MEXIQUE DES RENAISSANCES 1900-1950

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METISSAGE – REVOLUTION – AVANT-GARDE

Le Mexique s’inscrit dans les mentalités de tout un chacun comme étant un pays au lourd passé historique, mais aussi et surtout politique. L’exposition « Mexique des Renaissances 1900-1950 » a pour but premier d’offrir un nouveau regard sur ce pays, sa culture mais aussi et surtout sur son art. Cette dernière dirigée par son commissaire d’exposition Agustin Arteaga, se tint au Grand Palais du 5 octobre 2016 au 23 janvier 2017 en collaboration avec la Réunion des Musées Nationaux, la Secretaria de la Cultura, el Instituto National de Bellas Artes ainsi que le musée national d’art du Mexique. L’exposition est le fruit du partenariat culturel entre la France et le Mexique, deux nations différentes qui pourtant partagent la conscience et la force de l’art, ce qu’Octavio Paz appelait « la gloire d’être des humains ». Elle constitue qui plus est la plus grande manifestation consacrée à l’art mexicain depuis 1953.

Cette amitié, ce respect et ces valeurs artistiques que partagent ces deux nations nous amènent à nous interroger sur les enjeux de cette exposition. Autrement dit en quoi « Mexique des Renaissances 1900-1950 » témoigne-t-elle de l’union culturelle de ces deux pays.

Pour tenter de répondre à cette question nous aborderons successivement la source d’inspiration franco-mexicaine, pour ensuite nous intéresser à la place des femmes artistes pour enfin étudier la scénographie que service de la mise en valeur des oeuvres.

ENTRE FRANCE ET MEXIQUE : UNE SOURCE D’INSPIRATION SANS FAILLE

A) HISTOIRE MEXICAINE

Afin de mieux comprendre les enjeux de cette exposition mais aussi sa vocation il convient tout d’abord de revenir sur le passé historique du Mexique. Pour ce faire nous aborderons quelques dates marquantes de l’histoire mexicaine et de son peuple. La clé de départ de notre analyse se situe en 1821 date à laquelle le pays acquiert son indépendance face à la monarchie espagnol grâce au traité de Cordoba, la République est alors proclamé sous forme de constitution fédérale sur le modèle des Etats-Unis. Autre date importante, c’est en 1877 que Profirio Diaz devient président du Mexique et instaure dans les dix dernières années de son mandat une dictature sans précédent. Ce n’est finalement que dans les années 1910 qu’un mouvement de révolution se met en route par l’appel à l’insurrection de Francisco I.Madero qui sera élu président en 1911. Petit à petit le pays se relève de ses crises successives, ainsi en 1920 le Mexique est le quatrième producteur mondial de pétrole. Ce n’est que bien plus tard dans les années 1946 que le pays retrouve une réelle stabilité. Cette date marque aussi la création du pouvoir révolutionnaire institutionnel. Mais ces années noires n’ont pas existé en vain, en effet grâce à tout cela le pays a pu retrouver un stabilité politique mais aussi économique sans abus, les présidents se succédant dans le respect total du mandat unique d’une durée de six ans.

Après avoir mieux cerner le passé politique et culturel du Mexique d’avant révolution il s’agit maintenant de comprendre grâce à qui, à quoi cette dernière à pu s’engager et conduire à la reconnaissance d’un peuple plus libre dans sa vie politique mais aussi artistique.

B) LE MURALISME UN ART AU SERVICE DU PEUPLE

Des acteurs implantés au niveau politique ont aussi fait le choix du parti prit révolutionnaire. C’est notamment grâce à l’impulsion du ministre José Vasconcelos ministre de l’éducation que nait progressivement l’art dit « muralisme » que l’on connait aujourd’hui. Dans une époque et un pays où la plupart des habitants est analphabète l’idée est venu à José Vasconcelos d’éduquer son peuple au travers d’images compréhensibles de tous. A ce projet à vocation éducative se sont joint des artistes, voyant là la possibilité de rendre leur art accessible à tous. Le projet donna ainsi la possibilité aux artistes de l’époque, notamment Rivera, Orozco, Siqueiros ou Tamayo de servir leur engagement politique à la cause révolutionnaire en peignant sur les murs de grands bâtiments, le plus souvent des institutions politiques l’histoire du peuple mexicain en mettant à l’honneur les travailleurs, les paysans, les opprimés et les gens de petites « classes ». Il ne s’agit plus du fameux « art pour l’art », on sort des codes artistiques jusque là établit, abandonnant la peinture de chevalet pour des format monumentaux, des murs entiers pour servir un discours politique. On ne fait alors plus de la peinture pour l’art, mais de l’art social.

