que Maldiney déploie ses propos sur la dimension pathique d’existence humaine comme une dimension d’existence à part entière, inhérente au Sentir.

[17] Cité selon Henri Maldiney, Penser l’homme et la folie, Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 2007, p. 258.

[18] Matthieu Guillot, « Entretien avec Henri Maldiney », op.cit., p. 88.

[19] Initialement paru in « Six poèmes de Jasmina Jovanović, présentés par Jean-Luc Nancy « Jasmintime » », op.cit., p. 68, le poème « Taka » a été repris in Jasmina Jovanović, « Poemas. El comienzo eterno », op.cit., p.12, disponible sur : http://reflexionesmarginales.com/3.0/wp-content/uploads/2017/10/JOVANOVIC_Jasmina_El-comienzo-eterno-1.pdf

[20] « Versprochen » : « C’est promis ! » en allemand.

[21] « Bitte » : « S’il vous plait » en allemand.

[22] « De todas as coisas do mundo » : « de toutes les choses du monde » en portugais.

[23] Initialement paru in « Six poèmes présentés par Jean-Luc Nancy », op.cit. p. 69., ce poème a été repris et publié en version bilingue français-espagnol in Jasmina Jovanović, « Poemario », trad. Ángel Alvarado Cabellos, Revista Corpo-grafias, Estudios criticos de y desde los cuerpos N°3, Bogota, Universidad Distrital Francisco José de Caldas, Revista Institucional de la Facultad de Artes ASAB, 2016, pp. 242, 243, disponible sur :

https://revistas.udistrital.edu.co/ojs/index.php/CORPO/article/view/13182/13648

[24] Le poème « J comme S » a été, d’abord, édité in Jasmina Jovanović, « Poèmes », Revue Nunc N°35, Clichy, Éditions de Corlevour, 2015, p. 24, repris in « Six poèmes, présentés par Jean-Luc Nancy », op.cit. p. 71, et est disponible en ligne in « Poemas. El comienzo eterno », op.cit., pp. 26-27.

[25] Les mots valises sont des mots inventés, créés à partir des différents mots déjà existant. Selon la détermination figurant sur le site du CNTRL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), le mot-valise est « création verbale formée par le télescopage de deux (ou trois) mots existant dans la langue », https://www.cnrtl.fr/definition/mot-valise). Selon la définition du Dictionnaire de français Larousse en ligne, le mot-valise est un « mot résultant de la réduction d’une suite de mots à un seul mot, qui ne conserve que la partie initiale du premier mot et la partie finale du dernier (par exemple franglais) », https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mot-valise_mots-valises/52839.

[26] Initialement paru sous le titre « Intimidité » en version bilingue français-anglais (traduit en anglais par Àngel Alvarado Cabellos : « The Intimidacy ») in Jasmina Jovanović, « Poemario », Revista Corpo-grafias, Estudios criticos de y desde los cuerpos N°2, Éd. Universidad Distrital Francisco José de Caldas, Revista Institucional de la Facultad de Artes ASAB, Bogota, 2015, p. 84, ce poème a été repris sous le titre de « Intimide » in « Six poèmes, présentés par Jean-Luc Nancy », op.cit., p. 70. Poème disponible sur : https://revistas.udistrital.edu.co/ojs/index.php/CORPO/article/view/11155/11962

[27] Jasmina Jovanović, « Poèmes », Revue Nunc N°35, op.cit., p. 23, repris in Jasmina Jovanović, Jean-Luc Nancy, « Cinq poèmes de Jasmina Jovanović. Commentés par Jean-Luc Nancy « Et Jasmina » », op.cit., pp. 463, 464, disponible sur : http://revistadefilosofia.com/77-17.pdf

[28] Jean-Luc Nancy, « Jasmintime », Revue Po&sie n°156, Paris, Éditions Belin, 2016, p.67.

[29] Henri Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, op.cit., p. 68.

[30] Jean-Luc Nancy, « Jasmintime », op.cit., p.67.

[31] Henri Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, op.cit., p. 69.

[32] Ibidem.

[33] Jean-Luc Nancy, « Jasmintime », op.cit., p.67.

[34] Ibidem.

