Présentation de l’autrice
Isadora FICHOU (CERLOM/INALCO Paris)
Isadora Fichou est docteure en Littératures et Civilisations (INALCO). En avril 2023, elle a soutenu une thèse rédigée sous la direction d’Etienne Naveau et intitulée « L’écriture poétique de la brièveté chez Chairil Anwar à la lumière des œuvres de Sitor Situmorang et de René Char ». Ses recherches portent sur la poésie indonésienne moderne et contemporaine et la traduction littéraire. En parallèle de sa thèse, elle a mené plusieurs enquêtes de terrain en Indonésie et a enseigné la littérature indonésienne ainsi que la traduction littéraire. Elle a traduit l’œuvre du poète indonésien Chairil Anwar, dont la publication est prévue pour 2024 aux éditions Abordo. Elle étudie actuellement le développement et le rôle des communautés littéraires en Indonésie et enseigne la traduction spécialisée aux étudiants de licence et master à l’INALCO.
Pour citer cet article : FICHOU Isadora, « Le temps dans la poésie de Chairil Anwar : vitesse du poème et urgence de l’écriture », Litter@ Incognita [En ligne], Toulouse : Université Toulouse-Jean Jaurès, n°13, « Temps à l’œuvre, temps des œuvres », saison automne 2023, mis en ligne le 13 octobre 2023, disponible sur https://blogs.univ-tlse2.fr/littera-incognita-2/2023/09/26/le-temps-dans-la-poesie-de-chairil-anwar-vitesse-du-poeme-et-urgence-de-lecriture/
Résumés
Dans l’œuvre du poète indonésien Chairil Anwar, le processus qui mène vers la mort est engendré dès l’instant où la vie apparait. Les ravages du temps sur l’homme amènent Anwar à faire le constat suivant : puisque tout est perdu d’avance, autant vivre comme s’il n’existait pas de rivages, pas d’issue possible à la solitude, sinon le rêve, la folie et la poésie. Pour le poète, le temps est à l’origine d’une lutte du langage contre la mort. Il déforme les amours, affaiblit l’inspiration et le corps. Il semble que le temps soit finalement combattu par l’écriture elle-même. Le poème, comme la vie, deviennent ainsi éternels à travers une forme d’urgence et de vitesse au sein de l’écriture, qui cherche à échapper au décompte de la mort. Pour défier cette cruelle chronologie qui rythme son existence, le poète doit aussi se faire violence et vivre dans l’ivresse permanente pour repousser les limites du monde et du langage. Vivre dans l’instant revient dès lors à célébrer l’oubli et à transgresser les lois morales.
In Chairil Anwar’s poetry, the process that leads to death is produced the moment life appears. The ravages of time on man lead Anwar to make the following statement: since all is lost in advance, one might as well live as if there were no shores, no possible way out of loneliness, except dreams, madness and poetry. For the poet, time is at the origin of a struggle of language against death. It deforms loves, weakens the inspiration and the body. It seems that time is finally fought by the writing itself. The poem, like life, thus becomes eternal through a form of urgency and speed within the writing, which seeks to avoid counting down death. To challenge this cruel chronology that punctuates his existence, the poet must also do violence to himself and live in permanent intoxication to push back the limits of the world and of language. Living in the moment therefore amounts to celebrating oblivion and transgressing moral laws.
Mots-clefs
Instant – langage – poésie indonésienne – urgence – vitesse – oubli
Moment – language – Indonesian poetry – urgency – speed – oblivion
Sommaire
1. L’injonction à vivre dans le présent et l’absence de ligne de temps
2. La fulgurance de l’instant et l’éternité du poème
3. Course et vitesse dans l’écriture de la brièveté
Introduction
Chairil Anwar, poète indonésien de l’après-guerre, a marqué la littérature indonésienne moderne. Son écriture incisive a contribué à renouveler le langage poétique. Anwar a choisi d’écrire en indonésien, la langue de l’indépendance, à laquelle il a mêlé sa langue natale, le malais de la ville de Medan. Inspiré par les œuvres des écrivains néerlandais, anglais et allemands, le poète a participé à introduire l’absurde et l’individualisme dans la poésie indonésienne. Ses poèmes expriment ainsi la solitude et les contradictions de l’homme du xxe siècle. Ils décrivent la brièveté de l’existence et la nécessité vitale de l’écriture pour repousser la mort. Dans l’œuvre d’Anwar, l’urgence et la vitesse sont avant tout liées au désir d’explorer toutes les facettes du monde : « mon but est de régler son compte à tout ce qui est susceptible de m’entourer[1] », écrit le poète en 1944 dans l’une de ses lettres, adressée au critique H. B. Jassin. Dans la société indonésienne des années quarante, Anwar semble penser la vitesse comme un jeu, un défi que lui lancent au quotidien le monde urbain et les découvertes scientifiques :
Nous ne sommes pas seulement capables de prendre des photos, nous savons aussi utiliser les rayons X pour observer jusqu’au blanc de l’os. En un mot, nous ne pouvons plus être les instruments de musique de l’existence. Nous sommes les musiciens qui jouons la chanson de la vie, elle qui nous fait aller droit au but, pour toujours. Parce que nous possédons le courage, la conscience, la croyance et le savoir[2] .
