The Store par Claes Oldenburg

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Claes Oldenburg dans son magasin

Prenant place juste après l’exposition « The Street », « The Store » par Claes Oldenburg est un installation tout à fait singulière critiquant à la fois le capitalisme américain, les nouvelles institutions muséales et notamment le « White Cube ». Cette exposition signe également l’ouverture de l’artiste à une nouvelle iconographie pop faite de produits de consommations quotidiens allant de la nourriture aux vêtements en passant pas des outils ou encore différents objets de notre quotidien : lavabo, toilettes, interrupteur… Ses représentations de ces objets mais avec des aspects et textures hors du commun pousse à la réflexion sur le mode de consommation américain en pleine expansion à cette époque.

L’exposition « The Store » se situe a Manhattan au numéro 107 de la deuxième rue de New-York. Claes Oldenburg en est l’organisateur et sûrement le curateur, « The Store » est ouvert en coopération avec la Green Gallery. La boutique sera ouverte à partir du premier décembre 1961 tout les vendredis, samedis et dimanches entre 13h et 18h jusqu’au 31 janvier 1962. Elle occupe l’emplacement d’une boutique normale avec un vitrine et mesure vingt-quatre mètres de long pour trois de large. Dans ce magasin, l’artiste va produire, exposer et vendre ses œuvres, celles-ci prenant la forme de divers produits de consommation. Ils sont composés de plâtre, de fil de fer ou de tissu couvert de peinture, les couleurs des objets sont criardes et intenses. Il s’agit d’œuvres tridimensionnelles légèrement plus grandes que nature. Lorsque son magasin était ouvert, Claes Oldenburg refusait d’exposer dans d’autres lieux que son magasin.

L’exposition de Claes Oldenburg «The Store» mène a se demander comment l’artiste utilise une esthétique pop afin de remettre en question les institutions économiques, sociales, et artistiques de son époque. Cet article répondra à cette question en s’intéressant à « The Store » sur différents points de vue : son lien avec le quotidien et la banalité, l’aspect social de l’exposition, sa critique du nouveau système économique américain et sa critique des institutions muséales et artistiques de son époque.

Le quotidien et le banal

Avec cette exposition, Claes Oldenburg propose une incursion de l’art dans le quotidien des New Yorquais. En installant son atelier dans une boutique il ancre son art dans un milieu familier aux habitants du Lower East Side, il amène l’art à eux. Dans son magasin il expose et vend des objets du quotidien, que ce soit de la nourriture: parts de tartes, gâteaux, cannettes de 7 UP, tartines… ou des vêtements: chemises, bas, chaussures… Il se réapproprie des objets du quotidien pour les changer en art, il recrée et expose le banal tout en le transfigurant. Cette transfiguration se fait au travers du nouveau visuel qu’il apporte aux objets, ils sont légèrement plus grands et offrent des aspérités, des boursouflures, une peinture criarde et dégoulinante. Ils sont à la frontière du réel.

« Pastry Case » 1961-62 Claes Oldenburg

La création d’objet prenant forme de nourriture est un aspect très important dans la carrière de Oldenburg. Il créera tout au long de sa vie des aliments à l’aspect étrange voire repoussant, que ce soit avec ses œuvres «Floor Cake» ou «Floor Burger» ou encore «Pastry-case», cette dernière ayant été exposée dans « The Store ». Il se dit fasciné par la nourriture, pour lui elle est aussi importante que les vêtements, qu’il représentera également dans son magasin. Les sculptures de «Pastry-case» sont placées dans un véritable présentoir de magasin, renforçant l’immersion de son art dans le réel. Avec «The Store», il crée un monde parallèle dans lequel tous les produits de consommation deviennent art, il transcende le réel et le quotidien et le change en art tout en l’ancrant dans un monde tangible. Dans son magasin des réflexions écrites seront accrochées afin de guider les visiteurs, celles-ci mentionnent : « La Quête de la banalité » ou demandent d’être : « Attentif à la beauté là où il ne pense pas la trouver ». En optant pour un emplacement de boutique classique, des horaires d’ouvertures et une publicité par affiche, il installe son art dans la vie de tout les jours des habitants du Lower East Side, il se fond parmi les autres boutiques tout en étant une porte vers un monde alternatif.

