L’exposition : « Africa remix »

aurelieurbino

Introduction:

« Africa remix, l’art contemporain d’un continent » est une exposition itinérante internationale qui présentait un panorama de la création artistique africaine contemporaine. Le commissaire principal de cette exposition n’est autre que Simon Njami, également écrivain, essayiste ainsi que critique d’art camerounais. Simon Njami présentera cette exposition aux quatre coins du monde notamment au Museum Kunstpalast de Düsseldorf du 24 juin au 7 septembre 2004, à la Hayward Gallery de Londres, du 10 février au 17 avril 2005, au Mori Art Museum de Tokyo, d’avril à juin 2006, au Moderna Museet  de Stockholm du 14 octobre 2006 au 14 janvier 2007, à la  Johannesburg Art Gallery de Johannesburg, du 24 juin au 30 septembre 2007, et pour finir, l’exposition sur laquelle nous allons travailler à travers notre dossier : au Centre Georges-Pompidou à Paris, du 25 mai au 08 août 2005. Nous savons que cette exposition, fait écho aux Magiciens de la terre conçus par Jean-Hubert Martin qui sera notamment le commissaire d’exposition d’Africa Remix au Museum Kunstpalast. L’intérêt principal de cette exposition était de faire découvrir aux amateurs d’art, un art contemporain et peu mis en avant, situé en dehors des arts occidentaux. Les Magiciens de la terre, étant une exposition également présentée au Centre Georges-Pompidou du 18 mai au 14 août 1989, fut la première exposition française à mettre en avant l’art contemporain en présentant des œuvres caractérisées comme étant « non-occidentales ».  

Nous allons donc au sein de notre recherche tenter de répondre à plusieurs problématiques comme par exemple : en quoi l’exposition à permis à l’art occidental de se démocratiser ? Ou encore, par quels moyens l’exposition brise-t-elle les codes du classicisme ? Pour répondre à ces interrogations, nous allons dans un premier temps parler de l’exposition « Les magiciens de la terre » puisque l’exposition « Africa remix » n’est autre que la continuité de cette exposition, son importance est donc considérable pour comprendre la construction d’Africa Remix. Dans un second temps, nous nous concentrerons davantage sur l’exposition « Africa remix », puisque cette exposition est l’objet de notre étude. Nous allons tenter de montrer en quoi « Africa remix » peut être considérée comme l’exutoire de l’art africain. Puis dans un troisième et dernier temps, nous nous intéresserons à la pluralité en tant que source artistique. En effet, nous présenterons d’autres expositions reposant sur le même modèle qu’Africa Remix ou « Les magiciens de la terre », afin de montrer l’importance de la diversité ainsi que la reconnaissance artistique.



 I- L’exposition «  Africa Remix  » : dans la continuité des « Magiciens de la terre  »

 a) Une exposition aux antipodes d’un art prédéfini

L’exposition intitulée les « Magiciens de la terre » a été exposée du 18 mai au 14 août 1989 à Paris et plus précisément au Centre Georges-Pompidou ainsi qu’à la grande halle de la Villette. Cette exposition fut organisée par Jean-Hubert Martin qui est également le commissaire d’exposition, et elle fut la première exposition en France à placer sur la scène internationale de l’art contemporain, les arts « occidentaux » contemporains. En effet, il est vrai que l’art est un monde assez fermé avec de nombreuses règles prédéfinies, cependant l’art est aussi un monde très varié et intemporel, de ce fait il est primordial de mettre en avant toutes sortes d’arts, et de différents horizons. L’originalité de cette exposition est de rapprocher des œuvres occidentales connues ainsi que des œuvres « d’ailleurs » dans le but de mettre en avant l’universalité de l’acte créateur et ainsi introduire un dialogue interculturel entre des formes d’arts habituellement séparées, favorisant également une certaine ouverture d’esprit. Jean-Hubert Martin commissaire d’exposition ainsi qu’organisateur de l’exposition dira dans l’introduction du catalogue de cette exposition le propos suivant : « L’idée communément admise qu’il n’y a de création en arts plastiques que dans le monde occidental ou fortement occidentalisé est à mettre au compte des survivances de notre culture. Sans parler de ceux qui pensent toujours que, parce que nous possédons une technologie, notre culture est supérieure aux autres ». Cette citation permet de mettre en avant tout l’intérêt de l’exposition ainsi que l’envie de Jean-Hubert Martin de casser les codes classiques et moderniser l’art.

