La vérité sur les colonies

eliseantes

Pour bien pouvoir comprendre les enjeux de l’exposition anti-coloniale, il faut en premier lieu revenir sur l’exposition coloniale qui se trouve à Vincennes.

Héritière de l’Exposition Universelle , l’exposition coloniale a ouvert ses portes le 6 mai 1931. Mais le début de l’histoire de sa création remonte à bien des années avant. Les prémisses de cette exposition se retrouvent entre autres exemples en 1889 avec la reconstitution d’une petite cité coloniale. Paris n’est pas une ville où le commerce colonial est fortement présent. En effet, ce genre d’évènement est plus propice à avoir un public dans les villes comme Lyon, Bordeaux ou encore Marseille qui fera une exposition coloniale en 1922. 

Affiche de l’Exposition coloniale, Victor Jean

Desmeures © Musée national de l’histoire et des

cultures de m’immigration

C’est en 1911 que l’idée commence à germer malgré des oppositions. Peu de personnes ont fait le rapprochement entre “l’exotisme et le pittoresque” des colonies et une vision économique, qui aurait été le but premier de l’exposition. La première guerre mondiale coupa rapidement court à la discussion qui passa du stade d’idée à celui de projet concret en 1920 avec un premier décret qui fut approuvé par le Président de la République Paul Deschanel (13 février 1855- 28 avril 1922) ainsi que plusieurs de ces Ministres. Plusieurs décrets retardent l’ouverture au vu de l’ampleur du projet. Il continuera à évoluer en passant de main en main des ministres qui vont se succéder jusqu’à son ouverture. C’est avec un début de projet presque chaotique que l’exposition ouvre au public avec une surface de plus de 1200 mètres de long pour approximativement 10 km de parcours.

Carte dessinée et montée par Ch. Guerin n 168 de Vu, 3 juin 1931. p 785

En 20 ans, le but de cette exposition a beaucoup changé, passant d’une intention économique à promouvoir la colonisation en montrant les “bienfaits”. Parmi eux, la “paix” qu’elle apporte au peuple colonisé et la puissance de la France sont montrés au travers de grandes constructions architecturales, parfois à échelle réelle, comme la Mosquée Hamoundi pour la Côte des Somalis. Également, on expose la réappropriation d’architectures par des artistes français pour les rendre plus imposantes avec par exemple les huttes pour le Togo et le Cameroun qui seront allègrement agrandies. Elle prend donc un aspect de propagande non dissimulée pour la colonisation, l’économie de la France se faisant en partie par l’exploitation des richesses de ses colonies.

Le pavillon des Territoires africains sous mandat français (Togo et Cameroun)

P.COMMARMOND

Guide Officiel.p .57

L’exposition de 1931 va donc présenter au métropolitain les colonies. Elle sera l’opportunité de faire connaître aux terres colonisées mais aussi aux autres pays occidentaux toutes la puissance et l’étendue de la France. La construction de l’exposition se fait de sorte que le public sache où il se trouve et ce qu’il regarde à chaque instant. Les pavillons sont disposés en contraste avec l’architecture pour amener les spectateurs à les comparer et rendre les parcours plus distrayants. Cinq grandes sections avec chacune leurs spécificités sont créées. La première est la Cité Internationale des Informations, qui se trouve à l’entrée. Elle sert de centre de renseignements sur les colonies que ce soit sur l’économie, le commerce ou tous sujets touchent à l’exposition et ses pavillons. 

Elle est suivie par le Musée Permanent des Colonies à la Porte Dorée où se trouve une rétrospective de l’histoire de la colonisation ainsi que des collections d’art colonial réalisées par des artistes français.  La troisième grande sélection est la Section Métropolitaine composée de quatre grands bâtiments : Le Palais des Industries, Le Palais des Industries de Luxe, Le Palais de l’Agriculture et Le Palais des Bois Coloniaux. “Les Colonies Françaises est l’une des sections les plus grandes comportant pour chaque colonies un pavillon ainsi qu’un terrain qui sont gérés séparément par des Commissaires de l’Exposition. À sa fin se trouve un parc zoologique avec des animaux divers provenant de pays colonisés. La dernière grande section est réservée aux nations participantes c’est-à-dire la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, l’Italie, les Etats-Unis et le Portugal. D’autres pays seront présents à titre officieux : la Palestine et l’Hindoustan.

