L’épée de cour : de l’arme au bijou.

Longtemps oubliées par l’historiographie, les épées de cour encombrent aujourd’hui les réserves des musées et les collections privées. Collectionneur de ce type d’objet, on m’a proposé de m’intéresser à cet objet singulier qui hante encore les romans de cape et d’épée, et l’imaginaire collectif lié à cette noblesse en jabot blanc et perruques poudrées de l’Ancien Régime et de la monarchie absolue.

On l’appelle également « petite épée » ou encore « épée de mode ». Cette arme d’une élégance et d’une finesse incomparable fait son apparition durant la seconde moitié du XVIIème siècle sous l’impulsion des maîtres d’armes français. Sa grande sœur la rapière, arme préférée du mousquetaire, est alors jugée trop lourde et trop contraignante, ce pourquoi on se met à préférer l’escrime italienne, une école d’escrime française fondé sur la vitesse et l’épuration des mouvements. C’est notre escrime contemporaine qui apparaît avec l’épée de cour ainsi que le Fleuret, l’arme de l’entrainement par excellence.

Dès les années 1660 Louis XIV l’impose à la cour pour les hommes ainsi que pour les enfants et qui veut être introduit devant le roi devait se munir d’une épée qu’il était possible de louer en entrant dans le château ! Très vite, c’est dans toutes les cours d’Europe qu’elle s’impose, exception faite de l’Espagne plus conservatrice qui la boude et lui préfère encore quelques années les imposantes rapières dites « à panier ». Privilège et attribut du parfait gentilhomme, elle est la marque durant prés d’un siècle et demi de la noblesse de l’Ancien Régime, de son art de vivre et de son goût pour le luxe et les beaux ouvrages. C’est un véritable objet d’art à l’ornementation raffinée qui vient ponctuer le costume masculin à la manière d’un bijoux auquel on apporte un soin tout particulier. L’art de l’épée est un talent de cour au même titre que la danse, mais elle est également le reflet visible de la part d’ombre d’un XVIIIème siècle violent et sanglant. Si elle est peu visible sur les champs de bataille, elle reste une arme mortelle avec laquelle on s’affronte durant des duels sans merci pour régler les querelles ou éprouver sa virilité.

Les épées de cour étaient fabriquées à la demande par un artisan qualifié appelé maître fourbisseur et garnisseur d’épées et autres bâtons en fait d’armes, qui rapidement, au vu de la demande, doivent faire appel en complément à des orfèvres, argenteurs, doreurs et autres médaillistes, transformant les épées en des objets d’art toujours plus raffinés devant s’adapter aux caprices des commanditaires et des effets de mode. Chaque épée de cour est un objet unique et personnalisé.

Rapidement,à partir des années 1780, la mode commence à décliner avant d’être définitivement interdite à la Révolution car trop symbolique du système qu’elle rejetait. Si elle connaît un regain sous le Premier Empire, le rideau est tombé sur les fastes d’une société dont les raffinements et les excès ont causé la perte, et, avec elle, celle de cette frêle petite arme qui avait si bien reflété les caractères d’un monde dont elle avait été le symbole.

656b1465352a0486ea4c073307b7c493

Mémoire de recherche de Simon Colombo, sous la direction de Mr Pascal Julien.