Cette exposition connaîtra cependant des critiques et sera sujet à de nombreux débats, notamment sur la sélection des œuvres ainsi que la diversité et la remise en question des catégories artistiques d’Occident. Par exemple, le parti pris pour l’Afrique sera assez contesté ainsi que la Chine, puisque les détracteurs de cette exposition reprocheront un manque de cohérence dans la sélection des œuvres.

b- Précurseur d’une identité singulière et objective

L’exposition « Magiciens de la terre » fait également écho avec la première Biennale organisée à Venise en avril 1893. En effet, cet événement, créé pour les 25 ans de mariage de Marguerite de Savoie et Umberto 1er, est un grand rassemblement d’art contemporain réunissant différents artistes de différents continents permettant ainsi une contemporanéité culturel. Pour revenir aux « Magiciens de la terre », l’exposition exposera au total 101 artistes venus d’horizons divers et variés. En effet, les continents mis à l’honneur lors de cette exposition sont : l’Asie, l’extrême Orient, l’Afrique, l’Amérique latine, le Pacifique ainsi que certains artistes inuits. Cet éventail d’artistes permet à l’exposition une large palette d’arts, peu ou presque pas connus généralement. Dans les 101 artistes nous pouvons citer par exemple : Joe Ben Jr, artiste navajo appartenant à un peuple amérindien d’Amérique du Nord et artiste adepte du « sandpainting », cette pratique de peinture au sable dont l’art est de verser des sables colorés et des pigments en poudre de minéraux ou de cristaux, ou des pigments d’autres sources naturelles ou synthétiques sur une surface pour faire une peinture au sable fixe ou non fixée. Autre exemple, Louise Joséphine Bourgeois, artiste française né à Paris le 25 décembre 1911 mais naturalisée américaine, connue pour sa sculpture et ses installations monumentales. Cette artiste aborde des thèmes tels que l’univers domestique, le corps, la famille et les organes sexuels, totalement opposé avec l’artiste précédent, ce qui permet de mettre en avant l’énorme panel au niveau artistique mais aussi technique de l’exposition. Dernier exemple, avec l’artiste Alfredo Jaar, artiste chilien à la fois architecte, photographe et réalisateur connu principalement pour ses expositions photographiques, et exposera notamment à deux reprises à la Biennale de Venise en 1986 et 2007.

La présentation de ces artistes ainsi que leurs spécialités permettent de mettre en avant l’idée d’authenticité artistique. Cette exposition sert ainsi donc de marqueur social, puisque la présentation d’art peu connu et mis en avant permet à la fois aux visiteurs de l’exposition de connaître un nouvel air artistique mais de connaître aussi de nouvelles cultures.

Transition → Dans cette première partie, nous avons pu voir que l’exposition intitulée  « Magiciens de la terre » ouvre la porte à de nombreuses formes d’art « non-occidentales » et peu mises en avant. Le classicisme n’est pas la devise de Jean-Hubert Martin et ça n’est pas non plus la devise de Simon Njami, commissaire d’exposition pour « Africa Remix ».

II- Africa remix ou l’exutoire de l’art africain

Le classicisme est un mouvement littéraire culturel et artistique qui voit le jour au XVIIème siècle, il regroupe des règles à appliquer, surtout dans le théâtre tragique mais en peinture également. En effet, pour reconnaître la peinture classique, il faut que le thème soit porté sur la mythologie antique, des passages bibliques et même des sujets historiques. Les grandes expositions sur l’industrie ont ouvert les portes aux expositions, ainsi, lors de grandes expositions dans de grandes capitales comme Paris et Londres ont déterminées des règles pour l’art et les expositions. Par exemple, « Le penseur de Rodin » et «L’École d’Athènes» de Raphaël sont deux œuvres emblématiques de l’histoire de l’art car elles font référence à l’Antiquité, qui a été une source d’inspiration pour de nombreux artistes, en peinture et sculpture comme en littérature avec le théâtre classique notamment.