Bien que cet art ait profondément changé l’histoire du Mexique, qu’elle soit politique ou artistique, le muralisme a aussi était la source d’inspiration d’artistes étrangers comme Jackson Pollock. C’est en effet en 1936 que Pollock rencontre Siqueiros dans son atelier New-Yorkais où il découvre de nouvelles techniques ayant pu l’amener à ses très célèbres dripping. Le mort « d’influence » de Siqueiros sur Pollock peut être considéré comme trop fort, dénaturant le génie de Pollock, mais il faut tout de même avouer que le choc des cultures et des techniques de ces deux artistes à sans doute marqué l’artiste américain, en découlant dès lors le travail qu’on lui connait/attribut aujourd’hui.

« Historia de México », Palacio Nacional de México
https://www.alamyimages.fr/l-histoire-du-mexique-dans-l-escalier-principal-murales-de-diego-rivera-au-palais-national-palacio-nacional-mexico-mexique-image184315989.html

Muralisme chez Siqueiros
Dripping, Jackson Pollock / Image property of the Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, NY.

LA PLACE DES FEMMES ARTISTES

A) UNE FEMME ARTISTE : FRIDA KHALO

Quand on parle de femme artiste mexicaine, très souvent et sans faire de généralités le premier nom qui vient en tête est celui de l’artiste peintre Frida Kahlo. Cette dernière est en effet une artiste majeure de son époque si ce n’est la plus grande. Epouse de Diego Rivera, Frida Kahlo est une entité fédérative du Mexique à la carrière immense, une exposition à d’ailleurs était consacré au couple emblématique mexicain en 2013 à l’Orangerie à Paris. Cependant son nom a fait de l’ombre à d’autres femmes artistes qui se sont battu avec leurs armes durant la révolution pour atteindre un certain idéal, celui de la reconnaissances des droits des femmes, de leur liberté de choix, de leurs liberté de faire ce qu’elles voulaient de leurs corps, mais aussi et surtout d’enfin obtenir la reconnaissance de femme artiste à part entière sur la scène artistique de leur pays sans dépendre d’une figure masculine.

Frida Kahlo est une artiste majeure de son temps qui à beaucoup fait parlé d’elle mais pas seulement en bien. En effet à une époque où tout le monde peignait sur des murs et d’énormes supports, l’artiste ne faisait que des miniatures qui ne plaisait pas beaucoup, on se moquait beaucoup d’elle et elle n’était pas considérée comme artiste en temps que tel mais plus comme la femme de Rivera.

Affiche d’exposition, Frida Kahlo l’art en fusion Diago Rivera, Musée de l’Orangerie, 9 octobre 2013 au 13 janvier 2014

B) FEMMES ARTISTES DANS L’OMBRE

Beaucoup d’autres femmes artistes, cependant bien moins connu que Frida Kahlo on milité pour la cause féministe et réussie à faire bouger les choses, on pense notamment à : Rosa Rolanda, Nahui Olin, Maria Izquierdo, Tina Modoti et bien d’autres encore. Ces femmes au passé parfois sulfureux : danseuse à Holywood (Rosa Rolanda), Dolores Olmedo femme d’affaire entrepreneuse qui deviendra par la suite mécène de Rivera. Il s’agit là d’un statut totalement novateur, penser qu’une femme puisse devenir le mécène d’un homme artiste marque clairement le progrès de la modernité. On pense encore à Nehui Olin qui se revendique comme étant pleinement une femme libérée dans son art mais aussi dans sa vie ou encore dans sa sexualité. Au départ ces femmes existent simplement au travers des hommes qu’elles fréquentent avec qui elles couchent, puis mettant tout ceci au service de leur art et luttant pour leurs droits finissent par obtenir la reconnaissance qui leur était du.