La critique sociale

Le monde alternatif mis en place par Claes Oldenburg au travers de «The Store» à été crée afin d’attirer un nouveau public vers l’art. Il avait pour idée de désembourgeoiser l’art et de le rendre accessible à de nouvelles classes sociales.

Au cours des années soixante, de nombreux artistes ont eu comme objectif de «Saborder le concept bourgeois de grand art» L’art de l’exposition . Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle (Paris, Regard, 1998), Claes Oldenburg est totalement dans cette idée, et «The Store» en est le parfait témoin. L’installation de son magasin dans le Lower East Side (quartier plutôt pauvre, populaire et très cosmopolite de Manhattan) témoigne d’un désir d’ouvrir l’art à un nouveau public et de s’éloigner du public riche et bourgeois. Cette tendance se retrouve dans le déplacement du pole artistique New Yorquais de Greenwich Village au Lower East Side. Le quartier de Greenwich Village s’embourgeoisant trop, les artistes l’on fuit et ont trouvé refuge dans un quartier plus cosmopolite, ils y recherchaient un renouveau pour leur art ou bien comme dit dans le livre «L’art de l’exposition . Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle (Paris, Regard, 1998)»: «La vitalité qui émanait des quartiers surpeuplés et des plus défavorisés.».

Vue intérieure de « The Store »

En proposant de nouvelles formes d’art, de nouveaux lieux d’exposition et des nouveaux moyens de monstration de son art, Claes Oldenburg et les artistes du début des années soixante tentent «d’éduquer la bourgeoisie» à un art plus brut, plus proche des classes moyennes et populaires, s’ouvrant à l’art, art qui vient à eux avec cette migration du pôle artistique. On retrouve ce désir de s’éloigner de la bourgeoise dans l’exposition «The Street» également par Claes Oldenburg, en adoptant une esthétique proche du graffiti il souhaite s’approcher des manifestations graphiques communes aux rues du Lower East Side. Il voit dans l’utilisation du langage de la rue, le meilleur moyen de revivifier l’art tout en le désembourgeoisant, il puise dans ce quartier cosmopolite de nouvelles inspirations. Avec «The Store», il cherche à faire plus que déranger cette bourgeoisie, il leur présente des produits alimentaires grossièrement peints, aux couleurs criardes et aux contours grossiers et inégaux. Il tente de montrer à cette classe dominante la réalité de la nouvelle société de consommation. Avec son magasin il cherche à oblitérer de l’art l’idée bourgeoise du beau et de l’agréable. Comme en témoignent les photos, le magasin semble inhospitalier, les néons blancs éclairent des objets placés du sol au plafond. Il essaie de confronter les spectateurs à une réalité nouvelle. La photographie ci-dessus le montre parfaitement, avec notamment ce sac plastique semblant à la fois dégouliner et être porté au vent, ou encore ce vêtement jaune et noir pendant au plafond. Il confronte les spectateurs à un art brut et pop. Il place son magasin comme un bastion de la guérilla contre la bourgeoisie dans laquelle nombre d’artiste urbains de cette époque s’étaient lancés. Il tente de déplacer le pôle artistique de la bourgeoisie aux classes plus populaires. Oldenburg change un lieu plutôt lié aux classes populaires (le magasin de quartier) en musée, qui lui est un environnement plutôt fréquenté par les classes plus aisées.

Cependant, le magasin d’Oldenburg attira un grand nombre de collectionneurs aisés, marchands d’art et consort affluant dans cette galerie à la recherche du bouleversements ou de l’étonnement, confirmant l’idée de l’artiste d’un art contraint à être bourgeois.