a – L’art africain modernisé et polyvalent

La première exposition universelle « The Great Exhibition of the Works Industry of all Nations» (La grande exposition universelle des travaux de l’industrie de toutes les nations) a été réalisé par l’archiviste et écrivain anglais Henry Cole en 1851, du 1er mai au 15 octobre à Londres. En France, «l’Exposition Internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne» qui se déroule dans la capitale du 25 mai au 25 novembre 1937, est la première exposition réglementée en France par la Convention de Paris de 1928 sur les expositions internationales. Toutefois avant d’arriver à une exposition contemporaine comme «Africa remix » et casser les stéréotypes des sculptures «vaudou», qui est une religion d’origine   béninoise perçue de nos jours, comme de la sorcellerie, il a fallu passer par des expositions comme « L’Exposition coloniale de 1931» à Paris où plus de 8 millions de visiteurs sont venus « faire le tour du monde en un jour » selon leur slogan. Organisé du 06 mai au 15 novembre 1931, le commissaire général et le ministre des colonies veulent montrer leur supériorité sur les colonies françaises que sont l’Algérie, le Maroc, les DOM-TOM, dans le but de montrer sa supériorité sur « ses colonies» et sa puissance face à   l’Angleterre notamment, elle aussi colonisatrice.

« Africa Remix » est une exposition sur l’art africain qui s’est déroulé du 25 mai au 08 août 2005 au Centre Georges-Pompidou, un musée national et culturel d’art moderne situé en France, dans le 4ème arrondissement de Paris, dans la « grande salle » de la galerie n°1 située au sixième étage. Le lieu de l’exposition a beaucoup d’avantages, en effet, ce musée d’art polyculture est composé d’une bibliothèque, de plusieurs salles de projection (cinéma), des salles d’expositions d’art plastiques et bien d’autres. De plus, ce musée est situé à Paris, une des capitales les plus connues du monde entier dans divers domaines dont celui de l’art ; il est accessible à tous. La salle d’exposition de la galerie n°1 est grande, ce qui permet de bien aménager l’espace pour les deux cents œuvres. Ainsi, les visiteurs peuvent admirer la diversité de l’art africain mis en avant par ses quatre-vingt artistes sept de la diaspora africaine par le biais de diverses techniques comme la peinture, les sculptures, la photographie et même la pluralité des matériaux utilisés.

Dans cette exposition, plusieurs techniques mettent en valeur la diversité de l’art africain. En effet, de multiples tableaux, des sculptures de toutes tailles et de toutes formes, le mélange des couleurs et même les matériaux sont différents et variés.

1) Antonio Ole “Townshipwall” 2004

Cette œuvre s’intitule « Townshipwall », elle a été réalisée en 2004 par Antonio Ole, un célèbre artiste angolais qui a représenté son pays en Europe et en Amérique lors de Biennale en Amérique, à Johannesburg et à Venise en 2017. Ici, ce « mur d’un faubourg » d’Angola en Afrique centrale est composé de plusieurs   formes rectangulaires, ovales, triangulaires et même carrés ; une multitude de couleurs s’ajoute à l’œuvre. On y voit des portes, des fenêtres, une échelle en bois, des panneaux de signalisations blancs et rouges qui indiquent un sens et même un panneau routier d’obligation à fond bleu et une flèche blanche qui indique une porte verte juste en dessous ;  un panneau triangulaire jaune, qui annonce un danger. D’une part, les dimensions de l’œuvre la rend visible de loin et d’autre part, le mélange des couleurs vives accentue sa grandeur. Ce mur est situé dans un bidonville angolais, Antonio Ole a voulu décrire à travers son œuvre la pauvreté qui ronge son pays et pour lui, ce mur est un message d’espoir. Fait en matériaux de récupération, des tôles, du fer et du bois principalement ; elle montre aux peuples angolais et aux autres que l’on peut construire de belles et de grandes choses avec des matériaux de récupération car dans certains quartiers en Angola et majoritairement dans les bidonvilles, les habitants construisent leurs maisons et abris avec ces matériaux de récupération.

2) Dilomprizulike “Waiting for the bus” 2003

Dans l’exposition au Centre Pompidou, l’œuvre précédente se situe derrière une rangée de sculpture nommé « Waiting for the bus », l’œuvre représente principalement des hommes car ils sont vêtus d’habits de chantier, de casque jaune, de chemise, de pantalon en jean et même de tissus blanc, marrons, beigne, bleus placés çà et là sur les silhouettes. Ils sont composés de fer et de bois également, ils sont disposés sur une rangée et font face aux visiteurs, des petits comme des grands et ceux qui ont une taille assez large au niveau des épaules. Malgré leur posture statique, il y a tout de même un léger mouvement créé par les tailles, néanmoins, un des hommes présents a une tenue qui pourrait faire référence à un djihadiste, en effet, l’Angola et plusieurs pays du continent Africain ont subi et subissent des guerres civiles désastreuses, serait-ce un rappel à ces guerres? Serait-ce un message subtil pour les dirigeants et les autres continents ?