[35] Cette traduction de « πάθει μάθος » est régulière chez Henri Maldiney. Même si nous retrouvons la même formule d’Eschyle traduite différemment au début de l’un de ses tout premiers textes « La dernière porte » – « Pathei mathos. La souffrance enseigne » (Cf. Henri Maldiney, In media vita – Suivie de La dernière porte, Paris, Les Éditions du Cerf, 2012) –, dans tant d’autres textes, Maldiney reste fidèle à « l’épreuve enseigne ». Par exemple, dans son article, bien connu, de l’année 1961, intitulé « Comprendre », Henri Maldiney déclare : « Au moment pathique s’applique intégralement la parole d’Eschyle « πάθει μάθος » l’épreuve enseigne. Non par raison, mais par sens » (Cf. Henri Maldiney, Regard, parole, espace, Paris, Les Éditions du Cerf, 2012, p. 111) ou dans un autre, moins connu, où il précise : « « Pathei mathos » : l’épreuve enseigne. Le sentir est à l’origine de toutes. En lui nous faisons l’épreuve d’être là… à quelque chose comme un monde » (Cf. Henri Maldiney, « Contribution de Roland Kuhn à la mise en évidence de la dimension esthétique dans l’expérience phénoménologique existentielle en psychiatrie clinique. Aspects philosophiques », Revue Henri Maldiney L’Ouvert, N°2, Lyon, Association Internationale Henri Maldiney, 2009, p. 40).

[36] Initialement paru in Jasmina Jovanović, « Poèmes », Revue Nunc n°35, op.cit., p. 22, ce poème a été repris in Jasmina Jovanović, « Poemario », Revista Corpo-grafías N°2, op.cit., p.85, disponible sur : https://revistas.udistrital.edu.co/ojs/index.php/CORPO/article/view/11155/11962

[37] Jean-Luc Nancy, « Jasmintime », op.cit., p.67.

[38] Jean-Luc Nancy dans sa lettre datant du 9 mars 2017.

[39] Jasmina Jovanović, Jean-Luc Nancy, « Six poèmes présentés par Jean-Luc Nancy ‘Jasmintime’ », op.cit., p. 67.

[40] Jean-Luc Nancy, Jérôme Lèbre, Signaux sensibles Entretiens à propos des arts, Bayard Éditions, 2017, p. 142.

[41] Le projet de mise en scène de ma poésie « Jasmintime » a été soutenu par la Compagnie de la Veille Dame, Université Toulouse 2 (FSDIE, ERRAPHIS), Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées et Cave Poésie. « Jasmintimé » est interprété par Erika Natalia Molina Garcia, Jasmina Jovanović, Johanna Médina, Malaury Goutule, Maëlla Blanchard, Thomas Niklos et Raimundo Villalba (sur scène) et par Jean-Luc Nancy, Ine et Franck Van Helfteren (en vidéo).

[42] Jean-Luc Nancy, Jérôme Lèbre, Signaux sensibles Entretiens à propos des arts, Paris, Bayard Éditions, 2017, p.168.

[43] Idem., p. 196.

[44] Idem., p. 171.

[45] C’est le cas, par exemple, du petit poème-chant composé en espagnol lors de mon voyage au Pérou en 2014. Il apparaît dans le teaser « Jasmintime » [vidéo en ligne], disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=-ZKQ7dtmcv8

[46] Pour approfondir les questions relatives à la mise en parallèle des représentations théâtrales et des spectacles performances à la scène contemporaine, je renvoie à Joseph Danan, Entre théâtre et performance, Éditions Actes Sud – Papiers, Arles, 2016.


Bibliographie

OUVRAGES :

DONAN Joseph, Entre théâtre et performance, Arles, Éditions Actes-Sud, 2016.

MALDINEY Henri, Ouvrir rien, l’art nu, La Versanne, Éditions Les Belles Lettres, Collection « encre marine », 2010.

MALDINEY Henri, L’art, l’éclair de l’être, Paris, Les éditions du Cerf, 2012.

MALDINEY Henri, Regard, parole, espace, Paris, Les éditions du Cerf, 2012.

MALDINEY Henri, In media vita Suivie de La dernière porte, Paris, Les éditions du Cerf, 2012.

MALDINEY Henri, Penser l’homme et la folie, Grenoble, Jérôme Millon, 2007.

MALDINEY Henri, Art et existence, Paris, Klincksieck, 2003.

NANCY Jean-Luc, LÈBRE Jérôme, Signaux sensibles Entretiens à propos des arts, Paris, Bayard Éditions, 2017.

STRAUS Erwin, Le sens des sens. Contribution à l’étude des fondements de la psychologie, Éditions Jérôme Millon, 2000.

VARIN Claire, Clarice Lispector-Rencontres brésiliennes, Laval Québec, Éditions Trois, 1987.

ARTICLES :

GUILLOT Matthieu, « Entretien avec Henri Maldiney », Revue Henri Maldiney L’Ouvert N°5, Lyon, Association Internationale Henri Maldiney, 2012, p. 79-95.