Il y a aussi, chez Anwar, une urgence de la création qui tend à lutter contre la mort, la fin et la stagnation. Il y a donc une urgence de vivre, que l’on retrouve d’ailleurs dans le vitalisme dont s’inspire le poète et à travers son attirance pour le feu, pour ce qui se consume et ne se vit qu’une fois. Notre hypothèse est que l’urgence nécessaire et bénéfique liée à la création prend le dessus sur l’urgence négative chez Anwar. Elle est un choix, non une contrainte. Ce qui compte, c’est écrire avant que la mort ne surgisse, avant que le langage ne se perde et que l’homme ne succombe à la terreur. Si la vitesse, par sa capacité de destruction, peut être aliénante, elle peut aussi, à travers la poésie, être surmontée. L’urgence et la vitesse caractéristiques du xxe siècle s’accompagneraient d’une brièveté de la forme poétique chez Anwar :
Nous vivons aujourd’hui à 1000 kilomètres par heure ! Être ferme et concis ne signifie pas ne pas avoir de contenu, non ! Dans une petite phrase comme celle-ci : « Avoir du sens une fois, puis mourir aussitôt » – nous pouvons entremêler tous les buts de notre existence. C’est donc être concis, et non être vide[3].
L’écriture permet de recréer cette vitesse pour la dissoudre, la fragmenter et en tirer des parcelles de lumière La vitesse propre à une époque peut aussi constituer une force, une opportunité pour rompre avec le passé et inventer de nouvelles formes d’art. Elle rejoint ainsi le désir de Chairil Anwar de faire table rase du passé pour affronter l’inconnu. La vitesse viserait dès lors à prendre corps et à faire sens à travers une forme brève qui s’imposerait à la mémoire. Elle donnerait à voir au lecteur une série d’images en peu de temps. Lorsque l’urgence d’écrire engendre une vitesse dans l’agencement des mots, le poème produit non seulement une cadence, un mouvement, mais aussi une transformation et même une déformation de l’espace et du temps. « Finalement, qu’est-ce qui va vite dans le langage ? La vitesse engendrée par la brièveté n’y est pas une donnée physique[4] », écrit Gérard Dessons. Si la vitesse n’est pas qu’une affaire de concision de l’expression, il faut alors se concentrer sur ce qui provoque ce sentiment de hâte : « En réalité, ce qui “bouge” dans le langage ne se déplace pas, mais déplace, comme on dit que quelque chose “vous bouge[5]”. ».
Dans la poésie de Chairil Anwar, la vitesse de l’instant et sa fulgurance ne semblent saisissables que par éclairs, ou, pour reprendre une expression de Camus, par « le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs[6] ». Ces moments ancrés dans le temps présent ont une telle intensité qu’ils s’inscrivent dans l’éternité imaginaire de notre mémoire. C’est pourquoi leur exaltation est violente, parce qu’elle vit peu de temps puis finit par laisser une empreinte à travers le souvenir, qui n’est cependant jamais entièrement fidèle à l’évènement passé. Chez Chairil Anwar, cet éloge de l’instant est souvent lié à la solitude et à une forme de marginalité :
Le marin est seul sur la mer bleue,
Parmi ceux qui ont oublié d’être heureux […]
Mais ne comprends-tu pas, ma petite,
Toi qui verses des pleurs de déchirement,
Que le fugitif sera toujours laissé à l’écart
Et que même dans ce pays lointain, le soleil ne revient jamais[7] ?
Pour Anwar, la vitesse de l’instant et la joie qu’elle produit invitent avant tout à ne pas s’attacher à une forme de durée. Cette vitesse semble également dire dans un même temps la victoire et l’échec. C’est ainsi que l’on peut ressentir un élan et entrevoir un sommet où se rejoignent les contraires dans la poésie d’Anwar. À peine la vie est-elle célébrée que la mort surgit. À peine l’instant est-il découvert, apprécié, qu’il se fige en souvenir ou nous échappe. L’instant est alors un point de condensation extrême. Il est ce moment où la vie et la mort, le souvenir et l’oubli, la communication et le silence se retrouvent au coude à coude et finissent par lutter ensemble, sur un pied d’égalité. Le poème constituerait l’unique et le dernier témoignage juste de l’instant vécu, capable de traduire sa vitesse. Nous nous intéresserons ici à trois aspects du temps dans l’œuvre d’Anwar : l’invitation à vivre le moment présent, la capacité de fulgurance de l’écriture poétique, et enfin, le rythme de la course au sein du poème.