3) Yinka Shonibare “Victorian Philanthropist’s Parlour” 1996-1997

Après la sculpture et les matériaux de récupération, « Africa remix » met en avant les différents tissus colorés jaunes, oranges et roses à travers l’œuvre de Yinka Shonibare une artiste anglo-nigériane, intitulée « Victorian Philanthropist’s Parlour »(Salon du philanthrope victorien) créée de 1996 à 1997 où des couleurs très vives et des motifs en spirales ressemblent à des fleurs, qui se mélangent avec les dessins d’une silhouette humaine, un athlète qui change de position et qui fait référence au côté philanthrope du salon ; les couleurs rouges, bleus foncés et marrons sont accumulées sur les tissus présents sur le mur comme le papier peint, sur la nappe, le coussin, les fauteuils, le repose-pied, le rideau  et même sur le tableau à même le sol devant la cheminée. Un léger contraste est créé avec le rideau et le fond du tableau en fond bleu-vert et l’omniprésence du fond jaune et rose sur les autres meubles. Cette œuvre transmet un sentiment d’oppression à travers cette accumulation de motifs floraux qui font légèrement référence au wax malgré la bonne disposition des meubles, l’espace reste tout de même chargé toutefois, ce décor est celui de l’époque victorienne, qui superpose et empile des objets comme des vases, des tableaux et des meubles dans un espace, majoritairement des salons, assez limité.

4) Chéri Samba « Collège de la sagesse » 2004

Chéri Samba est un artiste peintre contemporain très populaire en République démocratique du Congo. Il exposera notamment à Toulouse, plus précisément au Musée des Abattoirs pour présenter son exposition intitulée « Je m’installe aux abattoirs » en 2004, il participera également à la 52ème édition de la Biennale de Venise en 2007 ainsi qu’à l’exposition «Magiciens de la terre» en 1989. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections d’institution telles que le Centre Gorges-Pompidou à Paris mais encore au Museum of Moderne Art de New-York. Son talent pictural est à la croisée de plusieurs influences présentant la caractéristique d’inclure plus souvent des textes en langue française, anglaise ou en lingala.

L’œuvre que nous allons analyser à présent a bien évidemment été exposée lors de l’exposition « Africa Remix » et s’intitule «Collège de la sagesse». Cette peinture dont les dimensions sont 81 x 100cm, présente trois visages disposés en quinconce et dont l’arrière-plan est bleu avec des inscriptions qui s’apparente à l’alphabet arabe. Les trois visages présents au sein de cette peinture, présentent des caractéristiques faciales différentes, ce qui permet aux spectateurs de localiser approximativement l’origine de ces personnes. En effet, le premier visage représenté montre un homme noir, ce qui permet de deviner ses origines, ici en l’occurrence certainement africaine, le second personnage situé au centre a la peau blanche, et le troisième a un teint un peu plus jaunâtre ce qui permet aux spectateurs de localiser ses origines comme étant plutôt asiatique. Nous remarquons également que le personnage asiatique possède la planète terre en premier car il la touche avec sa langue tandis que les deux autres personnages n’y ont pas totalement encore accès.

Nous pouvons donc comprendre que Chéri Samba a peut-être voulu représenter au sein de cette peinture les inégalités mondiales mais aussi, une idée de favoritisme en fonction d’une géolocalisation, d’une couleur de peau, d’une apparence. L’homme africain étant le plus éloigné de la planète terre, rappelle notamment le retard du continent Africain en comparaison avec l’Asie, d’où le fait d’avoir mis en première place l’homme asiatique. De plus, nous pouvons remarquer que la représentation des trois individus est assez particulière, puisqu’ils sont représentés sous forme de « lamelles » ce qui permet de montrer leur intérieur et ainsi de voir qu’ils sont tous pareils et donc égaux. Le message que Chéri Samba a voulu faire passer au sein de sa peinture, est sans doute de stopper les inégalités, puisque nous sommes tous conçus de la même façon, de ce fait il ne devrait plus avoir de favoritisme ou de privilèges, cette devise reflète bien l’intégralité de l’exposition « Africa Remix ».