La critique d’une nouvelle société de consommation

Comme évoqué auparavant le déménagement des artistes de Greenwich Village au Lower East Side à eu pour effet de renouveler leur champ graphique. Cette nouvelle inspiration est particulièrement saisissante chez Oldenburg, avec l’exposition mentionnée précédemment «The Street» et bien évidement «The Store», qui va faire plus que s’inspirer de ce nouveau quartier prisé des artistes. Le magasin de Oldenburg est une critique ouverte de la nouvelle société de consommation post seconde guerre mondiale. Ce conflit aura eu un fort impact sur les USA, il crée une pérennité économique dans le pays tout en lui donnant le leadership mondial, imposant son nouveau modèle économique et consumériste. C’est l’avènement de cette nouvelle société de consommation qui est vivement critiquée par Oldenburg dans son magasin. Il va vendre des simulacres de produits de consommations à des prix variables (d’une vingtaine de dollars à plusieurs centaines), parodiant ainsi le système économique.

Le magasin peut aussi être vu comme un objectif, une étape importante du rêve américain. Partir de rien pour arriver à être propriétaire. L’ouverture de «The Store» par Claes Oldenburg pourrait avoir comme volonté de parodier ce rêve américain. Avec ce magasin il affirme une sorte de réussite liée à son exposition précédente «The Street» et critique le système d’échelle sociale en ouvrant une parodie de magasin dans lequel il vends son art; art prenant la forme de faux produits de consommation. Oldenburg transfigure le magasin et applique l’idée du rêve américain à la réussite des artistes, démontrant ainsi que l’art est intrinsèquement lié au monde de l’argent, il compare son atelier/galerie à un magasin et ses œuvres à de simples produits. On peut voir dans «The Store» une dissonance entre artiste et artisan. D’un côté Oldenburg affirme totalement son statut d’artiste contemporain en créant un environnement et un style ne répondant à aucune commande ou désir des sphères sociales bourgeoises, mais de l’autre il rapproche l’art de simples produits de consommation vendus dans un magasin. Il reprend l’idée d’artiste vendeur, revenant aux bases de l’art lorsque l’artiste était artisan. Au travers de cette exposition il questionne la nature même de l’art, il démontre le lien unissant le monde de l’art et le monde économique. Oldenburg annonce ouvrir un magasin dans le quel on trouvera « Des marchandises ordinaires comme on en voit dans les magasins et vitrines de la ville » et que « Les objets seront vendus dans la boutique », il tente donc de se rapprocher du modèle du magasin classique comme on en voit dans les rues du Lower East Side.

« 7-UP » 1967 Claes Oldenburg

On peut également se questionner sur l’idée de représenter des produits à l’aspect grossier voir même repoussant, notamment ses produits alimentaires dont certains semblent à la fois très réalistes mais repoussants. «Pastry Case», œuvre évoquée auparavant, en est l’exemple parfait, plus on s’attarde devant ce présentoir rempli de gâteaux en tout genre, plus un sentiment de malaise s’installe, on se met à remarquer les imperfections, les couleurs trop criardes du nappage, les reflets dus à la peinture ou les boursouflures, créant un dégoût assez intense. C’est une œuvre qui dans un premier temps semble agréable et presque appétissante, mais qui après observation devient presque repoussante. On ressent ce sentiment au travers de nombreuses œuvres d’Oldenburg, certaines nous sont même directement repoussantes comme par exemple la cannette de «7UP», boursouflée et accrochée au mur. Les couleurs criardes et intenses, pourraient tourner en dérision le colorisme utilisé par les agences de publicité afin d’attirer le regard des acheteurs sur les produits, complétant d’autant plus la parodie du système économique des années soixante. On peut imaginer qu’au travers de ces sculptures alimentaires, Oldenburg tente une critique de l’agroalimentaire, tendance se mettant en place à cette même période commençant à s’installer dans les habitudes américaines.