MALDINEY Henri, « Contribution de Roland Kuhn à la mise en évidence de la dimension esthétique dans l’expérience phénoménologique existentielle en psychiatrie clinique. Aspects philosophiques » (CRK – 1992), Revue Henri Maldiney L’Ouvert N°2, Roland Kuhn, Henri Maldiney : une rencontre, Lyon, Association Internationale Henri Maldiney, 2009, p. 37-72.

MALDINEY, Henri, « Une voix, un visage », Revue Henri Maldiney L’Ouvert N°3 Art, clinique et rythme, Lyon, Association Internationale Henri Maldiney, 2010, p. 11-39.

NANCY Jean-Luc, « Jasmintime », Revue Po&sie N°156, Paris, Belin, 2016, p. 67.

NANCY Jean-Luc, « Et Jasmina », Eikasia Revista de filosofia n°77 [en ligne], Ovidio, Eikasia Ediciones, 2017, p. 465-467.

STRAUS Erwin, « Les formes du spatial » in COURTINE Jean-François (dir.), Figures de la subjectivité, Paris, CNRS Éditions, 1992, p. 14-49

 

POÉSIE

JOVANOVIĆ Jasmina, « Six poèmes présentés par Jean-Luc Nancy », Revue Po&sie N°156, Paris, Belin, 2016, p. 68 – 72.

JOVANOVIĆ Jasmina, « Poèmes », Revue Nunc N°35, Clichy, Les Éditions de Corlevour, 2015, p. 22-24.

Poésie disponible en ligne, liens vers les sites consultés :  

JOVANOVIĆ Jasmina, « Poesia », Maestros & Pedagogía Revista Facultad de Ciencias de la Educación, Universidad de la Amazonia (Colombie), 2019, PDF [en ligne], URL : https://www.udla.edu.co/revistas/index.php/maestros-pedagogia/issue/view/101/showToc, consulté le 20 mai 2019.

JOVANOVIĆ Jasmina, « Poemas. El comienzo eterno », trad. Àngel Alvarado Cabellos, Revista Reflexiones Marginales n°41 Hojer el siglo XX : revistas culturales latinoamericanas, Universidad Nacional Autónoma de México, Coyoacán, 2017, PDF [en ligne], URL : http://reflexionesmarginales.com/3.0/wp-content/uploads/2017/10/JOVANOVIC_Jasmina_El-comienzo-eterno-1.pdf, consulté le 20 mai 2019.

JOVANOVIĆ Jasmina, « Cinq poèmes de Jasmina Jovanovic. Commentés par Jean-Luc Nancy », Eikasia Revista de Filosofia n°77, 2017, p.461-467, PDF [en ligne], URL : http://revistadefilosofia.com/77-17.pdf, consulté le 20 mai 2019.

JOVANOVIĆ Jasmina, « Poemario », trad. Angel Alvarado Cabellos, Revista Corpo-grafias, Estudios criticos de y desde los cuerpos N°2, Bogota, Universidad Distrital Francisco José de Caldas, Revista Institucional de la Facultad de Artes ASAB, 2016, p. 238-245, PDF [en ligne], URL : https://revistas.udistrital.edu.co/ojs/index.php/CORPO/article/view/13182/13648, consulté le 20 mai 2019.

JOVANOVIĆ Jasmina, « Poemario », trad. Angel Alvarado Cabellos, Revista Corpo-grafias, Estudios criticos de y desde los cuerpos N°3, Bogota, Universidad Distrital Francisco José de Caldas, Revista Institucional de la Facultad de Artes ASAB, 2015, p.84-86, PDF [en ligne], URL : https://revistas.udistrital.edu.co/ojs/index.php/CORPO/article/view/11155/11962, consulté le 20 mai 2019.

Liens vers les sites consultés pour les trois représentations de « Jasmintime »

 « Jasmintime Teaser », mis en ligne le 21 novembre 2017 [You Tube] par Jasmina Jovanović, URL : https://www.youtube.com/watch?v=-ZKQ7dtmcv8 , consulté le 20 mai 2019.

« JASMINTIME », 2017, programme de la Cave Poésie, [annonce en ligne], URL : http://www.cave-poesie.com/jasmintime/, consulté le 20 mai 2019.

« JASMINTIME – FESTIVAL DE THÉÂTRE ÉTUDIANT UNIVERSCÈNES, 2018, programme sur le site du Crous Toulouse Occitanie [annonce en ligne], URL : http://www.crous-toulouse.fr/actualite/jasmintime-mise-scene-de-poemes/, consulté le 20 mai 2019.