« Théâtre du pouvoir » (2017-2018), Petite Galerie du Louvre

manonlaurino

Affiche de l'exposition
Figure n°1: Détail de l’affiche de l’exposition « Theatre du pouvoir »

“Théâtre du pouvoir” est une exposition qui s’est tenue entre le 27 septembre 2017 et le 2 juillet 2018 dans la Petite Galerie du musée du Louvre à Paris. Cet espace a été installé au sein du musée du Louvre dans l’aile Richelieu en 2014 à l’initiative de Jean-Luc Martinez le président-directeur du musée national du Louvre depuis 2013. Les co-comissaires d’exposition étaient Jean-Luc Martinez et Paul Mironneau. Cette exposition s’est d’abord tenu dans la Petite Galerie puis a été présentée au public au sein du musée nationale du château de Pau, c’est donc tout naturellement que Paul Mironneau le directeur-conservateur du musée du château de Pau s’est vu prendre part à la création de cette exposition. Le musée du Louvre est un musée qu’on peut qualifier de “mythique”. Il a été inauguré en août 1793. Le nouveau président voyant l’attrait pour les collections diminuer s’est donné l’objectif de rendre le Louvre “plus généreux, plus lisible et plus accessible”. C’est ainsi que le projet d’un espace d’exposition dit pédagogique a vu le jour. Les expositions présentées en son sein sont un moyen de réunir des œuvres importantes de l’histoire de l’art autour d’un thème transversal de l’histoire de l’art. Le lien entre l’art et le pouvoir est un vaste sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et pas seulement dans le domaine de l’histoire de l’art. On retrouve ce sujet principalement dans des domaines des sciences humaines tels que la sociologie ou l’anthropologie. Ce thème a donc été proposé comme le fil directeur de cette exposition pédagogique. Mais nous pouvons légitimement nous demander, dans quelles mesures l’exposition “Théâtre du pouvoir” est-elle proposée comme un outil pédagogique ? 

I. L’exposition comme une réflexion autour d’un thème transversal de l’histoire de l’art: 

  1. Une exposition autour de quatre sous-thèmes (soit quatre salles) pour approfondir le thème:

L’exposition “Théâtre du pouvoir” s’articule autour de quatre sous-thèmes qui correspondent aux quatre pièces de la Petite Galerie. Ces sous-thèmes sont définis dans l’espace. L’enfilade de pièces qui compose nous fait découvrir les sous thèmes les uns après les autres. Dans la première salle on se penche sur “Les figures du prince”. Les six œuvres représentent les différentes fonctions et figures royales: le roi-bâtisseur, le roi-guerrier, le roi-prêtre, etc. Dans la seconde salle, une dizaine d’œuvres s’articulent autour du sous thème “Persuader pour  légitimer le pouvoir”. Beaucoup de pièces sont des représentations d’Henri IV (1553-1610). C’est une figure emblématique car il est le premier des Bourbons. L’art avait joué un rôle important dans sa quête de légitimité au trône et celle des Bourbons en général. On remarque tout de même que bon nombre des œuvres dont il est le sujet ont été réalisées après sa mort. On peut donc dire que le sujet qu’est Henri IV est un sujet transversal. “Le modèle antique” est le sous-thème de la troisième salle. Cette salle ne possède que cinq œuvres qui sont censées se concentrer sur la statuaire équestre et le portrait équestre. Alors nous pouvons légitimement nous demander ce que font Les Douze Césars dans cette salle ? La dernière salle mélange objets de sacre, portraits de monarque et portraits contemporains sous le sous-thème “Les insignes du pouvoir”. L’œuvre la plus contemporaine est un double diptyque photographique d’Olivier Roller extraits des Figures du pouvoir. 

Figure n°2: Double diptyque, extrait de Figures du Pouvoir, Olivier Roller.
  1. Une transversalité visible à travers le florilège d’oeuvres choisies:

Les œuvres de cette exposition s’étalent un grand nombre de périodes de l’histoire de l’art. La chronologie couverte par cette exposition est très étalée. L’une des œuvres les plus anciennes date d’entre 874 et 850 avant JC soit au porte de l’Antiquité. Il s’agit du Pendentif au nom du roi Osorkon II: la famille du dieu Osiris. Parmi ces œuvres, on en retrouve de toutes périodes: Antiquité, haut Moyen-Âge, Renaissance, Siècle des Lumières ainsi que le XIXème, le XXème et le XXIème siècle. L’œuvre la plus récente est un projet photographique dont seulement un extrait est exposé. L’artiste Olivier Roller a travaillé sur les figures du pouvoir et propose ainsi un double diptyque entre une figure de pouvoir politique historique et une figure de pouvoir symbolique bien plus récente. Louis XIV est associé à Bernard-Henri Lévy et Jules César à Jacques Vergès. Ainsi, en parcourant 4 salles de la Petite Galerie du Louvre, on parcourt à peu près trente siècles, soit plus de trois-mille ans d’histoire de l’art. Cette étendue chronologique est un témoin indéniable de la transversalité du lien entre art et pouvoir à travers les âges. Le florilège des œuvres choisies permet aussi de rendre compte d’une transversalité du thème d’un point de vue technique. La diversité des techniques est impressionnante. On retrouve des peintures (huile sur toile, huile sur bois, émail peint), des ronde-bosses (marbre, argent, or, bronze, terre-cuite, ivoire, plâtre teinté, etc), des bas-reliefs (ivoire, marbre, bronze, plâtre), de la porcelaine (porcelaine dure de Sèvres, porcelaine molle) ainsi que de la photographie (diaporama sur écran, impression et exposition). 