Vendre ses faux produits alimentaires et produits de consommation quotidienne rappelle inexorablement l’essor de cette nouvelle société de consommation américaine en pleine expansion, beaucoup d’artistes de la même époque vont puiser dans cette iconographie nouvelle: Andy Warhol, William Eggleston, Wolf Vostel ou James Rosenquist. Ces artistes pop ne s’inspirent plus de mythes et histoires anciennes, ils puisent leurs inspirations dans l’actuel, un actuel marqué en grande partie par la nouvelle société américaine post seconde guerre mondiale avec sa pérennité économique, ses marques s’affirmant de plus en plus et s’imposant dans l’imaginaire collectif.

« Pie a La Mode » Claes Oldenburg 1962

Claes Oldenburg traduit cette nouvelle société au travers de son magasin rempli à ras bord d’objet dégoulinants de peinture, l’atmosphère semble étouffante, il utilise tous les recoins du magasin pour exposer, on trouve des œuvres simplement posées contre les murs ou pendant du plafond, l’éclairage blanc néon instaure une ambiance froide presque inquiétante. Il critique une nouvelle culture matérialiste liée à l’objet, «The Store» est tout sauf une approbation et célébration de la société de consommation, c’est une monstration d’un certain dégoût de la sur-accumulation d’objets, il crée un environnement quasi «Diogénique» (en référence au syndrome) dont il vend le produit pour emplir ensuite l’espace personnel des acheteurs.

Oldenburg présente donc avec son échoppe une critique ouverte de la société américaine consumériste post guerre. Il parodie le principal vecteur de cette consommation (le magasin) et ses produits. Cependant, cette sorte «d’extension du happening» remet aussi en question les institutions muséales et artistiques de son époque de bien des manières.

La critique des institutions muséales et artistiques de son époque.

«The Store» dépeint un environnent violent, coloré et vivant, il se place aux antipodes du white cube, modèle d’exposition le plus en vogue à son époque. Oldenburg cherche à contextualiser son art en l’éloignant des institutions muséales et de ses conditions d’expositions aseptisées. On retrouvera ce désir au long de la carrière d’Oldenburg, notamment avec ses œuvres de grandes tailles faisant partie à part entière d’un décor. Dans ce cas on peut citer son immense sculpture «Spoon Bridge and Cherry», ou bien sa «Bicyclette ensevelie», ces deux œuvres font vivre et vivent grâce à ce décor qui les entoure. Les œuvres vendues dans son magasin sont dans le même cas, en les vendant il les décontextualise, personne ne sait dans quelles conditions les acheteurs ont exposé les œuvres qu’il à produites et vendues pour son magasin, rapprochant d’autant plus ses créations de produits basiques à l’avenir inconnu. Le magasin d’Oldenburg est un réponse violente aux conditions imposées par le white cube, il expose dans un milieu contextuel donnant tout son sens à ses pièces. Les œuvres se répondent entre elles et participent à créer un environnement aux antipodes du white cube. «The Store» est un environnent vivant en constante évolution, il change selon les achats et créations faites en lui. Oldenburg prend le contre-pied des institutions muséales avec son magasin, c’est un environnement s’opposant aux musées, galeries et salons classiques, c’est une sorte de happening sur le long terme, mélangeant peinture, sculpture et mise en scène d’œuvres. Avec «The Store», Oldenburg touche à de nombreux médiums de l’art tout en refusant de se conformer à leurs normes. Comme l’exprime Barbara Rose, «Il réunit dans un champ unitaire la peinture, la sculpture et l’architecture», bien qu’elle parlait de l’exposition «The Street» dans cette citation, celle ci s’applique également parfaitement pour «The Store», exposition à laquelle il ajoutera un recueil de textes et de poésies. L’artiste cherche à remettre en question les façons d’exposer, changer le public de l’art et comme dit dans: L’art de l’exposition . Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle (Paris, Regard, 1998) «Oublier l’aspect commercial et la vanité d’une exposition longuement préparée.». Son magasin propose une démonstration d’art brute et violente, il cherche à désembourgeoiser cet art et dénonce son aspect commercial et spéculatif, il produit ses objets dans des matériaux peu chers et simples, qu’il revend à des prix allant d’une vingtaine à plusieurs centaines de dollars.