1. L’injonction à vivre dans le présent et l’absence de ligne de temps
La poésie de Chairil Anwar est marquée par l’instant. Échappant à toute mesure, à toute chronologie car isolé et fulgurant, celui-ci sauve l’homme en le libérant du décompte de la mort. Le poète, en recréant le souvenir de l’instant à travers l’écriture, appelle également à rompre sans cesse avec ce que nous obtenons, accomplissons et créons. Il ne peut dès lors que fuir toute sorte de durée et d’établissement. L’amour, le mariage, la famille, la religion, le travail, le métier[8], la carrière. Tout est désacralisé dans une écriture qui renverse au cœur de l’instant les traditions de la société indonésienne d’après-guerre. Cet amour de l’instant et ce refus de s’attacher à qui ou à quoi que ce soit amènent inéluctablement le poète à affronter sa solitude. Elle est ainsi le revers de la liberté, cette jouissance du présent qui se vit au jour le jour.
Le poème d’Anwar intitulé « À un ami » (« Kepada kawan ») reflète bien l’attachement du poète à une vie libre, solitaire et vécue toute entière dans l’instant :
Kawan, mari kita putuskan kini disini :
Ajal yang menarik kita, juga mencekik diri sendiri !
Jadi
Isi gelas sepenuhnya lantas kosongkan,
Tembus jelajah dunia ini dan balikkan
Peluk kucup perempuan, tinggalkan kalau merayu
Pilih kuda yang paling liar, pacu laju,
Jangan tambatkan pada siang dan malam
Dan
Hancurkan lagi apa yang kau perbuat
Hilang sonder pusaka, sonder kerabat,
Tidak minta ampun atas segala dosa,
Tidak memberi pamit pada siapa saja !
Mon ami, prenons une décision ici et maintenant :
La mort qui nous attire s’étrangle elle-même !
Alors
Remplis ton verre à ras-bord puis vide-le immédiatement,
Traverse et explore ce monde, retourne-le
Étreins et embrasse les femmes, abandonne-les si elles se lamentent
Choisis le cheval le plus sauvage, fais-le galoper à vive allure,
Ne te lie ni au jour ni à la nuit
Et
Détruis à nouveau ce que tu as fait
Disparais sans héritage, sans famille
Sans demander pardon pour tes péchés
Sans adieux pour personne !
Chairil Anwar incite ici à rompre avec toutes sortes d’attaches : liens sociaux, lieux, héritages. Le poème est une invitation à profiter de l’instant présent (« vide-le immédiatement »). De cet éloge du moment présent découlent des actes ainsi qu’un état d’esprit marqués par l’audace et la subversion. Nous retrouvons ici le thème de la vitesse. L’emploi de l’impératif ainsi que les images employées, comme celle du « cheval sauvage » qui galope « à vive allure », participent à précipiter l’écriture. Il y a comme un désir d’aller vers l’excès dans le poème, pour rompre avec les valeurs du passé : « Détruis à nouveau ce que tu as fait / Disparais sans héritage, sans famille ». Dans son poème, c’est presque comme un pari qu’Anwar fait avec lui-même. Le poète a le sentiment qu’il faut dépasser certaines limites pour progresser mais les moyens employés amènent à se faire violence, à vivre dans les extrêmes. Dès lors, faire l’expérience de l’instant revient à cultiver l’oubli et à transgresser les règles : « Sans demander pardon pour tes péchés / Et sans adieux pour personne ! »
Le sujet du poème « À un ami » se revendique comme un Don Juan sans pitié envers les femmes : « Étreins et embrasse les femmes, abandonne-les si elles se lamentent ». L’éloge du plaisir chez Chairil Anwar s’accompagne d’un désengagement total et provocateur envers toutes formes de traditions et de devoirs. La jouissance n’est pas le résultat d’une recherche raisonnée des plaisirs comme c’est le cas chez Epicure, mais bien une sensation engendrée par l’ego du poète, par son goût pour le jeu et pour le risque. Le carpe diem vise ici à l’expression de l’individualisme par tous les moyens. Les autres poèmes d’Anwar montrent à quel point il peut aussi souffrir de cet état d’insatisfaction permanente. Dans le poème « Libre » (« Merdeka »), c’est avant tout cette insatisfaction qu’il décrit comme étant la première condition de sa liberté :
Aku mau bebas dari segala
[…]
Sedang meradang
Segala kurenggut
Ikut baying
Je veux être libre de tout
[…]
Dans mon déchaînement
J’ai tout arraché,
Chassé les ombres