  1. Offrir une autre lecture à des oeuvres déjà détenues par le musée:

Cette exposition se compose majoritairement d’œuvres des collections du Louvre. Le fait de réunir des pièces de diverses collections autour d’un thème précis permet aussi de ressortir des œuvres qu’on a peut-être moins l’habitude de voir. Ainsi, cette exposition offre une autre lecture et une autre approche de l’œuvre. Par exemple, l’huile sur toile Louis XIII couronné par la victoire (siège de La Rochelle, 1628) de Philippe de Champaigne n’apparaît plus aux yeux des spectateurs que comme une œuvre historique, témoin du passé mais également comme une pièce forte qui a été instrumentalisée par le pouvoir royal. Cette volonté d’offrir une autre lecture aux œuvres du Louvre se confirme par la création de plusieurs parcours. En tout, cinq parcours à travers les différentes collections et en rapport avec la thématique ont été mis en place. Ils semblent être aussi des témoins de la transversalité de ce thème dans l’histoire de l’art. Des œuvres au-delà de celles de l’exposition peuvent nourrir la réflexion autour du lien entre pouvoir et art. Ces parcours apparaissent comme  un prolongement de l’exposition de la Petite Galerie à l’intérieur du musée du Louvre, ils sont pensés ainsi. 

II. L’exposition comme un outils de lecture des oeuvres d’art: 

  1. Reflexion autour de l’aspect éducatif de l’exposition:

Une exposition dite éducative se reconnaît souvent à la diversité des ressources mises en place autour de la stricte exposition des œuvres. Ces ressources peuvent agir comme des outils de lecture. D’abord, le Louvre a fait éditer un catalogue d’exposition dans lequel il y avait une grande place pour la photographie. L’image est la partie la plus importante de ce catalogue afin de faciliter l’apprentissage et éveiller au rapport à l’image. Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée national du Louvre, le dira lui-même dans sa présentation de l’exposition le 27 septembre 2017 à l’auditorium du Louvre: “Nous souhaitons par cet espace que les visiteurs apprennent à regarder”. Les visiteurs seraient, selon lui, de plus en plus éloignés des collections du Louvre et cette Petite Galerie permettrait l’initiation de ces derniers. J-L. Martinez pense que les visiteurs après ce passage par cette exposition ont acquis des connaissances qui leur permettrait de “revenir à la conquête des œuvres du Louvre”.  Cet espace de la Petite Galerie se trouve dans l’aile la moins visitée et attire donc des visiteurs là où ils vont moins. Ainsi, cette exposition à l’intérieur d’exposition bien plus grande est aussi interactive. De nombreuses captures en trois dimensions ont été faites sur les œuvres de petites tailles ou les œuvres possédants des détails cachés afin d’affiner leur lecture. 

  1. Relation entre espace et visée pédagogique:

Les quatre salles de l’exposition s’articulent autour de quatre sous-thèmes. Ces pièces sont le premier lien que l’on peut faire entre l’espace et la visée pédagogique. La première salle apparaît comme une introduction au sujet, elle ouvre la réflexion et permet d’obtenir différentes clefs de lecture applicables dans les autres salles. Dans la deuxième salle, nous sommes presque face à une exposition dans l’exposition puisque l’on se penche sur la figure d’Henri IV. J-L. Martinez définit cette salle comme un “dossier sur la propagande royale du XVIème siècle au travers du personnage d’Henri IV”. On pourrait presque dire que les œuvres de la première salle ouvraient sur ce registre. Dans la troisième salle, c’est l’héritage antique romain qui est mis en valeur. L’accent est porté sur l’influence de l’iconographie romaine sur la représentation des personnages royaux à travers les époques et plus précisément sur la thématique du portrait équestre. La dernière salle s’ouvre sur la présentation de régalias donc des objets d’arts puis se poursuit par la mise en scène de ces objets. Cette salle se veut évocatrice des ruptures et des continuités dans l’iconographie du pouvoir après la Révolution française. Elle offre en plus une continuité de l’exposition par le diaporama des portraits officiels des présidents de la République ainsi que l’œuvre photographique d’Olivier Roller que nous avons déjà évoquée. L’accrochage a été fait sur des murs blancs et les objets en trois dimensions mis sous verre. Les cartels sont un peu particuliers puisqu’au dessus de chacun des petits détails sont mis en valeur sur l’oeuvre, comme des petits schémas. Ce dispositif est censé faciliter la lecture de l’oeuvre. Dans la dernière salle, sur le coté gauche, on remarque une zone avec des bancs qui semble idéal comme outils de médiation culturelle. L’espace est donc vraiment optimisé pour offrir tous les outils pédagogique possible.