Affiche de « The Store »

«The Store» fut certes à l’origine de controverses dues à son caractère brut et provocateur, mais il bénéficia quand même d’un certain succès auprès de critiques ayant apprécié sa scénographie. Les habitants du Lower East Side, population visée par l’exposition ne la fréquentèrent que peu, le plus gros du public fût comme évoqué précédemment des bourgeois et autres critiques. On remarque un fort désir de se séparer des exposition classiques, Oldenburg bouscule toute les conditions classiques d’expositions, la signalétique de l’exposition par exemple est une réutilisation d’une affiche avec encore des termes espagnols imprimés dessus, il vise à reproduire une affiche classique de magasin, il cherche à se fondre dans la masse des commerces de Manhattan plutôt que de se rapprocher des styles d’autres affiches d’exposition d’art de son époque. L’affiche est simple avec les horaires d’ouvertures, l’adresse, le nom de la fausse entreprise de Oldenburg (Ray-gun manufactoring company) ainsi que une mention de la Green Gallery, une galerie d’art de la première moitié des années soixante, réputée pour sa mise en avant d’artistes alternatifs.

« White Gym Shoes » Claes Oldenburg 1962

Claes Oldenburg se place en hériter de mouvements comme l’expressionnisme abstrait, il peut même aller jusqu’à rappeler le néo dadaïsme dans son côté activiste et engagé. Les inspirations de l’expressionnisme abstrait sont fortes chez Oldenburg, il est à mi chemin entre celui-ci et le pop art. L’expressionnisme abstrait, désignait à la base la touche de Kandinsky, cependant, c’est Clément Greenberg et Harold Rosenberg qui vont identifier dans celui-ci deux étiquettes: «l’Action Painting» et le «Collor-Field Painting». Jackson Pollock et ses Drippings représentent «l’Action Painting», tandis que le « Collor-Field Painting » lui est plutôt porté par des artistes comme Rothko et ses grands aplats de couleur. L’expressionnisme abstrait est un mouvement annihilant les formes géométriques, il s’affranchit de la relation figure/fond pour laisser l’artiste s’exprimer au travers de couleurs et de formes nouvelles allant des grands aplats lisses de Barnett Newman aux énigmatiques formes de Willem de Koonig. Rosenberg décrira ces artistes comme «des peintres d’action», il expliquera que ces peintres considèrent la toile comme une arène, qu’ils la transforment en un événement. On retrouve totalement le côté événementiel de l’expressionnisme abstrait dans «The Store» et sa sorte d’extension du happening ou le fait même de tenir ce magasin est une manifestation artistique. Les création d’Oldenburg peuvent êtres rapprochées de «l’Action Painting», style représenté pas Jackson Pollock et ses Drippings dont Claes Oldenburg est un grand admirateur. La peinture coulante et criarde de ses produits rappelle incontestablement les Drippings de l’artiste. On retrouve la même touche, le même rendu chez les deux artistes, cette touche est particulièrement visible sur les «White Gym Shoes» ou encore dans la robe présentée ci contre. Ces deux objets d’Oldenburg représentent à merveille les influences de l’expressionnisme abstrait. Ils sont la synthèse du style à mi chemin entre pop art et expressionnisme abstrait de Oldenburg.

Les premières itérations du pop art se font dès les années cinquante au travers d’artistes comme Robert Roschenberg ou encore Jasper Johns; ils se mettent à créer des œuvres inspirées d’une esthétique nouvelle en opposition au courant les précédant: l’expressionnisme abstrait. Amalgamant des images de leur environnement urbain et de la culture populaire les entourant, les artistes du pop art puisent dans une imagerie nouvelle inspirée par leur quotidien. Reprenant les couleurs intenses de la publicité, les figures du cinéma américain, ils se complaisent dans une culture populaire touchant toutes les sphères de la société. Des boîtes de soupe Campbel de Warhol aux reprises de personnages de comic’s de Roy Lichtenstein, le pop art prendra son véritable essor dans le début des années soixante. Cette esthétique reprend et détourne les grands codes de la culture américaine, de ses médias, à ses héros en passant par les publicités. Le pop art reprend ces sujets et leurs codes de représentation classiques (couleurs éclatantes, contours très marqués etc…) pour les transformer en art, c’est une réutilisation et réappropriation des codes populaires dans les arts «majeurs».