UNE SCENOGRAPHIE AU SERVICE DE LA CONNAISSANCE

A) LA SCENOGRAPHIE

La scénographie constitue un élément primordial, voir essentiel du fonctionnement de l’exposition. Elle désigne l’organisation de l’espace grâce à la coordination des moyens techniques. Son but est d’agencer l’espace afin de mettre en valeur les œuvres. C’est ainsi que l’Atelier Jodar Architecture à imaginé une scénographie intelligente à la limite, pourrait-on dire, d’un parcours initiatique. On entend en ce sens que la scénographie adopte une thématique chronologique. L’exposition située au Grand Palais débute à l’entrée Clémenceau et s’étend sur deux niveaux, ces derniers étant respectivement composés de sept salles.

Plan du rez-de-chaussée de l’exposition, Mexique des Renaissances, Grand Palais, entrée Clémenceau

Au rez-de-chaussée sont installés ce que l’on pourrait appeler les prémices, ce qui préfigure ce que sera le premier niveau de l’exposition. On y observe ainsi l’art mexicain prérévolutionnaire, les antécédents, le travail fruit d’un exil français, la phase révolutionnaire et enfin des zooms spécifiques sur trois artistes que sont : Orozco, Siqueiros et Rivera.

Le premier niveau d’exposition quant à lui aborde une toute autre dimension de l’art mexicain mettant d’autres formes d’art à l’honneur, tel que le cinéma. La place accordé aux femmes artistes est elle aussi prédominante. On retrouve dès lors : le cinéma et ses actrices, les femmes fortes, d’autres visages de l’école mexicaine de peinture plus ou moins connus, des hybridations, des alliances américano-mexicaines ou encore des œuvres surréalistes.

Comme mentionné sur les plans respectifs du rez-de-chaussée et du premier niveau la circulation du spectateur se fait en serpentin en respectant un fléchage définit par les équipes scénographes, le tout permettant ainsi de suivre un cheminement logique et chronologique.

Plan du premier niveau d’exposition, Mexique des Renaissances, Grand Palais, entrée Clémenceau

Comme évoqué précédemment l’exposition « Mexique des Renaissances » intègre le cinéma aux œuvres purement picturales qu’elle tend à nous faire découvrir. Il faut mentionner que le cinéma a eu une place importante au Mexique, en effet le pays est le premier à utiliser l’industrie cinématographique et ce dès les années 1895. Durant l’exposition on peut découvrir au rez-de-chaussée le film « Que viva México », tandis qu’au premier niveau, dans une salle en rotonde était projeté trois films sur trois écrans différents. Soulignons par la même occasion que le moindre espace était occupé par l’exposition, de fait l’escalier permettant d’accéder au premier niveau de l’exposition était lieu aussi exploité par la diffusion de film/vidéo.

Image de l’exploitation de l’escalier u Grand Palais pendant l’exposition https://www.taniahagemeister.fr/museographie/mexique-1900-1950-diego-rivera-frida-kahlo-jose-clemente-orozco-et-les-avant-gardes/

B) DIVERSITE DES MEDIUMS : ENTRE OEUVRES ET SCENOGRAPHIE

Ce qui est intéressant dans cette exposition c’est la diversité des médiums, par là on entend médium au sens de support artistique, mais on parle aussi du support scénographique des oeuvres. Comme dans tout ce que nous avons pu dire précédemment l’exposition « Mexique des Renaissances 1900-1950 » est très diversifié, pour cette raison elle ne se présente pas de manière classique mais plutôt à l’image de son pays d’origine, c’est à dire vivante et coloré comme le Mexique peut l’être. Dès lors les affichages des oeuvres ne se font pas uniquement sur des murs blancs, mais au contraire des murs colorés d’ocres, de violet, de rouge, de gris et parfois même de jaune. Le but étant ici de faire ressortir les oeuvres, leur donner vie, les décoller du fond qui les supportent même si certaines d’entre elles n’en ont pas besoin de part leur forme (oeuvre Siqueiros en 3D).