5) Samuel Fosso = « Le chef » 1997

Samuel Fosso est un photographe camerounais- nigérian et il est l’un des photographes africains les plus cotés du continent. Cet artiste s’est fait connaître notamment avec ses autoportraits et il est détenteur de plusieurs récompenses internationales en photographie comme par exemple le Prix du Prince Claus en 2001. L’œuvre que nous allons présenter fut exposée lors de l’exposition « Africa Remix » et s’intitule « Le chef (Celui qui a vendu l’Afrique aux Colons) ». Cette œuvre d’art, réalisée à l’aide de la technique d’épreuve cibachrome, et dont les dimensions sont 101 x 101 cm, présente « Le Chef » personnage qui s’inscrit notamment dans une série conçue pour les magasins Tati et pour laquelle il endosse plusieurs identités. Le caractère baroque de l’image excède le simple exercice narcissique pour revêtir une dimension collective et critique. Fosso se joue ici des clichés occidentaux sur la représentation des potentats africains et évoque leur rôle dans la traite négrière. Coiffé de la toque royale du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko, il radicalise le genre de l’autoportrait. Samuel Fosso se représente dans une posture assez amusante, puisque l’œuvre possède de nombreux éléments différents, notamment un bouquet de tournesol dans sa main gauche ainsi que son accoutrement assez « tape-à-l’œil ». Nous pouvons observer également les nombreux tissus présents au sein de cette œuvre, tissu s’apparentant à du « wax » également appelé « tissu africain », qui est un textile de coton ayant reçu sur les deux faces un cirage lui conférant des propriétés hydrophobes, technique inspirée de celle utilisée pour produire le batik javanais. L’idée d’avoir intégré du « wax » au sein de son œuvre marche ici comme un marqueur culturel peu présent en histoire de l’art.

6) Cyprien Tokoudagba   – Grenouille 1998

Cyprien Tokoudagba est un peintre, modeleur et sculpteur béninois reconnu internationalement. Son art est inspiré par la représentation des symboles religieux du vaudou qu’il a utilisé pour la décoration de nombreux temples et édifices vaudous, mais son originalité et son succès sont liés au fait qu’il a sorti cet art des espaces religieux pour l’amener aux espaces d’exposition. Il est l’un des artistes africains les plus vus. L’œuvre exposée lors de l’exposition « Africa Remix », dont les dimensions sont les suivantes 160 x 206 cm s’intitule « Grenouille » [1] , est un acrylique sur toile. Cette grenouille, qui au départ semble n’être qu’une simple grenouille, est en réalité l’emblème du Dieu de l’eau Tohoussou.  Cette peinture a donc une grande portée religieuse et symbolique, ce qui permet à l’exposition d’offrir à ses spectateurs de nouvelles connaissances à la fois culturelles mais aussi symboliques. L’apparence et la posture de la grenouille lui apporte une assez grande prestance, toute en finesse et élégance.

Le Centre Pompidou est composé de sept étages et d’un étage sous le rez-de-chaussée, l’exposition « Africa Remix » était installée au sixième. Grâce au très grand espace de la galerie, les visiteurs pouvaient facilement se déplacer pour admirer les œuvres qui, elles étaient grandes et spacieuses. Ils étaient libres de leurs mouvements, les œuvres étaient accessibles et il n’y avait pas de parcours imposé pour la visite de l’exposition. Ainsi des cimaises en contre-plaqué ont été installées pour y accrocher les œuvres ; elles permettent une meilleure gestion de l’espace et répartition des œuvres par thèmes.

Dans certaines parties de la galerie, il peut y avoir une accumulation d’œuvres, en effet, vu qu’il y a plus de deux cents œuvres pour l’exposition « Africa remix », il faut énormément d’espace pour créer une bonne atmosphère, respecter les trois grands thèmes : « identité et histoire », « ville et terre » et « corps et esprit » et le circuit pour les visiteurs. Mais, les œuvres peuvent être seules pour mieux impacter et renforcer son message, l’espace qu’il y a ou pas autour d’une œuvre peut en faire partie. Il se pourrait que ce soit volontaire car il y a plus de quatre-vingt artistes et plus de deux cents œuvres regroupées dans une galerie. Les œuvres dans l’ensemble forment un contraste, en effet, sur certaines œuvres, il semble y avoir une peur du « syndrome de la page blanche » où aucune forme, ni couleur apparaît tandis que sur d’autres, les espaces vides comptent et font partie intégrante de l’œuvre, surtout sur les photographies.

