Curieux, furieux, mais certainement pas de bon goût, Bertrand Larriviere alias Nino Noma est un personnage rare. Un clown décalé. Un forcené déguisé. Masque empiré de maquillages, dégoulinant. Homme de spectacle, certains affirment que c’est Tino Rosi qui aurait épousé Zorro. Peintre, chanteur et sculpteur, il montre assez peu son travail. Nino présente une œuvre picturale procédant d’une touche furtive et accidentée, étendue en séries singulières qui forment un ensemble agité et foisonnant.
Il manipule des images préexistantes, une imagerie de masse, omniprésente dans les médias – de la presse à l’audiovisuel. Des standards d’affiches publicitaires qui martèlent le quotidien et les réalités contemporaines. Il saisit les pages et les extirpe de leur contexte déshumanisant. Ces bouts de femmes aseptisées sur bouts de papier, il les prend en main, se les approprie. Il réinjecte du réel et du poétique dans ces images où la fausseté est brandie en un idéal impossible et malsain. Il vient septiser l’aseptisé et donner à voir des arrachées ; portraiturées du dedans. Cet artiste extrapole l’intérieur en redonnant à la face sa part d’évidence et de vérité : de larges cernes viennent bouleverser les regards, des bouches sont cousues, des joues creusées, des mines défoncées. La souffrance est latente, mais sans pathétisme. Chaque tronche est marquée d’évidence. Elles sont burinées par les poteaux qui ont successivement entravé leur vie. Ces œuvres sont des condensés de l’existence, livrent à celui qui les regarde des à coups de rire, de joie, de bruit, de vertige, de cri, d’accident, de dégringolade, de sexe, de mort et de silence.
Texte d’Isabelle Lassignardie
Sous la direction de Christian Mange