« Pepsi-Cola Sign » 1961 Claes Oldenburg

L’esthétique pop de «The Store» est bien loin de celle adoptée par la majorité des artistes du pop art classique. Comme mentionné précédemment, Oldenburg reprend une esthétique criarde et kitsch pour marquer au mieux les esprits. Les produits sont dégoulinants d’une peinture intense et saturée, les objets sont aisément identifiables mais sont imparfaits, que ce soit de par leur taille, leur forme ou leur peinture dégoulinante. Leurs contours, formes et couleurs imparfaites donnent l’impression qu’ils sortent d’un rêve ou d’un vague souvenir, ils sont comme une idée que l’on arrive pas à fixer. On retrouve beaucoup moins le chatoyant et le lumineux du pop art. Il émane des créations d’Oldenburg une imperfection quasi cauchemardesque, il détourne les codes du pop art pour rendre ses œuvres d’autant plus impactantes et nous transpose dans un autre monde une fois la porte de son magasin passé. Il est également à noter que «The Store» est un précurseur dans le domaine du pop art, prenant place dans le début des années soixante, il adopte une esthétique encore très proche de l’expressionnisme abstrait, ceci expliquant les différences avec les autres artistes du pop art.

L’une des « Soft Sculptures » de Oldenburg, « Soft Light Switches » de 1969

Oldenburg utilise à merveille une esthétique pop naissante afin de critiquer différents aspects d’une nouvelle société. Ses critiques peuvent aussi bien porter sur les modes de consommation, sur les institutions artistiques aseptisées ou encore la fermeture de l’art aux classes sociales populaires. Après «The Store», il restera fasciné par les produits alimentaires et quotidiens mais il se mettra à les agrandir jusqu’à leur faire atteindre des tailles titanesques. Il délaissera sa facture irréaliste, faite de coulures et de boursouflures pour se diriger vers des œuvres réalistes de grande échelle comme Knife/Ship II en 1986. Cependant entre «The Store» et ses sculpture géantes, il opérera un travail important sur la matière avec ses «Soft Sculptures» comme «Floor Burger» ou bien ses versions dures d’objets avec «Toilet, Hard Model» qu’il réalisera en bois. Le statut de précurseur de l’esthétique pop de «The Store» en fera une inspiration pour de nombreux artistes comme Wayne Thibeaud et ses gâteaux exposés rappelant «Pastry Case» ou « Pie a La Modes » et ses couleurs criardes. On peut également évoquer «The Diner» de George Segal dont les personnages de plâtre rappellent les objets de Oldenburg, on observe également dans cette œuvre un certain intérêt pour le quotidien et la banal, nous ramenant aux préoccupations de «The Store».

« Pie Counter » 1963 Wayne Thiebaud
« The Diner » 1964-66 George Segal

Bibliographie et webographie

https://artplastoc.blogspot.com/2014/01/192-loeuvre-de-claes-oldenburg-ne-en.html

https://books.openedition.org/pufr/3810

https://www.moma.org/explore/inside_out/2013/06/26/revisiting-oldenburgs-the-store/

https://www.printmag.com/post/claes-oldenburg-ray-gun

Bernd Klüser, Katharina Hegernish, L’art de l’exposition . Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle, Regard, 1998, Paris, 422 pages.

Giorgina Bertolino, Comment Identifier les mouvement artistiques, editions hazan, Milan, 2008, 383 pages.

Catherine Framcblin, Damien Sausset, Richard Leydier, L’ABCdaire de l’art contemporain, Flamarion, Paris,2003, 120 pages.

Birckel Thibault

Iness Sestac

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