Le 19 septembre 1931, suite à l’exposition coloniale ouverte quelques mois plutôt à Paris, un ensemble d’artistes et intellectuels organise une contre-exposition tendant à dénoncer et informer le public de la face cachée par l’exposition du colonialisme.

L’exposition est annoncée le 4 juillet 1931 dans le journal L’humanité . Elle est organisée par la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale. Dans un même temps, il est distribué au parisien un tract où figure le nom très évocateur de la contre-exposition : « La vérité sur les colonies ». Elle est organisée dans un bâtiment de deux étages en bois avec de grandes baies vitrées sur un terrain appartenant à la CGTU proche de la place du Colonel Fabien. (confédération générale du travail unitaire. Il s’agit d’une organisation fondée en 1921 et dissoute en 1936 par une partie minoritaire de la Confédération générale du travail qui souhaite s’affilier à l’internationale syndicale rouge. Celle-ci étant elle-même liée à l’internationale communiste. Il faut rajouter à ça que le Colonel Fabien était un communiste et résistant français). 

Tract pour la contre exposition « La vérite sur les colonies »

Ces tracts sont accompagnés et signés par André Breton, Paul Eluard et Louis Aragon afin de convaincre le public de ne pas visité l’exposition colonial de Vincenne : «Il s’agit de donner aux citoyens de la métropole la conscience de propriétaires qu’il leur faudra pour entendre sans broncher l’écho des fusillades lointaines. Il s’agit d’annexer au fin paysage de la France, déjà très relevé avant-guerre par une chanson sur la cabane-bambou, une perspective de minarets et de pagodes. 

Tract pour la contre exposition « La vérite sur les colonies »

La contre-exposition sera fragmentée en trois parties distinctes dispersées dans les deux étages du bâtiment. La première partie revient sur la colonisation globalement avec une mise en avant prononcée des différents crimes coloniaux commis durant la première guerre et le traitement des personnes au sein même des colonies. Dans la seconde salle il est exposé l’exemple de la politique soviétique, qui était contre la colonisation.. Pour finir, il est présenté au public de nombreux objets d’art dit « indigène » appartenant à des artistes surréaliste tel que André Breton ou Paul Eluard.

A la base de la réflexion pour cette exposition on y trouve notamment le témoignage de deux écrivains qui se sont rendus en Afrique. Le premier, André Gide, publie en 1927 à la suite de son voyage deux recueils quasi anthropologiques de son expérience au Congo et au Tchad. Ce qui à la base était un carnet de voyage, se transforme malgré lui en récit anthropologique et témoignage contre la colonisation ou il déplore le comportement des colons européen et à la violence par laquelle la colonisation se déroule. A ce titre il dira :

« Il est grand temps de se ressaisir, de mettre fin à un régime qui n’est pas seulement stupide et déplorablement onéreux, mais inhumain et déshonorant pour la France »

André Gide

A sa suite, et inspirer par ses écrits, le journaliste et écrivain Albert Londres, dressera à son tour un portrait des conditions colonial en Afrique de l’Ouest dans son livre « Terre d’ébène » en 1929 où il raconte dans une époque où la question de la colonisation est encore largement débattu, la violence avec laquelle sont traiter les peuples d’Afrique d’Ouest en axant sa réflexion sur le pillage des terres. Il aura aussi une réflexion sur cette période d’après-guerre dans laquelle il vie et où les gens en France se remettent petit à petit des combats et souhaite s’amuser sans porter un regard forcément objectif sur les colonies, ce qui n’est pas sans nous rappeler et nous expliquer pourquoi l’exposition colonial de 1931 a tellement de succès.