Figure n°3: Cartel de la salle 2, exemple de schéma en haut des cartels.

Cette exposition « Théâtre du pouvoir » est d’abord pensée comme une réflexion autour d’un thème transversal de l’art. Le thème est décrypté à travers quatre salles qui incarnent chacune un sous-thèmes. La transversalité de ce thème est clairement visible grâce à la diversité historique des œuvres ainsi que la diversité technique. Ainsi, la transversalité de ce thème permet d’offrir une seconde lecture à des œuvres déjà possédé par le Louvre dans cet espace de la Petite Galerie que Florence Dinet, la cheffe de projet, décrit comme une « école du regard« . Cette exposition propose aussi une réflexion autour de l’exposition comme outils pédagogique. Elle met en avant une réflexion affichée par les commissaires et le Louvre autour de l’aspect éducatif de l’oeuvre. On remarque une mise en relation évidente entre visée pédagogique et gestion de l’espace. Pourtant, cette revendication de l’exposition comme permettant une lecture de l’art à ce qui s’y seront instruit se veut peut-être inscrite dans la continuité de ce mythe de l’art presque élitiste. Cet art destiné aux élites intellectuelles qui ne serait pas accessible au plus grand nombre. Le but est donc d’éveiller l’esprit des jeunes enfants et des familles qui sans la Petite Galerie se retrouveraient semble-t’il dans la plus grande incompréhension devant les chefs-d’oeuvres du musée du Louvre. Jean-Luc Martinez se veut l’ambassadeur de la vulgarisation artistique. Pourtant, cette intellectualisation du regard qu’on prône comme étant une barrière entre le spectateur et l’oeuvre n’est-elle pas elle-même un mythe. Cet art que l’on pensait n’est qu’un brillant travail de la matière avant la Renaissance serait maintenant inaccessible à tous ses spectateurs. L’interprétation des œuvres n’est pas une science exacte ni un processus unilatéral , c’est pourquoi nous pensons qu’il faut être prudent lorsqu’on veut éduquer le regard du spectateur.

Bibliographie:

Arasse, D. L’art et l’illustration du pouvoir. In: Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne. Actes de la table ronde de Rome (15-17 octobre 1984) Rome : École Française de Rome, 1985. pp. 231-244. (Publications de l’École française de Rome, 82)

Bouchard, J. (1992). Art et pouvoir. Redessine-moi mon histoire et je te dirai qui je suis. Anthropologie et Sociétés, 16(3), 147–158. https://doi.org/10.7202/015247ar
https://www.erudit.org/fr/revues/as/1992-v16-n3-as791/015247ar/

Webographie:

Site officiel de l’exposition: https://www.louvre.fr/expositions/theatre-du-pouvoir et https://petitegalerie.louvre.fr/content/saison-2017-2018

Visite en 360° de l’exposition: https://petitegalerie.louvre.fr/visite-virtuelle/saison3/index.html#/petite_galerie_11/*

Critiques à propos de l’exposition: 

https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/theatre-du-pouvoir-une-galerie-de-rois-au-louvre-1176973/

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/theatre-du-pouvoir-la-communication-politique-a-travers-les-ages-787316.html

A propos de l’exposition éducative:

Articles sur le site officiel du Musée national de l’histoire de l’immigration: https://www.histoire-immigration.fr/missions/la-diffusion-des-savoirs/l-action-educative

Bauwens, M. (2020). S’éveiller à l’art de Matisse dès 4 ans. Beaux Arts Magazine (version en ligne) https://www.beauxarts.com/lifestyle/seveiller-a-lart-de-matisse-des-4-ans/

Liste des figures:

Figure n°1: Détail de l’affiche de l’exposition « Theatre du pouvoir » https://www.louvre.fr/expositions/theatre-du-pouvoir

Figure n°2: Double diptyque, extrait de Figures du Pouvoir, Olivier Roller.: https://www.olivierroller.com/images/expo-2017Louvre1.jpg

Figure n°3: Cartel de la salle 2, exemple de schéma en haut des cartels. Capture d’écran depuis la visite en 360°. https://petitegalerie.louvre.fr/visite-virtuelle/saison3/index.html#/petite_galerie_11/*

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