Antennes stratosphériques, Siqueiros 1949
Photo de la scénographie de l’Exposition Mexique des Renaissances 1900-1950
https://www.taniahagemeister.fr/museographie/mexique-1900-1950-diego-rivera-frida-kahlo-jose-clemente-orozco-et-les-avant-gardes/
Photo de la scénographie de l’Exposition Mexique des Renaissances 1900-1950
https://www.taniahagemeister.fr/museographie/mexique-1900-1950-diego-rivera-frida-kahlo-jose-clemente-orozco-et-les-avant-gardes/

Parmi près de 200 œuvres et une soixantaine d’artistes présenté, l’exposition Mexique des Renaissances se veut hétéroclite. Entendons par là que la peinture n’est pas le seul médium mis à l’honneur, on peut ainsi aussi y voir des sculptures, des croquis ou encore des fresques.

Sculpture exposition Mexique des Renaissances 1900-1950
https://melcircles.com/2017/01/22/lart-pictural-mexicain-1900-1950/

CONCLUSION

L’exposition « Mexique des Renaissances 1900-1950 » a permis d’une part de redonner ses lettres de noblesses à certains artistes passé dans l’ombre et d’autre part de mieux comprendre le travail et l’engagement d’artistes beaucoup plus connus. On pense notamment aux travaux de femmes artistes telles que : Nahui Olin, Maria Izquierdo, Rosa Rolanda ou bien d’autres encore. Grâce à l’engagement de ces femmes il nous est permis de mieux comprendre les enjeux de la révolution mexicaine, mais aussi d’appréhender de manière différente la culture de ce pays qu’est le Mexique. D’autres part, la création du « muralisme » a permit de mettre en lumière bien que nous en étions déjà conscient que l’art pouvait être un dénonciateur politique, qu’il pouvait être social et engagé. Les fluctuations d’artistes, qu’ils soient française, mexicains ou encore américain ont démontré que les échanges artistiques étaient très présent au court du XX° siècle, on travaille alors main dans la mains pour quelque chose de plus grand que soit. A ce sujet, la secrétaire mexicaine de la culture Maria Cristina Garcia Cepeda à d’ailleurs dit que :

« Le dialogue entre les nations se fait grâce à l’art, il n’y a plus de frontières ni de barrières entre les nations grâce à l’art.

Après avoir mis en avant des éléments contextuels, formels et scénographique le titre de l’exposition fait sens mais dans une dimension différente. « Mexique des Renaissances », au sens purement littéral « Renaissance » signifie renaitre. Cette exposition s’inscrit dès lors comme étant en quelque sorte une nouvelle vie pour la scène artistique mexicaine, en prenant en main son destin, en affirmant ses choix et en puisant dans un passé artistique collectif et international le Mexique a pu acquérir son indépendance artistique et politique. Dès lors cette exposition lie bien l’amitié mais aussi le passé artistique partagé entre la France et le Mexique.

Ajoutons enfin qu’une exposition sur le Mexique devait se tenir au musée du Quai Branly à Paris mais que la situation sanitaire française n’a pas permis le déroulement de cet évènement culturel. Il s’agissait là d’une exposition sur les origines de la civilisation Mexicaine intitulée « Les Olmèques et les cultures du golfe du Mexique » devant se dérouler normalement du 15 décembre 2020 au 25 juillet 2021 au Musée du Quai Branly. Cette nouvelle exposition précède chronologiquement l’exposition « Mexique des Renaissances 1900-1950 », en ce sens l’hypothèse d’une double rétrospective de ces expositions pourrait mettre en lumière de manière plus large le passé de la Nation Mexicaine, de ses plus hauts débuts archaïque à sa révolution et à sa modernité.

  • BIBLIOGRAPHIE –
  • Agustin Arteaga, Paris, Grand Palais 2016-2017.  Mexique 1900-1950, Diego Rivera, Frida Kahlo, José Clemente Orozco et les avant-gardes. Catalogue d’exposition (5 octobre 2016 – 23 janvier 2017).
  • WEBOGRAPHIE –
  • México 1900-1950. Diego Rivera, Frida Kahlo, José Clemente Orozco y las vanguardias : https://www.youtube.com/watch?v=pn9KTh83tno
  • Source pour de nombreuses photos mettant en lumière la scénographie de l’exposition ; https://www.taniahagemeister.fr/museographie/mexique-1900-1950-diego-rivera-frida-kahlo-jose-clemente-orozco-et-les-avant-gardes/
  • Autre source photographique : https://melcircles.com/2017/01/22/lart-pictural-mexicain-1900-1950/

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