« À un ami » exprime non seulement un dépassement des limites sociales qui établissent une séparation entre le marginal et l’homme qui se soumet aux normes, mais il met aussi en avant un dépassement des limites spatiales et temporelles puisque plus rien ne semble pouvoir régir le monde qu’imagine le poète, qui semble sans cadres (si ce n’est ceux de la forme artistique), sans valeurs, sans heures, et même, sans jour et sans nuit, qui seraient eux aussi des apparences trompeuses. On observe ici le désir de s’approprier l’espace, et même de le « retourner ». Cet individu que décrit le poète, qui n’a pas de comptes à rendre et ne fonde sa cause sur rien évoque à nouveau ce courant de l’anarchisme individualiste. Le fort caractère individualiste qui ressort de « À un ami » reflète la position du poète dans la société et son incapacité à s’établir quelque part. L’image du cheval (« Choisis le cheval le plus sauvage ») intensifie et incarne cet individualisme que rien ni personne ne peut refréner. Ainsi, les traits de ce personnage errant et insaisissable ont parfois été poussés à l’extrême par les critiques et les écrivains, jusqu’à faire de lui un symbole de l’anarchisme et de l’athéisme. Le poète propose de vivre sans affection, dans l’abandon et la solitude :
Tak sepadan
Aku kira : beginilah nanti jadinya
Kau kawin, beranak dan berbahagia
Sedang aku mengembara serupa Ahasveros
Dikutuk-sumpahi Eros
Aku merangkaki dinding buta
Tak satu juga pintu terbuka
Jadi baik kita padami
Unggunan api ini
Karena kau tidak ‘kan apa-apa
Aku terpanggang tinggal rangka
Février 1943
Désaccordés
Je pense
Que les choses se passeront ainsi :
Tu te marieras, tu auras des enfants et seras heureuse
Tandis que je vagabonderai, semblable à Ahasvérus
Maudit par Eros
Je rampe sur un mur aveugle
Pas une porte n’est ouverte
Il vaut mieux que nous éteignions
Ce feu de brousse
Car cela t’est égal
Mon corps est brûlé, il ne reste de moi qu’un squelette.
Dans ce poème, le poète appelle à nouveau à rompre pour vivre dans l’instant. Ce qu’il ne peut supporter ici, c’est la durée de l’établissement, du confort familial, du foyer. Il désire briser cette durée, pour se lier à l’imprévu et à l’inconnu. En refusant la stabilité, le poète fait le choix de l’errance éternelle : « Tandis que je vagabonderai, semblable à Ahasvérus ». L’incapacité du poète à s’engager ou à s’établir est vécue ici comme une véritable malédiction : « maudit par Eros », ce dernier est confronté à un univers flou et plein de dangers : « je rampe sur un mur aveugle », sans repères temporels. La rupture avec la durée d’une relation amoureuse amène à nouveau à vivre de façon solitaire : « Je n’ai pas l’intention de partager mon destin / Le destin, c’est la solitude de chacun ». Choisir un destin revient ainsi à rompre avec toute sorte de durée pour Chairil Anwar. En éclairant ses poèmes de la fulgurance de l’instant, il donne une chance à l’homme de se détacher du poids de son passé et d’entrevoir un avenir possible, inconnu et lumineux. Cette conception laisse place à une énergie tournée vers le futur, qui permet le questionnement permanent.
2. La fulgurance de l’instant et l’éternité du poème
La fulgurance de l’instant marque le poème d’une durée infinie. Celle-ci tient au rayonnement que provoque l’éclatement du moment présent, son éparpillement dans la mémoire. Dans le poème « Invitation » (« Ajakan ») de Chairil Anwar, l’instant s’accompagne d’un sentiment intense d’exaltation :
Ria bahgia
Tak acuh apa-apa
Gembira girang
Biar hujan datang
Kita mandi basahkan diri
Tahu pasti sebentar kering lagi.
Ravis, joyeux
Insouciants de tout
Euphoriques
Laissons venir la pluie
Nous nous éclabousserons
Certains d’être à nouveau secs dans un instant.
La fulgurance monte ici progressivement, débutant par la joie, l’insouciance et l’euphorie, sentiments que l’écriture rend puissants par leur enchaînement, chacun occupant une ligne du poème. Puis, l’arrivée de la pluie va constituer le point où la fulgurance sera à son apogée puisqu’elle va révéler l’événement présent, lui donner un mouvement. C’est à travers la sensation de cette pluie que se déroulent l’instant et sa fin : au verbe « s’éclabousser » succède presque immédiatement la conscience « d’être à nouveau secs dans un instant ». Nous remarquons que l’instant ici n’est cependant pas achevé, il n’y a que la certitude qu’il finira dans peu de temps. C’est peut-être justement dans l’interstice entre cet instant pleinement vécu et la projection d’une future disparition de ce dernier que réside sa fulgurance. Le fait que les corps soient encore mouillés à la fin du poème accentue l’intensité du moment vécu et fait à la fois perdurer cette émotion. Celle-ci semble prise dans une vitesse inéluctable, celle de l’oubli du sentiment amoureux. Là encore, c’est bien l’expérience – celle de l’instant et de l’ivresse du bonheur – que le poète décrit, et qui semble se dérouler sous nos yeux.