Si cette exposition à marquer l’histoire, il est bien moins connu qu’elle est le commencement d’un mouvement anti impérialiste qui se rattache au parti communiste . Le propos de l’exposition et du mouvement vise à démonter le mythe de la mission civilisatrice qui a pour fondement de mettre les pays d’Europe comme berceau d’une civilisation supérieure et moderne et qui se donne comme quête de civiliser les peuples non européen. L’exposition gardera ses portes ouvertes jusqu’en 1932 en ne recevant pas le succès escompté, elle ne recevra pas plus de 5 500 visiteurs en tout. 

Les deux expositions ne sont pas en opposition que sur le propos mais aussi sur leurs construction, leurs conceptions, leurs tailles, leurs popularité mais aussi sur leurs répercussions sur le long terme. 

Tout d’abord les concepteurs, la ou l’Exposition Coloniale est conçu par des ministres et des commissaires spécialement embauché pour l’évènement, le tout financé par l’Etat Français  est un projet travaillé sur le long terme qui nécessita des années de travailles pour la monté. La Contre Exposition fut réalisée dans des délais beaucoup plus courts par un petit groupe d’artistes, André Breton (19 février 1896- 28 septembre 1966), Louis Aragon (3 octobre 1897- 24 décembre 1982) et Paul Eluard (14 décembre 1895- 18 novembre 1952). Ayant des avis politique divergent de celui de l’Etat, ils montèrent cette exposition avec peu de moyen et le soutien de la CGTU avec qui il s’allieront car partageant les mêmes conviction politique que le créateur et l’emblème du CGTU, Pierre Senard (15 février 1887- 7 mars 1942) syndicaliste français mais aussi président du partie communiste. Il leur fourniront le bâtiment qui hébergera l’Exposition Anti-coloniale. 

Le bâtiment en question reste extrêmement modeste dans un bâtiment en bois de trois salles comparé à la superficie totalement exubérante de l’Exposition coloniale avec ses 10 km de chemin et ses nombreux pavillons et bâtiments plus imposants les uns que les autres. 

La manière d’aborder le sujet de la colonisation et le traitement des visites est aussi en opposition même si dans les deux cas les parcours des visiteurs est prédéfinie. La ou les sujets sont traité par des thèmes fort pour la Contre Exposition, Les crimes coloniaux de la première guerre, Le schéma soviètique sans colonisation et Les problème globaux de la colonisation, l’Exposition de 1931 est plus géolocaliser les colonies ayant chacune leurs propre pavillon malgré une implantation volontairement désordonnée entre les continents

Vue du temple d’Angkor Vat de nuit

Collection particulière DR

L’exposition coloniale fut, avec ses 8 millions d’entrées et ses 33 millions de billets vendus, un franc succès. LA taille de l’exposition pouvait obligé les visiteurs à revenir car il était impossible de faire la totalité de la visite en une journée à pieds, il fut donc mis en place plusieurs système de déplacement comme les électro cars qui proposés une visite nommé “Le tour du monde en une heure”, un chemin de fer de 4 km et possédant six station ou encore des voitures Rosengart pour les personnes souhaitant une total autonomie. La vérité sur les Colonies ne connut pas le même succès avec seulement 5500 entrées. Les visites restent traditionnelles. 

Malgré le fait que l’Exposition coloniale restera dans l’histoire pour diverses raison, la plupart peu positive dû à son thème et ce qui pouvait y être vu, elle  a eu une influence de courte durée sur la population. Alors que la Contre Exposition qui est restée bien moins documentée à en partie parmi au fil du temps de faire germé un inconscient collectif sur les traitement et les problèmes de la colonisation. Elle fait donc partie des éléments qui ont fait changer les mœurs et les mentalités sur les colonies et d’en voir les problèmes.

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