La présence des œuvres dans l’espace peut se placer dans le temps, ainsi, les œuvres de l’exposition « Africa remix » resteront-elles dans le temps ? Est-ce que l’exposition ou une voire plusieurs de ces œuvres va marquer l’art ? Car l’un des buts premiers de cette exposition est de moderniser l’art africain, de l’intégrer progressivement au monde entier et de l’admirer à sa juste valeur. Cependant, « Africa remix » a été la première exposition d’art africain contemporain en Occident car grâce à sa riche pluralité, elle a tout de même ouvert des portes à l’art africain qui est très vaste mais, elle a également ouvert les yeux de nombreuses personnes. Selon le commissaire Simon Njami, le voyage  ne fait que commencer car l’occident à « ce regard paternel » envers le continent africain, un héritage postcolonial. Malgré tout, elle est inscrite dans l’histoire, surtout de l’histoire de l’art africain.

Les œuvres sont présentées différemment ; par exemple, certains tableaux sont accrochés au mur comme des frises horizontales peu d’espaces entre chacune, et des peintures sont posées les unes au-dessus des autres séparées par de grands espaces. Dans une pièce il y a même des peintures disposées à même le sol en demi-cercle tandis que des photographies sont accrochées au-dessus en demi-cercle également et qu’il n’y a pas du avec très tout d’espace ce qui créé un effet d’accumulation. Certaines sculptures sont placées devant des tableaux, surtout des peintures et le spectateur a l’impression qu’il s’agit d’une seule et même œuvre alors qu’il peut y en avoir plusieurs ; cela fait penser à un jeu qui stimule l’imagination des visiteurs. Il n’y a pas de vitrines surtout pour les sculptures, en effet, qu’elles soient grandes ou petites, il n’y a rien autour si ce n’est des œuvres. Même dans les accrochages, il y a une diversité, certaines œuvres sont accrochées et posées au pied des cimaises, les sculptures sont placées devant des peintures et d’autres sur une estrade ; il y a même des œuvres qui sont projetées à même le sol ou sur un fond blanc grâce à un vidéoprojecteur.

On y voit une réelle volonté de bouleverser les systèmes d’accrochages traditionnels car dans certaines parties les « pièces » ressemblent à des lieux d’exposition « classiques » et formelles qu’on voit souvent, par exemple le Salon universelle de 1855 où les tableaux sont suspendus sur le mur avec aucun espace entre eux ; qui se confrontent aux parties non traditionnelles et qui crée un beau mélange, particulier pour l’exposition « Africa Remix ». Le fait d’associer des techniques est un atout et une particularité mais le faire aussi pour les accrochages montrent cette envie de nouveauté singulière.

Cette volonté d’immersion dans une atmosphère particulière se lie avec l’énonciation par la volonté de briser les « clichés » et « stéréotypes » qui viennent à l’esprit dès qu’il s’agit de l’Afrique car directement on pense à la sorcellerie ou à des danses culturelles sauf que dans cette exposition les codes classiques n’existent plus, les mélanges de couleurs souvent très vifs, la multitude de motifs et les sculptures en bois ne sont pas forcément des poupées. Les photographies et quelques sujets sont modernes. La lumière des ampoules éclaire les œuvres, il ne s’agit pas de la lumière naturelle mais d’ampoules LED. Les jeux de lumière sur certaines œuvres comme « Down by the river » apporte du contraste et rend « Africa remix » beaucoup plus enrichissante et hors du commun.

L’exposition comprenait près de 200 œuvres de 87 artistes d’expression très différentes (peintres, sculpteurs, vidéastes, photographes, designers) issus de toute l’Afrique (du Maghreb à l’Afrique du Sud), africains de souche ou appartenant à la diaspora, certains confirmés, d’autres moins connus. Elle s’organisait autour de trois thèmes composés d’un couple de notions plus ou moins contradictoires : identité et histoire, ville et terre, corps et esprit. Voici quelques noms d’artistes en liens avec les trois grands axes principaux de cette exposition :

Identité et histoire : Andries Botha, Chéri Chérin, Zineb Sedira ou encore Samuel Fossi.

Ville et terre : Ananias Leki Dago, Fatimah Tuggar, Jellel Gasteli mais encore David Goldblatt.

Corps et esprit : Richard Onyango, Paulo Capela, Loulou Chérinet ainsi que Myriam Mihindou.