Dans le poème, l’instant peut cependant prendre une autre dimension, qui est celle du souvenir. En effet, les quelques lignes qui précèdent l’extrait que nous venons de citer peuvent semer le doute quant au temps dans lequel se projette le poète :
Mari ria lagi
Tujuh belas tahun kembali
Bersepeda sama gandingan
Kita jalani ini jalan.
Soyons à nouveau heureux
Revenons à nos dix-sept ans
À vélo, côte à côte
Nous parcourons cette route.
Ici, est-ce l’évocation d’un souvenir de jeunesse ou le souhait de vivre à nouveau cet âge qui amène le poète à recréer l’instant dans le poème ? Lorsque ce dernier écrit « Revenons à nos dix-sept ans » (« Tujuh belas tahun kembali »), il peut aussi vouloir dire « dix-sept ans plus tôt/en arrière », comme il décrirait un souvenir, et non un véritable retour à cette époque. La suite du poème se déroulerait alors au rythme de la mémoire : l’image d’un garçon et d’une fille à vélo, jouant sous la pluie, désirant rejouer éternellement ce moment de jeu dans l’eau de pluie, ferait prendre conscience au poète du caractère éphémère de l’instant. Si la pluie est l’occasion d’un jeu innocent pour les deux amoureux, le poète voit en elle le meilleur et le pire : ici la pluie, comme l’instant, illumine et frappe dans un même temps. La distance qui sépare le poète de cette époque lui permet de comprendre que l’instant est peut-être seulement saisissable dans l’insouciance. Qu’il soit souvenir ou moment à nouveau vécu, l’instant arrive dans le poème au moyen d’images simples et de phrases brèves, que rien ne vient troubler. La fin du poème est à la frontière de deux dimensions temporelles. Son intensité tient encore à ces quelques minutes qui restent aux deux jeunes gens pour vivre pleinement le présent. Dans cet entre-deux, « certains d’être à nouveau secs dans un instant » (« tahu pasti sebentar kering lagi »), mais encore mouillés, l’instant est une durée que l’expression condensée tente d’allonger et de capturer.
Dans les poèmes d’Anwar, nous remarquons que la mémoire et l’oubli sont évoqués à travers plusieurs termes. Par exemple, la forme « kenang », qui peut signifier « se souvenir », « se rappeler », « se remémorer », « repenser à », « imaginer » (« kenang » dans le poème « Nouvelles de la mer », « kenangan », « souvenir, réminiscence », dans le poème « Notes de 1946 »). La forme « ingat », elle, signifie « penser à », « se souvenir de », « se rappeler ». On trouve chez Anwar la forme « ingatan » (« souvenir », « mémoire ») dans le poème « Nocturne », ou encore la forme « mengingatkan » (« rappeler », « se rappeler », « faire souvenir ») dans « Les voix de la nuit ». Une autre forme, moins courante, retient tout particulièrement notre attention : « tanda mata », qui signifie littéralement « les signes/marques des yeux ». Cette expression figure dans le poème d’Anwar intitulé « Poème pour Basuki Resobowo » : « Que reste-t-il des souvenirs ? » (« Apa tinggal jadi tanda mata ? »). Elle évoque quelque chose qui « subsiste dans le regard », tout en rappelant la fugitivité de ce dernier. Sören Kierkegaard note le caractère séduisant de l’instant dans son rapport à quelque chose d’éphémère et de rapide puisque que le mot « instant » signifie « coup d’œil » en danois (« øjeblik ») et en allemand (« Augenblick ») :
Rien en effet n’a la vitesse du regard, et pourtant il est commensurable au contenu de l’éternité. […] Un regard est donc une catégorie du temps, mais bien entendu du temps dans ce conflit fatal où il est en intersection avec l’éternité[9].
Le souvenir serait un clin d’œil du passé. Le dictionnaire des intraduisibles nous éclaire sur ce lien entre le regard, le moment présent et le mouvement qui caractérise ce dernier :
L’allemand représente l’instant non comme un point immobile sur une ligne (in-stans), mais comme un mouvement organique, le clin d’œil. L’Augen-blick allemand évoque à la fois la vitesse du regard et la lumière que celui-ci retient (cf. le poème de Schiller, « Die Gunst des Augenblicks » [« La Faveur de l’instant »]). Le mot signifie littéralement le « regard » et la « fermeture des yeux » ; c’est le cillement de l’œil qui fixe son objet, puis par extension la « brève durée » d’une telle fermeture, qu’on s’accorde à considérer comme « indivisible[10] ».
Le coup d’œil ou le clin d’œil symboliseraient ainsi le moment où resurgissent les souvenirs, de façon soudaine et rapide. Le rapport entre le regard, la vitesse, la lumière et l’instant nous ramène à l’« Invitation » d’Anwar et à son euphorie lumineuse, éphémère et éternelle à la fois.
Le poème « Tuti Artic » témoigne lui aussi de ce pouvoir de la poésie de capter les sentiments amoureux, lesquels, selon Anwar, ne durent jamais longtemps en dehors de l’écriture :
Antara bahagia sekarang dan nanti jurang ternganga,
Adikku yang lagi keenakan menjilat es artic ;
Sore ini kau cintaku, huhiasi dengan susu + coca cola.
Isteriku dalam latihan : kita hentikan jam berdetik.
Entre le bonheur présent et l’abîme du futur
Ma petite chérie lèche sa glace avec plaisir
Ce soir tu es mon amour, je te pare de crème + coca cola
Ma femme en apprentissage, nous avons arrêté les tic-tacs de l’heure
À l’illusion de l’amour, succède avec violence, à nouveau, les ravages du temps sur les deux amoureux :
Pilihanmu saban hari menjemput, saban kali bertukar ;
Besok kita berselisih jalan, tidak kenal tahu :
Sorga hanya permainan sebentar.
Aku juga seperti kau, semua lekas berlalu
Aku dan Tuti + Greet + Amoi . . . . . . hati terlantar,
Cinta adalah bahaya yang lekas jadi pudar.
Tes choix t’invitent chaque jour et sont chaque fois différents.
Demain nos chemins dériveront, nous ne nous connaîtrons plus :
Le paradis n’est qu’un jeu éphémère.
Je suis comme toi, tout s’est si vite envolé
Moi et Tuti + Greet + Amoi… cœur indocile
L’amour est un danger qui se fane vite.
« Le paradis n’est qu’un jeu éphémère » ; « L’amour est un danger qui se fane vite ». Le jeu et le risque attirent si vite le poète vers l’amour que ce dernier semble s’évaporer dès lors qu’il est ressenti, compris, dévoilé. Chez Anwar, nous remarquons que l’instant et l’éternité sont souvent réunies au moyen d’images liées aux éléments, à la nature, au jour et à la nuit. Mer, ciel, nuage, lumière, feu, soleil, éclair, lune, vent, font souvent corps avec l’instantanéité d’un évènement ou d’une émotion dans le poème. Dans son essai « Hoppla ! », le poète écrit : « Comprennent-ils en quoi consiste réellement mon but ? Il est le diamant limé par un éclair éblouissant, qui fait cligner celui qui le regarde[11] ». L’éclair a ici à voir avec la brièveté puisqu’il incarne le souhait d’aller droit au but, de ne pas avoir peur de franchir des frontières à travers l’écriture.
L’instant peut aussi être étendu à une forme d’éternité à travers l’écriture poétique elle-même. Le combat que mène le poète dans « Aku » et son indifférence face à la mort l’amènent à écrire : « Je veux vivre encore mille ans ». Plus tôt dans le poème, l’action se déroule pourtant si vite que l’instant semble atteindre un point de non-retour : la mort du poète. La précipitation de cet « animal sauvage » est telle qu’aucune durée ne semble possible :
Laissant les balles transpercer ma peau
J’enrage et j’attaque sans trêve
Fuyant, j’emporte les plaies et le poison
Fuyant[12]
La mort semble ici n’être qu’un instant fugitif que le poète traverse pour accéder, à nouveau à un autre univers. La vie est urgence, hâte, frénésie. La mort est l’affaire d’une minute où la balle passe à travers la peau. L’éternité est donc à chercher ailleurs, dans le poème lui-même peut-être. Celui-ci témoigne de l’instant et laisse en suspens ce moment de lutte où la vie et la mort semblent être à égale distance du poète.
3. Course et vitesse dans l’écriture de la brièveté
Chairil Anwar cherche à échapper, à fuir, mais aussi à devancer l’ennemi, les mots ou les choses. C’est donc aussi une forme de course qu’expriment ses poèmes :
Kita guyah lemah
Sekali tetak tentu rebah
Segala erang dan jeritan
Kita pendam dalam keseharian
Mari tegak merentak
Diri-sekeliling kita bentak
Ini malam purnama akan menembus awan[13].
Nous vacillons
Un coup et c’est la chute assurée
Au quotidien nous enfouissons
Toutes les plaintes, tous les cris
Restons droits et tapons du pied
Pour semer la terreur tout autour de nous
Une nuit comme celle-ci, la pleine lune traversera les nuages.