De plus, nous savons que plusieurs artistes tels que : Chéri Samba, Frédéric Bruly Bouabré ou encore Bodys Isek Kingelez ayant exposés au sein de cette exposition ont depuis fait carrière, ce qui permet une fois encore de souligner l’envie de nouvelles découvertes et de révélations soutenues par le commissaire principal de l’exposition « Africa Remix », Simon Njami.

De ce mouvement panoramique sur les diverses formes esthétiques contemporaines explorées par les artistes du continent africain ressortent des individualités qui interrogent leur identité, mêlant la petite à la grande Histoire, et abordent des thématiques souvent communes qui se recentrent autour du métissage (Ingrid Mwangi), de l’hybridité (Wangechi Mutu, Georges Lilanga Di Nyama), de la guerre (Soly Cissé, Gonçalo Mabunda), de la misère (Dilomprizulike), de l’apartheid (William Kentridge, Wim et Andries Botha), du fait religieux (Rui Assubuji, Paulo Capela), de « l’urbanité rurale » (Pascale Marthine Tayou), de la dénonciation de l’exotisme (Aimé Ntakiyica) ou encore de l’exil (Bartélemy Toguo). Au-dessus de ces thèmes, plane l’ombre du post-colonialisme, dénominateur commun des sociétés africaines. De la vidéo de Zineb Sedira ou de Zoulikha Bouabdellah aux tableaux de Fernando Alvim ou d’Abdoulaye Konaté, aux photos de Guy Tillim ou de Samuel Fosso, ou aux installations de Bathélemy Toguo ou de Mohamed ElBaz, tous abordent frontalement ou indirectement la question.

b)  Une exposition à part entière

A l’aide de plusieurs images illustrant l’exposition d’Africa Remix au Centre Georges-Pompidou, aux premiers abords, nous pouvons observer que l’exposition est assez aérée, en effet, le public semble guidé à travers différents « stand » présentant chacun une œuvre d’art unique en son genre. Les œuvres sont présentées en relief, mais nous avons également plusieurs éléments décoratifs supplémentaires permettant de marquer d’avantage l’esprit de l’exposition. Le sol blanc, permet également de mettre d’avantage l’œuvre en valeur, car souvent très colorées, les œuvres ressortent bien plus expressivement grâce au contraste marqué par le sol blanchâtre. Les œuvres ne semblent pas être classées en catégories, ce qui permet à l’exposition de mettre en avant ses valeurs, et notamment l’idée de pluridisciplinarité.

De plus, cette exposition présente également plusieurs caractéristiques étonnantes : dans un premier temps, nous pouvons observer qu’elle attise la curiosité du public puisque nous pouvons observer que certaines œuvres sont suspendues au plafond, mais aussi que l’exposition est assez ludique, puisque comme le montre la photographie n°11, le public fait ici d’une œuvre artistique un terrain de jeu.

photo n°11 – « The Room of Tears / Pédiluve #4 »

En effet, sur cette photo, les spectateurs se déplacent sur les galets, l’espace est assez vaste, il y a un aspect ludique pour les personnes de toute âge, de plus un miroir a été installé en face, ce qui peut créer un regard sur soi-même en tant que visiteurs, par exemple se remémorer son enfance et voir cette œuvre comme un jeu. Ainsi, la participation des visiteurs fait référence à des expositions précédentes qui ont mis en place cette participation active des spectateurs comme l’exposition « The Mouvement / Le Mouvement » en 1955 à Paris, qui s’est proclamée première exposition sur le mouvement des œuvres mais auparavant, celle dans la galerie de Denise René, est la première exposition sur le mouvement cinétique, qui va inciter les autres expositions à intégrer du mouvement  dans leurs œuvres et en parallèle la participations des visiteurs au fur et à mesure.

Transition → Dans cette seconde partie, l’exposition “Africa remix” est très riche en artistes et en diversité, les techniques et les œuvres sont multiples et apportent de l’originalité et de l’authenticité à cette exposition. Grâce à cette dernière, l’art africain se répand de plus en plus en Occident et dans le monde entier.