Le poème ci-dessus évoque à la fois une urgence liée au combat et une préparation méticuleuse de celui-ci, reflétées toutes les deux par un rythme saccadé. L’écriture est ici empreinte de tension et d’attente : « Nous vacillons / Un coup et c’est la chute assurée ». Les individus décrits chez Anwar se trouvent souvent sur cette ligne située en marge d’un non-lieu, d’un territoire où tout cesserait soudain d’exister. La douleur est occultée pour laisser place à la lutte : « Au quotidien nous enfouissons / Toutes les plaintes, tous les cris ». On retrouve à nouveau, cette association de la nuit et de la clarté, avec ici l’image de la lune. Celle-ci semble être attendue, elle est une promesse. Sa lumière « traversera les nuages » pour amener un éclairage neuf sur le monde. Au niveau du rythme, l’indonésien permet de créer une tension qui est due à la brièveté des phrases et à l’enchaînement des rimes. Le début du poème est ainsi marqué par la faiblesse et l’effondrement, à travers les rimes en « ah » (« lemah » : « faible » ; « rebah », « s’effondrer ») qui menacent le « Nous ». Le poème s’achève sur la combattivité : « merentak », « bentak ». La simplicité et la brièveté des phrases reflètent ici l’insoumission et un désir collectif de lutte. Elles entraînent aussi le poème dans un rythme rapide, qui fait ressortir la détermination et l’incitation à la révolte. À cette lucidité se mêle à nouveau une part d’imaginaire : « Une nuit comme-celle-ci, la pleine lune traversera les nuages ». La tension qui se dégage du poème est donc à la fois le résultat d’une expression simple et brève, associée à l’attente d’une lutte, d’un évènement, que la « pleine lune », cachée derrière les nuages, symbolise.
De la même façon, l’animal sauvage de « Aku » « enrage » et « attaque » mais il y a quelque chose de placide dans le poème, une marche droite et courageuse vers l’ennemi :
Aku ini binatang jalang
Dari kumpulannya terbuang
Biar peluru menembus kulitku
Aku tetap meradang menerjang
Je suis un animal sauvage
Rejeté par son troupeau
Laissant les balles transpercer ma peau
J’enrage et j’attaque sans trêve
L’animal sauvage ne dérive pas, son but est précis, comme la trajectoire de la balle qu’il laisse « transpercer » sa « peau ». Les rimes en « ku » donnent un rythme saccadé au poème. L’enchaînement de « meradang » et « menerjang » engendre un élan par le dynamisme des rimes en « ang ». Ces sonorités créent des ruptures au sein du poème, ruptures qui sont d’ailleurs déjà présentes à travers la brièveté des phrases. Concises, elles semblent dire la reprise permanente d’une bataille qui se joue ici et maintenant :
Luka dan bisa kubawa berlari
Berlari
Hingga hilang pedih perih
Fuyant, j’emporte les plaies et le poison
Fuyant
Jusqu’à ce que disparaissent peines et blessures
La répétition de « Berlari » (« Courir ») instaure à la fois une continuité de l’action et une rupture à travers le passage à la ligne. Le sujet, comme pour reprendre son souffle, détache ces deux mots pour poursuivre sa course. Il existe un rythme interne au poème chez Anwar qui produit une hâte. Mais il y a aussi un intérêt pour la course et la fuite, très présentes dans l’imaginaire du poète. Une menace permanente explique cette urgence : « Le danger est présent à chaque tournant ». Il y a là l’idée d’un risque lié à la mort, omniprésente. Dans « Aku », il y a une confrontation entre le sujet et les autres à travers la course : l’ennemi, le colonisateur et l’occupant, mais aussi les traîtres, ceux qui obéissent au système. Pourtant, dans la plupart de ses poèmes, c’est une course avec ses peurs, ses angoisses, les ombres de son enfance que le poète exprime et que l’écriture traduit. On trouve par exemple dans le poème « Le fugitif » (« Pelarian ») un état de détresse qui s’exprime par une fuite désordonnée : « Tandis qu’il court / Il heurte violemment les portes ». Le poète se lance constamment des défis, même dans ses rapports avec les femmes :
Tes yeux me défient – Un instant !
[…] Dans ton corps mince se poursuivent encore
La femme et l’homme.
Dans le poème « Invitation » (« Ajakan »), c’est à deux que la course contre le temps est évoquée. Les deux sujets sont « à vélo », et « Certains d’être à nouveau secs dans un instant ».
Au-delà de la langue, quelle temporalité engendre cette course dans le poème ? Celle-ci mêle plusieurs temps, étant à la fois dans l’immédiateté de l’action et dans la projection d’une mort imminente. Que nous disent le langage et le rythme de l’écriture sur l’implication du poète ? Il semble que ses poèmes soient toujours pris entre un élan et un mouvement opposé qui le contrôle, retient le sujet, instaurant une tension. Le poème « Coucher de soleil au petit port » déploie des sonorités et des images au sein desquelles se rencontrent la fuite du temps et l’immobilité du monde :
Gerimis mempercepat kelam. Ada juga kelepak elang
Menyinggung muram, desir hari lari berenang
Menemu bujuk pangkal akanan. Tidak bergerak
Dan kini tanah dan air tidur hilang ombak.
La bruine accélère la venue de la nuit. Il y a aussi le battement d’ailes d’un aigle
Qui effleure l’obscurité, et le murmure des jours se dérobe
Pour rencontrer les charmes du futur port. Rien ne bouge,
A présent la terre et l’eau sommeillent, les vagues se dissipent.
Conclusion
Telle qu’elle est vécue par Chairil Anwar, la vitesse semble parfois incontrôlable. Pourtant, à travers l’écriture, celle-ci devient la mesure, le cadre même de l’existence de ce dernier. La vitesse est un défi pour le poète, qu’elle soit palpable à travers l’instant, la nuit qui file ou l’impatience de transformer le monde par l’écriture. La temporalité qu’instaure la vitesse dans le poème questionne aussi la capacité d’une langue à exprimer la brièveté ou la durée d’un évènement ou d’un sentiment. La traduction permet de voir comment ce rythme peut être transmis, ou à l’inverse, comment il résiste dans le passage vers une autre langue. Explorer cette vitesse revient ainsi à faire un pacte avec le langage (poétique ou non), qui ne cesse à travers le temps d’évoluer, et qui dans ses transformations, ses défigurations et ses contraintes, oblige le poète à le travailler sans cesse.
Note : Cet article est un extrait modifié d’une partie de la thèse de l’auteure, intitulée L’écriture poétique de la brièveté chez Chairil Anwar, à la lumière des œuvres de Sitor Situmorang et de René Char[14].
Notes
[1] ANWAR, Chairil, Aku ini binatang jalang, (« Je suis un animal sauvage ») recueil de poèmes rédigés de 1942 à 1949, Jakarta : Gramedia, 1996. Il s’agit de l’édition de référence de tous les poèmes cités dans cet article. Extrait d’une lettre de Chairil Anwar au critique HB JASSIN, rédigée le 8 mars 1944. Texte original : « […] maksudnya aku akan bikin perhitungan habis-habisan dengan begitu banyka di sekelilingku. ».
[2] Extrait du « Discours de 1943 » (« Pidato 1943 ») : Kita sudah sanggup bukan mengambil gambar-gambar biasa saja, tapi juga gambar Rotgen sampai keputih tulangbertulang. Pendeknya kita tidak boleh lagi alat musik dari penghidupan. Kita pemain dari lagu penghidupan, membikin kita selamanya lurus berterang. Karena keberanian, kesadaran, kepercayaan dan pengetahuan kita punya.
[3] Ibid. « Kita hidup sekarang dalam 1000 km sejam! Tegas dan pendek bukan tidak berisi, tidak! Dalam kalimat kecil seperti : “Sekali berarti, sudah itu mati“ — kita bisa jalin-anyamkan seluruh tujuan hidup kita. Jadi tegas, bukan kosong. »
[4] DESSONS, Gérard, La voix juste, Essai sur le bref, p. 89.
[5] Ibid.
[6] Extrait du discours de réception du prix Nobel d’Albert Camus, 10 décembre 1957.
[7] ANWAR Chairil, « Pour l’album de DS », extrait de Aku ini binatang jalang, op. cit. Texte original : « Kelasi bersendiri dilaut biru, dari/Mereka yang sudah lupa bersuka. […] apa mengertikah addiku kecil/Yang menangis mengiris hati/Bahwa pelarian akan terus tinggal terpencil,/Juga di negeri jauh itu surya tidak kembali ? ». Tous les poèmes sont traduits par l’auteure de l’article.
[8] Anwar refuse la proposition de Jassin de travailler pour Balai Pustaka et dans sa revue.
[9] KIERKEGAARD, Sören, Miettes philosophiques – Le concept de l’angoisse – Traité du désespoir, p. 254.
[10] ADELUNG, Johann C, Grammatischkritisches Wörterbuch der Hochdeutschen Mundart, t.1, Leipzig, 2ème éd. 1793, sous art. « Augenblick », col. 561, cité par BALIBAR, Françoise, BUTTGEN, Philippe, CASSIN, Barbara, dans CASSIN, Barbara, Le dictionnaire des intraduisibles, p. 816-818.
[11] « Adakah insap mereka, tujuanku: intan yang dicapai kilatnya menyilaukan, mengedip-ngedipkan mata si penglihat. »
[12] « Biar peluru menembus kulitku/Aku tetap meradang menerjang/Luka dan bisa kubawa berlari/Berlari ».
[13] Poème sans titre.
[14] Date de la soutenance : 7 avril 2023.
Bibliographie
ANWAR, Chairil, Aku ini binatang jalang, (« Je suis un animal sauvage ») recueil de poèmes rédigés de 1942 à 1949, Jakarta : Gramedia, 1996, 111p.
CASSIN, Barbara, Vocabulaire européen des philosophies. Le dictionnaire des intraduisibles, Paris : Éditions du Seuil, 2019, 1600p.
DESSONS, Gérard, La voix juste, Essai sur le bref, Le marteau sans maître, Paris : Éditions Manucius, 2015, 155p.
KIERKEGAARD, Sören, Miettes philosophiques – Le concept de l’angoisse – Traité du désespoir, Paris : Gallimard, 1990, 504p.
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