III- La pluralité comme source artistique

a) La reconnaissance de l’art africain et la diversité artistique

A travers cette exposition, la richesse et la diversité de l’art sont mises en avant, l’Afrique n’est plus perçue comme une colonie enrichissante et se démarque dans l’art à travers cette grande variété, que ce soit par le nombre d’artistes africains, donc la multitude de techniques et des matériaux, entre la richesse picturale qui n’est pas définie par des règles ou des codes, la jonction entre des matériaux comme du tissu, du fer, du bois et même l’aspect numérique (le vidéo projecteur) montre que cette exposition s’adapte à son époque, elle est polyvalente car elle utilise le numérique, des matériaux qui ont déjà été utilisés et jetés pour leur donner une seconde vie. Ainsi, grâce à « Africa remix », de nouvelles expositions sur l’art africain contemporain et moderne se sont multipliées en Occident notamment et trouve sa place dans le monde entier, sans être étiquetées comme art colonial.  

b) Ouverture à l’ailleurs

Les expositions telles qu’« Africa remix » ou les « Magiciens de la terre » permettent d’élargir l’éventail artistique. En effet, elles peuvent être vues comme les porte-paroles des arts oubliés ou peu mis en avant, en raison des codes artistiques prédéfinis. De nombreuses autres expositions, centrées sur une forme d’art particulière vont voir le jour, comme par exemple l’exposition « Kulata Tjuta », mettant en lumière l’art aborigène au Musée des beaux-arts de Rennes. Du 17 octobre 2020 au 3 janvier 2021, le Musée des beaux-arts de Rennes accueille une trentaine d’œuvre de grande taille. Cette exposition exceptionnelle a vu le jour grâce à la coopération entre la Région Bretagne et l’Australie méridionale. Cette exposition présente 28 peintures de grande dimension, 12 armes traditionnelles et une série de 32 photographies. Kulata Tjuta signifiant « beaucoup de lances » est un projet artistique né en 2010 au cœur du bush australien et plus particulièrement dans le pays Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara, situé à l’extrémité nord-ouest de l’État Australien Méridionale. Cette région abrite une contrée où la culture ancestrale des Aborigènes est extrêmement valorisée. Cet art aux antipodes des conventions occidentales présente de nombreuses œuvres d’arts colorées et symboliques.

Conclusion

« Africa remix » est une exposition charnière entre l’art africain et l’art occidental. Elle se démarque par le biais de ses techniques très variées (la peinture, la sculpture, la technologie, les matériaux de récupération, …), des artistes africains qui résident en Afrique et ailleurs apportent un regard nouveau sur le monde avec des sujets actuels comme les guerres et la participation de puissances dans la fourniture des armes ou des sujets plus traditionnels comme la fabrication de pains, le wax et les religions présentes sur le continent africain du Nord au Sud. En effet, le commissaire Simon Njami défend ce propos : que l’Afrique commence au Nord et non au centre.

Cette exposition s’inspire des « Magiciens de la terre » mais pas seulement, le mouvement cinétique mis en avant dans l’exposition de Paris en 1955 dans la galerie de Denis René a incité de nombreuses expositions à mettre des œuvres en mouvement et de faire participer les visiteurs également ; la photo n°11 est un exemple parmi d’autres de cette interaction entre le spectateur et l’œuvre. « Africa remix » rompt avec ces stéréotypes nés de la colonisation et se définit dans l’histoire des expositions de l’art contemporain comme une exposition pionnière pour l’art africain. De ce fait, son implantation dans de grandes villes comme Paris, Düsseldorf, Londres, Stockholm où d’autres grandes expositions se sont déroulées marque l’importance de cette exposition en Occident et permet la démocratisation de l’art occidental et permet également de briser ces codes classiques car chaque artiste participant à cette exposition avait, à travers ses œuvres, mis en avant sa technique et fait passer son message qu’il soit empreint d’espoir, politique, culturel et traditionnel ou même imaginatif. La liberté et la pluralité des œuvres ont fait la force et l’authenticité d’ « Africa remix ».

Webographie

Documents électroniques/ Sites web

Bibliographie

  • M.E.M. (1997). L’art précolombien la Mésoamérique (Vol. 1). Thames & Husdon.
  • W.C. (1993). L’art des aborigènes d’Australie (1re éd., Vol. 1). Thames & Hudson.
  • Chronologie de l’art du XXème siècle, édition Flammarion, référence TOUT L’ART de Michel Draguet
  • Africa remix, l’art contemporain d’un continent, catalogue de l’exposition par le commissaire Simon Njami, édition Centre Pompidou, 2005

Fait par Kessie Coezy-Perri et Aurélie Urbino, étudiantes en Licence 2 Lettres et Arts à l’Université Toulouse II – Jean Jaurès.

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